Tribunal Judiciaire de Colmar, 26 mars 2021, n° 20/00197

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Colmar, 26 mars 2021, n° 20/00197
Numéro(s) : 20/00197

Sur les parties

Texte intégral

MINUTE: VJC/21/00012

COUR D’APPEL DE COLMAR

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COLMAR

[…]

ORDONNANCE DE REFERE 26 Mars 2021

ORDONNANCE DU : 26 Mars 2021 DOSSIER NE : RG N° RG 20/00197 – N° Portalis DB2F-W-B7E-EBYD AFFAIRE : Société C D, Société TEAM SPORT, Société A B C/ Société DECATHLON D

PARTIES :

DEMANDERESSES

Société C D, dont le siège social est sis […] représentée par Me Olivier PERNET, avocat au barreau de COLMAR, Me Jean-Christophe GRALL, avocat au barreau de PARIS Société TEAM SPORT, dont le siège social est sis […] représentée par Me Olivier PERNET, avocat au barreau de COLMAR, Me Jean-Christophe GRALL, avocat au barreau de PARIS Société A B, dont le siège social est sis […] représentée par Me Olivier PERNET, avocat au barreau de COLMAR, Me Jean-Christophe GRALL, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

Société DECATHLON D, dont le siège social est sis […] représentée par Me Marc GERRER, avocat au barreau de COLMAR et Me Bruno HOUSSIER avocat au Barreau de LILLE.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats à l’audience publique du : 05 Mars 2021 Présidente : Fanny DABILLY, Présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar

ORDONNANCE :

Prononcée par mise à disposition au greffe : Fanny DABILLY, Présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar contradictoire, en premier ressort, signée par Fanny DABILLY, Présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar, et Anne DAVID, ff de Greffier, présent lors du prononcé.

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EXPOSE DU LITIGE

Sur requête présentée par la société DECATHLON D, le Président du Tribunal Judiciaire de Colmar a rendu le 11 février 2020 une ordonnance visant à :

- désigner Maître SELAS ANGLE DROIT, Me CUNIN Nicolas, huissier de justice à EPINAL, avec pour mission de :

* se rendre au magasin C Saint-Dié des Vosges, à l’effet d’interroger toute personne sur site, et notamment les directeurs ou autres salariés, sur les modalités de la vente en liquidation totale avant travaux qui a été mise en place à compter du 04 décembre2019, et se faire communiquer par ceux-ci, afin de les consigner ou d’en établir une copie, les informations et les éléments suivants :

• toutes informations et éléments relatifs à la déclaration préalable qui devait être effectuée en mairie par la SARL TEAM SPORT relative à l’opération de “liquidation totale avant travaux à partir du mercredi 4 décembre 9h”, tels que prévus par l’article A.310-1 du Code de Commerce, en ce compris les annexes à cette déclaration prévues par l’article A.310-2 du Code de Commerce, et le récépissé n° 2019/009 en date du 30 septembre 2019 qui lui aurait été délivré en retour,

• toutes informations et éléments établissant la période exacte durant laquelle l’opération de

“liquidation totale avant travaux” s’est déroulée dans ce magasin, ainsi que les dates exactes de la période de soldes qui s’en est suivie, en établissant quels ont été, le cas échéant, les jours de fermeture du magasin durant ces deux périodes, ou à leur suite jusqu’à la date d’établissement du constat par l’huissier instrumentaire, en relevant dans ce cas si ces jours de fermeture ont été consacrés, en tout ou partie, à la réalisation des travaux particuliers qui avaient motivé la mise en place de l’opération de

“liquidation totale avant travaux”,

• toutes informations et éléments de nature à établir sur quels produits exactement ont porté en magasin l’opération de liquidation, afin de permettre de comparer la liste desdits produits avec celle figurant sur l’inventaire qui a dû être remis en annexe à la déclaration préalable en mairie,

