Tribunal administratif de Rennes, 3ème chambre, 25 janvier 2024, n° 2204470

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 3e ch., 25 janv. 2024, n° 2204470
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2204470
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 25 janvier 2021
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 31 janvier 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2022 et 8 novembre 2023, Mme D C et M. A C, représentés par Me Lafforgue (société Teissonnière Topaloff Lafforgue Andreu et associés), demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet des Côtes-d’Armor a modifié l’arrêté préfectoral du 12 octobre 2016 et a autorisé la SCEA de la Haute Houssais à porter la capacité maximale de l’élevage porcin de 275 à 551 animaux équivalents et de 5 320 à 5 972 le nombre d’emplacements de porcs en production de plus de trente kilogrammes ;

2°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— le projet d’extension, qui constitue une modification substantielle de l’installation existante, n’a pas fait l’objet d’une autorisation environnementale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 181-14 du code de l’environnement ;

— le préfet des Côtes-d’Armor a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions de l’article L. 181-12 du code de l’environnement en n’assortissant pas l’arrêté attaqué de prescriptions relatives aux nuisances sonores et olfactives ainsi qu’aux émissions d’ammoniac.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 29 mars 2023, le préfet des Côtes-d’Armor conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable, dès lors que les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir déterminé par les dispositions de l’article R. 514-3-1 du code de l’environnement ;

— les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la SCEA de la Haute Houssais qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 13 novembre 2023, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 29 novembre 2023.

Par un courrier du 23 novembre 2023, le tribunal a invité, en application de l’article

R. 613-1-1 du code de justice administrative, le préfet des Côtes-d’Armor à produire une pièce en vue de compléter l’instruction.

Cette pièce produite par le préfet des Côtes-d’Armor a été enregistrée le

24 novembre 2023 et communiquée le même jour.

Par un courrier du 21 décembre 2023, le tribunal a invité, en application de l’article

R. 613-1-1 du code de justice administrative, le préfet des Côtes-d’Armor et la SCEA de la Haute Houssais à produire des pièces en vue de compléter l’instruction.

Les pièces produites par le préfet des Côtes-d’Armor ont été enregistrées le même jour et communiquées le 22 décembre suivant.

Vu :

— l’ordonnance n°s 2300456, 2300457 du juge des référés du 21 février 2023 ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— la directive n° 2010/ 75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) ;

— le code de l’environnement ;

— l’arrêté du 20 août 1985 relatif aux bruits aériens émis dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement ;

— l’arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’autorisation au titre des rubriques n° 2101, 2102, 2111 et 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement ;

— l’arrêté du préfet de la région Bretagne du 2 août 2018 établissant le programme d’actions régional en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Pellerin,

— les conclusions de M. Blanchard, rapporteur public,

— et les observations de Me Guillemard, substituant Me Lafforgue, représentant M. et Mme C.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir exploité un élevage porcin sur le site de la Haute Houssais à

Saint-Maden de 1956 à 2011, M. et Mme C ont cédé leur exploitation à la SCEA de la Haute Houssais gérée M. B. Ce dernier exploite déjà un élevage de porcelets sur la commune voisine à Guitte au sein de l’EARL B. Par un arrêté du 29 décembre 2003 et un arrêté préfectoral modificatif du 16 juillet 2013, le préfet des Côtes-d’Armor a autorisé la SCEA de la Haute Houssais à exploiter un élevage porcin de 2 271 animaux équivalents. Souhaitant relocaliser la production et atteindre l’autonomie en engraissement, la SCEA de la Haute Houssais a décidé de transférer les porcelets du site naisseur de Guitte vers celui de

