Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 10 mars 2017, n° 15/05749

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 10 mars 2017, n° 15/05749
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/05749
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR0957210
Titre du brevet : Emballage de présentation d'un ensemble de produits alimentaires du type chocolat et/ou bonbons et/ou dragées, procédé de réalisation
Classification internationale des brevets : B65D
Référence INPI : B20170064
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 10 mars 2017

3e chambre 3e section N° RG : 15/05749

Assignation du 17 mars 2015

DEMANDERESSE Madame Edwige B représentée par Maître Jean-François LOUIS de la SCP SCP SOUCHON – CATTE – L et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0452

DÉFENDERESSES SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION Parc du Bel-air […] 77164 FERRIERES

S JEFF DE BRUGES EXPLOITATION Parc du Bel-air […] 77164 FERRIERES représentées par Me Marcel AZENCOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0197

COMPOSITION DU TRIBUNAL Béatrice F, Premier Vice-Président Adjoint Carine G, Vice-Président Florence BUTIN, Vice-Présidente assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DEBATS À l’audience du 06 février 2017 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE Edwige B a été engagée par Cécile P -aux droits de laquelle vient la SARL SOCIETE GUILLAUME PERDRIAT (S.G.P) qui exerce en franchise une activité de commerce de confiseries et de chocolaterie sous l’enseigne JEFF DE BRUGES dans deux boutiques à LUCE et à CHARTRES- suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 juillet 2007 et jusqu’au 30 juin 2012 pour exercer les fonctions de vendeuse, au sein du magasin JEFF DE BRUGES de

LUCE. Elle se présente comme étant à l’origine d’un produit nouveau consistant à vendre du chocolat sous la forme d’un bouquet de fleurs, dit « chocolats en fleurs ». Cette présentation a été adaptée et commercialisée avec succès par l’enseigne JEFF DE BRUGES, notamment lors d’événements se prêtant à la vente de fleurs.

Le 14 octobre 2009, la société JEFF DE BUGES DIFFUSION a déposé le brevet français FR 0957210 délivré le 9 décembre 2011, intitulé « emballage de présentation d’un ensemble de produits alimentaires du type chocolat et/ou bonbons et/ou dragées, procédé de réalisation », qui comporte 10 revendications, désignant comme inventeur Philippe JAMBON. Il s’agit selon la description d’un emballage imitant une fleur ou un bouquet de fleurs, au moyen d’une présentation permettant de visualiser les produits qui le composent et de les protéger, et composée d’un regroupement d’emballages élémentaires rassemblés pour former une tête et un pied unique conçu pour être posé de manière stable. Edwige B estimant que la société JEFF DE BRUGES avait méconnu ses droits de propriété intellectuelle en s’appropriant le résultat de son travail de conception sans aucune rétribution, et après avoir tenté une démarche amiable en vue de résoudre le litige, elle a suivant acte du 2 septembre 2014 fait assigner les sociétés JEFF DE BRUGES DIFFUSION et JEFF DE BRUGES EXPLOITATION devant le tribunal de grande instance de Meaux qui s’est par ordonnance du juge de la mise en état rendue le 17 mars 2015, déclaré incompétent au visa de l’article L.615-17 du code de la propriété intellectuelle au profit de celui de PARIS au motif que les demandes tendaient à voir constater le dépôt frauduleux du brevet FR 0957210 et en obtenir le transfert au bénéfice de la demanderesse sur le fondement des articles L611-6, L611-8 et L611-9 du code de la propriété intellectuelle. Les parties ont constitué avocat devant le tribunal de grande instance de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2017, Edwige B présente les demandes suivantes: Vu les dispositions des articles L.611-6, L.611-8 et L.611-9 du code de la propriété intellectuelle ; Vu les dispositions des articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile ; DIRE ET JUGER Edwige B recevable et bien fondée en ses demandes ; DIRE ET JUGER que le brevet de la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION en date du 14 octobre 2009 et exploité par la SAS JEFF

DE BRUGES EXPLOITATION a été déposé en fraude des droits d’Edwige B ; EN CONSEQUENCE : DIRE ET JUGER que ce brevet et tous les droits y étant attachés soient transférés rétroactivement à l’entier bénéfice d’Edwige B, aux frais solidaires de la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et de la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION ; DIRE ET JUGER que la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION devront accomplir les formalités nécessaires à ce transfert sous astreinte de 3.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; CONDAMNER solidairement la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION à verser à Edwige B à titre provisionnel une somme à parfaire de 100.000 € en réparation du préjudice subi par la fraude de ses droits ; DESIGNER tel expert qu’il plaira au tribunal avec pour mission de :

