Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section, 31 mars 2016, n° 14/07846

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 2e sect., 31 mars 2016, n° 14/07846
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/07846

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

5e chambre 2e section

N° RG :

14/07846

N° MINUTE :

Assignation du :

02 Mai 2014

JUGEMENT

rendu le 31 Mars 2016

DEMANDEUR

Maître A X

[…]

[…]

représenté par Me Sophie JOUSLIN DE NORAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1805

DÉFENDERESSES

Société AON HEWITT

[…]

[…]

représentée par Maître Jacques LEBLOND de la SCP LCB & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0088

SA CFDP ASSURANCES

[…]

[…]

représentée par Maître Isabelle MONIN LAFIN de la SELARL ASTREE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocats postulant, vestiaire #755

COMPOSITION DU TRIBUNAL

D E, Vice-Président

Michel REVEL, Vice-Président

Y Z, Juge

assistés de B C, greffière

DÉBATS

A l’audience du 18 Février 2016 tenue en audience publique devant D E, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition

Contradictoire

en premier ressort

[…]

EXPOSE DU LITIGE

L’Ordre des Avocats à la cour d’appel de Paris a souscrit à effet du 1er janvier 2012, un contrat d’assurance groupe de pertes pécuniaires à adhésion facultative dénommé« perte de collaboration » auprès de la société CFDP Assurances par l’intermédiaire de son courtier la société Aon Hewitt.

Ce contrat garantit , dans certaines limites de montant et de durée , le versement d’une indemnité en cas de perte financière consécutive à la rupture du contrat de collaboration.

Le 27 janvier 2012, Madame A X, avocat au barreau de Paris et collaboratrice au sein du cabinet Latremouille depuis le 27 novembre 2009, a adhéré au contrat « perte de collaboration » en choisissant comme option une indemnité mensuelle de 6000 euros versée pendant six mois dont la prise d’effet a été fixée au 1er février 2012.

Le 11 mai 2012, le cabinet Latremouille a mis fin à la collaboration de Mme X qui a informé la société Aon Hewwitt de ce sinistre .

Par courrier du 14 août 2012, Mme X a réitéré sa déclaration de sinistre et elle a perçu au titre de la période du 11 septembre 2012 au 11 mars 2013 la somme de 20400 euros .

Estimant ne pas avoir reçu une indemnisation de son sinistre conforme au contrat, Mme X a , par acte du 2 mai 2014 , fait assigner devant ce tribunal la société AON Hewitt et la société CDFP Assurances afin d’obtenir , au visa de l’article L 131-1-1 du code des assurances, la condamnation solidaire de la société CFDP Assurances et de la société Aon Hewitt à lui verser la somme de 15600 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions signifiées le 18 janvier 2016, Mme X demande au tribunal de condamner solidairement les sociétés CFDP Assurances et Aon Hewitt à lui verser la somme de 15600 euros à titre de dommages- intérêts en application directe ou subsidiairement indirecte du contrat signé, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et à titre infiniment subsidiaire de condamner CFDP Assurances à lui verser la somme de 448 euros à titre de remboursement de l’excès des primes versées sans cause avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2012 , date de la signature du contrat , de condamner la société CFDP Assurances et la société Aon Assurances, chacune à lui payer la somme de 2000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner solidairement les défenderesses aux dépens et ordonner l’exécution provisoire .

A l’appui de ses demandes, Mme X expose que :

— aux termes de la notice d’information , le sinistre se définit comme " la rupture du contrat de collaboration « , que celui ci se définit comme étant » la convention exclusive de tout lien de subordination aux termes de laquelle vous consacrez une partie de votre activité libérale au sein du Cabinet d’un autre vous permettant de développer votre clientèle personnelle "

— il apparaît donc que le contrat « perte de collaboration » a pour objet de garantir et de prendre en charge les pertes financières découlant de la rupture de la collaboration par le Cabinet ; le contrat de collaboration ouvrant droit à l’avocat collaborateur non seulement à une rétrocession d’honoraires mais aussi des prestations en nature

— l’assureur conclut donc à tort que le dommage garanti se limite au seul montant de la rétrocession d’honoraires

— elle a légitimement pu penser que cette indemnisation viendrait compenser non seulement la rétrocession mais aussi les pertes liées à la quasi impossibilité de développer sa clientèle en l’absence de bureau , domiciliation etc

