Tribunal de commerce de Paris, 15e chambre, 16 décembre 2019

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 15e ch., 16 déc. 2019
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris

Texte intégral

La SA de droit luxembourgeois Monetize Angels Services sa, ci-après MAS, exploite un service Web appelé « Club des Avantages » consistant à proposer aux clients d’un site partenaire a-commerçant, après la passation d’une commande, d’adhérer à ce service qui leur permet de profiler moyennant le paiement d’une cotisation mensuelle de 15 €, d’un certain nombre d’avantages, tels que le cash-back, (remboursement d’une partie de leur achat), des codes promotionnels, un chèque de bienvenue, le remboursement des frais de livraison une fois par mois chez son marchand préféré, etc…

La SAS Heretic, ci-après Hérétic, édite et héberge notamment le site Web www.signal­-arnaques.com visant à informer les consommateurs afin, selon ses propres termes, de leur « éviter d’être victimes de nombreuses arnaques qui existent malheureusement sur Internet ».

Ce site a publié, le 8 septembre 2016 un article intitulé« les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ? », article largement diffusé notamment par les réseaux sociaux et qui a fait beaucoup réagir les internautes.

Par LRAR du 11 octobre 2016, le conseil de MAS met en demeure Hérétic de prendre toutes dispositions pour faire cesser ce qu’elle estime être un comportement dénigrant.

Il s’ensuit, durant la fin de l’année 2016, un certain nombre d’échanges entre les parties.

Le 12 juillet 2018, MAS adresse à Hérétic une« notification LCEN »(Loi n• 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Le 18 juillet, elle réitère sa mise en demeure, sans succès, puis fait naître la présente instance.

LA PROCEDURE

Par acte extrajudiciaire du 7 novembre 2018, MAS assigne Hérétic. Par cet acte signifié selon les modalités de l’article 656 du CPC, puis à l’audience du 19 avril2019, MAS demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions, de :

– la dire et juger recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– dire et juger que l’article « les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ?» ainsi que les commentaires que cet article a générés contiennent des propos dénigrants à l’encontre du service du Club des Avantages fourni par MAS,

– dire et juger qu’Hérétic a commis des actes de dénigrement envers le service du Club des Avantages,

– se déclarer compétent pour trancher du présent litige,

– dire et juger qu’Hérétic ne respecte pas ses obligations en tant qu’éditeur et hébergeur au titre de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN) et la procédure de contrôle des avis des consommateurs conformément au droit de la consommation,

en conséquence :

– ordonner a Hérétic le retrait immédiat, a compter du jugement à intervenir, de l’article « les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ? » Et tous les commentaires qui sont publiés en bas et en relation avec cet article sur le site Web www.siqnal-arnagues.com ainsi que sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard,

– condamner Hérétic au paiement de la somme de 50 000 € sauf a parfaire à MAS, à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis par MAS,

– autoriser MAS à procéder à la publication des extraits de la décision à intervenir dans 4 revues ou magazines de son choix, aux frais d’Hérétic dans la limite de 15 000 € HT, somme qui devra être consignée entre les mains de Monsieur le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris dans les huit jours suivant la signification du jugement à intervenir,

– ordonner l’affichage de la décision à intervenir sur le site Internet d’Hérétic, sur sa page d’accueil en partie haute, sur la première partie de page et au centre, pendant un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et dire que cette publication devra s’afficher de façon visible en lettres de taille suffisante, aux frais d’Hérétic, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468 x 120 pixels, le texte devant être précédé du titre AVERTISSEMENT JUDICIAIRE en lettres capitales et gros caractères,

– condamner Hérétic à se mettre en conformité avec les articles L111-7-2, D111- 17 et D 111-18 du code de la consommation et l’article 6 de la LCEN, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

– débouter Hérétic de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Hérétic au paiement de la somme de 7000 € au titre de l’article 700 du CPC,

– condamner Hérètic aux dépens de l’instance,

– ordonner l’exécution provisoire.

A l’audience du 22 mars 201g, Hérétic demande au tribunal de :

in limine litis,

– dire que l’action de MAS est une action en diffamation,

– prononcer la nullité de l’assignation du 7 novembre 2018,

– ou, subsidiairement, constater l’incompétence du tribunal de commerce de Paris et renvoyer l’affaire devant le tribunal de grande instance de Troyes ;

au fond :

– débouter MAS de l’ensemble de ses demandes. Dans tous les cas :

– condamner MAS à payer à Hérétic la somme de 10 000 € au titre du préjudice subi en raison de son action abusive.

