Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 7 décembre 2017, n° 17/57701

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 7 déc. 2017, n° 17/57701
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/57701

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

17/57701

N° : 2CBS/LB

Assignations du :

24 juillet 2017

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 7 décembre 2017

par K L-M, Premier vice-président adjoint au tribunal de grande instance de Paris, agissant par délégation du Président du tribunal,

Assistée de I J, Greffier

DEMANDEURS

Monsieur B Y

[…]

[…]

Madame D X

[…]

[…]

représentés par Me Nicolas Graftieaux de l’AARPI NMCG, avocats au barreau de Paris – #L0007

DÉFENDERESSE

Madame E A veuve X

[…]

[…]

représentée par Me Laëtitia Lescure Comparot, avocat au barreau de Paris – #G0815, substituée à l’audience par Me Pierre-B Levi, avocat au barreau de Paris – #G0815

[…]

[…]

[…]

non comparante

DÉBATS

A l’audience du 23 novembre 2017, tenue publiquement, présidée par K L-M, Premier vice-président adjoint, assistée de I J, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

La société civile immobilière Laborie a été constituée le 19 décembre 1980 par G X et sa première épouse Mme H Y. La société est propriétaire de 82 parkings.

M. G X et Mme H Y ont eu deux enfants B Y et D X.

Mme Y a cédé le 26 octobre 1989 ses dix parts sociales à M. X qui détenait ainsi les 100 parts sociales.

Les époux X-Y ont divorcé et M. G X s’est remarié en 2002 avec Mme E A à qui il a cédé le 19 juin 2015 une part sociale de la SCI. Mme A depuis cette date est cogérante de la SCI.

Par acte sous seing privé du 30 avril 2013, M. G X a cédé à Mme A qui disposait déjà d’une part de la SARL SCPM, 250 parts sur 500 de ladite société, locataire de la SCI Laborie suivant bail commercial du 26 novembre 2013 et ce, pour l’exploitation des parkings.

G X est décédé le […].

Par actes en date du 24 juillet 2017, M. B Y et Mme D X ont fait assigner en référé Mme E A veuve X et la société civile immobilière Laborie pour voir révoquer Mme A de ses fonctions de gérante de la SCI, nommer un administrateur provisoire de la SCI avec pour mission de gérer et administrer la société, d’arrêter les comptes des exercices clos et les soumettre à l’approbation de l’assemblée générale, lancer toute action judiciaire visant à rétablir l’intérêt social de la société y compris visant la nullité du bail commercial du 26 novembre 2013 conclu entre la SCI Laborie et la SCPM, à titre subsidiaire, nommer un mandataire ad hoc pour représenter les 250 parts indivises de la SCI Laborie (sic), condamner Mme A à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, ordonner l’exécution provisoire.

Aux termes de leurs dernières écritures développées à l’audience, M. B Y et Mme D X font valoir qu’ils ont saisi le tribunal de grande instance d’Evry pour voir notamment annuler le testament du 11 août 2002, la donation au dernier vivant du 12 janvier 2012, la cession de parts de la SCPM du 30 avril 2013 et celle de la SCI Laborie du 19 juin 2015.

Sur la qualité à agir des demandeurs, Mme A soutient être la seule associée de la SCI Laborie ce qui est interdit par la loi. Il y a une incertitude sur sa qualité de légataire et d’associée unique. En effet, le testament est contesté et il n’est donc pas certain que Mme A soit légataire universelle. Il y a également une incertitude sur l’attribution des parts. Même si le testament était validé, la donation au dernier vivant postérieure au testament vient restreindre la liberté d’attribution de la donataire.

Mme A ne sera peut-être jamais associée et ne peut donc être maintenue en sa qualité de gérante.

Les demandeurs ont qualité à sauvegarder l’intérêt et l’objet social de la SCI car Mme A est au coeur d’un conflit d’intérêt qui implique qu’elle privilégie les intérêts d’une société tierce la société SCPM dont elle est associée majoritaire au détriment de la SCI Laborie.

Les demandeurs ont qualité à sauvegarder l’actif successoral dès lors qu’au-delà de la qualité d’associés des enfants X la valorisation de la SCI en tant que bien successoral est primordiale pour évaluer le patrimoine successoral et les droits et la réserve des demandeurs. Mme A se sert de sa qualité de légataire universelle pour nier aux enfants du défunt leur qualité d’associés.

Le président du tribunal de grande instance est compétent pour statuer sur la demande de révocation de la gérance sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile. Sur la contestation sérieuse, l’article 809 permet la révocation de la gérance même en présence d’une contestation sérieuse.

