Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 3e section, 10 juillet 2014, n° 13/00296

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 3e sect., 10 juill. 2014, n° 13/00296
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/00296

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

9e chambre

3e section

N° RG : 13/00296

N° MINUTE : 13

Assignation du :

23 Novembre 2012

JUGEMENT

rendu le 10 Juillet 2014

DEMANDEURS

Monsieur I J

[…]

[…]

Monsieur A F B

[…]

[…]

représenté par Maître Thierry LAMARRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0367

DÉFENDERESSE

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

[…]

[…]

représenté par Monsieur Olivier BIDARD, Inspecteur, muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Martine BOITTELLE-COUSSAU, Vice-Présidente

Pascale LIEGEOIS, Vice-Présidente

T-U V, Juge

assistées de Emmanuelle LOIRET, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 15 Mai 2014 tenue en audience publique devant Madame LIEGEOIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux Conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2014.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

A B et I J ont reçu dans le cadre de la succession de K L, décédée le 3 octobre 2004, dans leurs legs particuliers divers biens meubles dont une statuette en bronze intitulée «ྭVénus se séchant après le bainྭ».

Dans le cadre de l’inventaire de succession dressé par Maître C D, notaire à X, la statuette a été estimée à une valeur de 30.000€.

Cet objet a fait l’objet d’une vente aux enchères publiques le 6 juin 2005, organisée par la maison de ventes ROSSINI sous le numéro de lot 104 et a été adjugé à un prix de 1.200.000€.

Une déclaration de succession principale a été déposée le 19 septembre 2005 puis une déclaration complémentaire a été enregistrée le 24 avril 2006 suite à cette vente aux enchères publiques ainsi qu’à une autre vente publique intervenue le 17 juin 2005 portant sur divers biens de la succession L.

A B et I J ont mentionné expressément dans leur déclaration complémentaire que la statuette «ྭVénus se séchant après le bainྭ» était maintenue à sa valeur d’inventaire et non à sa valeur d’adjudication au motif que la vente publique était intervenue dans des circonstances exceptionnelles et que les acheteurs avaient eu un comportement irrationnel, E Y, expert en objets d’art attestant que la valeur vénale du lot 104 correspondait bien à sa valeur d’inventaire.

L’administration fiscale a adressé le 17 mars 2009 à A B et I J une proposition de rectification, envisageant le rehaussement de la valeur de la statuette à son prix de vente.

A B et I J ont formé le 13 mai 2009 des observations auxquelles l’administration fiscale a répondu le 20 juillet 2009.

Dans ses deux avis du 13 avril 2010, la commission départementale de conciliation de Paris s’est déclarée incompétente, le différend entre les contribuables et le service portant sur une question de droit.

Les impositions ont été mises en recouvrement le 6 juillet 2010 pour un montant de 287.457€, et les réclamations formées par les contribuables le 20 septembre 2012 ont été rejetées le 24 septembre 2012.

Par acte du 23 novembre 2012, A B a assigné le directeur des services fiscaux, afin de se voir accorder la décharge du rappel de droits d’enregistrement contesté et allouer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.ྭ

Par acte du 23 novembre 2012, I J a assigné le directeur des services fiscaux, afin de se voir accorder la décharge du rappel de droits d’enregistrement contesté et allouer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2014 dont les termes sont identiques, A B et I J demandent de :

— joindre les deux instances,

— prononcer la décharge des suppléments d’imposition mis à leur charge,

— condamner le directeur des services fiscaux au paiement de la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Ils font valoir qu’en application de l’article 764 I 1° du Code général des impôts, ils rapportent la preuve contraire admise par ce texte de ce que le prix d’adjudication de la statuette constituant le lot 104 ne correspond pas à sa valeur vénale et ne doit pas constituer l’assiette de calcul de l’imposition.

Le directeur des services fiscaux, dans ses mémoires rédigés en termes identiques dans les deux instances et signifiés le 30 octobre 2013, ne s’oppose pas à la jonction mais sollicite le rejet des prétentions de A B comme de I J.

Il soutient que les demandeurs ne rapportent pas la preuve que la valeur vénale du lot 104 correspond à sa valeur d’inventaire telle que confirmée par l’attestation de l’expert Y et non à sa valeur d’adjudication, les autres attestations fournies par les demandeurs n’étant pas de nature à remettre en cause le prix issu de la vente publique.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions susvisées pour l’exposé détaillé des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2014 dans les deux instances.

MOTIFS

Sur la jonction d’instance :

En application de l’article 367 du Code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’instance introduite par A B et celle introduite par I J enrôlées sous le n° 13/00296 et 13/00297 portent sur les mêmes demandes dirigées vers le même défendeur, l’administration fiscale dans le cadre d’un rappel d’imposition fondée sur la réévaluation de l’actif de la succession de K L tenant à une même statuette en bronze.

De plus les moyens invoqués à l’appui de leurs demandes sont identiques.