– Condamner MAS à payer à Hérétic la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC.

À l’audience du 20 septembre 201g, Hérétic renouvelle ses demandes et porte à 7000 € le montant demandé au titre de l’article 700 du CPC.

L’ensemble de ces conclusions ou demandes a été échangé en présence d’un greffier.

A l’audience collégiale du 18 octobre 2019, l’affaire est confiée à l’examen d’un juge chargé de l’instruction et les parties sont convoquées à son audience du 8 novembre 201g, à laquelle elles se présentent toutes les deux. Après avoir entendu leurs observations, le juge prononce la clôture des débats et annonce que le jugement, mis en délibéré, sera mis à

disposition au greffe le 16 décembre 2019, conformément à l’article 450 alinéa 2 du CPC.

LES MOYENS DES PARTIES ET LA MOTIVATION :

Sur les exceptions de procédure soulevées par Hérétic :

Moyens des parties :

Hérétic, demanderesse aux exceptions, soutient que si MAS agit sur le fondement du dénigrement, c’est pour éviter la prescription de 3 mois attachée aux actions en diffamation ; or, il s’agit bien d’une telle action puisque MAS est nommément visée dans l’article litigieux, que MAS a eu l’occasion de déclarer elle-même qu’elle avait été diffamée, et qu’à l’inverse, les conditions du dénigrement ne sont pas ici remplies. Or Les critères formels d’une assignation pour diffamation ne sont pas respectés, et l’assignation doit être déclaré nulle. Hérétic soutient en conséquence de ce qui précède et subsidiairement que le tribunal de commerce n’est pas compétent puisqu’il s’agit de diffamation, seul le TGI l’est.

MAS pour sa part, fait valoir en réplique que son action est parfaitement recevable : ce sont les services de MAS et non pas la société MAS qui pâtissent en effet du discrédit provenant du dénigrement qui résulte ici du nom du site Web (le mot arnaque), ainsi que des termes utilisés tant dans l’article incriminé que dans les commentaires qu’a suscités ce dernier. Par ailleurs, MAS et Hérétic ne sont bien sûr pas en relation de concurrence, mais cette condition n’est pas exigée pour caractériser un acte de dénigrement. Il n’y a donc pas lieu de requalifier en diffamation ce qui est une action de dénigrement, pour laquelle le tribunal de commerce de Paris est évidemment compétent.

Sur ce

Sur la recevabilité :

– Attendu qu’Hérétic soulève deux exceptions de procédure: la première sur la nullité de l’assignation, la seconde à titre subsidiaire sur l’incompétence de la juridiction saisie ;

– attendu que ces exceptions ont été soulevées avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, et qu’elles sont motivées ; attendu en outre que pour ce qui concerne l’exception d’incompétence, Hérétic désigne la juridiction qui, selon elle, est compétente ;

– attendu en conséquence que ces deux exceptions sont recevables ;

Sur le mérite :

– attendu que MAS fait grief à Hérétic d’avoir publié le 8 septembre 2016 un article sur la pratique du cash-back payant, et au fonctionnement du Club des Avantages exploité par MAS ; attendu que cet article vise essentiellement le Club des Avantages ; que son titre est d’ailleurs «les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ? » ; Que tant dans cet article que dans les commentaires nombreux qui ont fait suite à sa publication, si le nom de la société MAS est parfois cité, c’est évidemment le Club des Avantages et ses différentes caractéristiques qui sont visées ;

– attendu que pour reprendre les termes de la Cour de Cassation, (arrêt numéro 17 – 18 350 très récent, du 9 janvier 2019), <<même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discréd1l sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement … » ;

– Attendu que MAS est parfaitement fondée à mener son action au titre du dénigrement et donc sur le fondement juridique de la responsabilité délictuelle selon l’article 1240 du Code civil ; attendu que dans ces conditions, le tribunal de commerce de Paris est compétent, tant rationae materiae (puisqu’il s’agit d’un litige entre deux entreprises) que rationae loci (puisqu’en matière d’Internet, tous les tribunaux des lieux où les données litigieuses sont accessibles sont compétents, donc en particulier celui de Paris) ;

le tribunal en conséquence déboutera Hérétic de ses exceptions de procédure ; il déboutera Hérétic de sa demande de voir déclarer nulle l’assignation, et se dira compétent pour traiter ce litige ;

