Tribunal administratif d'Orléans, 25 avril 2023, n° 2301545

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Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 27 avril 2023

Depuis quelques jours, la batterie est en danger, la batterie de cuisine s'entend. En effet, les déplacements du Président de la République et des membres du gouvernement font l'objet d'un accompagnement orchestral très particulier. Dans la pure tradition des anciens charivaris, les manifestants jouent de la casserole, dans le but de faire le plus de bruit possible et de développer leur pratique de la musique atonale. Le préfet qui fait tout Pour tenter de mettre un couvercle sur la marmite, les préfets se sont efforcés de tenir à distance ces musiciens d'un nouveau genre, en …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Orléans, 25 avr. 2023, n° 2301545
Juridiction : Tribunal administratif d'Orléans
Numéro : 2301545
Importance : Inédit au recueil Lebon
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 20 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 24 avril 2023 à 23h14, sous le n° 2301545 l’association de défense des libertés constitutionnelles et M. A C, représentés par Me Soufron, avocat, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté n° 41-2023-04 du 24 avril 2023 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a instauré un périmètre de protection à l’occasion de la visite officielle du Président de la République le 25 avril 2023 à Vendôme.

L’association de défense des libertés constitutionnelles et M. C soutiennent que :

— l’association, eu égard à son objet statutaire, a intérêt à agir dès lors que l’arrêté contesté restreint la liberté d’aller et venir et la liberté de manifester ; M. C est susceptible de se rendre à Vendôme dans la matinée du 25 avril 2023 et d’être ainsi directement affecté par l’arrêté litigieux ;

— la condition d’urgence est remplie en l’espèce, dès lors que le référé-liberté est l’unique voie de recours permettant d’obtenir une décision de justice sur la légalité de l’arrêté litigieux, qui a été publié tardivement et qui a une durée d’application de quelques heures seulement ;

— l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales de réunion, d’aller et venir, de manifestation et d’expression : la mention particulièrement floue de la menace terroriste sur le territoire national ne peut justifier à elle seule la mise en œuvre de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, qui est en fait détourné de sa finalité pour servir des préoccupations d’ordre public général, alors d’ailleurs que l’article 4 de l’arrêté interdit les dispositifs sonores amplificateurs de son, qui n’ont jamais été à l’origine d’un quelconque acte terroriste, pas plus que les cortèges, défilés et rassemblements revendicatifs ; l’arrêté est ainsi dépourvu de base légale ainsi que de nécessité et de proportionnalité.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2023, le préfet de Loir-et-Cher demande au juge des référés de rejeter la requête.

Le préfet soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie en l’espèce eu égard, d’une part, à l’heure à laquelle l’ordonnance du juge des référés est susceptible d’intervenir, d’autre part, à l’intérêt qui s’attache au maintien de l’arrêté contesté en raison des graves troubles susceptibles d’être générés par la suspension totale de cette mesure ;

— le recours à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure était justifié en l’espèce et la mesure est proportionnée à la menace ;

— subsidiairement, il est demandé au juge des référés de maintenir l’article 4 de l’arrêté contesté en substituant à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure les articles L. 211-3 et L. 211-4 du même code comme base légale de cet arrêté.

II. Par une requête enregistrée le 25 avril 2023 à 8h38, sous le n° 2301548, la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat des avocats de France, représentés par Me Ogier, avocate, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté n° 41-2023-04 du 24 avril 2023 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a instauré un périmètre de protection à l’occasion de la visite officielle du président de la République le 25 avril 2023 à Vendôme ;

2°) d’enjoindre au préfet d’adopter toutes mesures propres à lever les restrictions apportées aux libertés fondamentales en cause dans le présent recours ;

3°) de mettre une somme de 4 500 euros à la charge de l’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

— la Ligue des droits de l’homme, eu égard à son objet statutaire, et le Syndicat des avocats de France, eu égard à son activité reconnue dans la défense du droit de manifester ainsi qu’à sa participation très active à la mobilisation dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites, justifient d’un intérêt à agir ;

