Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 17 juin 2003, n° 2002/10916

  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Élément caractéristique distinctif·
  • Atteinte à la valeur patrimoniale·
  • Détournement de clientèle·
  • Adjonction d'une lettre·
  • Adjonction d'un tréma·
  • Contrefaçon de marque·
  • Substitution d'un mot·
  • Validité de la marque·
  • Préjudice commercial

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 17 juin 2003, n° 02/10916
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2002/10916
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : KAISER ; KAISER WISE ; K KAISER URBANWEAR
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3037530 ; 3088813 ; 3143146
Classification internationale des marques : CL09 ; CL16 ; CL18 ; CL25 ; CL28 ; CL38 ; CL41 ; CL42
Référence INPI : M20030432
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 3e section JUGEMENT rendu le 17 Juin 2003

№RG : 02/10916

DEMANDEURS Monsieur B

SARL CANNE A SUCRE […] 93400 STOUEN représentés par Me Norbert GUETTA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire A0541

DEFENDEURS S.A.R.L. BIELLA […] de Nazareth 75003 PARIS

Monsieur Daniel E

Monsieur Ibrahim K représentés par Me Jean-Mard BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire D 849

COMPOSITION DU TRIBUNAL Mme B, Vice-Président, signataire de la décision Mme VALLET. Vice-Président Mme R, Vice-Président assistée de Catherine MAIN, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS A l’audience du 31 Mars 2003 tenue publiquement devant Mme VALLET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort

Faits et procédure Monsieur B est titulaire des marques suivantes:

- marque semi-figurative KAISER, déposée le 28 juin 2000 et enregistrée sous le n° 00 3037730 pour d ésigner les produits de la classe 25 et en particulier des vêtements,
- marque semi-figurative KAISER WISE, déposée le 14 mars 2001 et enregistrée sous le n° 01 3088813 pour dé signer les produits des classes 16, 18 et 25.

Ces marques sont exploitées par la société CANNE A SUCRE en vertu d’un contrat de licence exclusive en date du 30 mars 2001.

Ayant appris que la société BIELLA commercialisait des vêtements sous la marque KAISER Urbanwear, Monsieur BENDJAFFAR et la société CANNE A SUCRE ont été autorisées à faire diligenter une saisie-contrefaçon qui a été effectuée le 24 juin 2002.

Par acte en date du 9 juillet 2002, les demanderesses ont assigné la société BIELLA et Messieurs E et K en contrefaçon de marque, en concurrence déloyale ainsi qu’ en nullité et subsidiairement en transfert au profit de Monsieur B de la marque K KAISER Urbanwear déposée par Messieurs E ET K le 23 janvier 2002 et enregistrée sous le n°02 3143146 dans les classes 18,25 et 28 de la classification internationale.

Les défendeurs concluent au débouté de l’ensemble des demandes et sollicitent l’allocation de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ils opposent que:

- la recherche d’antériorité à laquelle ils ont procédé préalablement au dépôt de leur marque leur a montré que le signe K KAISER Urbanwear était disponible,
- ce signe n’est pas susceptible d’entraîner un risque de confusion avec celui des demandeurs qui est constituée par le seul nom de KAISER,

— l’élément figuratif et les caractères dont différents,
- le nom de KAISER est utilisé dans de nombreuses marques et par plusieurs sociétés sur le territoire français,
- le grief de concurrence déloyale n’est pas davantage fondé faute de risque de confusion, le préjudice invoqué n’étant au surplus nullement justifié et particulièrement excessif au regard du nombre de pièces commandées au fournisseur, à savoir 1600, qui n’ont pas toutes été commercialisées du fait de la contestation.

Dans le dernier état de ses écritures en date du 21 février 2003, Monsieur B et la société CANNE A SUCRE répliquent que :

* sur la contrefaçon:

- leurs marques sont exploitées de façon publique depuis 1999 leur lancement ayant donné lieu à une large publicité y compris dans le métro,
- l’imitation illicite est constituée du fait de la reprise dans la marque seconde de l’élément dominant « KAISER » qui ne perd pas son caractère attractif par l’ajout du terme Urbanwear, purement générique et écrit en caractères minuscules et peu visibles,
- la similitude de graphisme ajoute au risque de confusion,
- les produits visés sont identiques et à tout le moins similaires,

* sur la concurrence déloyale:

- la société BIELLA s’est placée dans son sillage commercial en profitant de ses investissements publicitaires importants et a ainsi opéré un détournement de clientèle en vendant à bas prix des produits de qualité moindre,
- il en résulte une atteinte à la valeur patrimoniale de la marque,
- l’usage du nom KAISER à titre de nom commercial et de marque par cette société crée la plus grande confusion dans l’esprit du public.