Sur le fond :

Moyens des parties :

MAS, à l’appui de ses demandes,

– soutient que le Club des Avantages est un service légal, le consommateur y est correctement informé notamment de ce qu’il a à payer : MAS n’a d’ailleurs jamais été condamnée pour cause de prestations illicites ;

– ajoute que les mots utilisés dans l’article ainsi que dans les commentaires des internautes sont particulièrement dénigrants, par exemple les termes« arnaque », « tromperie», «vol », «escroquerie » ;

– fait observer au tribunal que l’association « lesarnaques.com » dont Hérétic était l’hébergeur et l’éditeur a été condamnée pour dénigrement pour des faits identiques ;

– relève que l’article litigieux ne défend pas un intérêt général, ne repose pas sur des éléments impartiaux et objectifs, et manque pour le moins de modération et de mesure, trois conditions qui selon la Cour de Cassation permettraient seules l’exercice du droit de libre critique ;

– avance en outre qu’Hérétic, dûment informée par la notification LCEN du 12 juillet 2018 a engagé sa responsabilité délictuelle au titre de cette même LCEN, et doit maintenant retirer l’article (en tant qu’éditeur) et les commentaires des internautes (en tant qu’hébergeur) ;

– ajoute qu’Hérétic a également engagé sa responsabilité délictuelle au titre du code de la consommation, qui lui impose << de délivrer aux utilisateurs une information loyale claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne >>. Or elle n’en a rien fait, participant même par la voix de son modérateur aux propos dénigrants : cela justifie une condamnation à se mettre en conformité, avec une astreinte quotidienne.

– Évalue son préjudice à 50 000 €: 20 000 € pour le manque à gagner, 15 000 € pour le préjudice d’image et 15 000 € pour l’amplification du dénigrement sur les réseaux sociaux.

Hérétic quant à elle

– rétorque, concernant l’article lui-même, qu’elle n’est pas concurrente de MAS ce qui est une condition du dénigrement selon la jurisprudence ; elle précise d’ailleurs que les critiques que formule cet article sont objectives et vérifiées, et que l’article s’inscrit dans un débat d’intérêt général concernant le cash-back payant ;

– ajoute concernant cette fois les commentaires, que ceux-ci n’émanent pas d’elle­ même, qu’elle n’en est pas responsable, et qu’elle n’est censée en avoir eu connaissance qu’après avoir reçu une notification LCEN laquelle en l’espéce n’est pas valide (concerne 20 commentaires et non 66 ; fondement allégué : les textes concernant la diffamation et non pas le dénigrement) ;

– conclut en précisant que le préjudice allégué de MAS n’est pas démontré.

Sur ce :

– attendu que le dénigrement est un acte de concurrence déloyale d’origine jurisprudentielle caractérisé par le discrédit jeté par un commerçant sur un autre commerçant (concurrent ou non) en répandant publiquement à son propos, ou au sujet de ces produits et services, des informations malveillantes ; attendu que le dénigrement est qualifié même s’il est apporté la preuve de la véracité des propos contestés; attendu en conséquence que le tribunal ne s’attardera pas sur la question de l’exactitude ou non des propos litigieux, mais sur le point de savoir s’ils revêtent ou non un caractère dénigrant ;

– attendu que le dénigrement est sanctionné sur le fondement de l’article 1382 (aujourd’hui 1240) du Code civil et qu’il convient donc de déterminer l’existence d’une faute, d’un préjudice, et d’un lien de causalité ;

– concernant l’article : attendu que sous la signature de Monsieur X., dirigeant d’Hérétic, paraissait le 8 septembre 2016 un article intitulé « les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ? » ; Attendu que dès le début de l’article, le rédacteur annonce qu’il va se concentrer sur le cash-back, qu’il explique en quoi consiste cette pratique, et qu’il dénonce en termes sarcastiques ce qu’il considère comme un piège, avec des mots comme : « appât », « piège pervers du commerce en ligne », « roulent dans la farine » «trompé plusieurs milliers d’internautes», « prendre des libertés avec la législation », «tombera pas dans le panneau», « pigeons », « l’ergonomie Web appliquée à la tromperie », «artifices », «intention commerciale dissimulée » ; qu’il analyse ensuite de manière critique les avantages offerts par le service : avantage bienvenue, avantage remboursement, avantage livraison, avantage code promotion ; et qu’il conclut en appelant à ce qu’une enquête officielle soit menée ;