- déterminer le chiffre d’affaires et le bénéfice net réalisés par la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION grâce à l’exploitation de ce produit ;

- se faire remettre à cette fin tous documents comptables, et extrait des livres des défenderesses ;

- de manière générale, faire toute observation qu’il jugera utile ;

- DIRE ET JUGER que l’expertise sera diligentée aux frais avancés de la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION. CONDAMNER solidairement la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION à verser à Edwige B une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du son préjudice issu de la résistance abusive et injustifiée, la mauvaise foi manifeste et le comportement dilatoire de l’enseigne JEFF DE BRUGES; CONDAMNER solidairement la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION à verser à Edwige B la somme de 5.000 € à titre d’indemnité relative aux frais irrépétibles ; DIRE ET JUGER que le jugement à intervenir sera assorti du bénéfice de l’exécution provisoire en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans caution ; CONDAMNER solidairement la SAS JEFF DE BRUGES DIFFUSION et la SAS JEFF DE BRUGES EXPLOITATION aux entiers dépens de la présente procédure.

Edwige B expose pour l’essentiel que :

-son poste n’implique aucune activité de conception ou de création,
-elle établit être à l’origine de l’invention objet du dépôt de brevet, ce qui a toujours été admis par l’enseigne, il ne s’agit pas d’une initiative du franchisé lui-même,

— elle a été sollicitée aux fins de faire la démonstration de son invention et d’en expliquer la fabrication lors de la formation organisée sur le procédé de présentation des bouquets, elle a corrigé certains défauts de conception et aidé les participants rencontrant des difficultés techniques,
-le concept de bouquet de chocolats a été repris sans aucun ajout ni innovation par la société JEFF DE BRUGES, dont la mauvaise foi est démontrée,
-elle a reçu une récompense pour son innovation,
-outre le transfert des droits Edwige B est fondée à solliciter une réparation de son préjudice.

Les sociétés JEFF DE BRUGES DIFFUSION et JEFF DE BRUGES EXPLOITATION présentent, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2016, les demandes suivantes: Au regard de la société JEFF DE BRUGES EXPLOITATION REJETER toutes les demandes formées contre la société JEFF DE BRUGES EXPLOITATION, celle-ci n’étant pas titulaire du brevet revendiqué; Au regard de la société JEFF DE BRUGES DIFFUSION DIRE ET JUGER que la demanderesse, qui a exécuté des bouquets initialement fabriqués par son employeur Mme P, ne justifie d’aucune invention brevetable ; DIRE ET JUGER que la société JEFF DE BRUGES DIFFUSION a mis au point le brevet à tort revendiqué par Edwige B et sur la technique duquel celle-ci est venue se former en stage chez JEFF DE BRUGES DIFFUSION ; REJETER sa demande de revendication de brevet et ses demandes financières, de provision et autres ; DEBOUTER plus généralement Edwige B de toutes ses demandes, à toutes fins qu’elles comportent ; CONDAMNER Edwige B aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Marcel AZENCOT, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNER Edwige B au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Les sociétés défenderesses exposent pour l’essentiel que:

-l’invention est le fait de la société JEFF DE BRUGES DIFFUSION qui a déposé le brevet français publié le 15 avril 2011, la demande formée à l’encontre de la société JEFF DE BRUGES EXPLOITATION est sans objet et ne saurait prospérer,
-les créations esthétiques ne sont pas brevetables,
-c’est au procédé technique qu’Edwige B est venue se former avec son employeur auprès de la société JEFF DE BRUGES DIFFUSION, franchiseur et inventeur,
-la demanderesse n’est à l’origine ni d’une idée ni d’une invention, les premiers bouquets ont été réalisés par son employeur avant

qu’Edwige B ne fasse partie de la société pour répondre à la demande d’une cliente,
-Maryline LEFEVRE atteste avoir mis au point le procédé d’emballage objet du brevet,
-la société JEFF DE BRUGES DIFFUSION a également procédé au dépôt de marques de l’Union européenne, les 1er octobre 2009 respectivement n° 8 587 503 et n° 8 587 421 « LES CHOCOLATS EN FLEURS » enregistrées le 31 mars 2010 et le dépôt d’un modèle communautaire N°001 618 455 – 0001 (3 vues) déposé le 1er octobre 2009, enregistré le 17 mars 2010.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2017 et l’affaire a été plaidée le 6 février 2017. Pour un exposé complet de l’argumentation des parties il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS : Il est au regard de l’objet du litige rappelé que le droit au titre de propriété industrielle de l’inventeur salarié, à défaut de stipulation contractuelle qui lui serait plus favorable, résulte des dispositions de l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle selon lequel : 1. « Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. L’employeur informe le salarié auteur d’une telle invention lorsque cette dernière fait l’objet du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail. Si l’employeur n’est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l’article L615-21 ou au tribunal de grande instance ». 2. « Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu’une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle, l’employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d’accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l’article L. 615-21 ou par le tribunal de grande instance : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l’employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l’un et de l’autre que de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention. 3. Le salarié auteur d’une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire ». Les demandes ne visant pas exclusivement la propriété du titre litigieux mais également les conditions de son exploitation commerciale, la société JEFF DE BRUGES EXPLOITATION ne peut pertinemment prétendre au rejet sans examen au fond de toute prétention formulée à son encontre. 1-L’action en revendication: En application de l’article L611-8 du code de la propriété intellectuelle si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l’inventeur ou à ses ayants-cause, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. En cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l’acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de son expiration.