— la condition d’urgence est remplie en l’espèce, dès lors que l’arrêté a vocation à s’appliquer le lendemain de sa publication, pour une durée de 24 heures, et que seule la voie du référé liberté peut permettre d’obtenir une décision du juge administratif dans ce délai ;

— l’arrêté contesté porte une atteinte grave à la liberté de manifestation, à la liberté d’expression collective des idées et des opinions, à la liberté d’aller et venir ainsi qu’au droit au respect de la vie privée et familiale ;

— cette atteinte est manifestement illégale : 1°) s’agissant de l’instauration d’un périmètre de protection : l’arrêté ne précise pas en quoi une menace suffisamment circonstanciée permettrait de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure ; le dispositif institué a en fait pour objet de réguler l’élan de protestation qui a vocation à être exprimé en raison de la présence du Président de la République ; cet objectif n’étant pas légitime, l’interdiction en cause n’est ni nécessaire ni proportionnée et procède d’un détournement de pouvoir ; 2°) s’agissant de l’interdiction des manifestations et des rassemblements revendicatifs : en l’absence de réalité de risques de troubles à l’ordre public, et en l’absence de nécessité et de proportionnalité, cette mesure porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées ; la mesure d’interdiction méconnaît également l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure ; 3°) s’agissant de l’interdiction des dispositifs sonores amplificateurs de son : l’exigence de lisibilité des mesures de police est méconnue dès lors qu’il n’est pas indiqué précisément ce à quoi il est fait référence ; aucun texte ne permet d’autoriser une telle restriction ; en outre cette restriction est sans lien avec l’objectif de maintien de l’ordre public poursuivi par l’arrêté ; si la mesure vise à interdire les concerts de casseroles, elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression collective des idées et des opinions.

Par un mémoire en intervention enregistré le 25 avril 2023, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale Solidaires s’associent aux conclusions de la requête. Ils font valoir qu’ils ont intérêt à intervenir et exposent, s’agissant de la condition d’urgence et de l’atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales, les mêmes moyens que ceux, analysés ci-dessus, de la requête.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2023, le préfet de Loir-et-Cher demande au juge des référés de rejeter la requête.

Le préfet soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie en l’espèce eu égard, d’une part, à l’heure à laquelle l’ordonnance du juge des référés est susceptible d’intervenir, d’autre part, à l’intérêt qui s’attache au maintien de l’arrêté contesté en raison des graves troubles susceptibles d’être générés par la suspension totale de cette mesure ;

— le recours à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure était justifié en l’espèce et la mesure est proportionnée à la menace ;

— subsidiairement, il est demandé au juge des référés de maintenir l’article 4 de l’arrêté contesté en substituant à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure les articles L. 211-3 et L. 211-4 du même code comme base légale de cet arrêté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la sécurité intérieure ;

— la décision n° 2017-QPC du 29 mars 2018 du Conseil constitutionnel ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. D, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, en qualité de juge des référés présentés sur le fondement des dispositions des articles L. 521-1 à L. 521-4 de ce code.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 25 avril 2023 à 13 heures, le juge des référés a présenté son rapport et entendu les observations :

— de Me Soufron, avocat de l’association de défense des libertés constitutionnelles et de M. C, qui persiste dans les conclusions de la requête et demande en outre qu’une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l’état en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Me Soufron reprend les moyens de la requête et fait valoir en outre que les éléments invoqués par le préfet de Loir-et-Cher dans son mémoire en défense et la pièce jointe à ce mémoire sont insuffisants pour justifier l’application de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure ; Me Soufron met en cause également l’étendue du périmètre de protection et fait valoir que les conditions posées par les articles L. 211-3 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure ne sont pas réunies ;

— de Me Ogier, avocate de la Ligue des droits de l’homme et du Syndicat des avocats de France ainsi que des intervenants, qui persiste dans les moyens et conclusions de la requête et qui fait valoir en outre que : la condition d’urgence reste remplie, dès lors que l’arrêté a vocation à s’appliquer toute la journée ; cet arrêté, en tant qu’il continue à s’appliquer après le départ du Président de la République, n’est pas nécessaire ; l’interdiction de manifester n’est pas nécessaire dès lors qu’un périmètre de protection est délimité ; les conditions posées par les articles L. 211-3 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure ne sont pas réunies et il ne pourra dès lors pas être fait droit à la demande de substitution de base légale du préfet ;

— et de Mme B, représentant le préfet de Loir-et-Cher, qui persiste dans les écritures en défense.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique à 13h55.

