Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre section sociale, 19 février 2013, n° 12/15185

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. sect. soc., 19 févr. 2013, n° 12/15185
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/15185

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/4 social

N° RG :

12/15185

N° MINUTE :

Assignation du :

31 octobre 2012

DEBOUTE

F B

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 19 février 2013

DEMANDERESSE

Fédération des Syndicats Sud Rail

[…]

[…]

représentée par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0242

DÉFENDERESSE

Société Nationale des Chemins de Fer Français, dite SNCF, EPIC

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1665

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne LACQUEMANT, Vice-Président

Président de la formation

Madame Florence BUTIN, Vice-Président

Madame Pénélope POSTEL-VINAY, Vice-Président

Assesseurs

assistées de Elisabeth AUBERT, Greffier

DÉBATS

A l’audience du janvier 2013

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

En premier ressort

A la suite d’une assignation délivrée à jour fixe le 31 octobre 2012 à l’établissement public SNCF, la Fédération des syndicats SUD RAIL (ci-après désignée « la Fédération SUD-RAIL) demande au tribunal, au bénéfice de l’exécution provisoire et au visa des dispositions des RH 910 et 337, L. 2132-1 du code du travail, et ensemble 1134 du code civil et L. 1222-1 et suivants du code du travail, de :

— constater que la SNCF procède pour la mise en place de son plan « Convergences » à un rapprochement tant physique que professionnel, structurel et hiérarchique des 380 agents de la DCF avec le personnel de la société RFF, constater encore que cette unification tendant à accélérer l’unification des compétences de gestion du réseau implique pour le personnel, d’une part, un déménagement physique et, d’autre part, la mise en place d’une structure hiérarchique nouvelle et une activité professionnelle commune avec les salariés de RFF,

— à titre principal, constater dès lors que les agents de la DCF concernés par le projet se trouvent placés dans une situation de mobilité résultant tant des mesures d’organisation que d’évolution de leur emploi, constater cependant que la SNCF n’a pas entendu faire bénéficier ses agents des règles statutaires issues des dispositions du RH 910, en conséquence et en tant que de besoin sous astreinte de 10.000 euros par jour et par infraction constatée, faire interdiction à la SNCF de mettre en place son plan « Convergences » et interdire tout déménagement du personnel de la DCF jusqu’à la mise en place par l’entreprise défenderesse du bénéfice de ses textes statutaires à ses agents,

— à titre subsidiaire, constater que les agents de la DCF concernés par le projet « Convergences » se trouvent placés dans une situation de mise à disposition résultant tant des mesures d’organisation que d’évolution de l’exercice de leur emploi, constater cependant que la SNCF n’a pas entendu faire bénéficier ses agents des règles statutaires issues des dispositions du RH 337, en conséquence et en tant que de besoin sous astreinte de 10.000 euros par jour et par infraction constatée, faire interdiction à la SNCF de mettre en place son plan « Convergences » et interdire tout déménagement du personnel de la DCF jusqu’à la mise en place par l’entreprise défenderesse du bénéfice de ses textes statutaires à ses agents,

— en tout état de cause, constater qu’en refusant d’appliquer les textes statutaires dont elle est la garante, la SNCF a commis une faute en n’exécutant pas de bonne foi ses obligations, et que la Fédération requérante a subi un préjudice résultant de ce refus, en conséquence condamner la SNCF à lui verser la somme de 5.000 euros, ainsi que 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre la charge des dépens en application des dispositions de l’article 699 du même code.

La Fédération des Syndicats SUD-RAIL expose au soutien de ces demandes que parmi les directions de la SNCF figure la Direction de la Circulation Ferroviaire, laquelle se caractérise par un statut particulier puisque son directeur est nommé par le gouvernement et qu’elle a pour objet principal d’assurer pour le compte de RFF, depuis le 1er janvier 2010, les missions de gestion du trafic et des circulations impliquant la rénovation des sillons, la réorganisation des systèmes de commande et la régulation des circulations, étant rappelé que cette organisation est intervenue sur l’injonction de la Commission Européenne au regard du conflit d’intérêt créé par la pluralité d’utilisateurs du réseau ferré continuant parallèlement à être administré par l’opérateur historique.

