Tribunal administratif de Toulouse, 31 décembre 2013, n° 0802584

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 31 déc. 2013, n° 0802584
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 0802584

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N°0802584

___________

EURL PHENIX INTERVENTIONS

___________

M. Jobart

Rapporteur

___________

M. Truilhé

Rapporteur public

___________

Audience du 4 décembre 2013

Lecture du 31 décembre 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse

(4e Chambre)

39-02

C+

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2008, présentée par l’entreprise Phénix Interventions, EURL dont le siège est XXX ; l’entreprise Phénix Interventions demande au tribunal :

1°) d’annuler la procédure d’appel d’offres à l’issue de laquelle la commune de Mazères a confié à la société EPS le gardiennage de bâtiments communaux ;

2°) d’annuler la délibération du conseil municipal en date du 23 janvier 2008 attribuant le marché à la société EPS, la décision de signer la convention de gardiennage et la convention de gardiennage en date du 10 février 2008 ;

3°) d’enjoindre au maire de la commune d’organiser un nouvel appel d’offres ;

4°) de condamner la commune de Mazères à lui verser la somme de 19 958 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices subis ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Mazères la somme de 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— en tant que candidat évincé, elle a intérêt à agir ; le délai de recours de deux mois à la suite du rejet implicite de son recours gracieux a été respecté ;

— la commune lui a notifié le rejet de son offre le 8 février 2008 et a signé le marché le 10 février, en violation de l’article 80 du code des marchés publics, l’empêchant d’exercer un référé précontractuel ; pour les marchés passés selon une procédure adaptée, ce délai doit être raisonnable ;

— le maire n’a pas établi une liste des marchés conclus l’année précédente comme l’impose l’article 133 du code des marchés publics ;

— le maire a reçu délégation par délibération des 18 et 28 mars 2001 pour préparer, passer, exécuter et régler les marchés sous forme négociée et non les marchés à procédure adaptée ; il était donc incompétent ;

— la commune a envoyé un avis de consultation à une entreprise en liquidation judiciaire ;

— la délibération du 23 janvier 2008 fait référence à une « mise en concurrence simplifiée », procédure alors abrogée depuis plusieurs années ;

— l’avis de consultation et la notification de rejet ne mentionnent pas les délais et voies de recours ;

— à la suite de sa demande, la commune ne lui a pas communiqué les motifs du rejet de son offre et les caractéristiques de l’offre retenue comme l’impose l’article 83 du code des marchés publics ;

— en violation de l’article 5 du code des marchés publics, l’avis de consultation ne définit pas précisément la nature et l’étendue des besoins à satisfaire en ne précisant pas le nombre d’heures de gardiennage « par phase » ;

— le marché signé le 10 février 2008 et commençant le 1er janvier est irrégulièrement rétroactif ;

— l’offre retenue d’un montant de 23 478 euros est anormalement basse et aurait dû être écartée ; avec le coût horaire minimum de la convention collective du secteur de gardiennage ce montant devait être de 27 730 euros ;

— elle doit être indemnisée de son manque à gagner d’un montant de 19 958 euros ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2008, présenté pour la commune de Mazères tendant au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’entreprise Phenix Interventions une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

— seules les procédures formalisées sont concernées par l’article 80 du code des marchés publics ; le délai était raisonnable vu le faible montant du marché ;

— l’article 133 du code des marchés publics concerne la comptabilité publique et non la procédure d’attribution des marchés publics ;

— la délibération du 18 mars 2001 a été prise avant la modification de l’article L. 2122-22 4° du code général des collectivités territoriales par la loi du 11 décembre 2001 qui remplace le « marché négocié » par le « marché passé sans formalités préalables » ; la délégation était donc toujours valable et l’article L. 2122-21-1 n’avait pas à s’appliquer ;

— elle ignorait que l’un des candidats sollicité était en liquidation judiciaire ;

— le registre des délibérations du 23 janvier 2008 ne fait pas référence à une « mise en concurrence simplifiée » ;

— l’avis de consultation n’a pas à mentionner les voies et délais de recours ;

