Tribunal administratif de Rennes, 25 juillet 2023, n° 2303539

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Chronologie de l’affaire

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www.glaz-avocats.fr · 1er août 2023

Par une ordon­nance du 25 juil­let 2023, le juge des référés du tri­bunal admin­is­tratif de Rennes (JRTA) a ordon­né la sus­pen­sion de l'ar­rêté par lequel le maire de Rémini­ac (56) avait refusé de délivr­er un per­mis de con­stru­ire pour la réal­i­sa­tion de qua­torze abris à volailles avec toi­ture pho­to­voltaïque (TA Rennes, 25 juil­let 2023, no 2303539). Contexte Une EARL (exploita­tion agri­cole à respon­s­abil­ité lim­itée) exploite un éle­vage de 18 000 poules pon­deuses de plein air, sur un par­cours d'environ sept hectares, à Rémini­ac dans le Mor­bi­han (56). En mars …

 

www.glaz-avocats.fr · 1er août 2023

Par une ordon­nance du 25 juil­let 2023, le juge des référés du tri­bunal admin­is­tratif de Rennes (JRTA) a ordon­né la sus­pen­sion de l'ar­rêté par lequel le maire de Rémini­ac (56) avait refusé de délivr­er un per­mis de con­stru­ire pour la réal­i­sa­tion de qua­torze abris à volailles avec toi­ture pho­to­voltaïque (TA Rennes, 25 juil­let 2023, no 2303539). Contexte Une EARL (exploita­tion agri­cole à respon­s­abil­ité lim­itée) exploite un éle­vage de 18 000 poules pon­deuses de plein air, sur un par­cours d'environ sept hectares, à Rémini­ac dans le Mor­bi­han (56). En mars …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 25 juill. 2023, n° 2303539
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2303539
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 26 juillet 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, la société Novafrance Energy et l’EARL B Lionel, représentées par Me Perrin, demandent au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 23 mai 2023 par lequel le maire de Réminiac a refusé de délivrer un permis de construire pour la réalisation de quatorze abris à volailles ouverts avec toiture photovoltaïque ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Réminiac le paiement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S’agissant de l’urgence à suspendre la décision de refus du maire de Réminiac :

— la décision contestée, cumulée à d’autres décisions de portée identique, empêche la société Novafrance Energy d’exercer son activité, pour un motif purement juridique, dénué de fondement ;

— le motif d’absence de nécessité du projet pour l’activité agricole a été opposé à dix des treize demandes de permis de construire déposées par la société pétitionnaire dans le département du Morbihan, de manière indifférenciée, de sorte que les effets de la décision contestée dépassent, par leur ampleur, le strict projet de l’espèce ;

— la décision contestée place l’EARL B Lionel dans l’impossibilité de mettre son installation en conformité avec la réglementation européenne en matière d’élevage de volailles en y installant des abris et l’expose à de nouvelles pertes de volailles, notamment durant la période estivale ;

— les abris à volaille projetés ont pour but de diminuer le taux de mortalité des volailles lié aux prédateurs aériens et au stress thermique, auquel les volailles sont particulièrement exposées, et la perte de chiffre d’affaires qui en résulte pour l’exploitant ;

— aucun intérêt public ne s’oppose à la suspension de la décision contestée, le permis de construire provisoire pouvant faire l’objet d’une régularisation portant sur la réalisation d’une évaluation environnementale et les abris à volailles construits pouvant, si nécessaire, être désinstallés sans porter d’atteinte excessive à l’élevage concerné ;

S’agissant du doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :

— les législations européennes et nationales imposent aux éleveurs de volailles d’installer dans leurs espaces extérieurs des abris naturels ou artificiels pour pouvoir prétendre à la mention « œufs de poules élevées en plein air » ;

— le motif tiré du non-respect du critère de la nécessité agricole est erroné ;

— le projet s’insère dans un site déjà construit et ne porte pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et paysages existants, contrairement à l’un des motifs de la décision contestée ;

— le maire a commis une erreur de droit, dans l’application des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, en s’abstenant de caractériser le site d’implantation du projet avant de statuer sur ses conséquences pour ce site ;

— le maire a refusé de délivrer le permis de construire sollicité en appréciant des critères autres que ceux définis par l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, se fondant notamment sur la qualification du type de bâtiment envisagé, les matériaux utilisés, le nombre d’ouvrages et leur aspect extérieur ;

— le maire a également commis une erreur de droit en considérant que le projet d’abris à volailles avec toiture photovoltaïque était susceptible de porter atteinte à l’environnement paysager existant.