— si le tribunal devait considérer que le contrat se limite au remboursement des rétrocessions d’honoraires, il devra condamner l’assureur pour son défaut d’information auprès d’elle qui pouvait penser que l’indemnisation couvrait plus que les honoraires ,en l’absence de toute précision dans le contrat et de toute référence à la notion de rétrocession d’honoraires

— il y a lieu de relever que la clarté du contrat était si équivoque et l’information si restrictive que peu après la souscription du contrat , la société Aon Hewitt a modifié largement les termes de son contrat pour y ajouter plusieurs mentions afférentes à la définition du sinistre et à celle de la garantie

— la clause étant ambigüe , elle doit être interprétée dans le sens le pus favorable à l’assuré

— le contrat perte de collaboration n’est pas une assurance de responsabilité mais un contrat d’assurance de personne

— subsidiairement

la responsabilité du courtier est engagée au titre de son devoir de conseil ; en ne l’alertant pas sur les restrictions du contrat, la société Aon Assurances a failli à son devoir de conseil ,elle a donc perdu une chance qui doit être indemnisé à hauteur de la perte engendrée soit 15600 euros

— l’assureur s’est enrichi sans cause en percevant une prime ne correspondant pas à l’indemnité qu’elle a reçue , elle est donc bien fondée en sa demande de remboursement du trop versé au titre de la prime .

Par conclusions signifiées le 29 septembre 2015, la société CFDP assurances conclut au débouté de Mme X de l’ensemble de ses demandes et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 6000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

— le contrat « perte de collaboration » est un contrat d’assurance dommage soumis au principe indemnitaire prévu à l’article L 121- 1 du code des assurances ; il résulte de ce principe que l’indemnité due par l’assureur à un assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre

— les différentes options de garanties proposés dans le bulletin d’adhésion ont été déclinées pour des raisons pratiques de mise en place d’un contrat groupe adaptable à toutes les situations possibles de rétrocessions d’honoraires et non pour permettre aux avocats collaborateurs de s’enrichir en cas de rupture de leur contrat de collaboration

— la demanderesse ne pouvait ignorer le fait que le contrat visait à prendre en charge la perte de revenus consécutive à la rupture puisque cela ressort de la notice du contrat qui limite la capacité de l’assuré à solliciter l’indemnisation de sa perte de collaboration

— la demanderesse ne peut se prévaloir des dispositions de l’article

L 131-1 du code des assurances non applicables en l’espèce, le contrat en cause n’étant ni un contrat d’assurance sur la vie ni un contrat d’assurance contre les accidents atteignant les personnes

— s’agissant d’un contrat de dommages, le principe indemnitaire prévu à l’article L 121- 1 du code des assurances contraint l’assureur à indemniser le bénéficiaire des conséquences du sinistre quantifiables, le principe indemnitaire interdisant une indemnisation de l’assuré supérieure au sinistre subi

— en matière d’assurance : l’obligation d’information de l’assureur est prévue à l’article L 112-2 du code des assurances ; la demanderesse ne conteste pas avoir reçu la notice d’information contenant les informations prévues à l’article L 112-2 du code des assurances

— la présentation et la distribution du contrat ont été déléguées à son courtier tenu à une obligation d’information et de conseil à l’égard des adhérents

— le sens du contrat ne pouvait être mal interprété par la demanderesse qui est une professionnelle du droit .

Par conclusions signifiées le 23 septembre 2015, la société Aon Hewitt conclut au débouté de Mme X de l’ensemble de ses demandes et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

Elle soutient que:

— elle est le courtier du Barreau de Paris par l’intermédiaire duquel le contrat a été souscrit , elle n’est pas l’assureur ; elle n’est liée à la demanderesse par aucun contrat ;

— même si aucun fondement juridique n’est indiqué dans les écritures de la demanderesse en ce qui la concerne, il semble que celle-ci poursuit sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil, il lui appartient donc de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux

— or la demanderesse ne démontre pas de faute dès lors qu’elle soutient avoir été victime d’un défaut d’information et qu’elle reconnaît en même temps que la société Aon avait instauré une permanence précisément pour donner aux avocats toutes les informations utiles qu’ils pouvaient souhaiter obtenir

— sauf à bénéficier d’un enrichissement sans cause , la demanderesse ne saurait percevoir une somme supérieure à celle qu’elle percevait précédemment à savoir 3400 euros , dont elle a déjà été indemnisée .