— selon l’article 80 III du code des marchés publics, elle ne doit pas communiquer des renseignements qui pourraient porter préjudice aux intérêts commerciaux des entreprises ou nuire à la concurrence loyale entre entreprises ; or, elle se trouvait dans cette hypothèse ;

— le candidat retenu a correctement estimé les besoins et, comme la requérante, fixé le nombre d’heures à 1872 ; la requérante pouvait l’interroger sur les horaires souhaités ; l’objet du marché était donc suffisamment défini ;

— le code des marchés publics ne fixe pas de délai entre le dépôt des offres et le début d’exécution du marché ; il n’y a pas d’obligation de mentionner la date prévisionnelle de début des prestations ;

— le caractère anormalement bas de l’offre retenue n’est pas démontré ; l’offre retenue prévoit un ou deux agents de surveillance alors que la requérante en propose deux ou trois ;

— la requérante ne démontre pas avoir perdu des chances sérieuses d’emporter le marché ; le calcul du manque à gagner n’est pas justifié ; ainsi il ne comprend pas le salaire pour le gérant qui assure une partie du gardiennage ; il comprend un coût de main d’œuvre de 27 730, 85 euros alors que son offre est de 29 500 euros ; le bénéfice de 19 948 euros apparaît donc surévalué ;

— les conclusions dirigées contre les actes détachables et la demande d’injonction ne sont pas recevables dans le cadre d’un « recours Tropic » ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 avril 2009, présenté par l’entreprise Phenix Interventions tendant aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :

— la délibération du 11 juin 2008 mentionne « une mise en concurrence simplifiée » ; le marché n’a donc pas été passé suivant une procédure adaptée ;

— la délibération du 18 mars 2001 donne compétence au maire pour les marchés négociés lorsque les crédits sont prévus au budget ; il n’était donc pas compétent pour les marchés à procédure adaptée ; de plus, il n’est pas établi que les crédits étaient prévus au budget ;

— la réponse à une demande de motivation n’est pas de nature à nuire à la concurrence loyale ou aux intérêts des entreprises ;

— elle a demandé plusieurs fois des précisions à la commune et n’a jamais reçu de réponse claire ;

— l’offre du candidat retenu ne respecte pas les termes de la convention Prévention et Sécurité et la durée hebdomadaire de travail ; le fait d’employer un salarié de plus est sans incidence sur le coût de la main d’œuvre ; le fait de recourir à un salarié de moins impose de payer de heures supplémentaires et augmente le coût de la prestation ; deux employés qui gardent un site toutes les nuits travaillent plus de 48 heures par semaine ;

— le coût salarial n’inclut pas la rémunération de son gérant qui n’est pas salarié ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2009, présenté pour la commune de Mazères tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et pour les mêmes motifs ; elle soutient en outre que :

— le marché litigieux se monte à 28 080 euros TTC ; il s’agit donc d’un marché à procédure adaptée et les termes de la délibération du 23 janvier 2008 sont sans conséquence sur sa qualification juridique ;

— selon l’article 13 de la circulaire du 3 août 2006, l’acheteur détermine le délai entre l’attribution et la signature du marché en fonction des caractéristiques du marché ; le délai de deux jours n’a donc pas méconnu l’article L. 551-1 du code de justice administrative ;

— l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales précise que le maire reçoit compétence pour les marchés passés sans formalités préalables ; le budget primitif 2008 a prévu une enveloppe budgétaire de 52 000 euros ; les crédits nécessaires au marché litigieux ont donc été budgétisés et le maire était bien compétent ;

— la requérante a obtenu le 31 mars 2008 copie des documents qu’elle demandait ;

— les mentions de l’avis du 5 décembre 2007 étaient suffisantes pour que les candidats chiffrent leurs offres ;

— la surveillance des bâtiments municipaux est un service public ; le principe de continuité imposait la rétroactivité du contrat ;

— l’offre retenue n’était pas anormalement basse et respectait la réglementation du travail ;

— il n’y a pas de lien de causalité entre les fautes reprochées et le préjudice que prétend avoir subi la requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi du 11 décembre 2001 dite loi Murcef ;

Vu l’arrêté du 28 août 2006 pris en application du code des marchés publics et fixant les modèles d’avis pour la passation et l’attribution des marchés et des accords cadres ;

Vu l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs ;

