Tribunal administratif de Versailles, Reconduites à la frontière, 26 avril 2024, n° 2401581

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, reconduites à la frontière, 26 avr. 2024, n° 2401581
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 2401581
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 19 février 2024
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 20 février 2024, le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a transmis au tribunal administratif de Versailles le dossier de la requête de M. B C.

Par cette requête, enregistrée le 16 février 2024 au tribunal administratif de Lille, et un mémoire complémentaire enregistré le 12 mars 2024 au tribunal administratif de Versailles, M. C, représenté par Me Netry, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 16 février 2024 par lequel le préfet du Nord l’a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d’exécution d’office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d’un an en l’informant qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à défaut, de le mettre en possession d’une autorisation provisoire de séjour dans l’attente du réexamen de sa situation administrative ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1500 euros à lui verser en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision portant obligation de quitter le territoire, fixation du pays de destination et portant interdiction de retour souffrent d’une absence de motivation, notamment au regard de l’ancienneté de sa présence sur le sol français et de sa situation professionnelle ;

— elle a été prise par une autorité ne justifiant pas de sa compétence ;

— elle révèle un défaut d’examen de sa situation personnelle ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation compte tenu de la durée de trois ans de sa présence en France.

— elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale consacré par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’il bénéficie d’attaches personnelles et familiales fortes sur le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n’a pas produit de mémoire en défense mais qui a versé, le 23 février 2024, des pièces au dossier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné Mme F pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l’article L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 3 avril 2024, en présence de Mme Ben Hadj Messaoud, greffière d’audience ;

— le rapport de Mme F, en présence de Mme E, interprète en langue arabe ;

— les parties n’étant ni présentes ni représentées.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B C, ressortissant algérien né le 6 décembre 1987, a déclaré lors de son audition du 15 février 2024 être entré en France en 2021 sans être en mesure de produire son passeport qu’il a indiqué avoir perdu. Par une décision du 15 février 2024, dont il demande l’annulation, le préfet du Nord l’a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l’article L.611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d’exécution d’office et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d’un an en l’informant de son signalement à fin de non-admission dans le système d’information Schengen pendant la durée de cette interdiction.

2. En premier lieu, par un arrêté en date du 5 février 2024, publié le même jour au recueil n° 2024-064 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme D A, cheffe du bureau de la lutte contre l’immigration irrégulière, à l’effet, notamment, de signer la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de cette décision doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l’arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. C, ainsi que les éléments sur lesquels le préfet s’est fondé pour l’obliger à quitter le territoire français, pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, fixer le pays de renvoi et lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée d’un an. Dès lors, cet arrêté, qui expose notamment que l’intéressé, entré en France en 2021 et dont la famille réside en Algérie, est célibataire et sans enfants à charge, comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permet ainsi au requérant d’en contester utilement le bien-fondé. En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n’était pas tenu de mentionner expressément l’activité professionnelle de maçon dont il a fait état dans son audition. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de cet arrêté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet n’aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C avant de prendre la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés de l’insuffisante motivation de l’arrêté et du défaut d’examen sérieux de la situation de l’intéressé doivent être écartés.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « () Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : ()5) au ressortissant algérien, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus () ». Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. () ».

5. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C est entré sur le sol français en 2021 à l’âge de 34 ans et ne justifie d’une insertion professionnelle en qualité de maçon au sein de la société 2FS BTP que depuis le mois de juillet 2022. En outre, il est célibataire et sans charge de famille, ayant déclaré lors de son audition que toute sa famille résidait en Algérie. Par suite en prenant la décision attaquée, le préfet du Nord n’a pas portée une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n’a ainsi méconnu ni les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni celles de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ». Aux termes de l’article L. 612-10 : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l’édiction et la durée de l’interdiction de retour mentionnée à l’article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l’interdiction de retour prévue à l’article L. 612-11 ».

7. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l’encontre d’un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l’étranger n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d’assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l’article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une précédente mesure d’éloignement et, le cas échéant, la menace pour l’ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. En l’espèce, M. C ne fait état d’aucune circonstance humanitaire susceptible de s’opposer à l’interdiction de retour qui lui est faite par le préfet du Nord., dont la durée d’un an ne peut être tenue pour entachée d’une erreur d’appréciation compte tenu de sa durée de présence sur le sol français.

9. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la requête de M. C doit être rejetée en toutes ses conclusions, en ce comprises celles présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au préfet du Nord.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La magistrate désignée,

signé

M. F La greffière,

signé

L. Ben Hadj Messaoud

La République mande et ordonne au Préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2401581

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