Saint-Maden. Par un arrêté du 12 octobre 2016, le préfet des Côtes-d’Armor a autorisé la SCEA de la Haute Houssais à porter la capacité d’exploitation maximale de l’élevage porcin de 2 271 à 5 595 animaux équivalents, dont 5320 emplacements pour les porcs en production de plus de trente kilogrammes et 275 pour les porcelets. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement n° 1700728 du tribunal administratif de Rennes du 17 mai 2019, puis par un arrêt

n° 19NT02938 de la cour administrative d’appel de Nantes du 26 janvier 2021. La répartition des 5 595 animaux équivalents a été ultérieurement modifiée en raison du transfert de

180 emplacements de porcs en production, représentant 180 animaux équivalents, en salle post-sevrage. L’élevage comprenait alors 5 140 emplacements de porcs en production de plus de trente kilogrammes et 455 pour les porcelets. A la suite d’une demande d’examen au cas par cas présentée par la SCEA de la Haute Houssais pour construire une porcherie de

1 440 emplacements de porcs en production, le préfet des Côtes-d’Armor, par un arrêté du

12 octobre 2020, l’a dispensée de réaliser une étude d’impact pour ce projet. Le 22 juillet 2021, la SCEA de la Haute Houssais a modifié sa demande d’examen au cas par cas afin d’abaisser le nombre de places de porcs en production à 832 places. Par un arrêté du 25 août 2021, le préfet des Côtes-d’Armor l’a dispensée de produire une étude d’impact. Le 14 septembre 2021, la SCEA de la Haute Houssais a présenté une demande d’extension de l’élevage porcin pour porter l’effectif total de l’élevage à 6 523 animaux équivalents, dont 5 972 emplacements de porcs en production de trente kilogrammes, soit une augmentation de 832 places, et 551 animaux équivalents, soit une augmentation de 96 porcelets. Cette demande comprend la régularisation de la construction d’une porcherie post-sevrage P6 de 900 places et la diminution de 180 du nombre de places d’engraissement sur raclage dans la porcherie P4, la construction d’une porcherie engraissement P6 de 832 places ainsi que la couverture de deux fosses existantes (STO3 et STO4). Par un arrêté du 4 mai 2022, dont Mme et M. C demandent l’annulation, le préfet des Côtes-d’Armor a modifié l’arrêté préfectoral du 12 octobre 2016 et a autorisé la SCEA de la Haute Houssais à porter la capacité maximale de l’élevage porcin de 275 à 551 animaux équivalents et de 5 320 à 5 972 le nombre d’emplacements de porcs en production de plus de trente kilogrammes.

Sur la méconnaissance de l’article L. 181-14 du code de l’environnement :

2. Aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement : « () II. Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine font l’objet d’une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d’entre eux, après un examen au cas par cas (). / III.- L’évaluation environnementale est un processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé ci-après »étude d’impact« , de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d’ouvrage. / L’évaluation environnementale permet de décrire et d’apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants : (). / Lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité. () ». En vertu de l’article R. 122-2 du même code : « () II. – Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l’objet d’une évaluation environnementale ou d’un examen au cas par cas. / Les autres modifications ou extensions de projets soumis à évaluation environnementale systématique ou relevant d’un examen au cas par cas, qui peuvent avoir des incidences négatives notables sur l’environnement sont soumises à examen au cas par cas. () ».

3. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre () les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages () ». Aux termes de l’article L. 181-3 du même code : « I. L’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. () ». L’article

L. 181-14 du même code précise que : « Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l’autorisation environnementale est soumise à la délivrance d’une nouvelle autorisation, qu’elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l’article L. 181-32. / L’autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l’occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s’il apparaît que le respect de ces dispositions n’est pas assuré par l’exécution des prescriptions préalablement édictées. ». Enfin, aux termes de l’article R. 181-46 de ce code : " I. – Est regardée comme substantielle, au sens de l’article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l’objet d’une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l’article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l’environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3. / La délivrance d’une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l’autorisation initiale. / II. – Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d’exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu’aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 181-1 inclus dans l’autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l’autorisation avec tous les éléments d’appréciation (). ".