Il est indiqué que dans ce contexte, les salariés de RFF ayant également pour mission de gérer la commande centralisée du réseau et ceux de la DCF ont vocation à être rassemblés sur un même site, aux fins de mise en place d’un système coordonné par un centre national, ce qui a conduit cette direction à présenter au comité d’entreprise du gérant de l’infrastructure un projet de déménagement de son siège en vue de regrouper ses services mais également, de se rapprocher de la direction de RFF en s’établissant dans un immeuble loué par celle-ci et mis à disposition de la DCF.

Il est précisé que la SNCF affirme qu’aucune modification des conditions de travail ne doit intervenir alors même qu’il est constaté au regard de l’information fournie aux représentants du personnel, qu’il s’agit en fait de « diluer » la DCF au sein de RFF par la construction d’une organisation de RFF préfigurant l’unification des compétences du gestionnaire de réseau, ce qui devrait conduire la SNCF à appliquer à ses agents les dispositions statutaires relatives à la mobilité, offrant des mesures d’accompagnement de la mobilité géographique et/ou fonctionnelle, ou à tout le moins, celles de la mise à disposition définissant les conditions applicables au personnel ayant ce statut auprès d’organismes extérieurs partenaires, soit l’établissement d’une convention-cadre et la signature d’un avenant au contrat de travail.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 janvier 2013, la SNCF demande au tribunal, au visa des articles 1134 du code civil, L. 1222-1 du code du travail, du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, les dispositions des RH 910,337 et 131, de dire et juger la Fédération des Syndicats SUD-RAIL mal fondée en ses demandes et en conséquence l’en débouter, et la condamner à payer à la SNCF une somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre la charge des dépens avec application de l’article 699 du même code.

La SNCF expose que le projet litigieux de déménagement du siège de la DCF consiste en un changement de lieu de travail pour les 380 agents concernés n’entraînant ni suppressions d’emplois, ni changement dans l’organisation de travail ou l’organigramme, ni modification des métiers.

Elle soutient que le RH910 n’est pas un texte statutaire mais un engagement unilatéral de la SNCF offrant des garanties complémentaires aux salariés dans certaines situations et qu’en tout état de cause, ces dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer au cas d’espèce puisqu’elles visent les mesures d’adaptation de l’emploi entraînant la nécessité d’opérer des changements de résidence ou d’emploi et/ou introduisant une limitation des indemnités, ce qui représente deux conditions cumulatives de sorte que la mobilité géographique ou fonctionnelle ne suffit pas et doit nécessairement s’ajouter à des mesures d’adaptation de l’emploi, lesquelles ne sont pas présentes dans le contexte décrit, qu’au surplus il n’existe ni mobilité fonctionnelle, ni mobilité géographique au sens de la réglementation de la SNCF, s’agissant d’un déplacement entre différents arrondissements de Paris, étant au surplus précisé que des mesures spécifiques d’accompagnement ont néanmoins été prévues.

Elle fait enfin valoir, au bénéfice des mêmes observations s’agissant de la portée de ce texte, que le RH 337 n’a pas davantage vocation à s’appliquer en ce que la situation résultant du projet n’implique aucunement la mise à disposition de salariés, et que le placement de trois cadres supérieurs de la DCF dans cette position statutaire est intervenue dans un tout autre contexte de fond que représente le projet « Convergences », lequel est antérieur au déménagement prévu et doit aboutir à la création d’une direction commune de la production des sillons.