Dans ces conditions, il est d’une bonne administration de la justice de joindre l’instance enrôlée sous le n°13/00297 avec l’instance le n°13/00296 et de dire qu’elle sera suivie sous ce seul numéro.

Sur la demande de décharge des droits supplémentaires :

L’article 764 du Code général des impôts prévoit que :

«ྭI. Pour la liquidation des droits de mutation par décès, la valeur de la propriété des biens meubles est déterminée, sauf preuve contraire :

1° Par le prix exprimé dans les actes de vente, lorsque cette vente a lieu publiquement dans les deux années du décès ;

2° A défaut d’actes de vente, par l’estimation contenue dans les inventaires, s’il en est dressé dans les formes prescrites par l’article 789 du code civil, et dans les cinq années du décès, pour les meubles meublants, et par l’estimation contenue dans les inventaires et autres actes, s’il en est passé, dans le même délai, pour les autres biens meubles, sauf les dispositions du II ;

3° A défaut des bases d’évaluation établies aux 1° et 2°, par la déclaration détaillée et estimative des parties ; toutefois, pour les meubles meublants, et sans que l’administration ait à en justifier l’existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 % de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession, la preuve contraire étant aussi réservée.

II. En ce qui concerne les bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection, la valeur imposable ne peut, sous réserve de ce qui est dit au I, être inférieure à l’évaluation faite dans les contrats ou conventions d’assurances contre le vol ou contre l’incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l’ouverture de la succession, sauf preuve contraire.

S’il existe plusieurs polices susceptibles d’être retenues, la valeur imposable est égale à la moyenne des évaluations figurant dans ces polices.

III. Les dispositions du présent article ne sont applicables ni aux créances, ni aux rentes, actions, obligations, effets publics et autres biens meubles dont la valeur et le mode d’évaluation sont déterminés par des dispositions spéciales.ྭ»

La preuve contraire admise par ce texte doit être rapportée dans les formes compatibles avec la procédure écrite.

En l’espèce, pour combattre le prix d’adjudication aux enchères publiques d’un montant de 1.200.000€ obtenu le 6 juin 2005 par la statuette en bronze intitulée «ྭVénus se séchant après le bainྭ» dépendant de l’actif de la succession de K L, A B et I J produisent un document intitulé attestation, établi le 27 juillet 2005 par E Y, expert membre de l’Union Française des Experts et de la Chambre des Experts en Antiquités.

Sur la forme, cette attestation ne répond pas aux exigences posées par l’article 202 du Code de procédure civile en matière d’attestations destinées à être produites en justice.

Sur le fond, il apparaît qu’elle a été établie postérieurement à la vente aux enchères de la statuette litigieuse.

Il en ressort que la fiche descriptive du lot 104 établie par E Y, mandaté par la maison de vente Rossini, pour décrire le bien et l’évaluer, en vue de sa mise aux enchères, fixe une fourchette d’évaluation comprise entre 25.000 et 35.000€.

L’expert indique que cette évaluation a été retenue à partir du prix atteint par deux statuettes similaires lors de ventes publiques intervenues en 1991 et 1997, pour des montants de 80.000 USD et 115.000£.

E Y souligne que la statuette est identique à une statuette ayant fait partie de la collection du Cardinal de Richelieu puis de Girardon, sculpteur du roi F G, et non localisée mais également à une statuette dont le pied est de la même façon numéroté 48 mais qui se trouve dans une collection britannique.

L’expert explique qu’en raison de ces éléments, et bien que la statuette vendue le 6 juin 2005 n’ait pas été présentée comme faisant partie des collections royales, elle a suscité un comportement irrationnel d’acheteurs tant étrangers que français ayant conduit la vente à une montée des enchères très importante.

Ainsi E Y conclut que les circonstances «ྭtout à fait exceptionnelles et le comportement irrationnel des enchères ont permis d’atteindre un prix sans commune mesure avec la valeur vénale de l’objet lui-mêmeྭ».

Par ailleurs, A B et I J versent aux débats deux documents écrits établis les 10 et 19 septembre 2009 par la directrice générale de la maison de vente aux enchères Rossini, M N O, et par Maître H Z, commissaire-priseur habilité, ayant procédé à la vente de la statuette le 6 juin 2005.

Pour sa part, M N P confirme que le prix atteint par le lot 104 l’a surprise et n’est dû selon elle qu’aux circonstances exceptionnelles et à la présence d’acheteurs français comme étrangers qui attribuaient l’objet à une collection de Richelieu.