Ils soulignent que le préjudice subi est très important car les fabrication^ réalisées à l’étranger sont généralement commandées par lots de mille pièces de sorte qu’en l’absence de documents fiables fournis par la société BIELLA, il y a lieu de considérer que ce sont 200 000 pièces sur lesquelles la marque litigieuse a été apposée en tenant compte qu’il existe six modèles différents, dans quatre tailles et huit couleurs.

Ils demandent en conséquence de:

— ordonner à la société BIELLA de cesser tout usage de la dénomination sociale, de l’enseigne, du nom commercial KAISER ou de tout nom comportant le terme KAISER sous peine d’astreinte de 1524,49 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir,
- condamner la société BIELLA à payer à la société CANNE A SUCRE et à Monsieur B la somme de 304 898 euros chacun à titre de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de marque,
- condamner la société BIELLA à payer à la société CANNE A SUCRE la somme de228 673 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale,
- prononcer la nullité de la marque semi-figurative « K KAISER Urbanwear » déposée à L’INPI le 23 janvier 2002 sous le n°3143146,

Subsidiairement,
- attribuer à Monsieur B la marque semi-figurative « K KAISER Urbanwear »
- ordonner la transmission de la décision à intervenir à l’INPI pour transcription au Registre National des Marques,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues aux frais solidaire des défendeurs et au choix des demandeurs sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 4 573 euros, le tout sous le bénéfice de exécution provisoire,

et de condamner solidairement la société BIELLA, Monsieur E et Monsieur K à payer à la société CANNE A SUCRE et à Monsieur B chacun la somme de 7622,45 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens sous la même solidarité.

Motifs de la décision

Sur la contrefaçon: Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article L 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public: b) l’imitation et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement »;

Attendu qu’il est constant pour n’être pas discuté que les produits visés par la marque seconde sont identiques et à tout le moins similaires à ceux de la marque KAISER en ce qu’elles désignent l’une et l’autre les vêtements, les chaussures et la chapellerie et à

ceux de la marque KAISER WISE en ce qu’elles visent l’une et l’autre outre les produits de la classe 25 ci-dessus spécifiés, les produits de la classe 18 soit les produits en cuir et imitation cuir;

Attendu en revanche qu’aucune des marques dont Monsieur B est titulaire ne désigne les jeux, jouets et décorations pour arbre de Noël avec lesquels il n’existe dès lors aucun risque de confusion;

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que l’appréciation de la similitude entre les signes en présence doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants;

Attendu dès lors qu’une marque complexe ne peut être considérée comme similaire aune autre marque, identique ou similaire à un des composante de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe;

Attendu qu’est dominant, l’élément que le public garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque complexe sont négligeables dans l’impression d’ensemble;

Attendu qu’en l’espèce, la marque semi-figurative KAISER se compose d’un logo surmontant le terme KAISER écrit en gros caractères noirs et dans un graphisme particulier; que dans la marque KAISER WISE, l’élément figuratif, identique à la marque précédente précède les deux mots inscrits dans le même graphisme, l’ensemble étant sur une seule ligne;

Attendu que le terme anglais WISE qui signifie avisé ou prudent, n’est pas généralement connu du consommateur français qui ne retiendra dès lors que le terme d’attaque KAISER;

Que l’élément figuratif, abstrait et tout au plus évocateur de légèreté ou de sport de « glisse » apparaît secondaire dans l’impression d’ensemble;

Attendu que la marque seconde se compose de deux K en lettres capitales noires dans un graphisme particulier enserrant le mot KAISER inscrit en lettres capitales blanches se détachant sur un fond noir ; que le terme Urbanwear figure en petits caractères sous le mot KAISER et en capitales d’imprimerie classiques;

Attendu que le terme KAISER se détache nettement et se trouve encore renforcé par la présence des deux lettres K;

Attendu que le tréma, absent des marques premières est de peu d’incidence, la prononciation en « é » ou « a-i » étant indifféremment usuelle;

Attendu que l’ajout du terme générique Urbanwear, bien connu des consommateurs français pour désigner un vêtement de ville est sans influence sur l’impression d’ensemble;

Attendu qu’il s’en suit que l’identité des produits désignés et effectivement commercialisés par les défendeurs à savoir des teeshirts et des sweat-shirts, alliée à la reprise du terme dominant des marques premières engendre un fort risque de confusion; Attendu que l’emploi dans la marque seconde d’un style de graphisme sinon rigoureusement identique, du moins comparable, très en vogue chez les jeunes qui constituent le public de référence des vêtements considérés, accroît encore ce risque;

Qu’en conséquence, le grief de contrefaçon est fondé.

Sur la demande de nullité:

Attendu que l’article L 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que " ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue…";

Attendu que l’article L 714 -3 du même code dispose que « Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4… »;

Attendu que la marque « K KAISER Urbanwear » déposée le 23 janvier 2002 soit postérieurement aux marques dont Monsieur B est titulaire et portant atteinte aux droits de ce dernier sera partiellement annulée en ce qu’elle vise les produits et services des classes 18 et 25 de la classification internationale.