Sur l’urgence, si les parkings sont bien loués, ils le sont à perte pour la SCI.

Sur la révocation de Mme A en sa qualité de gérante de la SCI, les demandeurs sont associés indivis de la SCI au sens de l’article 1852 du Code civil et peuvent mener la présente action.

Il existe une cause légitime à la révocation : la mésentente des associés, un agissement contraire à l’intérêt de la société ; la visée principale de l’action en révocation est de préserver l’intérêt social objectif de la société mise en péril.

En l’espèce, la mésentente familiale est caractérisée. La gestion de la SCI est opaque. Mme A ne tient pas régulièrement les assemblées générales légales, ni une comptabilité rigoureuse, ne rend pas compte de sa gestion. La carence dans la gestion est démontrée.

Le bail commercial conclu entre les deux sociétés doit être remis en cause. Mme A a sciemment contracté avec son époux alors que celui-ci était atteint d’une altération des facultés mentales.

Le bail commercial est économiquement déséquilibré : le loyer annuel est très faible générant une perte de revenus flagrante pour la SCI. La faiblesse de ce loyer s’explique par le conflit d’intérêt de Mme A.

La conséquence de la révocation est la carence de gérance et la désignation d’un administrateur provisoire. Les conditions dégagées par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 mai 2010 sont réunies. A défaut la désignation d’un mandataire ad hoc des parts indivises doit être ordonnée conformément aux statuts de la SCI.

Les demandeurs entendent saisir au fond le tribunal de grande instance pour demander réparation de l’appauvrissement causé à la SCI par les agissements de Mme A.

Par conclusions soutenues à l’audience, Mme E A veuve X demande de déclarer les demandeurs irrecevables en leurs demandes eu égard à leur défaut de qualité à agir au visa de l’article 122 du code de procédure civile, subsidiairement de les débouter de leurs demandes, en tout état de cause de condamner les demandeurs à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir sur le défaut de qualité à agir des demandeurs, qu’en qualité de conjoint survivant institué légataire universel du défunt, elle est dispensée de la nécessité de demander la délivrance de son legs. Elle se trouve investie à compter du décès de son époux de l’intégralité de ses biens, droits et actions à charge pour elle en présence d’héritiers réservataires d’indemniser ces derniers afin de respecter leur réserve héréditaire. Selon l’article 924 du Code civil, la réduction des libéralités excessives s’effectue en valeur uniquement au moyen du versement d’une indemnité dite de réduction et non en nature.

G X a institué son épouse légataire universelle de l’intégralité de son patrimoine par testament olographe du 11 août 2002, déposé en l’étude du notaire le 2 mars 2017.

Elle est donc seule propriétaire du patrimoine successoral et notamment des 99 parts sociales de la SCI Laborie. Elle est seule associée de la SCI. Au jour de la saisine du juge des référés, elle est bel et bien légataire universelle. La discussion sur la capacité de G X de rédiger un testament en 2002 basée sur des éléments médicaux postérieurs de plus de 10 ans n’a pas lieu d’être devant le juge des référés. Seule la juridiction saisie de la validité du testament peut connaître de cette question. Le testament est pour l’heure valable. Aucun jugement définitif en sens contraire n’a été rendu pour le priver de ses effets.

L’existence d’une donation au dernier des vivants ne la prive pas des bénéfices de son legs universel, d’autant qu’elle a accepté purement et simplement le legs par acte notarié du 13 septembre 2017 et a ainsi renoncé au bénéfice de la donation.

Les demandeurs confondent en outre validité du testament et action en réduction. La composition du patrimoine successoral permet en tout état de cause de respecter la réserve héréditaire.

Les demandeurs reconnaissent qu’au jour où le juge des référés doit statuer leur qualité à agir n’existe pas.

Les demandeurs n’étant pas propriétaires des parts sociales ne peuvent justifier de la moindre qualité d’associé. Or, seul un associé peut solliciter la révocation judiciaire du gérant d’une société civile.

Sur l’impossibilité pour une SCI de ne compter qu’un seul associé, l’article 1844-5 du Code civil prévoit que la réunion en une seule main des parts sociales n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander la dissolution si la situation n’a pas été régularisée dans un délai d’un an. Le tribunal saisi peut accorder un délai maximal de six mois pour régulariser. En l’espèce, les demandeurs n’ont fait aucune demande de dissolution.

A titre subsidiaire, le juge des référés n’est pas compétent pour statuer sur la demande de révocation. Il n’y a pas urgence et il y a en outre contestation sérieuse. Les faits sont anciens et se sont produits du vivant de G X.