– attendu que la Cour de Cassation précise (arrêt numéro 17-18350): «… même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure >> (trois conditions, soulignées par le tribunal) ; attendu qu’en reprenant cette grille d’analyse, sur la première condition, Hérétic verse aux débats une lettre ouverte de Monsieur Y., président du SNMP (Syndicat National du Marketing à la Performance}, lettre adressée à la DGCCRF, à des associations de consommateurs et au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, lettre dans laquelle il

attire l’attention sur les risques présentés par les pratiques relatives aux cash-back payant; que ce sujet a même fait l’objet d’une question écrite au gouvernement par un sénateur ce qui révèle que le sujet s’inscrit dans un débat d’intérêt général ; que sur la deuxième condition, l’article incriminé décrit en termes clairs et pédagogiques la pratique du cash-back payant et qu’il y a là incontestablement une base factuelle complète et suffisante sur cette pratique ; mais attendu, sur la troisième et dernière condition, que le rédacteur de l’article (termes évoqués plus haut) a, dans le choix

des termes qu’il utilise, manqué de mesure et de prudence, a outrepassé son droit de libre critique, et s’est ainsi montré ouvertement dénigrant à l’encontre du service « Club des Avantages » ;

– concernant les commentaires : attendu que sont versés aux débats une centaine de commentaires d’internautes réagissant à cet article et faisant part de leurs expériences concernant le Club des Avantages et plus généralement le cash-back payant ; que ces commentaires sont critiques, et expriment la déception des internautes face aux pratiques du Club des Avantages ; que les termes utilisés sont incontestablement dénigrants : « nous pauvres petits pigeons », « cette tentative d’arnaques», «ce genre de piraterie», « ils savent qu’ils agissent très mal », « quelle malhonnêteté ! », « Nous avons été victimes de ces pratiques abusives >>, « la société Club des Avantages Monetize Angels est une bonne grosse arnaque », « pratiques abusives », « me volent tous les mois 15 € », « cette arnaque pure et simple », «un goût amer d’escroquerie », « ras le bol de ces escrocs », « méthodes perverses », « bizarre que l’on puisse sans problème aller au-dessus des lois dans ce pays»,« c’est un scandale qui mérite d’être médiatisé afin que plus personne ne se fasse enc**er par ces gens », « procédés détournés les plus vicieux », « club d’avantages de m****» ;

– attendu que l’article 2 de la LCEN dispose que « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de … messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître

ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible >> ; (souligné par le tribunal) ;

– attendu que ces commentaires des internautes, qui s’échelonnent du 9 septembre 2016 au 26 mars 2019, sont accompagnés de commentaires de Monsieur X., rédacteur de l’article (7 commentaires, du 10 septembre 2016 au 7 mai

2018); qu’ils sont accompagnés également de réponses et d’interventions de MAS, sous le nom de « Sophie -responsable relation client Club des Avantages » (29 interventions, échelonnées du 11 novembre 2016 au 26 mars 2019) ; que de surcroît, à plusieurs reprises lors de ces échanges, Monsieur X. et « Sophie » se donnent la réplique ; attendu également que MAS a procédé à deux mises en demeure d’Hérétic, les 11 octobre 2016 et 18 juillet 2018 ; qu’il résulte de ce qui précède que le tribunal, sans s’attarder sur le formalisme de la « notification LCEN »du 12 juillet 2018, considère qu’Hérétic était parfaitement informée du grief formé par MAS à son encontre et qu’elle porte donc la responsabilité des commentaires diffusés et de leur caractère dénigrant ;

le tribunal dira que l’article et les commentaires publiés sur le site d’Hérétic sont dénigrants, et constituent une faute de la part de cette dernière envers le service du Club des Avantages ;

– Attendu que MAS demande le retrait des commentaires litigieux, tant de l’article que des commentaires qui l’accompagnent (sur le site et sur les réseaux sociaux), mais que le tribunal a jugé condamnable non pas le corps de l’article et des commentaires, mais les termes dénigrants mentionnés précisément plus haut ;

le tribunal condamnera Hérétic soit à supprimer purement et simplement l’article et les commentaires, soit :

