Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, 14 avril 2022, n° 22/00112

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Fort-de-France, 14 avr. 2022, n° 22/00112
Numéro(s) : 22/00112

Sur les parties

Texte intégral

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N° Minute : 22/0070

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE FORT DE FRANCE

N° R.G. 22/00112 – N° Portalis DB3X-W-B7G-THPFO

AUDIENCE DE RÉFÉRÉ

ORDONNANCE RENDUE LE 14 AVRIL 2022

AFFAIRE

S.A.R.L. SOFRIGEST

S.A.R.L. SOFRIDIS 9

S.A.R.L. S.N. MADISEC "

S.A.S. BERTE 9

S.A.S. SCAGEX 9

S.A.S. I K

C/

Syndicat CSTM

Z A, ès qualité de Secrétaire Général de la CSTM. 9

, B C

DEMANDERESSES:

S.A.R.L. SOFRIGEST

[…]

[…]

Activité :

Rep/assistant: Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

S.A.R.L. SOFRIDIS

[…]

[…]

[…]

Activité :

Rep/assistant: Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

S.A.R.L. S.N. MADISEC domiciliée : chez X

[…]

Activité :

Rep/assistant Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

S.A.S. BERTE

[…]

[…]

Activité :

Rep/assistant Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

S.A.S. SCAGEX

[…]

[…]

Activité :

Rep/assistant Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

do



S.A.S. I K […]

[…]

Activité :

Rep/assistant Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

DEFENDEURS :

Syndicat CSTM

Maison des syndicats […]

[…]

Me Sandrine RAGALD SAINT-AIME, avocat au barreau de Rep/assistant I
M. Z A, ès qualité de Secrétaire Général de la CSTM.

[…]

[…] Rep/assistant : Me Sandrine RAGALD SAINT-AIME, avocat au barreau de

I
Mme B C

[…]

[…]

Rep/assistant Me Sandrine RAGALD SAINT-AIME, avocat au barreau de I

PARTIES INTERVENANTES :

Société SOGEMA

Usine

C/O Distriplus

[…], Activité :, rep/assistant: Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

S.A. X

Centre commercial Collin’s – Bât A

Colin Nord

[…], Activité :, rep/assistant: Me Clémence COTTRELL, avocat au barreau de I

DEBATS:

Après avoir entendu les parties, l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 14 Avril 2022

NATURE DE L’AFFAIRE

Contradictoire premier ressort

ORDONNANCE rendue par M. Emmanuelle PERIER, assisté de Yolène CLIO,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Selon une ordonnance rendue le 13 avril 2022, la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, le S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S I K ont été autorisées à assigner le syndicat CSTM, M. Z A (en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM), Mme B C à l’audience de référé d’heure à heure du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 14 avril 2022 à 14h, l’assignation devant être délivrée avant le 14 avril 2022 à 08 h et placée au greffe du juge des référés le même jour au plus tard à 10 h.

Selon actes signifiés le 13 avril 2022 à 16 h53, 16h56, 16h55 la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, le S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S I K et la société SOGEMA et la société X ont fait citer, M. Z A (en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM), Mme B D le syndicat CSTM, devant le juge des référés de Fort-de-France, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, aux fins d’entendre :

- dire et juger que l’occupation illicite de l’accès à l’immeuble Berté sis à la Zone

[…] entraîne un trouble manifestement illicite;

- ordonner aux défendeurs pris en leur nom personnel et à tout titre que ce soit, ainsi qu’à toute personne perturbant l’exploitation ou entravant le libre accès aux sites entravés de cesser et faire cesser immédiatement et sans délai les entraves à la liberté du travail, à la libre circulation des biens et des marchandises, à la liberté du commerce, de l’industrie et de la propriété, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par personne à compter de la date de notification de l’ordonnance, dire par ailleurs que le juge des référés sera compétent afin de procéder à la liquidation de ladite astreinte. ordonner en conséquence la cessation de toutes obstructions à la libre circulation des

-

personnes et des biens, et l’expulsion immédiate et sans délai, y compris la nuit y compris avec le concours de la force publique si besoin est, de toute personne perturbant l’exploitation ou les accès de toutes sociétés filiales de X et notamment du syndicat CSTM, de Mme B D de M. Z A en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM et de tous occupants de leur chef,

- dire et juger que la présente ordonnance continuera de produire ses effets tant que les entraves persisteront,

- dire que la présente ordonnance sera exécutoire sur minute,

- condamner les défendeurs en tous les dépens et au paiement de la somme de 3.000 euros in solidum au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties demanderesses exposent que depuis le mercredi 16 février 2022, des salariés de la société SOGEMA et le syndicat CSTM multiplient les obstructions et barrages par des piquets de grève bloquant les accès aux locaux de l’enseigne « Carrefour Market » exploité par la S.A.S. SOGEMA. Elles précisent que la S.A.S. SOGEMA est une filiale de la Société Antillaise Frigorifique « dite X ».