Vu la convention Prévention et Sécurité (3196), notamment l’accord du 25 septembre 2001 relatif au travail de nuit et l’accord du 29 octobre 2003 relatif aux modalités de rémunération du travail le dimanche ;

Vu la circulaire du 3 août 2006 portant manuel d’application du code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 décembre 2013 ;

— le rapport de M. Jobart, conseiller ;

— les conclusions de M. Truilhé, rapporteur public ;

— et les observations de Me Delmas, avocat, substituant Me Courrech pour la commune de Mazères ;

1. Considérant que l’entreprise Phénix Interventions ayant été informée de l’ouverture d’une consultation concernant un marché public de gardiennage de bâtiments communaux par la commune de Mazères (Ariège), elle a soumis une offre par un courrier en date du 10 décembre 2007 ; que le conseil municipal a attribué le marché à la société EPS, par une délibération du 23 janvier 2008, notifiée à l’entreprise Phénix Interventions le 8 février 2008 ; que, par un courrier en date du 13 février 2008, cette entreprise a demandé à la commune les motifs du rejet de son offre et les caractéristiques de l’offre retenue, puis, par un courrier en date du 8 mars 2008, formulé une demande d’indemnisation et d’annulation du marché ; que, du silence gardé par la commune, une décision implicite de rejet est née le XXX ; que l’entreprise Phénix Interventions demande au tribunal d’annuler le marché litigieux et les actes préalables détachables intervenus au cours de la procédure de passation de ce marché et de l’indemniser de la perte de bénéfice résultant du rejet de son offre ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Mazères :

2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

3. Considérant que, toutefois, eu égard à l’impératif de sécurité juridique tendant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours et sous réserve des actions en justice ayant le même objet et déjà engagées avant la date de lecture de la décision du Conseil d’Etat dite « société Tropic travaux, signalisation, Guadeloupe » du 16 juillet 2007, le recours en annulation du contrat ci-dessus défini ne peut être exercé qu’à l’encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date ; qu’il est constant que la procédure de passation en litige dans la présente instance a été engagée postérieurement au 16 juillet 2007 ; que les conclusions en annulation du marché public de gardiennage conclu entre la commune de Mazères et la société EPS sont donc recevables ;

4. Considérant, en revanche, que les conclusions de l’entreprise Phénix Interventions à fin d’annulation de la procédure d’appels d’offres, de la délibération du conseil municipal de Mazères en date du 23 janvier 2008 attribuant le marché litigieux et de la décision du maire de signer le marché, qui constituent des actes préalables détachables de la convention attaquée, ne sont pas, compte tenu de la signature du contrat intervenue le 10 février 2008, recevables et doivent pour ce motif être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’annulation du marché :

5. Considérant qu’aux termes de l’article 28 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : « Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l’article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat. » ; qu’aux termes du II de l’article 26 du même code, « Les marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une procédure adaptée, dans les conditions définies par l’article 28, lorsque le montant estimé du besoin est inférieur aux seuils suivants : (…) 2° 206 000 Euros HT pour les fournitures et les services des collectivités territoriales ; » ; qu’aux termes du II de l’article 40 du même code, « Pour les achats de fournitures, de services et de travaux d’un montant compris entre 4 000 Euros HT et 90 000 Euros HT, ainsi que pour les achats de services relevant du I de l’article 30 d’un montant égal ou supérieur à 4 000 Euros HT, le pouvoir adjudicateur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause. » ;