• toutes informations et éléments de nature à établir si des produits en provanance des stocks des magasins “INTERSOPRT Villé” et “C Sélestat” appartenant à la SARL SOPRTS EVASION dont le SIREN est 380 967 430 ayant également pour gérante Madame Y Z, ont été et/ou sont vendus par le magasin “C Saint-Dié des Vosges” au titre de l’opération de liquidation,

• toutes informations et éléments de nature à établir la teneur et les modalités de la “vente privée” du 03 décembre 2019 effectuée dans le magasin C la veille du démarrage annoncé de la vente en liquidation, en relevant notamment si à l’occasion de cette vente censée être réservée aux clients déjà porteur de carte de fidélité, de nouvelles cartes de fidélité ont été créées ce jour-là, et dans l’affirmative, leur nombre, et l’importance des ventes qui ont pu être effectuées auprès des porteurs de cartes concernés,

• toutes informations et éléments susceptibles d’établir la nature, les dates et les modalités des travaux entrepris et/ou à réaliser dans le magasin “C Saint-Dié des Vosges”, qui devaient être déclarés en mairie comme étant de nature à justifier l’opération de “liquidation totale avant travaux” annoncée par le magasin concerné,

• toutes informations et éléments de nature à établir la réalité et l’ampleur desdits travaux, tel que devis d’entreprises, bon de commande de travaux, plan de travaux, contrat d’entreprise, contrat avec tout bureau de contrôle ou d’architectes, factures ou autres,

* dresser procès-verbal de l’ensemble de ses constatations,

- désigner Maître Isabelle JORQUES SCP, huissier de justice à SELESTAT, avec pour mission de

* se rendre au siège social de la SARL TEAM SPORT, à l’effet d’interroger toute personne sur site, et notamment le dirigeant ou les salariés, sur les modalités de la vente en liquidation totale avant travaux qui a été mise en place à compter du 04 décembre 2019 au magasin “C Saint-Dié des Vosges”, et se faire communiquer par ceux-ci, afin de les consigner ou d’en établir une copie, les informations et éléments suivants :

• toutes informations et éléments relatifs à la déclaration préalable qui devait être effectuée en mairie par la SARL TEAM SPORT relative à l’opération de “liquidation totale avant travaux à partir du mercredi 4 décembre 9h”, tels que prévus par l’article A.310-1 du Code de Commerce, en ce compris les annexes à cette déclaration prévues par l’article A.310-2 du Code de Commerce, et le récépissé n° 2019/009 en date du 30 septembre 2019 qui lui aurait été délivré en retour,

• toutes informations et éléments établissant la période exacte durant laquelle l’opération de

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“liquidation totale avant travaux” s’est déroulée dans ce magasin, ainsi que les dates exactes de la période de soldes qui s’en est suivie, en établissant quels ont été, le cas échéant, les jours de fermeture du magasin durant ces deux périodes, ou à leur suite jusqu’à la date d’établissement du constat par l’huissier instrumentaire, en relevant dans ce cas si ces jours de fermeture ont été consacrés, en tout ou partie, à la réalisation des travaux particuliers qui avaient motivé la mise en place de l’opération de

“liquidation totale avant travaux”,

• toutes informations et éléments de nature à établir sur quels produits exactement ont porté en magasin l’opération de liquidation, afin de permettre de comparer la liste desdits produits avec celle figurant sur l’inventaire qui a dû être remis en annexe à la déclaration préalable en mairie,

• toutes informations et éléments de nature à établir si des produits en provanance des stocks des magasins “INTERSOPRT Villé” et “C Sélestat” appartenant à la SARL SOPRTS EVASION dont le SIREN est 380 967 430 ayant également pour gérante Madame Y Z, ont été et/ou sont vendus par le magasin “C Saint-Dié des Vosges” au titre de l’opération de liquidation,

