Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 1er avril 1998

  • Article l 713-3b code de la propriété intellectuelle·
  • Similitude visuelle phonétique et intellectuelle·
  • Appel en garantie à l'encontre du fournisseur·
  • Vetements et sacs revetus de la denomination·
  • Atteinte aux droits privatifs sur la marque·
  • Demande reconventionnelle en déchéance·
  • Exploitation de la marque contrefaite·
  • Accord entre le second defendeur·
  • Numero d'enregistrement 599 616·
  • Période de cinq ans non ecoulee

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 1er avr. 1998
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BOSE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 599616
Classification internationale des marques : CL03;CL16;CL25
Liste des produits ou services désignés : Vetements et casquettes
Référence INPI : M19980282
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société de droit néerlandais BOSE B.V. est propriétaire de l’enregistrement international n 599.616 du 24 février 1993 visant la FRANCE de la marque semi- figurative BOSE servant à désigner des produits visés aux classes 3, 16 et 25. La société BOSE B.V. exploite cette marque en l’apposant notamment sur des vêtements et des casquettes. Il a été porté à sa connaissance que la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE, dont le siège social est à Montpellier, et un de ses établissements secondaires situé à Paris exerçant son activité sous l’enseigne LE SHOP, commercialisent des produits revêtus du signe POSE. Suite à une ordonnance présidentielle du 4 juillet 1996, la société BOSE B.V. a fait dresser le 5 juillet 1996 un procès-verbal de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE situés […] par Me A, huissier de justice. Au vu de ces éléments, la société BOSE B.V. a assigné la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE le 17 juillet 1996 aux fins de constatation judiciaire d’actes de contrefaçon par reproduction quasi-identique ou à tout le moins par imitation au sens des articles L713-2 et L713-3 du CPI. Outre les mesures habituelles de confiscation, d’interdiction sous astreinte et de publication, elle sollicite 500.000 francs en réparation de l’atteinte portée à ses droits sur la marque BOSE, l’exécution provisoire sur le tout et 50.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE a assigné le 23 octobre 1996 la société de droit britannique POSE qui lui a vendu les marchandises arguées de contrefaçon, aux fins de garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et de paiement de 20.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Les deux instances ont été jointes le 12 novembre 1996. La société POSE conclut à l’absence de contrefaçon de la marque BOSE par le signe POSE et de justification d’un quelconque préjudice ainsi qu’au rejet de l’appel en garantie de la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE et au paiement de 20.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle explique avoir transformé son logo POSE en 1994 sous le contrôle de la demanderesse qui menaçait d’introduire une action en contrefaçon contre elle. La société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE demande la déchéance des droits de la société BOSE B.V., réputée selon elle en matière de haute-fidélité et non pour le commerce de vêtements, sur sa marque BOSE par application de l’article L714-5 du CPI pour défaut d’exploitation pour les produits visés à la classe 25. Elle soutient que le premier dépôt,

point de départ du délai de 5 ans étant le 27 août 1992 au Royaume-Uni, la déchéance est acquise depuis le 27 août 1997. Elle conclut également à l’absence de contrefaçon et de preuve d’un quelconque préjudice de la demanderesse pour les mêmes motifs exposés par la société POSE. Elle explique avoir acquis de façon ostensible auprès de celle-ci les vêtements argués de contrefaçon sur un stand du salon « Who’s Next » à Paris, et être de bonne foi dès lors qu’elle a immédiatement cessé la vente de produits POSE après la saisie-contrefaçon. Elle s’étonne de l’absence de poursuites diligentées par la demanderesse contre la société POSE qui exerce son activité au vu et au sus de tous en FRANCE. Après avoir réclamé le débouté de la société BOSE B.V., la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE sollicite subsidiairement la garantie de la société POSE, et à titre reconventionnel 250.000 francs en réparation de son préjudice résultant des ventes non réalisées, 150.000 francs pour procédure abusive ainsi que l’exécution provisoire sur le tout et 50.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La société BOSE B.V. réfute les moyens et arguments des défenderesses dont elle demande le débouté. Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande de déchéance dès lors que la période de cinq ans visée par l’article L714-5 du CPI ne s’est pas écoulée depuis l’enregistrement de la marque internationale revendiquant notamment la FRANCE et datant du 23 février 1993. Elle ajoute démontrer en toute hypothèse faire usage du signe BOSE pour des produits relevant de la classe 25. La société BOSE B.V. conteste avoir autorisé la société POSE à utiliser le signe POSE et réclame à la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE, en sus des autres demandes, 200.000 francs en réparation de son préjudice commercial au vu du nombre de produits contrefaisants commercialisés. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 1997.

