Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 20 décembre 2017, n° 17/58415

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 20 déc. 2017, n° 17/58415
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/58415

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

17/58415

N° : 2

Assignation du :

14 Août 2017

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 20 décembre 2017

par G H, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, tenant l’audience publique des référés par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de E F, Greffière.

DEMANDERESSE

Madame Z Y veuve X, comparante en personne

[…]

[…]

représentée par Maître Valérie GUILLIN de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0166

DEFENDERESSE

Société JONAS SAS

[…]

[…]

représentée par Me Grégory LEPROUX, avocat au barreau de PARIS – #C2303

DÉBATS

A l’audience du 06 Décembre 2017, tenue publiquement, présidée par G H, Vice-Présidente, assistée de E F, Greffière,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Par acte sous seing privé du 1er novembre 2015, Mme Z Y veuve X a cédé à la SARL JONAS en cours de formation son fonds de commerce de café restaurant hôtel meublé connu sous l’enseigne HOTEL JONAS exploité dans un immeuble situé […] à Paris 13e.

Par acte sous seing privé du 1er novembre 2015, Mme Z Y veuve X a donné à bail commercial à la SARL JONAS en cours de formation des locaux :

— au rez-de-chaussée : une salle de café restaurant, arrière cuisine, cuisine, une chambre donnant sur la rue Jonas et deux autres chambres à la suite,

— au premier étage en montant l’escalier à gauche : trois chambres desservies par galerie ouverte toutes trois à usage commercial,

— au deuxième étage : deux logements l’un sur la rue Jonas et le deuxième sur la […],

dépendant de l’immeuble situé […], angle 6 et […] à Paris 13e, pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 2015, moyennant un loyer mensuel de 2000 euros TTC.

Par acte sous seing privé du 30 novembre 2015 passé entre Mme Z Y veuve X et la société JONAS, désormais immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la cession de fonds de commerce du 1er novembre 2015 a été annulée et le bail commercial du 1er novembre 2015 a été résilié.

Par acte du 14 août 2017, Mme Z Y veuve X a assigné la société JONAS devant la juridiction des référés, au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de voir :

à titre principal,

— dire et juger que la société JONAS occupe l’immeuble du […] et 6-[…] à Paris 13e, sans droit ni titre, faute d’être titulaire d’un bail commercial,

à titre subsidiaire,

— dire et juger que la société JONAS n’a jamais payé aucune somme d’argent en contrepartie de l’occupation des locaux et qu’en tout état de cause, l’immeuble ne peut plus être exploité à usage d’hôtel depuis l’arrêté du 29 août 2014,

— ordonner, en conséquence, l’expulsion de la société JONAS, sous astreinte,

en tout état de cause,

— condamner la société JONAS à lui payer la somme provisionnelle de 88.000 euros en contrepartie de l’occupation des locaux pour la période du 1er novembre 2015 au 31 août 2017, soit 4000 euros par mois d’occupation,

— condamner la société JONAS à lui payer, à titre d’indemnité d’occupation provisionnelle, la somme de 4000 euros par mois à compter du 1er septembre 2017 jusqu’à la libération définitive des lieux,

— condamner la société JONAS à lui payer la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 11 octobre 2017, Mme Y veuve X a maintenu ses demandes mais a actualisé à 48.000 euros la somme provisionnelle en contrepartie de l’occupation des locaux pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017.

Mme Y veuve X fait valoir que l’expulsion peut être ordonnée soit sur le fondement de l’article 808 du code de procédure civile car elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse et l’urgence est caractérisée; soit sur le fondement du premier alinéa de l’article 809 du code de procédure civile pour prévenir le dommage imminent qui résulte de l’exploitation de locaux sous le coup d’une interdiction temporaire d’habiter l’hôtel ou pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l’occupation sans droit ni titre.

Mme Y veuve X conteste, en outre, la prétendue existence d’un bail verbal entre la société JONAS et elle.

