Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 2e section, 20 février 2014, n° 12/08860

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 4e ch. 2e sect., 20 févr. 2014, n° 12/08860
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/08860

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

4e chambre 2e section

N° RG :

12/08860

N° MINUTE :

Assignation du :

30 Mai 2012

JUGEMENT

rendu le 20 Février 2014

DEMANDERESSE

Association COMITE DE REFLEXION POUR L’AVENIR DU LIVRE

[…]

[…]

représentée par Me Stéphanie DUGOURD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0344

DÉFENDERESSE

S.A. DEMOS

[…]

[…]

représentée par Me Benjamin MAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0186

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame ROSSI, Vice-Présidente

Madame X, Juge

Madame Y, Juge

assistées de Moinécha ALI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 09 Janvier 2014 tenue en audience publique devant Madame X, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique et par mise à disposition au Greffe,

Contradictoire,

En premier ressort,

La SA DEMOS (ci-après société DEMOS), dont l’activité est la réalisation de formations professionnelles continues à destination des entreprises, offre à certains prix, sur son site internet, diverses formations, en proposant en outre, pour la souscription de certaines formations, la remise d’un ouvrage en lien avec le sujet de la formation.

Par courrier de mise en demeure du 22 mars 2012, l’association Comité de Réflexion pour l’Avenir du Livre (ci-après association CORAL), dont l’objet social est de faire connaître et défendre les dispositions de la loi du 10 août 1981 – dite loi “Lang” – et défendre les intérêts de ses membres (éditeurs, distributeurs, libraires, auteurs), a mis en demeure la SA DEMOS d’avoir à cesser d’offrir des livres pour tout achat de formations professionnelles à partir de son site internet, en contravention avec l’article 1er de la loi du 10 août 1981.

N’obtenant pas de réponse à ce courrier, l’association DEMOS a fait citer la société DEMOS devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier de justice du 30 mai 2012, afin d’obtenir paiement de dommages et intérêts ainsi que la publication de la décision à intervenir.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 13 mars 2013, l’association CORAL demande la condamnation de la société DEMOS à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts. Elle demande également que la société DEMOS soit condamnée à publier le jugement à intervenir dans les termes du dispositif sur la page d’accueil de son site internet à ses frais, dans la limite de 5000 euros par publication, dans trois journaux choisis par l’association. Cette dernière demande enfin l’exécution provisoire de la décision, la condamnation de la société DEMOS à lui payer 5000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que la condamnation de la défenderesse aux dépens.

L’association CORAL soutient d’abord qu’elle a intérêt à agir à l’encontre de la société DEMOS, en dehors de toute habilitation législative, en application de l’article 8 de la loi du 10 août 1981 et de l’article 2 de ses statuts.

L’association CORAL soutient ensuite que l’article 1er de la loi du 10 août 1981, qui pose le principe du prix unique d’un livre devant être vendu à un prix compris entre 95 et 100% du prix fixé par l’éditeur, a été violé par la société DEMOS, puisque cette dernière offre gratuitement les livres pour l’achat de certaines formations professionnelles. Elle considère que la société DEMOS ne peut prétendre ne pas vendre les livres à ses adhérents, et qu’elle ne peut les remettre gratuitement à ses adhérents. Elle ajoute que l’article 6 de la loi Lang interdit en principe la vente à primes de livres et qu’en l’espèce la pratique de la société DEMOS ne correspond pas aux exceptions posées au principe d’interdiction. L’association CORAL évoque pour finir une violation de l’article 7 de la loi Lang en ce que le fait d’émettre des documents commerciaux, notamment sous la forme d’un catalogue produit, distribué et publié sur son site internet accessible à tous, dont les indications permettent aux clients potentiels de comprendre que pour toute formation achetée, un livre, par ailleurs vendu dans le commerce au prix éditeur, leur serait “remis”, est constitutive d’une publicité annonçant des prix inférieurs au public à ceux prévus à l’article 1er de la loi.

L’association CORAL expose enfin qu’elle peut prétendre à la réparation de l’atteinte porté aux intérêts collectifs de ses membres.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 15 mai 2013, la société DEMOS soulève l’irrecevabilité des demandes présentées par l’association CORAL en raison de son défaut d’intérêt à agir. Subsidiairement, la société DEMOS conclut au rejet des demandes présentées à son encontre. Elle demande enfin la condamnation de l’association CORAL à lui payer 8000 euros d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

La société DEMOS expose en premier lieu qu’il ne suffit pas que l’objet de l’association CORAL soit la défense des intérêts de ses membres pour justifier la recevabilité de son action, et qu’il convient de se reporter à l’article 8 de la loi Lang qui définit les personnes pouvant agir en justice ; or, selon la société DEMOS, l’association CORAL, qui n’est pas une association agrée de défense des consommateurs, et dont la représentativité au sein de son secteur d’activité doit être contrôlée, n’a pas d’intérêt à agir.