Considérant ce qui suit :

1. En prévision de la visite du Président de la République à la maison de santé pluridisciplinaire située rue Christiane Granger à Vendôme, le préfet de Loir-et-Cher, par un arrêté n° 41-2023-04 du 24 avril 2023 publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, a, sur le fondement des dispositions de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, instauré un périmètre de protection dans cette commune. Ce périmètre est délimité par l’article 1er de l’arrêté, qui en prévoit les points d’accès à l’article 2. L’article 3 de l’arrêté dispose que les personnes ne pourront accéder au périmètre qu’après un filtrage systématique et des mesures de vérification subordonnées à leur consentement. L’article 4 de l’arrêté prévoit que les mesures suivantes sont applicables à l’intérieur du périmètre : interdiction des cortèges, défilés et rassemblements revendicatifs ; interdiction du port, du transport et de l’utilisation des artifices de divertissement, des articles pyrotechniques, des armes à feu y compris factices et des munitions, ainsi que de tout objet susceptible de constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal ou pouvant servir de projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes et des biens ; interdiction du stationnement et de la circulation des véhicules et possibilité de les lever en cas de gêne ; interdiction des dispositifs sonores amplificateurs de son. L’association de défense des libertés constitutionnelles et M. A C, sous le n° 2301545, la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat des avocats de France, sous le n° 2301548, ont saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative de requêtes tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.

Sur l’intervention du Syndicat de la magistrature et de l’Union syndicale Solidaires à l’appui de la requête n° 2301548 :

2. Le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale Solidaires justifient d’un intérêt suffisant à la suspension de l’exécution de l’arrêté en litige. Leur intervention à l’appui de la requête n° 2301548 est par suite recevable.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

4. Aux termes de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure : « Afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation, le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut instituer par arrêté motivé un périmètre de protection au sein duquel l’accès et la circulation des personnes sont réglementés () / L’arrêté définit ce périmètre, limité aux lieux exposés à la menace et à leurs abords, ainsi que ses points d’accès. Son étendue et sa durée sont adaptées et proportionnées aux nécessités que font apparaître les circonstances. L’arrêté prévoit les règles d’accès et de circulation des personnes dans le périmètre, en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale, ainsi que les vérifications, parmi celles mentionnées aux quatrième et sixième alinéas et à l’exclusion de toute autre, auxquelles elles peuvent être soumises pour y accéder ou y circuler, et les catégories d’agents habilités à procéder à ces vérifications () / Lorsque, compte tenu de la configuration des lieux, des véhicules sont susceptibles de pénétrer au sein de ce périmètre, l’arrêté peut également en subordonner l’accès à la visite du véhicule, avec le consentement de son conducteur. Ces opérations ne peuvent être accomplies que par les agents mentionnés aux 2° à 4° de l’article 16 du code de procédure pénale et, sous la responsabilité de ces agents, par ceux mentionnés à l’article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du même code. / Les personnes qui refusent de se soumettre, pour accéder ou circuler à l’intérieur de ce périmètre, aux palpations de sécurité, à l’inspection visuelle ou à la fouille de leurs bagages ou à la visite de leur véhicule s’en voient interdire l’accès ou sont reconduites d’office à l’extérieur du périmètre par les agents mentionnés au sixième alinéa du présent article ». Aux termes de l’article L. 211-3 du même code : « Si les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public et à compter du jour de déclaration d’une manifestation sur la voie publique ou si la manifestation n’a pas été déclarée, dès qu’il en a connaissance, le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut interdire, pendant les vingt-quatre heures qui la précèdent et jusqu’à dispersion, le port et le transport, sans motif légitime, d’objets pouvant constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal. L’aire géographique où s’applique cette interdiction se limite aux lieux de la manifestation, aux lieux avoisinants et à leurs accès, son étendue devant demeurer proportionnée aux nécessités que font apparaître les circonstances () ». Enfin aux termes de l’article L. 211-4 du même code : « Si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle l’interdit par un arrêté qu’elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu. / Le maire transmet, dans les vingt-quatre heures, la déclaration au représentant de l’Etat dans le département. Il y joint, le cas échéant, une copie de son arrêté d’interdiction. / Si le maire, compétent pour prendre un arrêté d’interdiction, s’est abstenu de le faire, le représentant de l’Etat dans le département peut y pourvoir dans les conditions prévues à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ».