DECISION I – SUR LA DECHEANCE DE LA MARQUE BOSE : Dans des conclusions signifiées le 10 mars 1997, la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE réclame la déchéance de la marque internationale BOSE visant la France et enregistrée le 23 février 1993 par application de l’article L714-5 du CPI. Celui-ci, issu de la loi du 4 janvier 1991 entrée en vigueur le 28 décembre suivant, dit qu’encourt la déchéance de ses droits, le propriétaire d’une marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Il est constant que l’article L714-5 du CPI prévoit que le délai de non-usage court à compter de la date d’enregistrement de la marque en France à l’INPI ou visant la France pour une marque internationale. Dès lors que la demande de déchéance date du 10 mars 1997, force est de constater que n’a pas pu s’écouler une période interrompue de non-usage de cinq ans à compter de l’enregistrement de la marque le 23 février 1993 jusqu’à la date susvisée. La réclamation de ce chef est irrecevable donc rejetée. II – SUR LA CONTREFACON DE LA MARQUE BOSE N 599.616 : Les défenderesses ne contestent pas la validité de la marque internationale BOSE revendiquée par la société BOSE B.V.. Celle-ci soutient que le signe POSE imite sa marque et entraîne un risque de confusion pour un client d’attention moyenne n’ayant pas les deux signes en même temps sous les yeux. La société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE se prévaut à tort d’un accord entre son fournisseur britannique la société POSE et la société BOSE B.V. sur l’emploi par la première du signe POSE apposé notamment sur des vêtements. La lettre, non datée, produite à l’appui de ses déclarations ne démontre pas que la société BOSE B.V. a permis à la société POSE d’utiliser le signe POSE. Adressée à la demanderesse par Mr Andrew R, représentant de la société POSE, elle contient l’engagement de celui-ci à ne pas commercialiser des produits vestimentaires en violation des droits de la société BOSE B.V. sur sa marque et sur son slogan « Better sound through research », et de retirer immédiatement tous les articles portant le signe POSE en stock ou à l’étalage. Le rappel dans cette lettre d’un accord de la société BOSE B.V. de ne pas exercer de poursuite contre la société POSE n’émane que de celle-ci et ne constitue nullement un engagement de la part de la demanderesse qui est dès lors recevable à agir en contrefaçon contre la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE. Aux termes de l’article L713-3 b) du CPI sont interdits, sans autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Il est constant que la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon et que la prétendue tolérance invoquée par la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE à l’égard de la société POSE par la demanderesse ne saurait absoudre la première des faits qui lui sont reprochés. En l’effet le défendeur à une action en contrefaçon de marque ne peut pas se prévaloir à l’égard du titulaire de la marque, dont le dépôt est toujours en vigueur comme en l’espèce, de la tolérance de ce dernier à l’égard d’autres contrefacteurs.

Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 5 juillet 1996 que l’huissier a constaté la présence des produits suivants, revêtus du signe POSE, dans le magasin LE SHOP appartenant à la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE : * une combinaison orange comportant la dénomination POSE sur les deux côtés et sur l’étiquette, * deux combinaisons noires avec les dénominations POSE sur les deux faces, * deux pantalons style camouflage de treillis portant sur la poche de jambe la dénomination POSE et sur une étiquette, * un pantalon beige style treillis portant la dénomination POSE sur le revers de la poche et sur une étiquette, * un tee-shirt noir portant POSE sur une pièce plastique rapportée sur une face et « Pose corporation » imprimée sur l’autre, plus également POSE sur l’étiquette, * cinq sacs plastiques oranges ou jaunes fluo portant la dénomination POSE, * et un sac en forme de borne, rouge et blanc en alternance portant une pièce plastique rapportée avec la mention POSE. Le certificat d’identité produit, révèle que la marque BOSE sert à désigner notamment en classes 16 et 25 :

- Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie, adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; cartes à jouer ; caractères d’imprimerie ; clichés. * Vêtements, chaussures, chapellerie. Il est dès lors établi avec le procès-verbal de saisie-contrefaçon susvisé que le signe POSE est apposé sur les mêmes produits visés dans l’enregistrement de la marque revendiquée, à savoir : des vêtements et des sacs. Les signes en cause sont BOSE et POSE. Visuellement, ils sont tous deux courts, constitués de quatre lettres et ont en commun les trois dernières O, P et E. placées dans le même ordre et suivant le même rang. Comme pour le signe BOSE, POSE a une lettre, le S. dont les barres inférieure et supérieure se prolongent à droite et à gauche. Dans la dénomination BOSE, il s’agit des lettres B et E. Phonétiquement ces dénominations sont toutes deux bisyllabiques et possèdent la même consonance finale /ose/. Les seules différences visuelles et phonétiques résident dans la substitution de la première lettre P à la lettre B.