4. Il résulte des dispositions précitées qu’il appartient au bénéficiaire d’une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement d’informer le préfet de toute modification ou extension des conditions d’exploitation du projet autorisé. Le préfet doit inviter l’exploitant à solliciter une nouvelle autorisation lorsque la modification dont il est informé entraîne des dangers ou inconvénients nouveaux ou accroît de manière sensible les dangers ou inconvénients de l’installation. En revanche, lorsqu’il n’y a pas de dangers ou inconvénients nouveaux ou lorsque l’accroissement des dangers ou inconvénients initiaux demeure limité, il appartient seulement au préfet de prendre des mesures complémentaires. Pour apprécier le caractère substantiel d’une modification, le préfet doit tenir compte des changements successifs qui ont pu être apportés à une installation ou au site sur lequel elle est exploitée afin de déterminer si ceux-ci sont, par leur addition, de nature à modifier l’appréciation qui avait été faite, au moment de la délivrance de l’autorisation initiale, des incidences notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine.

5. Il résulte de l’instruction que, par un arrêté du 12 octobre 2016, la SCEA de la Haute Houssais a été autorisée à exploiter un élevage intensif porcin de 5 595 animaux équivalents, soit 5 320 emplacements de porcs en production de plus de trente kilogrammes au titre de la rubrique n° 3660 b) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et 275 porcelets au titre de la rubrique n° 2102 1) de cette même nomenclature. La demande d’extension de l’exploitation en litige, relative à la création de 832 emplacements de porcs de production et de 96 porcelets ainsi qu’il a été dit au point 1, a pour effet de porter l’élevage à 6 523 animaux équivalents, soit une augmentation de 17 % par rapport à l’autorisation initiale d’exploitation.

En ce qui concerne les nuisances sonores :

6. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 20 août 1985 relatif aux bruits aériens émis dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement : « Les dispositions de l’instruction technique jointe au présent arrêté (non reproduite) fixent les normes d’émission sonore que doivent respecter les installations soumises à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement à l’exclusion des installations soumises aux dispositions de l’arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement ainsi que la méthodologie d’évaluation des effets sur l’environnement des bruits aériens émis par une ou plusieurs sources appartenant à ces installations. ». Selon l’instruction technique du

20 août 1985, applicable aux installations relevant de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement : " La méthodologie à mettre en œuvre pour évaluer les effets sur l’environnement des bruits aériens émis par une ou plusieurs sources sonores appartenant à une ICPE. / Les effets sur l’environnement du bruit présentent un caractère subjectif qui varie suivant les personnes ou les groupes de personnes et les situations. / La présente instruction constitue un outil permettant l’évaluation d’une situation. Cependant, une partie importante du problème ne peut être résolue que sur le site par l’inspecteur chargé du contrôle, qui l’appréciera suivant la diversité des situations rencontrées. / C’est donc en fonction des circonstances particulières aux cas d’espèces que l’appréciation des effets du bruit doit être faite. / La présente instruction a pour finalité de rechercher la protection des riverains des installations classées sans imposer pour autant aux industriels des prescriptions qui seraient irréalisables. () Présomption d’une nuisance sonore / L’appréciation des effets du bruit perçu dans l’environnement est faite par référence aux résultats de mesures acoustiques. / Ces mesures sont effectuées dans les conditions indiquées à l’annexe II. / L’élément de base est le niveau de pression acoustique continu équivalent pondéré A, exprimé en décibels LAeq (t1, t2) sur une période spécifique (période de référence : T). () Pour ces motifs, le domaine d’application de la présente instruction est limité aux seules installations classées. / On considère qu’il y a présomption de nuisance acoustique lorsqu’une des conditions ci-dessous est vérifiée : /

1. Les niveaux limites admissibles (Llimite) déterminés comme indiqué ci-après, sont dépassés ; / 2. L’émergence (e) par rapport au niveau sonore initial (LI) dépasse la valeur de

3 dBA (). ".