Dans ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 11 octobre 2017, la société JONAS a demandé au juge des référés de :

à titre liminaire,

— débouter Mme Y veuve X pour défaut de qualité à agir,

à titre principal,

— constater l’absence d’urgence et l’existence de contestations sérieuses ,

— déclarer l’incompétence du juge des référés,

— débouter Mme Y veuve X de ses demandes,

à titre subsidiaire et reconventionnel,

— condamner Mme Y veuve X à lui payer la somme provisionnelle de 20.310 euros au titre de son engagement dans l’acte du 30 novembre 2015,

en tout état de cause,

— condamner Mme Y veuve X à payer à la société JONAS la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société JONAS fait valoir qu’elle a été laissée en possession des lieux après le 1er novembre 2015 sans jamais recevoir de mise en demeure ou de commandement de payer jusqu’à l’assignation devant le tribunal de commerce de Paris; qu’aucune urgence n’est démontrée et qu’elle n’exploite qu’un restaurant et non l’hôtel de sorte qu’il n’existe aucun dommage imminent à prévenir.

La société JONAS fait encore valoir qu’elle bénéficie d’un bail verbal aux motifs qu’elle exploite dans les lieux un fonds de commerce et qu’elle a versé à Mme Y veuve X un chèque de 6000 euros le 3 janvier 2017, qui a été encaissé et qui correspond à un trimestre de loyers selon le bail commercial du 1er novembre 2015.

L’assignation a été dénoncée à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE D’ILE DE FRANCE et à la BANQUE CIC EST (agence Etienne Marcel), créanciers inscrits, par acte du 21 août 2017.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé du litige, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux conclusions des parties développées oralement.

La réouverture des débats a été prononcée le 8 novembre 2017 avec renvoi à l’audience du 6 décembre 2017 pour production de la matrice cadastrale et du titre de propriété de Mme Y veuve X.

A l’audience du 6 décembre 2017, l’affaire a été mise en délibéré au 20 décembre 2017.

SUR CE,

Sur le défaut de qualité à agir de Mme Y veuve X

Le défaut de qualité à agir est, en application de l’article 122 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir et ne peut donc conduire au débouté de la partie à laquelle elle est opposée.

En l’espèce, la société JONAS a écrit dans ses conclusions que Mme Y veuve X se prétendait propriétaire des locaux situés […] à Paris 13e sans toutefois en rapporter la preuve.

La société JONAS n’a néanmoins pas indiqué clairement si le défaut de qualité à agir qu’elle allègue repose sur cette absence de preuve ou sur un autre élément de la cause, en l’occurrence non précisé.

En l’absence d’explication claire de la société JONAS sur ce qui motive le défaut de qualité à agir qu’elle allègue, la fin de non-recevoir sera rejetée, étant précisé qu’il ressort de la matrice cadastrale produite que Mme Y veuve X est usufruitière des locaux, ses trois enfants en ayant la nue-propriété.

Sur l’expulsion de la société JONAS

Aux termes de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

L’occupation d’un local commercial sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite.

En l’espèce, contrairement à ce que soutient la société JONAS dont le gérant est M. A B, aucun élément ne permet d’établir qu’elle occupe les locaux depuis le mois de novembre 2015 alors qu’un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 29 septembre 2016 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société PASSAGE DES ARTISTES, dont le gérant est M. C B, exploitant un fonds de commerce de café restaurant hôtel meublé au […], angle […] à Paris 13e.

Eu égard à l’acte du 30 novembre 2015 qui a annulé la cession de fonds de commerce au profit de la société JONAS et résilié le bail commercial consenti le même jour, la société JONAS ne peut se prévaloir d’un titre à occuper les locaux du […], angle […] à Paris 13e, sauf à démontrer qu’elle est titulaire d’un bail verbal.

Toutefois, elle allègue l’exploitation d’un fonds de commerce de restaurant sans en rapporter la preuve, la production de la convention signée avec la société KARLSBRÄU CHR du 4 décembre 2015 étant insuffisante à caractériser l’exploitation d’un fonds de commerce de restaurant dans les locaux litigieux appartenant à Mme Y veuve X. Au surplus, la convention mentionne l’intervention de Mme Z Y veuve X alors que la signature est celle de Y Bakhta ou Bakhia.