Concernant l’article : à le modifier en supprimant ou modifiant toutes les mentions ou expressions dénigrantes mentionnées plus haut ;

Concernant les commentaires des internautes: à masquer, c’est-à-dire rendre non lisibles, les mentions ou expression dénigrantes mentionnées ci-dessus ; il assortira cette condamnation d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de un mois après la mise à disposition du présent jugement et pendant une durée de 60 jours ;

– attendu que MAS demande le paiement d’une somme de 50 000 € au titre de dommages-intérêts pour préjudice subi ; mais attendu que MAS ne démontre aucunement avoir subi un tel préjudice, ne donnant en la matière aucun détail ni aucune évaluation ; que le lien de causalité n’est pas plus démontré ; attendu toutefois qu’il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un préjudice fût-il seulement moral ;

le tribunal faisant usage de son pouvoir d’appréciation évalue le préjudice subi par MAS à la somme de 5000 €, et condamnera Hérétic à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– Attendu que MAS demande également au tribunal de prendre des mesures de publication de la décision ou des extraits de cette décision, dans la presse comme sur le site d’Hérétic, mais que le tribunal n’estimera pas nécessaire compte tenu des décisions qu’il a prises ci-dessus, de procéder à de telles publications ;

le tribunal déboutera MAS de ses demandes de publication ;

Sur l’article 700, l’exécution provisoire et les dépens :

– attendu que pour faire reconnaitre ses droits, MAS a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le tribunal condamnera Hérétic à lui payer la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du CPC, déboutant pour le surplus ;

– attendu que l’exécution provisoire est sollicitée, qu’elle apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, elle sera ordonnée, sans constitution de garantie;

– attendu qu’Hérétic succombe, elle sera condamnée aux dépens de l’instance ;

DÉCISION

Le Tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire,

– déboute la société Heretic de sa demande de voir déclarer nulle l’assignation ;

– déboute la société Heretic de sa demande de voir le tribunal se déclarer incompétent ;

– se déclare compétent pour traiter le présent litige ;

– dit que l’article et les commentaires publiés sur le site la société Heretic sont dénigrants, et constituent une faute de la part de cette dernière envers le service du Club des Avantages ;

– condamne la société Heretic soit à supprimer purement et simplement l’article litigieux, soit à le modifier en supprimant ou modifiant toutes les mentions ou expressions dénigrantes qu’il a utilisées et dont la liste suit: «appât», « piège pervers du commerce en ligne », « roulent dans la farine » «trompé plusieurs milliers d’internautes », « prendre des libertés avec la législation », « tombera pas dans le panneau», « pigeons», « l’ergonomie Web appliquée à la tromperie», « artifices », « intention commerciale dissimulée » ;

– condamne la société Heretic soit à supprimer purement et simplement les commentaires des internautes, soit à masquer, c’est-à-dire rendre non lisibles, les termes dénigrants qui y figurent et dont la liste suit: «nous pauvres petits pigeons », « cette tentative d’arnaques », «ce genre de piraterie», « ils savent qu’ils agissent trés mal», «quelle malhonnêteté ! », « Nous avons été victimes de ces pratiques abusives», « la société Club des Avantages Monetize Angels est une bonne grosse arnaque», « pratiques abusives », « me volent tous les mois 15 € », «cette arnaque pure et simple », « un goût amer d’escroquerie », « ras le bol de ces escrocs », « méthodes perverses », « bizarre que l’on puisse sans problème aller au-dessus des lois dans ce pays », «c’est un scandale qui mérite d’être médiatisé afin que plus personne ne se fasse enc••er par ces gens », « procédés détournés les plus vicieux », « club d’avantages de m****» ;

– Assortit ces deux condamnations d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de un mois après la mise à disposition du présent jugement et pendant une durée de 60 jours ;

– condamne la société Heretic à payer à la société Monetize Angels Services la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts ;

– déboute la société Monetize Angels Services de sa demande de publication du présent jugement ;

– condamne la société Heretic aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.;

– condamne la société Heretic à payer à la société Monetize Angels Services la somme de 3500 € au titre de l’article 700 du CPC ;

– déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– ordonne l’exécution provisoire.

Tribunal : Jean-Marc Bornet (président), Roland Cuni, Jean-Paul Joye (juges), Eric Loff (greffier)

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