Pour un plus ample exposé de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS

Attendu que l’organisation de la SNCF comporte une direction centrale, des directions centrales d’appui, 23 directions régionales composées d’établissements chargés d’un secteur d’activité, eux-mêmes constitués d’unités opérationnelles et d’unités de production, et que cette structure géographique se double d’une segmentation par branches d’activités, dont l’activité « Infrastructure », dotées de même que les régions de comités d’établissement ;

Que depuis le 1er janvier 2010 en application de la loi dite ORTF n°2009-1503 du 8 décembre 2008 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, la Direction de la Circulation Ferroviaire (DCF), fonctionnellement indépendante de la SNCF, exerce pour le compte de RFF, propriétaire du réseau ferroviaire depuis 1997, les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national, ce avec l’objectif assigné par le texte précité de les remplir

dans les conditions « assurant l’indépendance des fonctions essentielles ainsi exercées, garantissant une concurrence libre et loyale et l’absence de toute discrimination » ;

Que dans ce cadre, la DCF, qui compte une direction centrale et 21 établissements infra circulation (EIC) est notamment en charge de réaliser des études techniques nécessaires à l’attribution par RFF des sillons ferroviaires aux utilisateurs des voies, et d’assurer la gestion opérationnelle des circulations sur le réseau ferré national ; qu’étant l’interlocuteur des entreprises ferroviaires, RFF s’appuie sur les services de la DCF, de sorte que les services de chaque entité travaillent en coopération ;

Que tel que présenté par la SNCF aux institutions représentatives du personnel, dans le cadre de quatre réunions du CHSCT de la Direction de l’Infrastructure en date des 28 août 2012 pour information, 18 septembre 2012 pour consultation, 19 novembre pour restitution du rapport de l’expert désigné par le comité et enfin 7 janvier aux fins de recueil d’avis avant la réunion du comité d’établissement CEGI prévue le 24 janvier, le projet consiste en un regroupement des différents services de la DCF actuellement dispersés sur 3 sites, vers un lieu unique situé dans le 13e arrondissement de Paris ;

Que le document d’information établi par la SNCF sur ce projet fait état, d’une part, de l’opportunité de rapprocher la DCF de RFF et, d’autre part, de la nécessité d’intégrer des locaux plus vastes tout en regroupant les services sur un site unique ; que sont par ailleurs prévues des mesures d’accompagnement social définies selon les critères d’allongement du temps de trajet, des frais supplémentaires de transport et de garde d’enfants ;

Que pour soutenir que ce déménagement s’analyse en réalité comme la composante d’une réorganisation plus vaste visant l’intégration des salariés de la SNCF au sein de RFF, la Fédération SUD RAIL invoque les informations fournies sur ce point dans le cadre du projet dit « Convergence » présenté comme « l’évolution envisagée de l’organisation de la Direction de la Production des Sillons [DPS] de la DCF » aux fins de « mettre en qualité la chaîne de production horaire » et plus généralement la répartition des capacités, par la réunion des fonctions éclatées entre RFF et la DPS de la DCF ; que ces objectifs se sont traduits sur le plan organisationnel par la création d’une direction commune RFF/DCF de la production des sillons mise en place en avril 2012, laquelle comme le fait apparaître l’organigramme de RFF, comporte deux services dirigés par des cadres de la SNCF -DCF, à savoir le service « construction du service annuel » et le service « adaptation du service annuel », le directeur de la production des sillons occupant par ailleurs ce même poste dans l’organigramme de la DCF ;

Que deux autres dirigeants de la SNCF, M. X et M. Y, apparaissent également dans l’organigramme de RFF en tant que directeur de la mission « recherche et innovation » et directeur-adjoint à la direction juridique de RFF alors qu’ils occupent les mêmes fonctions à la DCF, ce qui outre l’évolution prévisible du contenu des emplois au sein des services concernés, conduit la Fédération requérante à affirmer que les agents de cette direction devraient soit bénéficier des dispositions du RH 910, soit du RH 337 ;