7. Il résulte de l’instruction et notamment de l’étude des impacts sonores réalisée par le bureau d’étude Ouest Performances en août 2016 dans le cadre de l’instruction de l’arrêté portant autorisation environnementale du 12 octobre 2016 que les mesures sur les niveaux limites du bruit, réalisées de jour et de nuit, en limite de propriété de la SCEA de la Haute Houssais et en limite de la zone d’émergence située au niveau de l’habitation des requérants, se sont avérées être conformes à l’arrêté du 20 août 1985 relatif aux bruits aériens émis dans l’environnement par les installations classées pour la protection de l’environnement qui est applicable aux installations classées relevant des rubriques n° 3660 et n° 2102 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement complétées par celles de l’arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’autorisation au titre des rubriques n°s 2101, 2102, 2111 et 3660 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. Si cette étude a relevé deux non-conformités s’agissant des niveaux de bruit provenant du transporteur et du ventilateur en période diurne, elle a également estimé que leur impact était limité en raison du fonctionnement occasionnel de ces équipements au cours de l’année, soit respectivement de 40 et de 130 heures par an. Les procès-verbaux établis par voie d’huissier les 3 septembre 2019 et

15 octobre 2019, dont se prévalent les requérants, recensent des enregistrements sonores effectués à l’aide d’un sonomètre sur la propriété des requérants qui indiquent un niveau d’émission de décibels supérieur à celui fixé par la règlementation en vigueur en périodes diurne et nocturne. Toutefois, ces constats, déjà assez anciens à la date de l’arrêté attaqué, ne se réfèrent ni à la règlementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement, ni à la méthodologie des prises de mesures prévue par l’instruction technique du 20 août 1985. Par ailleurs, postérieurement aux procès-verbaux précités et aux témoignages produits par les requérants émanant de membres de leurs familles, de leur locataire, de voisins et des pétitions du collectif d’habitants de Saint-Maden se plaignant de ces nuisances, il résulte de l’instruction, que deux inspecteurs de l’environnement ont réalisé une visite sur place le 15 septembre 2020 à la suite d’un signalement de M. C relatif notamment à la fabrique d’aliments, qu’ils ont constaté l’absence de nuisance sonore particulière après avoir demandé la mise en service de la fabrique d’aliments et n’ont pas jugé nécessaire de réaliser de nouvelles analyses compte tenu de la modification par l’exploitant des horaires de fonctionnement de la fabrique d’aliments et du temps de fonctionnement journalier limité de cet équipement. Il ne résulte d’ailleurs pas de l’instruction que le projet faisant l’objet de l’arrêté attaqué modifie la fabrique d’aliments, principale nuisance auditive invoquée par les requérants. Enfin, si les requérants soutiennent que le projet en litige aura nécessairement pour effet d’augmenter les nuisances sonores existantes, ils ne justifient leurs allégations par aucune pièce versée au dossier, alors au demeurant que des mesures destinées à limiter les nuisances sonores sont prévues par l’arrêté attaqué, notamment par la modification des horaires de livraison des aliments ainsi que par la création, pour les camions, d’un second accès principal à l’exploitation par le nord-ouest du terrain limitant ainsi l’utilisation de l’accès situé au sud du site à proximité du lieu d’habitation des requérants. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que le projet autorisé par l’arrêté attaqué est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour la commodité du voisinage au titre des nuisances sonores.

En ce qui concerne les nuisances olfactives :

8. Il résulte de l’instruction et notamment de la demande de l’exploitant et de

l’article 4 de l’arrêté attaqué que le lisier brut et les urines de l’élevage seront stockés dans des fosses extérieures désormais couvertes et pré-fosses d’un volume total de 11 030 m3 et que les résidus organiques devront être stockés dans une fumière couverte de 100 m². En outre, il résulte de l’instruction et notamment des écritures du préfet, sans que cela soit contesté par les requérants, que les systèmes d’évacuation, de filtration et d’évacuation de l’air sont conformes à la règlementation en vigueur. Enfin, si les requérants font valoir que la centrale de filtration d’un des bâtiments est orientée vers leur maison, le préfet indique sans être contesté que l’air extrait est expulsé par les cheminées du toit et que les vents dominants portent cet air dans une direction opposée à la maison. Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que les nuisances olfactives existantes dont se prévalent les requérants seront aggravées par l’extension en litige, seule attaquée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet faisant l’objet de l’arrêté attaqué est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour la commodité du voisinage au titre des nuisances olfactives.