Le brevet FR 0957210 a été délivré le 9 décembre 2011.

La revendication 1 est libellée comme suit : 1. « Emballage de présentation (1) d’un ensemble de produits alimentaires du type chocolats et/ou bonbons et/ou dragées, caractérisé en ce qu’il est constitué du regroupement d’un nombre déterminé d’emballages élémentaires (2), chaque emballage élémentaire étant constitué d’une feuille d’un matériau dans laquelle sont placés en vrac un nombre déterminé de produits, la feuille de l’emballage élémentaire étant repliée sur les produits et formant une partie de fond (3) entourant les produits et une partie de jupe (4) s’étendant à distance des produits, la transition entre la partie de fond et la partie de jupe étant une zone resserrée (5) de la feuille, les emballages élémentaires étant regroupés au sein de l’emballage de présentation, les parties de fond ensemble vers le haut formant une tête (7) d’emballage de présentation et les parties de jupe ensembles vers le bas formant un pied (6) d’emballage de présentation, la zone de transition entre la tête et le pied d’emballage de présentation étant une zone resserrée par un moyen de serrage permettant de maintenir ensemble lesdits emballages élémentaires ». Les revendications dépendantes suivantes prévoient que:

— « le pied d’emballage de présentation a une extrémité (10) formée par les extrémités des parties de jupe des emballages élémentaires qui est dans un plan sensiblement plat afin de pouvoir poser de manière stable sur un support ledit emballage de présentation avec la tête en haut » (revendication 2)
- « l’extrémité (10) du pied d’emballage de présentation est obtenue par découpage des feuilles une fois les emballages élémentaires rassemblés et maintenus ensembles par le moyen de serrage »; (revendication 3) - « la zone resserrée de la feuille de l’emballage élémentaire est obtenue par torsion de la feuille »; ou « par serrage d’un lien » ; (revendications 5 et 6) - « le matériau de la feuille est choisi parmi la cellophane, les matières plastiques pour contact alimentaire, l’aluminium et des composites plastique-aluminium »; (revendication 8) La revendication 9 porte sur un procédé de réalisation d’un emballage de présentation, suivant lequel « on réalise un nombre déterminé d’emballages élémentaires, chaque emballage élémentaire étant constitué d’une feuille d’un matériau dans laquelle sont placés en vrac un nombre déterminé de produits, on replie la feuille de l’emballage élémentaire sur les produits en formant une partie de fond entourant les produits et une partie de jupe s’étendant à distance des produits, la transition entre la partie de fond et la partie de jupe étant une zone resserrée de la feuille, et en ce que dans un deuxième temps on regroupe les emballages élémentaires pour former l’emballage de présentation, les parties de fond ensemble vers le haut formant une tête d’emballage de présentation et les parties de jupe ensembles vers le bas formant un pied d’emballage de présentation, la zone de transition entre la tête et le pied d’emballage de présentation étant une zone resserrée par un moyen de serrage permettant de maintenir ensemble lesdits emballages élémentaires ». Enfin selon la revendication 10 « dans un troisième temps on découpe les extrémités des parties de jupe des emballages élémentaires afin que le pied d’emballage de présentation ait une extrémité dans un plan sensiblement plat afin de pouvoir poser de manière stable sur un support ledit emballage de présentation avec la tête en haut ». Il comporte les figures suivantes:

Selon les sociétés JEFF DE BRUGES, Edwige B n’était à l’origine ni de l’idée dite des « chocolats en fleurs » ou « bouquets de chocolats »

ni a fortiori de leurs caractéristiques telles que décrites par le brevet et du procédé de réalisation mis au point par le franchiseur. Pour établir sa qualité d’inventeur, Edwige B se fonde essentiellement sur une documentation commerciale interne du réseau des franchisés relative aux « chocolats en fleurs » évoquant cette réalisation en ces termes : « La recherche d’idées nouvelles est forcément un enjeu majeur, quel bonheur alors quand une idée géniale vous arrive toute faite. Voici une idée cadeau totalement novatrice, terriblement séduisante venue… du RESEAU JB ! » « 1. Pour la petite histoire, Vidée est née à Chartres ! » « Lors des réunions régionales de juin 2009, Madame P franchisée de Chartres/Lucé, nous raconte qu’une collaboratrice, ancienne fleuriste, avait eu l’idée de créer des fleurs de chocolat sous du papier cello, de les rassembler en bouquet et de les entourer de papier de soie comme le font les fleuristes. Et que ses clients en raffolent … pourquoi donc ne pas présenter ainsi les chocolats dans les photophores en verre de noël M Edwige ! » « Aussitôt expliqué, aussitôt réagi, Jeff reprend au vol l’idée et décide d’en faire un des points forts de sa politique produits de la fin d’année… et d’après ! » (pièce EB 6). La demanderesse fait valoir également que la société JEFF DE BRUGES a clairement reconnu l’origine intellectuelle du produit en nommant les fleurs de chocolat « Modèle Edwige » (pièce 2 JB) Il ne ressort d’aucun élément hormis ses propres déclarations et une attestation de l’une de ses anciennes employées (pièce JB 4), que Cécile P serait elle-même à l’origine de l’idée consistant à présenter des chocolats sous forme de bouquets. A l’inverse, plusieurs attestations indiquent en termes concordants que c’est à l’arrivée d’Edwige B que le magasin a commencé à proposer des emballages de chocolats sous forme de bouquets (pièces EB 18,19 et 20) et outre que celle-ci s’est vu octroyer une prime de créativité en octobre 2009, la salariée est clairement évoquée dans la documentation interne mentionnée plus haut comme ayant pris l’initiative de réaliser les présentations dites de « chocolats en fleurs » puisqu’il est fait état d’une « collaboratrice ancienne fleuriste » et que le prénom de la demanderesse est cité.

L’objet du brevet porte cependant non pas sur une idée mais sur le mode de réalisation de celle-ci tel que décrit dans les revendications, de sorte qu’il s’agit d’apprécier si les éléments communiqués permettent d’attribuer à Edwige B la qualité d’inventeur en raison de la contribution de celle-ci à la mise au point du produit. Or à cet égard, l’unique pièce mentionnant le mode de confection du bouquet est le support de communication destiné aux franchisés intitulé « ET VOUS, VOUS DIRIEZ QUOI ? » mentionnant « l’idée de créer des fleurs de chocolat sous du papier cello, de les rassembler

en bouquet et de les entourer de papier de soie comme le font les fleuristes ». En effet la description des étapes de réalisation par la demanderesse de ce mode d’emballage de même que les photographies qu’elle verse aux débats ne sont pas datées, et l’origine de ces images n’est pas non plus déterminée. Enfin, les modalités de la participation d’Edwige B à la session de formation destinée aux franchisés ainsi que le rôle qu’elle affirme avoir tenu dans cet enseignement ne sont pas vérifiables. Au regard du seul document précité et nonobstant les termes du courriel de la société JEFF DE BRUGES mentionnant qu’elle est « disposée à trouver une solution amiable » sans faire part d’une position définitive dans l’attente de vérifications complémentaires, lesquelles pouvaient s’expliquer par le délai de 4 ans écoulé entre les formations organisées par l’enseigne -octobre 2009- et la première lettre du conseil de la demanderesse datée de janvier 2014, la part prise par Edwige B dans la mise au point de la technique de réalisation objet du brevet n’est pas démontrée. Il n’est donc pas établi que l’invention lui ait été soustraite et son action en revendication de la propriété du brevet ne peut dès lors être accueillie. Il est de même pour ses demandes subséquentes fondées sur la résistance abusive des défenderesses, ainsi que celles tendant à la désignation d’un expert et à l’octroi d’une indemnité provisionnelle. Edwige B, partie perdante, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile étant justifié, en raison de l’équité et compte-tenu de la situation respective des parties, de ne pas faire droit à la demande des sociétés JEFF DE BRUGES en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire n’étant pas justifiée au cas d’espèce, elle n’a pas lieu d’être ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, DEBOUTE Edwige B de sa demande tendant au transfert à son profit du brevet FR 0957210 et des droits attachés ; REJETTE les demandes subséquentes aux fins d’expertise et de dommages et intérêts provisionnels ; REJETTE les demandes indemnitaires fondées sur la résistance abusive ;

DEBOUTE les sociétés JEFF DE BRUGES EXPLOITATION et JEFF DE BRUGES DIFFUSION de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile; CONDAMNE Edwige B aux dépens qui seront recouvrés par Maître Marcel AZENCOT conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

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