• toutes informations et éléments de nature à établir la teneur et les modalités de la “vente privée” du 03 décembre 2019 effectuée dans le magasin C la veille du démarrage annoncé de la vente en liquidation, en relevant notamment si à l’occasion de cette vente censée être réservée aux clients déjà porteur de carte de fidélité, de nouvelles cartes de fidélité ont été créées ce jour-là, et dans l’affirmative, leur nombre, et l’importance des ventes qui ont pu être effectuées auprès des porteurs de cartes concernés,

• toutes informations et éléments susceptibles d’établir la nature, les dates et les modalités des travaux entrepris et/ou à réaliser dans le magasin “C Saint-Dié des Vosges”, qui devaient être déclarés en mairie comme étant de nature à justifier l’opération de “liquidation totale avant travaux” annoncée par le magasin concerné,

• toutes informations et éléments de nature à établir la réalité et l’ampleur desdits travaux, tel que devis d’entreprises, bon de commande de travaux, plan de travaux, contrat d’entreprise, contrat avec tout bureau de contrôle ou d’architectes, factures ou autres,

* dresser procès-verbal de l’ensemble de ses constatations.

Par exploit délivré le 28 avril 2020, la SA C D, la SARL TEAM SPORT et la SARL A B ont fait assigner la SAS DECATHLON D, en référé commercial, devant le Président du Tribunal Judiciaire de COLMAR aux fins de voir :

- dire et juger que ni la requête, ni l’ordonnance, ne contiennent de motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire,

- dire et juger qu’il n’existait aucun motif légitime susceptible de justifier les mesures d’instruction demandées par DECATHLON D?

- dire et juger que les mesures d’instruction ordonnées étaient insuffisamment limitées et ne pouvaient à ce titre constituer des mesures légalement admissibles au sens de l’article 145 du Code de Procédure Civile,

- rétracter, en conséquence, en toutes ses dispositions l’ordonnance sur requête du 11 février 2020 ayant autorisé les mesures d’instruction,

- déclarer nulles et dee nul effet toutes les conséquences attachées à l’exécution de l’ordonnance rétractée,

- prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi en exécution de l’ordonnance entreprise,

- ordonner la restitution à chacune des sociétés TEAM SPORT et A B de l’ensemble des éléments issus des mesures d 'instruction,

- ordonner l’exécution provisoire,

- condamner la société DECATHLON D à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 5.000 € au titre de dommages et intérêts pour abus de son droit d’agir,

- condamner la société DECATHLON D, outre aux entiers dépens de l’instance, au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Au soutien de leurs prétentions, la société C D et ses deux adhérents, les sociétés TEAM SPORT et A B ont fait valoir que le magasin de Saint-Dié des Vosges avait organisé une opération de liquidation du mercredi 04 décembre 2019 au samedi 04 janvier 2020 pour vider intégralement la réserve et y effectuer d’importants travaux (pose d’une plate-forme de stockage), avec autorisation délivrée par la mairie le 30 septembre 2019 et référence du numéro de

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récépissé mentionnée sur les affiches.

Elles ont exposé que la société DECATHLON avait pris le prétexte de cette opération pour obtenir des informations d’un autre magasin, celui de Sélestat, qui n’avait pas organisé de vente en liquidation, et qu’elle a ensuite retardé les opérations de constat simultanées dans ces deux magasins, le 10 mars 2020 alors que l’ordonnance avait été rendue le 11 février 2020 et que l’opération du magasin de Saint-Dié des Vosges s’était terminée depuis plusieurs semaines.

Elles ont argué de ce que la requête présentée ne démontrait pas, comme l’exige la jurisprudence, un quelconque risque de dépérissement de preuves au vu des faits de l’espèce, ni la nécessité de provoquer un effet de surprise, l’existence de possibles actes de concurrence déloyale n’ayant jamais constitué une circonstance de nature à justifier l’absence de contradictoire.