Toutefois cette substitution n’affecte pas une perception et une prononciation très proches des éléments verbaux en cause, le digramme PO se prononçant /PO/ avec le o ouvert, comme dans BOSE. Les deux dénominations BOSE et POSE ont dès lors une grande ressemblance d’ensemble, une signification similaire et un pouvoir évocateur identique. La demanderesse relève justement qu’aucune nécessité ne préside à la présence des deux prolongations de la lettre S dans POSE, sauf à vouloir rapprocher le plus possible cette dénomination du signe BOSE. Le consommateur moyen n’ayant pas les signes en cause simultanément sous les yeux, ni à l’oreille dans un tempo rapproché, risque de se tromper et de les prendre l’un pour l’autre. Le signe POSE est en conséquence l’imitation illicite de la marque BOSE. En commercialisant des produits identiques à ceux visés dans l’enregistrement de la marque BOSE, revêtus du signe POSE, sans l’autorisation de la demanderesse, la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE a enfreint l’interdiction posée par l’article L713-3 b) du CPI et commis des actes de contrefaçon par imitation qui lui sont reprochés. III – SUR L’APPEL EN GARANTIE : Il n’est pas contesté que la société POSE a livré à la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE les produits contrefaisants. Mais en l’absence de toute clause contractuelle, la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE qui ne peut pas se faire garantir des conséquences de sa propre faute, doit être déboutée des demandes qu’elle forme à l’encontre de son fournisseur. IV – SUR LES MESURES REPARATRICES : Il est fait droit aux demandes de confiscation et d’interdiction sous astreinte comme précisé au dispositif. Le préjudice subi par la société BOSE B.V. tient non seulement à l’atteinte portée à ses droits privatifs sur la marque BOSE qu’elle justifie exploiter pour les produits relevant de la classe 25 depuis 1991, mais aussi au préjudice commercial consistant dans les bénéfices perdus par la demanderesse sur les ventes manquées du fait de la commercialisation de produits contrefaisants par la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE. Les pièces produites établissent en effet que celle-ci a acheté à la société POSE au cours de 1995 des produits (vêtements et sacs) revêtus de la dénomination POSE pour un montant total de 142.429, 82 francs et en 1996 pour un montant de 42.313, 38 francs.

Suivant l’analyse des ventes produite par la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE, il apparait qu’elle a vendu entre le 1er juin et le 4 août 1996, 93 produits contrefaisants pour un montant total de 28.848, 87 francs. Le responsable du magasin Le Shop où les produits contrefaisants ont été saisis, a indiqué à l’huissier instrumentaire que leurs prix de vente étaient les suivants, la marge de la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE étant de 2, 2 :

- tee-shirt : 220 et 260 francs,
- treillis : 400 et 450 francs,
- sac à disque : 280 francs,
- veste : 550 francs,
- combinaison : 599 francs,
- sac à borne : 209 francs. Au vu de l’ensemble de ces éléments, les préjudices subis par la société BOSE B.V. seront justement réparés par l’allocation d’une somme de 100.000 francs. La publication de la présente décision est ordonnée à titre de dommages et intérêts complémentaires. La société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE qui succombe et est condamnée aux dépens, est dès lors déboutée de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts et de celle fondée sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile. L’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire dont l’origine remonte à pratiquement deux ans, s’avère nécessaire sur le tout. L’équité commande d’allouer à la société BOSE B.V. la somme de 15.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société POSE les frais irrépétibles exposés au cours de cette procédure et de rejeter sa demande fondée sur l’article susvisé. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Rejette la demande de déchéance de la marque BOSE n 599.616 ; Dit que la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE en offrant en vente et en vendant des vêtements et des sacs revêtus de la dénomination POSE, sans l’autorisation de la société BOSE B.V., a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque BOSE n 599.616 dont la société BOSE B.V. est propriétaire ; En conséquence :

Interdit à la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE de faire usage de la dénomination POSE sous astreinte de 1.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement ; Ordonne la confiscation aux fins de destruction des produits contrefaisants par un huissier de justice aux frais avancés de la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ; Condamne la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE à verser à la société BOSE B.V. la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon ; Autorise la société BOSE B.V. à faire publier le présent dispositif dans trois journaux de son choix, aux frais de la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE, le coût global de ces insertions ne pouvant excéder à sa charge la somme de 45.000 francs hors taxes ; Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ; Condamne la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE à verser à la société BOSE B.V. la somme de 15.000 francs par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société PEOPLE’S RAG COMPAGNIE aux dépens qui comprendront notamment les frais et honoraires de la procédure de saisie-contrefaçon (huissier et homme de l’art) et qui seront recouvrés par la SCP DUBARRY LEVEQUE LE DOUARIN et VEIL, société d’avocats, conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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