La procédure a été communiquée le 5 juillet 2023 à la commune de Réminiac qui n’a fait valoir aucune observation.

Vu :

— la requête n° 2303538 enregistrée le 4 juillet 2023 par laquelle la société Novafrance Energy et l’EARL B Lionel demandent l’annulation de l’arrêté du 23 mai 2023 par lequel le maire de Réminiac a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code de l’urbanisme ;

— l’arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l’élevage, à la garde et à la détention des animaux ;

— l’arrêté du 1er février 2002 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses ;

— l’arrêté du 1er février 2022 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Thalabard, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Thalabard,

— les observations de Me Weil, représentant la société Novafrance Energy et l’EARL B Lionel, qui maintient des conclusions, par les mêmes moyens, en soulignant que le recours s’inscrit dans un contexte où la société Novafrance Energy a été contrainte de saisir à plusieurs reprises la juridiction administrative pour obtenir les permis de construire, nécessaires au développement du concept innovant qu’elle porte, associant agroforesterie et photovoltaïque. Elle expose l’urgence à obtenir le permis de construire sollicité, compte tenu des délais inhérents à ce type de projet et de la nécessité de permettre à l’exploitation de M. B de se conformer aux exigences de la règlementation européenne et française, en précisant que ce projet a déjà précédemment fait l’objet de trois décisions de refus, que l’investissement pour la réalisation de ces abris est trop important pour l’exploitant, qui a donc besoin du soutien financier que permet la solution proposée par la société Novafrance Energy. Elle détaille les enjeux de ce projet, tant s’agissant de l’activité de la société Novafrance que s’agissant de l’exploitation agricole de M. B. Elle fait valoir que la nécessité agricole du projet en litige, qui prévoit l’implantation de quatorze abris, complétés par des plantations, est caractérisée et que son insertion paysagère est suffisamment démontrée par les pièces du dossier, alors que l’installation est isolée et que des haies permettront de dissimuler certains abris ;

— les explications de M. Lebel, président de la société Novafrance Energy, de M. A, directeur commercial de la société Novafrance Energy et de M. B, exploitant agricole.

La commune de Réminiac n’était ni présente, ni représentée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. L’Earl B Lionel exploite un élevage de 18 000 poules pondeuses de plein air, sur un parcours d’environ sept hectares, situé au lieu-dit Ker Elisa à Réminiac (Morbihan). La société Novafrance Energy, société spécialisée dans l’agrivoltaïsme a déposé, le 16 mars 2023, une demande de permis de construire auprès de la mairie de Réminiac en vue d’implanter quatorze abris à volailles avec toitures photovoltaïques d’environ 250 m2 chacun, au sein du parcours en plein air des animaux de l’exploitation agricole de l’Earl exploitée par M. B. Par la présente requête, la société Novafrance Energy et l’EARL B Lionel demandent la suspension de l’exécution de l’arrêté du 23 mai 2023 par lequel le maire de Réminiac a refusé de délivrer le permis de construire sollicité pour ce projet.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Le code de justice administrative dispose dans son article L. 521-1 que : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision ou de certains de ces effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

En ce qui concerne l’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. Il résulte de l’instruction que la société Novafrance Energy, spécialisée dans le développement de projets d’énergies durables, propose aux éleveurs de plein air de se charger de la mise en place, sur les parcours de volailles, d’abris artificiels, dotés de panneaux photovoltaïques, et d’abris naturels, afin de réduire les attaques des prédateurs aériens et de protéger la volaille des intempéries et des fortes chaleurs. Ces abris à volailles sont intégralement financés par la société Novafrance Energy grâce à la vente de l’électricité produite. La société Novafrance Energy fait toutefois valoir que depuis plusieurs mois, les maires des communes du Morbihan dans lesquelles elle a déposé des demandes de permis de construire lui ont systématiquement opposé des décisions de refus, au seul motif de l’absence de nécessité du projet à l’activité agricole. Alors que les vingt demandes de permis de construire déposées dans le département des Côtes-d’Armor ont été accordées, dix de ses treize demandes dans le département du Morbihan ont, ainsi, été refusées. Ce motif de refus, dont les effets dépassent dans leur ampleur le seul projet envisagé à Réminiac, a pour effet de rendre impossible le développement de son activité, alliant agroforesterie et photovoltaïque, et nuit à la poursuite de son modèle d’affaire, basé sur ce concept innovant pour lequel elle a recruté plus de dix salariés en douze mois.