Que le RH910 prévoit aux termes de son chapitre 1 « champ d’application » que les dispositions de ce référentiel s’appliquent « aux mesures nationales, régionales ou locales d’adaptation de l’emploi (modification de structure, réorganisation, suppression ou redéploiement d’emplois, variations de charges de travail, quelque soit le nombre d’agents concernés),

-entraînant la nécessité d’opérer des changements de résidence (mobilité géographique) ou des changements d’emploi (mobilité fonctionnelle),

-et/ou conduisant à une réduction significative et durable du montant des indemnités et gratifications perçues en permanence » ;

Que sans contester la perspective d’une évolution structurelle s’inscrivant dans la poursuite du rapprochement des services des deux entités en charge de la production des sillons pour aboutir à l’objectif d’une gestion unifiée, ce que mentionne également RFF dans un communiqué de presse de janvier 2012 évoquant notamment un regroupement physique et fonctionnel des équipes « horaires », la SNCF objecte que ce rapprochement n’implique en l’état aucune conséquence pouvant être qualifiée d’adaptation de l’emploi, s’agissant uniquement de déplacer et regrouper les entités concernées en un lieu unique ; qu’à l’inverse aucun élément ne vient démontrer l’imminence d’autres changements, les agents continuant à appartenir à la même entreprise et à être rattachés à une hiérarchie issue de celle-ci, le tableau des emplois correspondant aux 9 entités de la nouvelle DPS permettant de relever que 6 relèvent de RFF et 3 regroupent des sous-entités qui sont des transpositions des services auparavant placés auprès de chaque structure, telles que « construction DCF » et « pilotage construction RFF » au sein de l’entité « service construction » ;

Que ces éléments ne permettent pas de conclure qu’il s’agisse de mesures « d’adaptation de l’emploi » étant au surplus observé que la seconde condition d’application du RH 910 n’apparaît pas remplie en ce qu’il n’existe pas de mobilité fonctionnelle démontrée et que le déplacement géographique est limité à des arrondissements différents de Paris ; qu’à cet égard le fait que la SNCF ait mis en place des mesures d’accompagnement tenant compte des contraintes en résultant pour les agents ne peut s’analyser comme la reconnaissance d’une mobilité au sens de ses statuts ;

Que la mise à disposition correspond à la situation administrative d’un agent qui exerce temporairement son activité dans un organisme juridiquement distinct, sous la dépendance hiérarchique de l’organisme d’accueil dans l’exercice de ses missions et tout en conservant le même employeur, dans le cadre d’une convention précisant les modalités de cette mesure ;

Que le RH 337 définit le régime applicable au personnel de la SNCF pendant sa mise à disposition auprès d’organismes extérieurs, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors que les agents des services composant la nouvelle direction continuent à travailler au sein et pour le compte de la DCF, la DPS étant en effet dirigée « par un directeur rattaché à la DCF » qui « reste le hiérarchique des équipes de la DCF » ; qu’ainsi la DPS qui est un regroupement de services, n’est pas devenu un service de RFF comme permet de le vérifier l’organigramme de la SNCF ;

Que la situation des salariés de la SNCF occupant un poste de direction au sein de cette nouvelle structure, sur laquelle aucun élément n’est fourni, n’est pas de nature à conditionner celle des agents la composant qui est liée à leur unité ou sous-unité, selon que celle-ci dépend de la SNCF-DCF ou de RFF ;

Qu’en conséquence les critères juridiques de la mise à disposition ne sont pas réunis et que la demande tendant à voir appliquer le référentiel RH 337 régissant cette position n’est pas fondée ;

Que la Fédération des Syndicats SUD-RAIL sera donc déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens, la situation respective des parties justifiant qu’il ne soit pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute la Fédération des Syndicats SUD-RAIL de ses demandes ;

Rejette les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Fédération des Syndicats SUD-RAIL aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 19 février 2013

Le Greffier Le Président

[…]

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