Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 18 novembre 2003, n° 02/05093

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 18 nov. 2003, n° 02/05093
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 02/05093

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 3e section

N° RG :

02/05093

N° MINUTE : 8

Assignation du :

22 Mars 2002

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

JUGEMENT

rendu le 18 Novembre 2003

DEMANDEUR

Monsieur Z X

[…]

[…]

représenté par Me Isabelle COPE BESSIS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire M0004

DÉFENDEURS

C D

[…]

[…]

représenté par Me Georges PETIT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire K0041

SA A B-I H

[…]

[…]

représenté par Me Stéphane BACRIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire K.0110

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mme BELFORT, Vice-Président, signataire de la décision

Mme VALLET, Vice-Président

Mme RENARD, Vice-Président

assistée de Catherine MAIN, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l’audience du 15 Septembre 2003

tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

en premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES:

M. Z X est comédien et assure la voix française de nombreux acteurs étrangers connus.

S’étant aperçu lors d’une présentation du Journal télévisé du 23 janvier 2002 sur la chaîne TF1 que la prestation qu’il avait réalisée au profit de la Société DHL en décembre 1999 pour sonoriser un spot publicitaire avait été utilisée sans son autorisation dans un film projeté lors de l’ouverture de la campagne électorale du groupement politique C D la veille dans la salle du Grand REX à Paris, M. X a assigné le 22 mars 2002 C D pour voir constater l’atteinte à son droit moral sur sa prestation et la faute quasi-délictuelle également commise à son préjudice par l’utilisation de celle-ci à des fins politiques et voir condamner la défenderesse à l’indemniser.

Le 31 mai 2002, l’association C D assignait la société A B-I H pour que celle-ci la garantisse de toute condamnation prononcée au profit de M. X.

La A B-I H rappelle que:

*elle est internationalement connue pour l’organisation et la production de la “Nuit des publivores” qui propose un montage thématique de films publicitaires venant du monde entier qui lui sont envoyés spontanément et à titre gratuit;

*elle organise également des soirées privées fondées sur le même concept;

*c’est dans ces conditions que C D a fait appel à elle pour l’organisation de la soirée de lancement de la campagne présidentielle du candidat Alain Y;

*au cours de cette soirée, a été diffusé une bande-annonce d’une dizaine de minutes comprenant plus d’une soixantaine d’extraits de films publicitaires dont un extrait d’environ 5 secondes d’une publicité pour DHL; ce film intitulé “Nouvelle France” avait pour but d’annoncer de façon caricaturale et humoristique la sortie “prochaine” d’un film fictif dont M. Y serait le personnage principal.

Cette défenderesse soutient sur le fond que:

— M. X n’apporte pas la preuve de sa qualité d’artiste-interprète du film publicitaire DHL et est donc irrecevable à opposer les dispositions des articles L 212-2 et L 212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ,

— en tout état de cause, la diffusion de l’extrait litigieux s’est faite dans les conditions de l’article L 211-3 du Code de la Propriété Intellectuelle s’agissant d’une parodie à laquelle le demandeur ne peut s’opposer et n’a causé aucun préjudice à ce dernier.

— enfin, ce film n’a causé aucun préjudice au demandeur car l’extrait n’a duré que quelques secondes, a une portée humoristique et n’est nullement attentatoire à l’honneur ou à la respectabilité de M. X.

Aussi, cette défenderesse conclut au débouté des demandes et à l’allocation d’une indemnité de 3000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .

L’Association C D reprend les mêmes moyens de défense que la société A B-I H et sollicite à titre principal le débouté des prétentions de M. X et l’allocation d’une somme de 3000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . A titre subsidiaire, cette concluante demande la garantie de la société CINAMATHEQUE B-I H.qui aurait dû négocier les droits avec M. X .

M. X réplique aux moyens de défense et maintenant ses prétentions en demandant au tribunal de:

— constater que l’interprétation en décembre 1999 de la bande vocale de la publicité DHL constitue bien une oeuvre protégée au sens des articles L 212-2 et L 212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

— constater que C D a reproduit sans son autorisation un extrait de son interprétation avec la circonstance aggravante d’une utilisation détournée à des fins politiques dans une campagne électorale et d’une diffusion sur une antenne nationale à un heure de grande écoute;

— dire que C D a commis une faute délictuelle à son détriment,

— dire que le préjudice qu’il a subi est constitué par une atteinte à son droit moral, au droit au respect de son interprétation ainsi qu’à son droit d’autorisation,

— condamner C D, responsable à lui payer la somme de 45 734,71 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 7622,45 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,

— condamner la A H à lui payer une somme supplémentaire de 4000 Euros à ce même titre,

et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de l’autorisation de publication de la décision à intervenir.

SUR CE,

*sur la qualité d’artiste-interprète de M. X du spot publicitaire DHL:

Il ressort de la lettre du 23 décembre 2002 de E F , président de la société LOUIS XIV DDB dont le contenu est conforté par le bulletin de salaire de M. X délivré par cette société pour une prestation les 1 et 6 décembre 1999 que ce dernier a participé au film publicitaire réalisé en 1999 par cette société pour le compte de la société DHL en qualité d’interprète de la voix “off” de ce spot.

Dès lors, M. X établit sa qualité d’artiste-interprète du spot publicitaire DHL dont des extraits ont été utilisés dans le film réalisé par la A B H pour le compte de l’association C D., cette qualité d’artiste-interprète étant indépendante de la cession de son interprétation à l’Agence de publicité ainsi que cela résulte des dispositions des articles L 212-1, L 212-2 et L 212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle .

M. X est donc recevable à agir en cette qualité d’artiste-interprète ainsi qu’au titre de la défense des droits de sa personnalité, la voix étant un attribut de celle-ci.

*sur l’atteinte aux droits de M. X:

Il n’est pas contesté que la prestation de M. X a été cédée à son Agence de publicité pour être exploitée dans un spot publicitaire pour le compte de DHL.

La reproduction partielle de l’interprétation de M. X et l’utilisation de sa voix dans le cadre d’un film soutenant une campagne électorale constitue une exploitation nouvelle qui nécessitait l’accord de M. X, et ce d’autant qu’elle intervenait au soutien d’un message politique pouvant ne pas entrer dans les idées de l’interprète et qu’ étant destinée à recevoir une large diffusion notamment télévisuelle , elle pouvait accréditer l’idée dans un large public que M. X ,dont la voix est connue tant dans le domaine publicitaire que dans la post-synchronisation (cf CV de l’artiste et liste de ses prestations) soutenait le candidat en cause.

Les défenderesses ne sauraient exciper de l’application de l’exception de parodie, de pastiche et de caricature prévue à l’article L 211-3 du Code de la Propriété Intellectuelle dès lors que le film en cause avait comme finalité de délivrer un message politique ; certes ce message est traité sur un mode humoristique mais il n’en demeure pas moins de propagande au soutien des intérêts d’un candidat à l’élection présidentielle et ne répond pas ainsi aux lois du genre ainsi qu’il est prévu par le texte précité étant au surplus relevé que la parodie , le pastiche ou la caricature doit porter sur l’interprétation première alors qu’en l’espèce, celle-ci est utilisée certes en extrait mais sans modification.

Dans ces conditions, cette utilisation de l’interprétation de M. X porte atteinte au droit moral dont bénéficie l’ artiste-interprète en application de l’article L 212-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ainsi qu’au droit qu’il détient sur l’utilisation de sa voix en application de l’article 9 du Code Civil.

*sur les responsabilités:

Le film comportant la reproduction illicite ayant été diffusé par l’Association C D ,celle-ci est responsable des atteintes aux droits incriminés dont M. X a été victime.

*sur les mesures réparatrices:

Compte-tenu de lanotoriété de M. X dans le domaine publicitaire et la post-synchronisation et de l’ampleur de la diffusion de la reproduction illicite de son interprétation au Journal télévisé d’une chaîne de grande audience à une heure de grande écoute (au JT de 20 heures de TF1), il y a lieu de considérer que le préjudice d’image subi par celui-ci est important et sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 30.000 Euros ?

A titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication du dispositif de la présente décision est autorisée dans les conditions définies au présent dispositif.

L’équité commande en outre d’allouer à M. X la somme de 4500 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , somme qui sera supportée par l’association C D. En revanche le demandeur est débouté de ses demandes de ce chef à l’encontre de la société A B-I H contre laquelle il ne formule aucune demande à titre principal.

Compte-tenu de l’ancienneté des faits, il y a lieu à exécution provisoire de la présente décision.

*sur l’appel en garantie:

L’associété C D ne produisant pas aux débats le contrat la liant à la société A B-I H, son appel en garantie doit s’analyser comme une action récursoire entre co-auteurs et suppose la démonstration d’une faute imputable à cette dernière et causale dans la réalisation du préjudice subi par M. X.

Dès lors qu’il n’est pas contesté que la société A B-I H a réalisé le film portant atteinte aux droits de M. X et ce, dans un cadre lucratif pour le compte de l’Association C D , le tribunal considère qu’en qualité de professionnelle, il lui appartenait de négocier avec les titulaires de droits (artiste-interprètes, auteurs) l’autorisation d’utiliser leurs prestations ou oeuvres dans le film en cause.

Compte-tenu de cette négligence qui a un rôle causal important dans les atteintes retenues à la charge de l’Association C D, il y a lieu de dire que celle-ci sera garantie des condamnations mises à sa charge à hauteur de 70% par la société A B-I H.

PAR CES MOTIFS,le Tribunal

statuant publiquement,contradictoirement et en premier ressort,

et sous le bénéfice de l’exécution provisoire,

Dit que l’interprétation par Z X en décembre 1999 de la bande vocale de la publicité DHL relève de l’application des articles L 212-1, L 212-2 et L 212-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ,

Dit que l’Association C D en reproduisant sans autorisation de M. X un extrait de cette interprétation dans un film à des fins politiques dans une campagne électorale et diffusé sur antenne nationale à une heure de grande écoute a porté atteinte au droit moral de l’artiste sur son interprétation et au droit qu’il détient sur l’utilisation de sa voix en application de l’article 9 du Code civil;

Condamne l’Association C D à lui payer la somme de 30.000 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4500 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,

Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de M. X et aux frais de l’association C D dans la limite de 5000 Euros HT par insertion,

Dit que la société A B-I H a commis une faute de négligence en ne négociant pas avec les titulaires de droits, l’autorisation d’exploiter leurs interprétations ou oeuvres dans le film qu’il a réalisé et a par sa négligence ainsi contribué à la réalisation du dommage dont l’association C D est reconnue présentement responsable;

Dit que l’association C D sera garantie à hauteur de 70% des condamnations mises à sa charge par la société A B-I H du fait de cette négligence;

Ordonne l’exécution provisoire,

Condamne l’association C D aux dépens ,

Dit qu’elle sera garantie de cette condamnation dans les mêmes conditions que précédemment.

Fait et Jugé à PARIS ,le 18 novembre 2003,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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