Il y a lieu, pour un exposé détaillé des moyens des parties, de se reporter à leurs écritures signifiées aux dates ci-dessus visées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT

A ses termes, le contrat d’assurance " perte de collaboration" a pour objet de prendre en charge la perte financière subi par un avocat collaborateur consécutivement à la rupture d’un contrat de collaboration .

Ce contrat n’est ni un contrat d’assurance sur la vie ni une assurance contre les accidents atteignant les personnes au sens des dispositions de l’article L 131- 1 du code des assurances puisque ses effets ne dépendant pas de la durée de la vie humaine et qu’il n’a pas pour objet de prendre en charge des risques relatifs à l’intégrité physique de l’assuré , son seul objet étant la prise en charge de la perte financière consécutive à la rupture d’un contrat de collaboration .

C’est donc à tort que la demanderesse se prévaut des dispositions de l’article L 131- 1 du code des assurances.

Ce contrat étant une assurance de dommages , il se trouve soumis au principe indemnitaire prévu à l’article L 121- 1 du code des assurances qui fait obstacle à une indemnisation supérieure au sinistre subi par l’assuré .

La notice d’information remise à la demanderesse , valant conditions générales et précisant les modalités de prise en charge de perte de collaboration rappelle en son article 3 "la garantie" que " suite à la survenance d’un sinistre garanti, si vous avez exercé votre activité au sein du même cabinet pendant au moins un an , l’assureur s’engage à vous verser , à l’issue d’une franchise de trente jours, une indemnité forfaitaire par jour calendaire de latence , dans la limite d’un plafond mensuel et d’une durée maximale fixées au bulletin individuel d’adhésion" .

Cette même notice définit la « latence » comme suit: période comprise entre la date du sinistre et la date de l’un des événements suivants : signature d’un nouveau contrat de collaboration , signature d’un contrat de travail ou votre installation au sein de votre propre cabinet".

De cette définition, il résulte que l’assurance n’a vocation a être immobilisée qu’en l’absence de toute reprise d’activité caractérisée par l’un des événements ci dessus mentionnés .

Dès lors Madame X qui a été indemnisée de la perte de ses revenus professionnels n’est pas fondée en sa demande en paiement de sommes correspondant à des frais pour l’exercice de sa profession.

En matière d’assurance, l’obligation d’information de l’assureur est prévue à l’article L 112- 2 du code des assurances qui dispose qu’avant la conclusion du contrat, l’assureur remet à l’assuré un exemplaire du projet de contrat et des annexes ou une notice d’information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions et les obligations de l’assuré .

Mme X ne conteste pas avoir reçu avant la conclusion du contrat, une notice d’information .

Par ailleurs Mme X reconnaît s’être rendue à la permanence mise en place par le courtier à la maison du Barreau et précise dans ses écritures avoir fait cette démarche " pour obtenir toutes les informations nécessaires et pouvoir choisir la formule qui lui correspondrait le mieux" .

Dès lors, Mme X ne rapporte pas la preuve d’un manquement de l’assureur et du courtier dans l’obligation d’information et de conseil ni la preuve d’une rédaction ambigüe du contrat dont elle était à même de saisir le sens et de se faire expliquer en cas de doute , en sa qualité de professionnelle du droit.

Faute pour elle de rapporter la preuve d’une faute, Mme X est déboutée de sa demande indemnitaire.

La prime dont le montant est fixé par les parties au contrat est versée par le souscripteur à l’assureur en contrepartie de la garantie des risques couverts. Elle ne peut donner lieu à remboursement qu’en cas notamment de résiliation du contrat en cours de période couverte par la prime ou en cas de disparition du risque assuré au titre duquel la prime est payée. En l’espèce, aucun enrichissement sans cause de l’assureur n’est constitué, l’assureur ayant reçu une prime dont le montant a été calculé en fonction du risque assuré. En conséquence, Mme X n’est pas fondée en sa demande formulée à titre subsidiaire, en remboursement d’une partie de la prime qu’elle a versée à l’assureur qui a exécuté le contrat et versé l’indemnité pour le risque assuré qui s’est réalisé.

Succombant, Mme X supportera la charge des dépens ainsi que celle d’une indemnité, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il apparaît équitable de fixer à 1000 euros pour chacune des défenderesses.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement , par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe ;

Déboute Madame A X de l’ensemble de ses demandes,

Condamne Mme A X à payer à la société CFDP Assurances et à la société Aon Hewitt, à chacune la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme A X aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en auront fait la demande.

Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2016

Le Greffier Le Président

B C D E

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