Elles ont insisté sur le fait que, à supposer que les pièces apportées par la société DECATHLON aient pu être valablement prises en compte par le juge des requêtes pour apprécier l’existence d’un motif légitime, il n’en ressort aucune irrégularité ni aucune violation de la règlementation sur les ventes en liquidation puisqu’il n’est pas interdit de vendre des marchandises ayant transité par d’autres magasins si ces marchandises figuraient sur l’inventaire de liquidation déposé en mairie.

Aux termes de ses dernières écritures, la SAS DECATHLON D a demandé à la présente juridiction de :

- déclarer les sociétés C D et A B irrecevables en leurs prétentions pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

- juger que la requête aux fins de constats présentée le 31 janvier 2020, ayant conduit au prononcé de l’ordonnance du 11 février 2020, s’appuyait sur des faits et griefs précisément imputables à la SARL TEAM SPORT, et qui se trouvaient caractérisés par des pièces justificatives constituant des indices suffisants de l’existence d’irrégularités pour qu’il y soit fait droit,

- déclarer que ladite requête s’est inscrite dans une démarche légitime de la société DECATHLON D visant à lui permettre, eu égard à la gravité des faits qui y étaient exposés, de recueillir la preuve, avant tout procès, de l’entière implication de la SARL TEAM SPORT dans les faits qui lui sont reprochés,

- déclarer que les demandes ainsi présentées ne procédaient pas d’une intention de nuire aux sociétés TEAM SPORT, A B ou C D,

- déclarer que la mission sollicitée dans la requête, et confiée aux huissiers de justice dans le cadre de l’ordonnance du 11 février 2020, était pleinement justifiée, et clairement définie et circonscrite,

- juger que les circonstances de l’espèce justifiaient qu’il soit dérogé au principe du contradictoire, et qu’il soit fait droit aux demandes présentées par la voie d’une ordonnance sur requête,

- juger, en conséquence, que la requête présentée par la société DECATHLON D le 31 janvier 2020 aux fins de constats d’huissiers, ayant conduit au prononcé de l’ordonnance du 11 février 2020, reposait sur un motif légitime au sens de l’article 145 du Code de Procédure Civile,

- juger que les mesures des constats ainsi ordonnées l’ont été de façon proportionnée et strictement encadrée, dans des conditions ne pouvant pas porter atteinte au secret des affaires, ou encore au droit de la liberté du commerce et de l’industrie,

- juger qu’il n’y a pas lieu de rétracter l’ordonnance rendue le 11 février 2020,

- la confirmer en toutes ses dispositions,

- débouter les sociétés TEAM SPORT, A B et C D de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les sociétés TEAM SPORT, A B et C D, outre aux entiers dépens, au paiement chacune de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

A cet effet, la SAS DECATHLON D a soulevé le défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société C D dans la mesure où celle-ci affirme que la société TEAM SPORT a organisé “seule”, en “toute autonomie”, en tant que “commerçant indépendant” et sous “sa propre responsabilité” les opérations incriminées, et où si elle dispose bien, selon le règlement intérieur, d’un mandat à agir en justice conféré par la société TEAM SPORT, cette dernière ayant décidé d’exercer elle-même son action, la présence de son mandataire n’est donc pas fondée.

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Elle a excipé de ce même défaut de qualité et d’intérêt à agir pour la société A B sachant que la mesure d’instruction n’a pas été effectuée dans son magasin de SELESTAT, mais uniquement au siège social de la société TEAM SPORT qui se situe au même endroit.

La SAS DECATHLON D a insisté sur le fait qu’elle justifiait, dans sa requête du 31 janvier 2020, de l’absence de procès entre les parties, d’un motif légitime et de la nécessité de déroger au principe du contradictoire, pour solliciter la désignation d’huissiers de justice afin de faire procéder à toutes constatations nécessaires à la préservation de ses droits, et notamment à la cessation des atteintes graves à la règlementation en matière de vente en liquidation.

Elle a précisé que le fondement juridique du futur procès qu’elle introduira à l’encontre de la société TEAM SPORT est parfaitement déterminé, à savoir une action en concurrence déloyale pour non- respect de la règlementation relative aux ventes en liquidation, telle que prévue aux articles L.310-1, R.310-1 et suivants, 1.310-1 et suivants du Code de Commerce.