En outre, la révocation de la gérance suppose que l’associé justifie d’une cause légitime. Or, les demandeurs n’ont pas qualité d’associés. Ils remettent en cause les actes passés par leur père à une époque où il était seul gérant de la SCI. La validité des cessions de parts du fait d’une altération des facultés mentales du défunt relève des juges du fond. Mme A n’est devenue gérante de la SCI que le 19 juin 2015 et associée majoritaire de la SARL SCPM que le 30 avril 2013. Le conflit d’intérêt dont se prévalent les demandeurs existait bien avant la prise de fonction de Mme A.

Sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, la sauvegarde de l’intérêt social et de l’actif successoral suppose que les demandeurs soient associés. L’actif successoral est parfaitement préservé. La seule obligation de Mme A est d’indemniser les héritiers réservataires non de gérer le patrimoine selon leurs voeux.

Quant à la mésentente entre associés, elle est la seule associée.

Le juge des référés peut ordonner la révocation de la gérance lorsqu’il est saisi par des associés pour des motifs évidents, urgents manifestement illicites ou pour éviter un dommage imminent. En l’espèce, ces motifs ne sont pas caractérisés, puisque les faits relèvent de la compétence exclusive des juges du fond.

Sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire de la SCI ou d’un mandataire ad hoc pour représenter les parts sociales de la SCI, les demandeurs ne justifient pas d’une difficulté de fonctionnement ni même d’une menace pour la société d’un péril imminent.

Ils doivent être déboutés de leur demande d’autant qu’ils ne sont pas associés. Ils ne sont pas propriétaires indivis des parts sociales et ne peuvent demander la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter les parts sociales “indivises”.

La SCI Laborie n’est pas représentée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;

En outre, selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Pour solliciter en justice la révocation du gérant d’une société civile, le demandeur conformément à l’article 1851 second alinéa du Code civil doit être associé ;

De même s’agissant de la désignation d’un administrateur provisoire d’une telle société, mesure exceptionnelle dérogeant aux règles légales de compétence des organes sociaux en ce qu’elle les dessaisit provisoirement de leurs attributions, le demandeur doit être un des associés ;

Enfin, s’agissant de la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter les parts indivises de la société, l’action n’est recevable que si les parts sont réellement indivises ;

En l’espèce, il résulte du testament olographe du 11 août 2002, que Mme E A veuve X, conjoint survivant, est légataire universelle de G X et est dispensée de la nécessité de demander la délivrance de son legs ; dès le décès de son conjoint, elle est investie de l’intégralité de ses biens, droits et actions ;

Par application des articles 924 et suivants du Code civil, elle est tenue d’indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité quel que ce soit cet excédent ;

Ainsi, tant que le testament du 11 août 2002 -Mme A veuve X ayant accepté purement et simplement le legs universel et renoncé à la donation faite au dernier des vivants-, n’est pas remis en cause par une décision judiciaire en suite de l’action engagée devant le tribunal de grande instance d’Evry par les enfants du défunt, elle est seule propriétaire des 99 parts sociales de la SCI Laborie résultant de la succession et est tenue seulement d’indemniser les héritiers réservataires en réglant l’indemnité de réduction ;

Les héritiers réservataires n’étant pas associés de la SCI Laborie ne sont pas recevables à solliciter la révocation du gérant conformément à l’article 1851 second alinéa du Code civil ou la désignation d’un administrateur provisoire ;

De même, la demande de désignation d’un mandataire ad hoc des parts sociales indivises n’est pas recevable puisque ces parts ne sont pas indivises entre le conjoint survivant légataire universel et les héritiers réservataires, mais la seule propriété de la légataire universelle ;

Enfin, la réunion entre les mains de Mme A veuve X de l’ensemble des parts sociales de la SCI Laborie est une situation prévue par l’article 1844-5 du Code civil ; elle permet à tout intéressé de solliciter en justice la dissolution de la société dans un délai d’un an si la situation n’a pas été régularisée, ce qui constitue une action différente de celle de la révocation du gérant ou de la désignation d’un administrateur provisoire ;

En conséquence, les demandes telles que présentées ne sont pas recevables, les demandeurs n’ayant pas la qualité d’associés de la SCI Laborie ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les demandeurs seront condamnés au paiement d’une somme de 2.000 € à ce titre ainsi qu’aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Déclarons irrecevables les demandes formées par M. B Y et Mme D X,

Condamnons M. B Y et Mme D X à payer à Mme E A veuve X la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. B Y et Mme D X aux dépens.

Faite à Paris le 7 décembre 2017

Le Greffier Le Président

I J K L-M

1:

2 copies exécutoires

délivrées le :

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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