Tribunal de grande instance de Strasbourg, 25 juillet 2017, n° 17/02133

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Sur la décision

Référence :
TGI Strasbourg, 25 juill. 2017, n° 17/02133
Juridiction : Tribunal de grande instance de Strasbourg
Numéro(s) : 17/02133

Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS minute n° 2017/291 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

JUGEMENT du 25 Juillet 2017

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

- Juge Unique : D E, Vice-Présidente

- Greffier : Karine LAGARDE, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 28 Juin 2017 à l’issue de laquelle le Président a Rôle NE 17/02133 avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 25 Juillet 2017.

JUGEMENT :

- déposé au greffe le 25 Juillet 2017

- Contradictoire et en premier ressort,

- signé par D E, Président et par B C, faisant fonction de Greffier. Copie exec. à :

Avocats Copie c.c. à : OBJET : Demande relative à d’autres contrats d’assurance CE JOUR

M e Z A DEMANDERESSE : M e Hubert M X

SELARL Y ET ASSOCIES en la personne de Maître Fabienne

Le Greffier Y agissant ès-qualités de liquidateur de l’Association REGAIN (RCS STRASBOURG 795.195.551) […]

représentée par Me Hubert METZGER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 284 M e Z A M e Hubert M X

DÉFENDERESSE :

AG2R REUNICA PREVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal […]

représentée par Me Z A, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 53

-1/6- RG 17/02133



Par acte délivré le 24 Avril 2017 selon la procédure d’assignation à jour fixe la SELARL

Y et associés, agissant en qualité de liquidateur de l’association Regain a fait citer

AG2R Réunica Prévoyance devant la Chambre Civile du tribunal de céans.

Au visa des articles 1134 ancien du code civil et L 911-8 du code de la sécurité sociale elle conclut sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

-Enjoindre à AG2R de communiquer à Maître Y, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l’association Regain, tous les documents et formulaires nécessaires à la mise en oeuvre de la portabilité des garanties santé prévues par l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale ,sous peine d’une astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à venir.

-Enjoindre à AG2R d’exécuter ses obligations contractuelles et légales, notamment de procéder au remboursement des frais de santé des anciens salariés de l’association Regain sous peine d’une astreinte 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à venir.

–Dire et juger que pendant la période de portabilité AG2R devra rembourser aux salariés toute somme engagée au titre de leurs soins de santé.

-Condamner AG2R à payer à Maître Y, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de

l’association Regain la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-Condamner AG2R aux frais et dépens

L’association Regain a conclu pour avec AG2R un contrat frais de santé afin d’offrir une garantie collective à l’ensemble de ses salariés.

Par jugement du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, procédures non commerciales, en date du 27 Juin 2016 l’association Regain a été admise au bénéfice du redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 Décembre 2016.

Maître Y a été désignée en tant que liquidateur judiciaire.

Maître Y s’est rapprochée de AG2R suite au jugement de liquidation judiciaire afin de connaître les conditions de mise en place de la portabilité des contrats prévue par

l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale.

La défenderesse avait fait connaître aux salariés que les droits n’étaient plus maintenus.

-2/6- RG 17/02133



Par courrier du 3 Avril 2017, AG2R répondait ne pouvoir faire droit à la demande de maintien des contrats estimant qu’il s’agissait d’un dispositif de solidarité, ne pouvant exister qu’avec le concours de l’entreprise, et qu’en cas de liquidation judiciaire, ne disposant plus les fonds nécessaires, AG2R ne pouvait plus garantir la portabilité des contrats.

Une lettre de résiliation des contrats avait été adressée le 1er Mars 2017 aux salariés.

Maître Y soutient que les dispositions de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale s’appliquent aux sociétés en liquidation judiciaire.

Aucun texte n’opère de distinction entre les employeurs in bonis et ceux en procédure de liquidation judiciaire.

La loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer .

La partie demanderesse conteste l’interprétation que fait AG2R des dispositions contractuelles de la garantie en ce que d’une part, au moment où sont intervenus les licenciements, les garanties dues étaient en vigueur, et que d’autre part, la résiliation des contrats par la défenderesse se heurte au principe de la poursuite des contrats prévue par

l’article L641-11-1 du code de commerce.

Le défaut de financement, autre argument de la défenderesse ne constitue pas un moyen pour s’opposer à l’application de la portabilité.

Le législateur a certes prévu à l’article 4 de la loi du 14 Juin 2013, la remise d’un rapport au Parlement avant le 1er Mai 2014 sur les modalités de prise en charge du maintien des garanties pour les salariés en liquidation judiciaire.

Ce rapport n’a pas été déposé. Ce texte cependant ne dispose pas que le dispositif est suspendu en attendant le dépôt du rapport, et la loi impose implicitement mais nécessairement de mutualiser les couts de la portabilité entre l’ensemble des salariés.

La défenderesse conclut au débouté et sollicite 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

Elle soutient principalement qu’en l’absence de dispositions claires imposant le maintien des garanties en cas de liquidation judiciaire et de modalités de financement, l’article

L911-8 du code de la sécurité sociale ne saurait s’appliquer.

Elle estime avoir légitimement résilié les contrats et refusé la portabilité, ne percevant plus de cotisation en contrepartie.

En second point elle fait état de la résiliation des contrats .