Elle a également indiqué disposer de suffisamment d’indices et de pièces justificatives pour réunir cinq motifs :

- aucun récépissé de déclaration en mairie n’a été affiché sur la devanture du magasin C de Saint-Dié des Vosges,

- alors qu’une opération de liquidation ne peut porter que sur “la totalité ou une partie des marchandises d’un établissement commercial” qui y procède, il est apparu que le magasin C de Saint-Dié des Vosges avait servi à procéder à un déstockage de produits provenant de plusieurs autres établissements sous la même enseigne,

- bien que la façade du magasin C était recouverte d’une vitrophanie annonçant une vente en “liquidation totale avant travaux” et indiquant “tout doit disparaître”, le magasin C de Saint-Dié des Vosges a exclu de nombreux produits de ladite vente, sans en préciser d’ailleurs la nature,

- la SARL TEAM SPORT a fait croire à sa clientèle qu’elle organisait le 03 décembre 2019 une opération de “vente privée” pour lui permettre de profiter “en avant première” de prix cassés “sur tout le magasin”, tout en affirmant que la liquidation totale officiellement déclarée ne commençait que le lendemain, ce qui constitue à l’évidence une tromperie à l’égard des consommateurs,

- cinq semaines après le lancement de l’opération par ce magasin, il a été observé qu’à la veille de la période nationale des soldes, le 07 janvier 2020, il avait été opéré par le magasin C un retrait total de la communication portant sur la liquidation au profit de la revendication immédiate des soldes, sans qu’aucune fermeture du magasin ni modification d’exploitation ne soit intervenue entre les deux opérations pour la réalisation des prétendus travaux annoncés.

Sur ce, les trois sociétés demanderesses à la rétractation ont insisté sur le fait que la société DECATHLON ne peut pas instrumentaliser la procédure de mesure d’instruction infuturum pour obtenir des informations sur son concurrent, ni pour pallier sa carence dans l’administration de la preuve.

A l’audience de renvoi du 05 mars 2021, les conseils des parties ont réitéré leurs demandes et arguments.

Sur ce, l’affaire a été mise en délibéré, pour être rendue ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur l’intérêt et la qualité à agir :

Attendu que l’article 493 du Code de Procédure Civile dispose que “l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse” ;

Que l’article 496 dudit code précise dans son second alinéa que “s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance” ;

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Qu’ainsi le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours mais s’inscrit dans le nécessaire respect par le juge du principe de la contradiction qui commande qu’une partie, à l’insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée, puisse disposer d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief ;

Qu’en l’espèce, les sociétés C D et A B, non visées directement par l’ordonnance litigieuse, invoquent toutefois pour la première qu’elle constitue un groupe C organisé sous forme de coopérative de commerçants indépendants ayant une activité centrale d’achat et de référencement d’articles, matériels et accessoires et, pour la seconde, qu’elle exploite un magasin C situé à Sélestat, lieu investigé en ce qu’il coïncide avec le siège social de la société TEAM SPORT ;

Que la société A B est bien concernée par la mesure d’instruction ordonnée puisque l’huissier instrumentaire est venu dans son magasin de Sélestat ;

Que la société C D est toute aussi concernée dans la mesure elle dispose de la qualité de défendeur potentiel à l’action au fond envisagée par la société DECATHLON D en concurrence déloyale, et ce en vert du mandat d’agir en justice figurant à l’article 21 de son règlement intérieur ;

Que dès lors, il convient de déclarer les sociétés C D et A B recevables à agir en référé rétractation aux côtés de la société TEAM SPORT ;

* Sur l’ordonnance querellée :

Attendu qu’aux termes de l’article 145 du Code de Procédure Civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Qu’il résulte de ces dispositions que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité des griefs qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, mais il doit, néanmoins, justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions ;