5. Il résulte de l’instruction que la décision contestée a également pour effet de faire obstacle à la mise en conformité avec la réglementation européenne et nationale de l’élevage de volailles de M. B, lequel fait valoir, sans être contesté, être dans l’impossibilité de financer de tels abris, compte tenu des charges actuelles de son exploitation. En outre, le fait de renoncer à la mise en place d’abris sur son parcours de plein air, ou de différer ce projet, compte tenu des délais nécessaires pour la réalisation des abris envisagés, expose M. B à des pertes de volailles en raison de la mortalité due au stress thermique et aux attaques de prédateurs aériens.

6. Au regard de ces éléments, la décision du maire de Réminiac du 23 mai 203 refusant d’accorder un permis de construire pour la réalisation de quatorze abris à volailles ouverts avec toiture photovoltaïque doit être regardée comme préjudiciant de manière suffisamment grave et immédiate tant aux intérêts économiques de la société Novafrance Energy qu’à ceux de l’exploitation de M. B pour que la condition d’urgence, fixée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, soit considérée comme satisfaite.

En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision :

7. Pour fonder sa décision par laquelle il a refusé de délivrer un permis de construire à la société Novafrance Energy pour la réalisation de quatorze abris à volailles non clos et couverts par une toiture photovoltaïque, sur le terrain sur lequel M. B exploite un élevage de volailles, le maire de la commune de Réminiac a considéré, d’une part, que le dossier déposé ne permettait pas de justifier du rattachement et de la nécessité du projet au regard de l’exploitation agricole et d’autre part, que le projet est susceptible de porter atteinte à l’environnement paysager existant.

8. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 161-4 du code de l’urbanisme : " I.- La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception : / () 2° Des constructions et installations nécessaires : / () b) A l’exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production ; / () Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages. () ".

9. D’autre part, le point 2 portant dispositions relatives à l’élevage de plein air du chapitre I de l’annexe I de l’arrêté ministériel du 25 octobre 1982 relatif à l’élevage, la garde et à la détention des animaux prévoit que : « Les animaux non gardés dans des bâtiments sont, dans la mesure où cela est nécessaire et possible, protégés contre les intempéries et les prédateurs. Toutes les mesures sont prises pour minimiser les risques d’atteinte à leur santé. ». Les articles 3 et 4 de l’arrêté ministériel du 1er février 2002 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses prévoient que dans les systèmes d’élevage où les poules pondeuses ont accès à des espaces extérieurs, ceux-ci doivent notamment être pourvus d’abris contre les intempéries et les prédateurs et d’abreuvoirs appropriés.

10. Ainsi qu’exposé dans le dossier de demande de permis de construire, les abris à volailles en projet doivent permettre aux poules d’obtenir un ombrage substantiel et d’être moins exposées aux prédateurs aériens naturels (corbeaux, rapaces, ). Ces abris répondent ainsi directement aux objectifs fixés par la réglementation rappelée au point 8. Il ne saurait donc être sérieusement contesté qu’ils ont une destination principalement agricole, que ne saurait remettre en cause la circonstance que les toitures de ces abris seraient recouvertes par des panneaux photovoltaïques destinés à produire de l’électricité. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de Réminiac aurait considéré, à tort, que le projet ne serait pas nécessaire à l’activité agricole exploitée par M. B et ne correspondrait à aucune des exceptions prévues par l’article L. 161-4 du code de l’urbanisme est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté.

11. En deuxième lieu, eu égard aux caractéristiques du projet, telles qu’elles sont présentées dans le dossier de demande de permis de construire déposé par la société Novafrance Energy, le moyen tiré de ce que le maire de Réminiac aurait commis une erreur de droit en considérant que les abris envisagés sont de nature à créer un effet de mitage et à porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et paysages existants, et méconnaissent donc les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, est également propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

12. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les deux conditions d’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont satisfaites. Dès lors, il y a lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté du maire de Réminiac du 23 mai 2023 refusant d’accorder à la société Novafrance Energy un permis de construire pour la construction de quatorze abris à volailles ouverts avec toiture photovoltaïque, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.

13. La présente ordonnance implique nécessairement que la commune de Réminiac procède au réexamen de la demande de la société Novafrance Energy, en tenant compte des motifs sus développés.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Réminiac la somme que la société Novrafrance Energy réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de l’arrêté du maire de Réminiac du 23 mai 2023 portant refus de permis de construire est suspendue, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Novafrance Energy, première dénommée, pour l’ensemble des requérants en application de l’article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Réminiac.

Une copie de la présente ordonnance sera adressée au préfet du Morbihan.

Fait à Rennes, le 25 juillet 2023.

La juge des référés,

signé

M. ThalabardLa greffière,

signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 25 juillet 2023, n° 2303539