En ce qui concerne l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

5. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure qu’un périmètre de protection ne peut être institué par le préfet en application de ces dispositions qu’aux fins d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation. En l’absence de circonstances particulières, un déplacement du Président de la République ne saurait être regardé comme justifiant à lui seul, par sa nature, l’instauration d’un périmètre de sécurité. La circonstance que le plan Vigipirate a été activé au niveau « sécurité renforcée – risque attentat » ne permet pas plus de considérer qu’un déplacement du Président de la République justifierait, en l’absence de circonstances particulières, l’instauration d’un périmètre de sécurité.

6. En deuxième lieu, le climat social actuel et en particulier la mobilisation liée à la contestation de la réforme des retraites ne suffisent pas, alors même que plusieurs manifestations ont donné lieu à des violences et dégradations de la part de casseurs, à caractériser en l’espèce l’existence d’un risque d’actes de terrorisme au sens de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure.

7. En troisième lieu, pour établir que le déplacement du Président de la République à Vendôme, le 25 avril 2023, pourrait laisser craindre un risque d’actes de terrorisme, le préfet de Loir-et-Cher, outre les considérations générales écartées aux points précédents, produit une capture d’écran de commentaires publiés sur le site d’un quotidien régional annonçant la venue du Président de la République. Si l’un de ces commentaires est ainsi rédigé : " Heu ! armurier de Vendôme dévalisé aussi ", aucun élément ne permet de penser que ce commentaire révèlerait autre chose qu’un sens douteux de l’humour, et en tout cas qu’il serait lié à un quelconque projet terroriste de son auteur.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Loir-et-Cher ne pouvait pas légalement instaurer un périmètre de protection sur le fondement de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure. Si le préfet, dans son mémoire en défense, demande une substitution de base légale en faisant valoir que les mesures figurant à l’article 4 de son arrêté, et en particulier l’interdiction de manifester ainsi que de port d’armes, pouvaient être légalement prises sur le fondement des articles L. 211-3 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, il n’apporte aucun élément de nature à établir qu’une manifestation aurait été déclarée ou qu’il aurait eu connaissance d’un projet de manifestation non déclarée dans le périmètre concerné. Dès lors, le préfet de Loir-et-Cher, par l’arrêté en litige, a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir.

En ce qui concerne la condition d’urgence :

9. L’arrêté litigieux, publié dans la soirée du 24 avril 2023, s’applique toute la journée du 25 avril 2023. La présente ordonnance intervient alors que cet arrêté n’a pas encore cessé de produire ses effets. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, contrairement à ce que soutient le préfet de Loir-et-Cher, aucun intérêt public suffisant ne justifie le maintien de cet arrêté. Il y a lieu dès lors d’en ordonner la suspension.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants, dans chacune des instances, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L’intervention du Syndicat de la magistrature et de l’Union syndicale Solidaires est admise.

Article 2 : L’exécution de l’arrêté n° 41-2023-04 du 24 avril 2023 du préfet de Loir-et-Cher est suspendue.

Article 3 : Les conclusions des requêtes n° 2301545 et n° 2301548 sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association de défense des libertés constitutionnelles et à la Ligue des droits de l’homme, pour les requérants, ainsi qu’au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Loir-et-Cher.

Fait à Orléans, le 25 avril 2023.

Le juge des référés,

Frédéric D

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2301545



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Tribunal administratif d'Orléans, 25 avril 2023, n° 2301545