6. Considérant, en premier lieu, que le marché litigieux, d’un montant de 28 080 euros TTC, inférieur au seuil prévu par les dispositions précitées du code des marchés publics, doit être regardé, compte tenu des modalités de sa passation, comme ayant été conclu à l’issue d’une procédure adaptée de mise en concurrence sans publicité, en dépit de la circonstance que la délibération du conseil municipal de Mazères en date du 23 janvier 2008 relative à son attribution fait référence à une procédure de « mise en concurrence simplifiée » et que cette procédure avait été abrogée à cette date par l’entrée en application du nouveau code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ; que les termes de la délibération du conseil municipal de Mazères en date du 23 janvier 2008 sont ainsi, et en tout état de cause, sans incidence sur la qualification juridique dudit marché ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l’une des quatre sociétés contactées par la commune de Mazères pour remettre une offre était en situation de liquidation judiciaire est sans incidence sur la régularité de la procédure et sur le respect du principe d’égalité de traitement entre les trois autres candidats ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 5 du code des marchés publics, « I. – La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d’un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. » ; que l’entreprise requérante soutient que l’avis de consultation ne définissait pas précisément la nature et l’étendue des besoins de la commune à satisfaire, notamment le nombre d’heures de gardiennage « par phase » à pourvoir ; que, cependant, les conditions d’exécution du marché, jointes à l’avis de consultation, indiquaient que les rondes devaient être effectuées de 22 heures à 6 heures les vendredi, samedi et dimanche pendant les vacances scolaires du 1er janvier au 30 juin 2008 et du 15 août au 31 décembre 2008 et toutes les nuits du 1er juillet au 14 août 2008 ; que ces stipulations permettaient de déterminer avec précision les besoins de la commune ; qu’en conséquence, le moyen tiré de la violation de l’article 5 du code des marchés publics doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu’aucun principe général du droit, ne fait obstacle à ce que des stipulations d’un contrat produisent des effets rétroactifs entre les parties, à condition que ces effets ne s’étendent pas à des personnes qui ne seraient pas parties au contrat ; qu’ainsi, la circonstance que le marché attaqué, signé le 10 février 2008, ait comme date de début d’exécution le 1er janvier 2008 est sans incidence sur sa légalité ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes qu’aux termes de l’article 55 du code des marchés publics : « Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu’il juge utiles et vérifié les justifications fournies (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un pouvoir adjudicateur est tenu, d’une part, de réclamer à un candidat présentant une offre anormalement basse de justifier le prix proposé par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié et, d’autre part, de rejeter une offre lorsque les explications qu’il a demandées et qui lui ont été fournies ne permettent pas d’établir le caractère économiquement viable de cette offre, sous peine de méconnaître les principes de la commande publique rappelés à l’article 1er du code des marchés publics ;

11. Considérant que l’entreprise requérante soutient que l’offre retenue par la commune de Mazères serait anormalement basse et aurait dû être écartée en application des dispositions précitées de l’article 55 du code des marchés publics ; qu’elle fait valoir que l’application de la convention collective Prévention et Sécurité (3196), notamment l’accord du 25 septembre 2001 relatif au travail de nuit et l’accord du 29 octobre 2003 relatif aux modalités de rémunération du travail le dimanche aboutissait à un coût salarial minimum du marché de gardiennage attaqué de 27 730 euros ; que, cependant, elle n’appuie son affirmation d’aucun calcul permettant d’en vérifier la pertinence alors que le coût salarial de sa propre offre s’élève à 6 542 euros ; que si la société EPS a proposé une offre à un prix de 23 478 euros HT inférieure de près de 20 % à celles de ses deux concurrents, elle explique cet écart par le nombre plus restreint de personnel qu’elle projette d’affecter à la mission ; qu’ainsi, en retenant l’offre du candidat le moins disant sans lui demander de justifier la détermination de son prix, la commune de Mazères n’a pas manqué aux obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché public de service en cause ;

12. Considérant, en sixième lieu, que les moyens tirés du non respect des dispositions des articles 80, 83 et 133 du code des marchés publics et de l’article 5 du l’arrêté du 28 août 2006 pris en application du code des marchés publics et fixant les modèles d’avis pour la passation et l’attribution des marchés publics et des accords-cadres, quand bien même seraient-ils établis, ne sont pas de nature à entraîner l’annulation ou la résiliation du marché litigieux ;