La résiliation a été mise en oeuvre en application de l’article L932-10 du code de la sécurité sociale. Cette disposition est propre aux institutions de prévoyance, contrairement au régime applicable aux sociétés d’assurance mutuelle. Elle a appliqué de bon droit ce texte.

-3/6- RG 17/02133



La résiliation du contrat d’assurance à la suite de la liquidation implique l’absence de contrat d’assurance entre AG2R et l’association Regain, de sorte que le maintien des garanties ne peut recevoir application après la liquidation judiciaire.

Enfin la loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 Juin 2013 prévoyait la remise d’un rapport sur la prise en charge du maintien des couvertures pour les salariés en situation de liquidation judiciaire.

Ce rapport n’a pas été déposé, aucun fonds spécifique n’a été mis en place. L’intention du législateur n’était pas en conséquence de permettre l’application de l’article L911-8 du code de la sécurité sociale en cas de liquidation judiciaire.

SUR CE

L’article L441-1 du code de l’organisation judiciaire dispose qu’avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de Cassation.

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 modifié par l’avenant n° 3 du

18 mai 2009 impose aux employeurs de maintenir, sous certaines conditions, à leurs anciens salariés, le bénéfice des garanties incapacité invalidité – décès et remboursement des frais de santé en vigueur dans l’entreprise.

Ce dispositif a été modifié par l’article 1er de la loi du 14 juin 2013 (L. n° 2013-504, 14 juin

2013 : JO 16 juin 2013, p. 9958) relative à la sécurisation de l’emploi qui crée un nouvel article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, lequel impose désormais à l’ensemble des entreprises de maintenir, à titre gratuit, cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime

d’assurance chômage.

Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une période égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu’ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, sans pouvoir excéder 12 mois.

-4/6- RG 17/02133



L’article 4 de la loi du 14 Juin 2013 dispose que le gouvernement remettra au parlement avant le 1er Mai 2014 un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire .

Ce rapport n’a pas été déposé .

Ainsi en l’état, force est de constater qu’aucune disposition légale ou réglementaire relative

à la portabilité ne précise les conditions de mise en œuvre du maintien des garanties en cas de liquidation judiciaire.

Les juridictions de première instance et d’appel ont rendu des décisions divergentes.

Certaines condamnent les organismes assureurs à maintenir leurs garanties aux salariés licenciés dans le cadre de la liquidation judiciaire (CA Lyon, 24 janv. 2017, n° 15/06017),

d’autres considèrent que cette obligation n’est pas applicable (CA Paris, 13 sept. 2016,

n° 15/17810 : JurisData n° 2016-018668 . – CA Paris, 14 nov. 2016, n° 16/08).

Le tribunal est saisi au fond de la question de la portabilité, susceptible ou non de

s’appliquer en cas de liquidation judiciaire.

Il s’agit d’une question de droit qui est nouvelle car elle n’a pas donné lieu à des solutions dégagées par la jurisprudence.

Il s’agit d’une question sérieuse puisqu’elle a des conséquences financières sur la situation de très nombreux salariés à la suite de la crise économique et financière de 2008 qui a vu augmenter de façon significative le nombre de procédures de liquidations judiciaires, mais aussi sur le fonctionnement des systèmes de santé et de prévoyance en termes de contraintes économiques et de principe de mutualisation.

La Cour de Cassation n’a pas encore rendu de décision.

Selon l’article 1031-1 du code de procédure civile, lorsque le juge envisage de solliciter

l’avis de la Cour de Cassation en application de l’article L 441-1 du code de l’organisation judiciaire, il en avise les parties et le Ministère Public, à peine d’irrecevabilité. Il recueille leurs observations écrites éventuelles dans le délai qu’il fixe à moins qu’ils n’aient déjà conclu sur ce point.

L’avis du Ministère Public et celui des parties a été sollicité le 22 Juin 2017.

Après réception de ces avis en date du 4 Juillet 2017 pour le Ministère Public, du 11 Juillet

2017 pour la partie demanderesse et du 4 Juillet 2017 pour la partie défenderesse, il y a lieu de renvoyer le dossier pour avis à la Cour de Cassation afin qu’elle se prononce sur

l’application par les organismes mutualistes des dispositions de l’article L911-8 du code de la sécurité sociale aux anciens salariés licenciés d’un employeur en liquidation judiciaire.

-5/6- RG 17/02133



Il y a lieu en conséquence de solliciter l’avis de la Cour de Cassation et de surseoir à statuer jusqu’à la réception de l’avis ou jusqu’à l’expiration du délai mentionné à l’article 1031-3 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par décision non susceptible de recours,

Vu l’article L 441-1 du code de l’organisation judiciaire

Vu l’article 1031-1 du code de procédure civile

SOLLICITE l’avis de la Cour de Cassation sur la question de droit suivante:

“Les dispositions de L911-8 du code de la sécurité sociale sont elles applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur en liquidation judiciaire ?”

SURSOIT A STATUER jusqu’à réception de l’avis ou a défaut jusqu’à l’expiration du délai prévu par l’article 1031-3 du code de procédure civile ;

DIT que le secrétariat de la juridiction procèdera aux formalités de l’article 1031-2 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

B C D E

-6/6- RG 17/02133

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Tribunal de grande instance de Strasbourg, 25 juillet 2017, n° 17/02133