Sur la concurrence déloyale:

Attendu que le détournement de clientèle et la perte de valeur patrimoniale de la marque invoqués par les demandeurs sont la conséquence directe de la contrefaçon, le Eut de vendre à bas prix des produits en profitant des investissements réalisés par un tiers constituant l’objectif même de son auteur; qu’ainsi ces éléments de préjudice doivent ils être pris en considération dans l’appréciation du montant de l’indemnisation sans qu’il y ait lieu de faire application des dispositions de l’article 1382 du Code Civil;

Attendu par ailleurs que les défendeurs n’ont fait usage de la dénomination KAISER ni à titre de nom commercial, ni à titre d’enseigne.

Sur les mesures réparatrices :

Attendu qu’il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de publicité sollicitées selon les modalités prévues au dispositif;

Attendu que le préjudice consécutif à l’atteinte à la marque sera intégralement réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros à Monsieur B à titre de dommages et intérêts;

Attendu qu’en ce qui concerne le préjudice commercial, il convient de relever que :

-la société BIELLA s’est bornée à fournir à l’huissier instrumentaire une facture en date du 5 juin 2002 relative à la confection par la société turque MARDINI de 944 tee-shirts,
-ce fabricant a attesté le 3 mars 2003 avoir fourni au total 1601 pièces au prix moyen de 5 €,
-l’attestation en date du 2 avril 2003 supposée émaner de l’expert-comptable de la société BIELLA, versée aux débats en cours de délibéré aux lieu et place du bilan demandé par le tribunal, indique que "sur l’année 2002, (la société) a acheté pour un montant de 25 294,72 € auprès de la société MARDINI. Sur ces montants-là uniquement 1429pièces a été commercialisées (sic) avec la marque K.KAISER URBANWEAR. Par ailleurs, je précise que le chiffre d’affaires réalisé avec cette marchandise s’élève à la somme de 14 833,00€ hors taxes.",
- le total des factures produites à l’appui de ce témoignage s’élève cependant à 11 875 pièces pour un montant total de 49 210,82 €, le prix de chaque pièce variant entre 2,30 et 4,88 €,
- que ces factures portent exclusivement sur des teeshirts alors que la documentation publicitaire et le constat d’huissier établissent que la société BIELLA a également commercialisé des sweatshirts;

Attendu que de ces éléments épars et discordants il s’évince une volonté délibérée de dissimuler la réalité du stock contrefaisant;

Attendu que la société CANNE A SUCRE commercialise les teeshirts à des prix compris entre 15 et 25 € et les sweatshirts au prix de 36,59 €; qu’elle justifie avoir réalisé une importante campagne publicitaire pour le lancement de ses marques; que la contrefaçon a engendré un important manque à gagner qui sera réparé par l’allocation de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Attendu qu’il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, exécution provisoire qui n’est en l’espèce contraire à aucune disposition légale;

Attendu que les demandeurs ont engagé pour la présente procédure des frais non taxables dont il serait inéquitable qu’ils restent à leur charge; qu’il leur sera alloué la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile à la charge des défendeurs in solidum ; Attendu que les défendeurs seront condamnés aux entiers dépens de l’instance sous la même solidarité.

Par ces motifs Le Tribunal,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Dit que le dépôt de la marque K KAÏSER Urbanwear et la commercialisation de vêtements sous cette marque constitue des actes de contrefaçon par imitation portant atteinte aux droits de Monsieur B et de la société CANNE A SUCRE sur les marques antérieures KAISER et KAISER WISE,

En conséquence,

Prononce la nullité partielle de la marque semi- figurative K KAISER Urbanwear déposée le 23 janvier 2002 et enregistrée sous le n°3143146 en ce qu’elle désigne les produits des classes 1 8 et 25,

Dit que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l’INPI par les soins du greffier, saisi à la requête de la partie la plus diligente pour inscription au Registre National des Marques,

Fait interdiction à Messieurs E et K et à la société BIELLA d’utiliser sous quelque forme que ce soit la dénomination KAISER pour désigner les produits des classes ci-dessus visées sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la société BIELLA à payer à Monsieur B la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques dont il est titulaire,

Condamne la société BIELLA à payer à la société CANNE A SUCRE la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice commercial,

Autorise, à titre de supplément de dommages et intérêts, la publication de la présente décision dans trois journaux ou périodiques aux choix des demandeurs et aux frais des défendeurs in solidum dans la limite d’un coût de 3 000 euros HT par publication,

Déboute la société CANNE A SUCRE de sa demande fondée sur la concurrence déloyale,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne in solidum Messieurs E et K et la société BIELLA à payer à Monsieur B et à la société CANNE A SUCRE la somme totale de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile,

Les condamne in solidum aux entiers dépens.

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