Le document établi par Maître Z expose que la qualité de la fiche descriptive établie par l’expert Y et la qualité des lots proposés dépendant de la succession de la «ྭcomtesse de Cྭ» ont attiré les plus grands amateurs internationaux, « à la recherche de provenance prestigieuse, notamment pour les bronzes, particulièrement convoités, les bronzes précédents n°102 et 103 estimés respectivement 4/7.000 et 15/20.000€ ont été adjugés 62.000 et 260.000€, soit plus de dix fois les estimations.ྭ»

Maître Z ajoute que «ྭLe lot 104, la statuette «ྭVénusྭ», a bénéficié de cet engouement et de la présence d’un numéro d’inventaire qui pouvait laisser penser à certains qu’il s’agissait d’un objet figurant dans les collections de Richelieu. Ce prix irrationnel qui a surpris tous les professionnels est le fruit d’un engouement spécifique à cette vente et de l’acharnement de deux amateurs étrangers cachés l’un de l’autre dans la salle qui cessèrent de surenchérir lorsqu’ils purent s’identifier, c’est pourquoi il est très improbable que ce prix puisse à nouveau être obtenu dans des circonstances différentesྭ».

Ces écrits peuvent être admis comme moyen de preuve même si l’identité de leurs auteurs n’est là encore pas justifiée mais non contestée par l’administration fiscale.

Cependant, leur admission ne signifie pas pour autant qu’ils ont un caractère probant de nature à remettre en cause le bien fondé de la prise en compte du prix d’adjudication comme valeur de liquidation des droits de mutation par décès.

En effet, le prix d’adjudication, résultant d’une vente intervenue dans les deux années du décès de K L est, aux termes de l’article 764 I 1°, l’évaluation à retenir par préférence à l’évaluation de l’inventaire.

En outre, le prix d’adjudication d’une vente aux enchères qui reflète, par principe, le prix du marché, a bien été perçu par les vendeurs.

En l’espèce la fiche descriptive du lot 104 établie par l’expert Y de la «ྭVénus se séchant après le bainྭ» d’aprèsྭun modèle créé par Q R (Douai 1529-Florence 1608) attribue la statuette à des ateliers florentins vers 1600, l’évaluation de 25.000 à 35.000€ proposée étant sans discordance avec celle de l’objet figurant à l’inventaire de la succession dressé par Maître C D, notaire à X pour un montant de 30.000€.

La fiche écarte clairement l’appartenance à une collection royale du bien vendu tout en soulignant son identité avec des bronzes relevant de cette collection et d’une collection britannique.

Dans ces conditions, si les écrits de M N O et Maître Z font état d’un engouement spécifique des enchérisseurs lié à cette identité du lot 104 avec une statuette ayant appartenu à la collection du Cardinal de Richelieu, il n’en ressort pas pour autant que les enchérisseurs ont été trompés sur l’origine réelle du lot 104 ou qu’une confusion a été entretenue en ce sens.

En revanche, il est constant que le prix atteint résulte de la surenchère entre deux acquéreurs potentiels, de la forte publicité donnée à la vente ainsi que de l’attrait particulier des objets en bronze vendus lors de cette vacation en raison de leur appartenance à la succession de la comtesse L.

Or, de telles circonstances caractérisent toute vente aux enchères publiques dont l’intérêt pour le vendeur tient justement à la publicité donnée, à son ouverture à tous, à la mise en valeur de l’objet vendu et au feu des enchères qui met en compétition de potentiels acquéreurs en tirant vers le haut le prix d’adjudication.

Par ailleurs, force est de constater qu’il résulte de l’écrit de Maître Z que non seulement le lot 104 a été adjugé à une valeur bien supérieure à son évaluation par l’expert Y mais que d’autres bronzes dépendant de la même succession et constituant les lots 102 et 103 ont également largement dépassé leur évaluation initiale.

Enfin, le fait qu’à l’avenir la statuette de la «ྭVénus se séchant après le bainྭ» constituant le lot 104 ne puisse atteindre un tel prix de vente est sans effet sur la réalité, lors de la vente du 6 juin 2005, d’une valeur vénale de 1.200.000€ telle qu’elle résulte du jeu des enchères.

Dans ces conditions, A B et I J ne rapportent pas la preuve d’une valeur du lot 104 à un prix de 30.000€ et non de 1.200.000€ au 6 juin 2005 et leur demande de décharge des droits d’enregistrement rappelés est rejetée.

Sur l’exécution provisoireྭ:

Aux termes de l’article R*202-5 du livre des procédures fiscales le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile :

En application de l’article R*207-1 du livre des procédures fiscales, A B et I J, qui succombent à l’instance, sont condamnés aux dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie, au titre des frais irrépétibles, la somme qu’il détermine en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il convient donc de rejeter les demandes formées à ce titre par A B et I J.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

— Ordonne la jonction de l’instance n°13/00297 avec l’instance n°13/00296 qui sera désormais suivie sous ce seul numéro ;

— Rejette toutes les demandes de A B et I S;

— Rappelle que la décision est exécutoire par provision de plein droit ;

— Condamne A B et I J aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 10 Juillet 2014

Le Greffier Le Président

FOOTNOTES

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le : 10-07-2014

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