Qu’en l’espèce, la société DECATHLON D alléguait, à l’appui sa requête, l’existence d’un motif légitime, à savoir l’existence de manquements graves par la société TEAM SPORT à la règlementation en matière de vente en liquidation, susceptibles de caractériser des actes de concurrence déloyale, et également la nécessité de déroger au principe du contradictoire afin d’éviter que cette dernière, informée de la mesure, ne fasse disparaître les preuves de la violation dans ses livres comme en magasin ;

Qu’au titre des irrégularités dénoncées, elle retient :

- le non respect de l’obligation d’affichage du récépissé de déclaration sur la devanture du magasin puisque seuls apparaissent sur la façade un numéro et une date de récépissé, et une date de début de liquidation totale du 04 décembre 2019, mais pas l’affichage du récépissé de déclaration lui-même,

- la présence de carton de marchandises dans le magasin provenant d’autres magasins C de la région, dont notamment C Villé et C Sélestat, alors même qu’une opération de liquidation ne peut porter que sur la totalité ou une partie des marchandises d’un établissement commercial,

- le fait que la liquidation annoncée comme “totale” sur la vitrine et par courriel du 30 novembre 2019, ne portait pas sur l’intégralité du stock du magasin puisque de nombreux produits en étaient exclus,

- une vente privée a été organisée le 03 décembre 2019 alors que le magasin était censé être fermé à cette date, les dates de la liquidation n’ayant pas été respectées,

- cinq semaines après le lancement de l’opération de “liquidation totale avant travaux”, il a été opéré le

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retrait total de la communication au profit de la revendication des soldes, et ce alors qu’aucune fermeture du magasin n’est intervenue entre les deux opérations pour la réalisation des prétendus travaux annoncés ;

Que pour ce faire, la société DECATHLON D produisait au soutien de ses prétentions divers documents, à savoir un cliché photographique de la devanture du magasin de Saint-Dié des Vosges, le courriel du 30 novembre 2019, un constat d’huissier du 23 décembre 2019 sur la page internet Facebook du magasin, un constat d’huissier du 24 décembre 2019 de photographies prises sur le téléphone portable de Monsieur X, directeur du magasin DECATHLON de Saint-Dié des Vosges, une photographie prise dans le magasin C d’un carton d’emballage et des photographies de ce même magasin passé en période de soldes ;

Que force est donc de constater que la société DECATHLON D justifiait bien d’un motif légitime et apportait des éléments factuels rendant crédibles ses suspicions au jour du dépôt de sa requête ;

Que les mesures d’investigation ordonnées étaient, par ailleurs, parfaitement définies, circonscrites et proportionnées dans leur objet et n’avaient pas lieu d’être limitées dans le temps ;

Qu’au vu des éléments de preuve produits ultérieurement et des débats contradictoires échangés en cours de procédure, il convient de débouter les sociétés demanderesses de leur demande en rétractation et de confirmer l’ordonnance rendue le 11 février 2020 en toutes ses dispositions ;

* Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que les sociétés TEAM SPORT, C D et A B succombent, elles supporteront les entiers dépens de la présente instance;

Qu’il est équitable, par ailleurs, de laisser à la charge de la société DECATHLON D les frais irrépétibles déboursés par elle pour les besoins de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Président, statuant publiquement, par ordonnance de référé rendue contradictoire et rendue en premier ressort,

Déclarons recevables la SA C D et la SARL A B en leur action en rétractation,

Déboutons la SARL TEAM SPORT, la SA C D et la SARL A B de leur demande en rétractation de l’ordonnance rendue le 11 février 2020,

Confirmons, en conséquence, l’ordonnance rendue le 11 février 2020 en toutes ses dispositions,

Rappelons que la présente décision est de droit exécutoire par provision,

Déboutons la SAS DECATHLON D de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamnons la SARL TEAM SPORT, la SA C D et la SARL A B aux entiers dépens de l’instance,

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et année susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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