En ce qui concerne les émissions de poussière des silos :

9. Les requérants soutiennent que le projet en litige aggravera les retombées de poussière sur leur propriété. Ils produisent des échanges de courriels avec la préfecture en 2018, des photographies qui montrent l’empoussièrement de la cour de leur propriété et de leur véhicule et des relevés de la qualité de l’air réalisés à l’aide d’une application installée sur un téléphone mobile. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction, au vu des éléments insuffisamment précis et circonstanciés produits par les requérants, que le projet en litige aura nécessairement pour effet d’augmenter les émissions de poussière existantes. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que le projet faisant l’objet de l’arrêté attaqué est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour la commodité du voisinage au titre des émissions de poussières des silos.

En ce qui concerne les émissions d’ammoniac :

10. Les requérants soutiennent que le projet en litige les expose à des émissions d’ammoniac. Toutefois, en se bornant à se référer au guide de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) « Mesurer les émissions gazeuses en élevage » qui fait état des risques d’émissions d’ammoniac provenant de certains élevages, les requérants ne justifient pas de la réalité de ce risque sur l’exploitation en litige alors même qu’ils ont apposé un capteur destiné à recenser les gaz selon le constat d’huissier du 15 octobre 2019. A l’inverse, il résulte de l’instruction et notamment des écritures du préfet et du rapport du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) du 30 mars 2022, sans que cela soit contesté par les requérants, que dans le cadre de l’instruction du dossier de réexamen des pratiques présenté par l’exploitant, l’inspection des installations classées a constaté, le 1er février 2021, que les émissions d’ammoniac dans les différents bâtiments de l’exploitation sont nettement inférieures aux seuils autorisés par la directive n° 2010/ 75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution). Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que le projet autorisé par l’arrêté attaqué est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour la santé publique au titre des émissions d’ammoniac.

En ce qui concerne les atteintes à l’environnement :

11. Il résulte de l’instruction que le site d’implantation de l’exploitation et les parcelles actuelles du plan d’épandage sont classés en zone d’action renforcée au titre du programme d’action régional de protection des eaux contre les nitrates d’origine agricole prévu par l’arrêté du préfet de la région Bretagne du 2 août 2018. La demande de l’exploitant présente la production d’éléments fertilisants de l’atelier porc, expose la méthode de traitement des effluents en recourant à la meilleure technique disponible 19, traite du stockage des effluents, des épandages et de l’épandage des effluents et de l’impact des rejets du projet en litige sur la teneur en nitrates des parcelles d’épandage. Ces données ont été analysées par l’administration et ont donné lieu à un avis favorable du CODERST, le 29 avril 2022. Le rapport de la direction départementale de la protection des populations du 29 mars 2022, sur lequel s’est fondé cet avis, indique que les déjections solides seront exportées en dehors de la zone d’actions renforcées, que le volume des quantités d’urine et de lisiers à épandre sur les terres classées en zone d’actions renforcées est inférieur à 20 000 UN et que le plan d’épandage respecte l’article 8.8.2. du 5ème programme d’action régional de la directive nitrates du 2 août 2018 portant sur le seuil d’obligation de traitement ou d’exportation. En outre, le rapport précité a également analysé les pressions du projet sur chaque terre d’épandage et a constaté que le plan de valorisation des effluents d’élevage et de fertilisation des cultures (PVEF) établissait la capacité du pétitionnaire et des huit prêteurs de terres à respecter l’équilibre de fertilisation en raison des assolements et des rotations proposées. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que le site d’exploitation se situe à 14 kilomètres de la zone Natura 2000 « Estuaire de la Rance » et que l’exploitant a retiré les différentes zones humides du plan d’épandage. Cette dernière circonstance a d’ailleurs été relevée par le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 mai 2019, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 26 janvier 2021. En outre, il résulte de l’instruction que les nouveaux effluents générés par l’extension en litige feront l’objet d’un épandage sur de nouvelles parcelles pour lesquelles le rapport du 29 mars 2022 de l’inspecteur de l’environnement a conclu à un bilan de fertilisation équilibré ainsi qu’il a été dit. Enfin, alors même que le projet en litige se situe à moins de trois kilomètres de la zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) « Bois du Rouget » à Tréfumel, il ne résulte pas de l’instruction que le projet aura un impact potentiel significatif sur cet espace naturel. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que le projet autorisé par l’arrêté attaqué est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour l’environnement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la seule augmentation de 17 % des effectifs de l’exploitation ne suffit pas à établir que la modification apportée à l’exploitation autorisée par l’arrêté du 12 octobre 2016 est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 du code de l’environnement au sens du 3° de l’article R. 181-46 du même code, de sorte que cette modification n’est pas substantielle et n’entre pas dans le champ d’application de l’autorisation environnementale prévue par les dispositions de l’article L. 181-14 du code de l’environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions doit être écarté.