De plus, le paiement d’un loyer à échéance régulière, mensuelle ou trimestrielle, est un indice important de l’existence d’un bail verbal entre les parties. Or, la société JONAS se prévaut de l’encaissement par Mme Y veuve X d’un chèque de 6000 euros en date du 3 janvier 2017, ni précédé ni suivi d’autres versements réguliers de sorte que ce versement unique ne permet pas de caractériser le paiement régulier d’un loyer à Mme Y veuve X de nature à faire présumer, avec évidence, l’existence d’un bail verbal entre les parties.

Au vu de ces éléments, l’occupation par la société JONAS de la partie à usage commercial des locaux situés […], angle […] à Paris 13e et dont Mme Y veuve X est usufruitière, a lieu sans droit ni titre et est constitutive, de ce fait, d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en ordonnant l’expulsion de la société JONAS de ces lieux, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 90 jours.

Il est précisé qu’actuellement, Mme Y veuve X a conservé la jouissance de la partie à usage d’habitation des locaux située au premier étage consistant en deux pièces.

Sur l’indemnité d’occupation provisionnelle

Conformément à l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.

La société JONAS ne conteste pas avoir occupé les locaux sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017. En l’absence d’autres éléments que le bail commercial résilié le 30 novembre 2015, la provision à valoir sur l’indemnité d’occupation due par la société JONAS à Mme Y veuve X pendant cette période sera fixée à la somme de 2000 x 12 = 24.000 euros.

Par ailleurs, l’indemnité d’occupation provisionnelle due par la société JONAS à Mme Y veuve X à compter du 1er octobre 2017 et jusqu’à la libération définitive des lieux par la remise des clés sera fixée à la somme de 2000 euros par mois.

Sur la provision réclamée par la société JONAS

Conformément à l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.

La demande de provision de la société JONAS est fondée sur l’article 2 de l’acte du 30 novembre 2015 qui stipule que :

«ྭMme Y X Z se charge de frais de publicité et d’enregistrement auprès des Impôts et la restitution de 20.310,00 euros reviendra à la SARL JONAS ou à Monsieur B A.ྭ»

Cette somme qui résulte du montant de deux chèques de banque à l’ordre du Trésor Public correspond, selon les parties, aux droits d’enregistrement acquittés par la société JONAS à la suite de la cession du fonds de commerce finalement annulée.

Il ne ressort pas avec évidence de la rédaction de l’article 2 précité que Mme Y veuve X s’est engagée à rembourser la somme de 20.310 euros à la société JONAS ou à son gérant dès lors que cet article ne stipule pas que Mme Y veuve X se charge DE la restitution de 20.310 euros et que les frais de publicité et d’enregistrement évoqués sont ceux acquittés par la société JONAS en novembre 2015.

L’article 2 suppose d’être interprété, ce qui n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, et exclut de retenir à la charge de Mme Y veuve X une obligation non sérieusement contestable.

La demande de provision de la société JONAS sera, en conséquence, rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La société JONAS sera condamnée à payer à Mme Y veuve X la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par décision contradictoire et en premier ressort,

Rejetons la fin de non-recevoir tiré du prétendu défaut de qualité à agir;

Constatons l’existence d’un trouble manifestement illicite et, en conséquence, ordonnons, pour le faire cesser, l’expulsion de la société JONAS de la partie à usage commercial des locaux situés […], angle […] à Paris 13e et dont Mme Y veuve X est usufruitière, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 90 jours;

Nous réservons la liquidation de l’astreinte;

Condamnons la société JONAS à payer à Mme Y veuve X la somme provisionnelle de 24.000 euros à valoir sur l’indemnité d’occupation due par la société JONAS pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017;

Fixons l’indemnité d’occupation provisionnelle due par la société JONAS à Mme Y veuve X à la somme mensuelle de 2000 euros à compter du 1er octobre 2017 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés;

Rejetons la demande de provision de la société JONAS;

Condamnons la société JONAS à payer à Mme Y veuve X la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamnons la société JONAS aux dépens;

Rejetons le surplus des demandes;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 20 décembre 2017

Le Greffier, Le Président,

E F G H

1:

Copies exécutoires

délivrées le:

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