13. Considérant, en revanche, que, d’une part, par une délibération en date du 18 mars 2001, le conseil municipal de Mazères avait donné délégation au maire pour prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés négociés ; que la loi Murcef du 11 décembre 2001 ayant remplacé la catégorie des « marchés négociés » par celle des « marchés passés sans formalités préalables », elle a implicitement mais nécessairement rendu caduque cette délibération ; que, d’autre part, aux termes de l’article L. 2221-21-1 du code général des collectivités territoriales : « La délibération du conseil municipal chargeant le maire de souscrire un marché déterminé peut être prise avant l’engagement de la procédure de passation de ce marché. Elle comporte alors obligatoirement la définition de l’étendue du besoin à satisfaire et le montant prévisionnel du marché. / Le conseil municipal peut, à tout moment, décider que la signature du marché ne pourra intervenir qu’après une nouvelle délibération, une fois connus l’identité de l’attributaire et le montant du marché. / Les dispositions du présent article ne s’appliquent aux marchés visés à l’article L. 2122-22 que lorsque le maire n’a pas reçu la délégation prévue à cet article. » ; que, selon l’article L. 2122-22 du même code : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés sans formalités préalables en raison de leur montant, lorsque les crédits sont inscrits au budget » ; qu’à défaut d’une nouvelle délibération du conseil municipal de Mazères déléguant au maire sa compétence en matière de marchés passés sans formalités ou d’une délibération chargeant le maire de souscrire le marché de gardiennage en litige, le maire de Mazères n’était pas compétent pour prendre les décisions relatives à la procédure de passation du marché litigieux ; qu’ainsi celui-ci a été passé au terme d’une procédure irrégulière ;

14. Considérant qu’il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

15. Considérant que l’irrégularité entachant la procédure de passation du marché public conclu entre la commune de Mazères et la société EPS et tenant à l’incompétence du maire de Mazères pour prendre les décisions relatives à cette procédure entraîne, compte tenu de sa gravité, l’annulation du contrat ; que, toutefois, eu égard au motif d’annulation, il y a lieu de décider que cette annulation ne prendra effet qu’à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la notification du présent jugement, et si le conseil municipal de Mazères n’a pas, dans ce délai, procédé à la régularisation du marché en adoptant, pour décider de le passer, une délibération régulière ;

Sur les conclusions à fins d’indemnisation :

16. Considérant que lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché, elle a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu’elle a subi ;

17. Considérant, d’une part, que l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les offres des différents candidats n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, notamment, l’offre de la société attributaire du marché était notablement mieux disante que celle de l’entreprise requérante ; que, par suite, les irrégularités qui ont entaché la passation du marché ne sauraient, en tout état de cause, faire regarder cette dernière comme ayant été privée d’une chance sérieuse de voir son offre retenue ;

18. Considérant, d’autre part, que, eu égard au nombre limité de quatre candidats destinataires l’avis de consultation du marché, l’entreprise Phenix Interventions n’était pas dépourvue de toute chance d’être retenue ; qu’elle est ainsi fondée à demander à être indemnisée des frais qu’elle a dû engager pour soumissionner ; que la somme de 3 000 euros qu’elle demande à ce titre est contestée en défense par la commune et n’est pas justifiée par l’entreprise requérante ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l’indemnité due par la commune de Mazères en évaluant les frais engagés pour présenter son offre à la somme de 500 euros, tous intérêts compris ;

Sur les conclusions à fins d’injonction :

19. Considérant que le marché litigieux conclu pour une durée d’un an est arrivé à terme le 31 décembre 2008 ; que, par suite, les conclusions à fin d’injonction de l’entreprise Phénix Interventions sont, en tout état de cause, sans objet ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

20. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’entreprise Phenix Interventions, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Mazères demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Mazères la somme de 500 euros demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par l’entreprise Phenix Interventions ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fin d’injonction de l’EURL Phénix Interventions.

Article 2 : Le marché public de service de gardiennage conclu le 8 février 2008 passé entre la commune de Mazères et la société EPS est annulé sauf si dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, le conseil municipal de Mazères procède à sa régularisation.

Article 3 : La commune de Mazères est condamnée à verser à l’EURL Phénix Interventions la somme de 500 euros tous intérêts compris.

Article 4 : La commune de Mazères versera à l’EURL Phénix Interventions une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l’EURL Phenix Interventions est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à l’EURL Phenix interventions et à la commune de Mazères.

Délibéré après l’audience du 4 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Lerner, président,

M. Jobart, conseiller,

Mme Van Maele, conseiller,

Lu en audience publique le 31 décembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Jean-Charles JOBART Patrice LERNER

Le greffier,

X Y

La République mande et ordonne au préfet de l’Ariège, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme :

Le greffier en chef,

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