En second lieu, la société DEMOS expose que l’article 1er de la loi Lang ne lui est pas applicable puisqu’elle n’est pas détaillant au sens de cette loi. Elle rappelle qu’elle a elle-même acheté au prix éditeur les ouvrages offerts à ses stagiaires. Elle expose que les ouvrages sont des accessoires pédagogiques à sa prestation de formation et qu’ils font partie intégrante du service rendu, de sorte qu’il ne s’agit nullement d’un cadeau ou d’un objet promotionnel destiné à attirer ou fidéliser la clientèle. Sur l’application de l’article 6 de la loi Lang, la société DEMOS expose que l’objectif du texte est de limiter la possibilité de vendre des livres avec une prime afin de protéger à la fois les détaillants et les consommateurs, de sorte que la disposition invoquée ne peut être appliquée que lorsque la vente du livre constitue le support de la prime ou lorsqu’une prime accompagne une vente. Enfin, la société DEMOS soutient qu’elle ne procède à aucune vente des produits litigieux et qu’elle n’émet donc aucune publicité.

En troisième lieu, la société DEMOS fait valoir que la demande en paiement de dommages et intérêts est avancée sans justification d’un élément d’appréciation sur le principe et l’étendue du préjudice prétendument subi.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 septembre 2013.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L’article 122 du Code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 31 du même code dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 8 de la loi du 10 août 1981 dite loi Lang prévoit qu’en cas d’infraction à ses dispositions, les actions en cessation ou en réparation peuvent être engagées, notamment, par tout concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicat des professionnels de l’édition ou de la diffusion de livres ainsi que par l’auteur ou toute organisation de défense des auteurs.

Pour justifier de la recevabilité de son action, l’association CORAL soutient que dès lors que l’article 8 de la loi précitée n’est pas limitative, tel qu’il résulte de l’utilisation de l’adverbe “notamment” et que la demande présentement formée a pour finalité la défense des intérêts collectifs visés dans son objet, à savoir la défense de divers professionnels du livre en rapport avec la loi du 10 août 1981, elle a un légitime intérêt à agir.

À cet égard, il résulte des statuts de l’association CORAL que son objet est de : “ - de faire connaître et appliquer les dispositions de la loi du 10 .08.1981 et des règlements applicables et informer, par divers moyens et diverses actions, les personnes exerçant une activité dans le domaine du livre,

- d’informer les pouvoirs publics sur les manquements de la loi, ou ses difficultés d’application,

- de défendre les intérêts de ses membres,

- de proposer toute réforme favorisant la diffusion du livre”.

Toutefois, il est constant que pour éviter toute ingérence abusive, aucun texte de portée générale n’admet que les associations agissent en justice pour la sauvegarde des intérêts généraux de la collectivité qu’elles sont censées représenter. Ce n’est qu’au regard des garanties nées de leur représentativité que le législateur a, aux termes de la loi Royer du 27 décembre 1973, remplacée par la loi du 5 janvier 1988 complétée le 18 janvier 1992, par exception, autorisé les associations de consommateurs agréées dans les conditions du décret du 17 mai 1974, puis du décret n° 88-586 du 6 mai 1988 et par un arrêté du 21 juin 1988, qui imposent que l’association doit, pour disposer d’un agrément, recenser au moins 10.000 membres cotisants.

De fait, l’article 8 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre doit être interprété à la lumière du principe d’absence de droit d’agir des associations et que s’il peut être déduit de l’emploi de l’adverbe “notamment” qu’il ne pose pas de liste limitative des personnes habilitées, il réserve expressément cette possibilité s’agissant des associations, à celles qui sont agréées, excluant ainsi les autres, parmi lesquelles l’association CORAL, qui ne dispose pas de cet agrément.

Dès lors, le tribunal ne peut relever que l’association CORAL est irrecevable à agir, faute de justifier d’un intérêt à agir.

Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens et l’exécution provisoire

L’association CORAL, succombant à la présente instance, supportera les entiers dépens.

L’équité justifie de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Eu égard à la solution retenue, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant publiquement par décision mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier ressort :

DÉCLARE IRRECEVABLE l’action engagée par l’association Comité de Réflexion pour l’Avenir du Livre -CORAL ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE l’association Comité de Réflexion pour l’Avenir du Livre -CORAL aux dépens, avec droit de recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code ;

DIT n’y avoir lieu à l’exécution provisoire ;

Fait et jugé à Paris le 20 Février 2014

Le Greffier Le Président

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