Sur la méconnaissance de l’article L. 181-12 du code de l’environnement :

13. Aux termes de l’article L. 181-12 du code de l’environnement : " L’autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles

L. 181-3 et L. 181-4. () / [Ces prescriptions] peuvent également porter sur les équipements et installations déjà exploités et les activités déjà exercées par le pétitionnaire ou autorisés à son profit lorsque leur connexité les rend nécessaires aux activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers

ou inconvénients. ". L’article L. 181-14 du même code cité au point 3 autorise l’autorité administrative compétente à imposer toute prescription complémentaire permettant d’assurer le respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 du même code.

14. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 181-12 du code de l’environnement, dès lors que ces dernières s’appliquent à une autorisation environnementale et non à un arrêté portant modification d’une autorisation environnementale telle que l’arrêté attaqué.

15. En deuxième lieu, à supposer que les requérants aient entendu se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 181-14 du code de l’environnement, contrairement à ce que qu’ils soutiennent et ainsi qu’il a été dit au point 7, ils n’établissent pas que le projet aura pour effet de créer de nouvelles nuisances sonores. Par suite, les requérants n’allèguent ni n’établissent que les dispositions de l’arrêté attaqué ne suffiraient à prévenir les dangers ou inconvénients pour protéger le voisinage de ces nuisances qui sont au nombre des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

16. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que l’arrêté attaqué aurait dû être assorti de prescriptions portant sur les nuisances olfactives, les requérants n’assortissent leur allégation d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé alors, au demeurant, que le projet prévoit de stocker les effluents dans des fosses ou locaux couverts ainsi qu’il a été dit au point 8.

17. En dernier lieu, les requérants ne justifient pas de la réalité du risque d’émission d’ammoniac sur l’exploitation en litige ainsi qu’il a été dit au point 10 et n’établissent donc pas la nécessité d’assortir l’arrêté attaqué de prescriptions pour prévenir ce risque.

18. Il résulte des points 14 à 17 que Mme et M. C ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’assortissant pas l’arrêté attaqué de prescriptions quant aux nuisances sonores et olfactives et aux émissions d’ammoniac.

19. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par le préfet des Côtes-d’Armor, les conclusions de

M. et Mme C tendant à l’annulation de l’arrêté du 4 mai 2022 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D C et M. A C, à la SCEA de la Haute Houssais et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes-d’Armor.

Délibéré après l’audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Grenier, présidente,

Mme Thalabard, première conseillère,

Mme Pellerin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

signé

C. Pellerin

La présidente,

signé

C. GrenierLa greffière,

signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 3ème chambre, 25 janvier 2024, n° 2204470