Elles expliquent que le syndicat CSTM appelait les salariés à se mettre en grève et communiquait de nouveaux points de revendication, que des barrages ont été installés empêchant l’accès à leur travail aux salariés non grévistes, aux clients de faire leurs courses mais plus généralement empêchant la libre circulation dans le centre commercial. Elles précisent que la CSTM par l’intermédiaire de son représentant M. Z A a revendiqué sur les réseaux sociaux son souhait de bloquer une à une les entreprises du groupe X, déclarations réitérées dans la presse par Mme B C.

Elles affirment que depuis le 12 avril 2022, les accès de la société I K au Lamentin ainsi que l’immeuble BERTE où se trouvent d’autres entreprises du groupe X ont été bloqués.

Elles soutiennent que ces agissements caractérisent des troubles manifestement illicite en ce qu’ils portent gravement atteinte à la liberté du comm et de l’industrie, la liberté de circulation des biens et des personnes, le droit de propriété, la liberté du travail des salariés

Land 3 P


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non-grévistes.

Elles insistent sur la désorganisation des approvisionnements et des livraisons, la perte de denrées alimentaires périssables, résultant de ces blocages et soulignent que le droit de grève ne peut admettre que des salariés grévistes et des personnes extérieures à la société, contraignent des salariés non grévistes d’une autre entreprise à cesser leur activité.

A l’audience du 14 avril 2022 à 14 h, les demanderesses étaient représentées.

Le syndicat CSTM, M. Z A (en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM), Mme B C ont comparu, assistés de leur conseil. Une suspension de dix minutes a été accordée afin de permettre aux parties de prendre connaissance des nouvelles pièces versées le jour de l’audience.

Lors des débats oraux, les parties ont réitéré les termes de leurs écritures, pour les parties demanderesses leur assignation et pour les parties défenderesses leurs conclusions déposées à l’audience.

Les parties demanderesses ajoutent solliciter la cessation des entraves et d’ordonner la fin des obstructions causées par les véhicules dont l’immatriculation se trouve dans les constats d’huissier du 12 et du 14 avril 2022.

Les parties demanderesses contestent la fin de non-recevoir alléguée du fait de l’absence de qualité à agir de la société X et de la société SOGEMA et sollicitent de déclarer recevable l’intervention volontaire de la société X et la société SOGEMA.

Elles indiquent qu’il s’agit de la troisième action en justice relative au blocage du carrefour Market du François. Elles rappellent que la société SOGEMA ne souhaite négocier qu’avec le syndicat de l’entreprise et non avec M. Z A, es qualité de secrétaire général de la CSTM.

Elles rappellent les termes de M. Z A qui souhaiterait « taper là où ça fait mal ».

Selon elles, il ne s’agit plus d’un risque de blocage, mais bien d’un blocage certain et actuel où toutes les sociétés demanderesses se sont retrouvées bloquées dans leurs activités commerciales. Elle insistent sur l’immense préjudice pour la société X et les filiales sociétés demanderesses, rappelant qu’il s’agit de l’alimentation en J de nombreux supermarchés, des EPAHD, et du CHUM.

Certes, elles ne contestent pas que les défendeurs montrent qu’il y a un déblocage à 10h13 mais rappellent qu’à 08h00 les parties demanderesses démontrent qu’il existe encore un blocage. Elles rappellent les termes de l’huissier instrumentaire qui constate que les camions sont prêts à partir mais il y a une camionnette qui est devant les photos sont clairement lisibles sur le constat produit par le défendeur.

Le syndicat CSTM, M. Z A (en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM), Mme B C ont communiqué des conclusions à l’audience aux termes desquelles ils demandent au juge des référés de : vu l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 02 novembre 1945 relative au statut des huissiers, annuler l’ensemble des procès-verbaux de constat d’Huissier de Justice, produits aux débats par la demanderesse, ou à tout le moins les écarter,

- déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société SOGEMA et la société X du fait de l’absence d’intérêt à agir et de qualité à agir dans le présent litige,

- prononcer la mise hors de cause de M. Z A, es qualité de secrétaire général du syndicat Centrale Syndicale des Travailleurs Martiniquais (CSTM),

- écarter des débats le procès verbal de constat d’huissier le 12 avril 2022 par Maître

E F, huissier de justice associé produis aux débats par les sociétés demanderesses.

- débouter les sociétés demanderesses de l’ensemble de leurs demandes,



Reconventionnellement

Vu l’article 131-1 du code de procédure civile, ordonner une médiation judiciaire entre

l’employeur et la délégation syndicale (se composant notamment des représentants syndicaux dans l’entreprise et du secrétaire général de leur organisation syndicale) afin de trouver une issue au litige désigner telle tierce personne qu’il plaira à Mme la présidente du tribunal pour y procéder, condamner par provision les sociétés demanderesses à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’oral, les parties défenderesses soulèvent la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société X et la société SOGEMA. Elles soutiennent qu’elles n’ont pas de locaux à Place d’armes au Lamentin, qu’elles ne sont donc pas victimes de prétendus blocage. Enfin, elles rappellent que la X est une holding qui n’a pas de personnalité morale juridique pouvant intenter une action en justice.

Les défendeurs sollicitent de voir écarter des débats le procès-verbal en raison de la contradiction des constats effectués et des déclarations rapportées par le directeur de l’exploitation de la société « I K ».

Ils sollicitent la mise hors de cause de M. Z A, es qualités de secrétaire général de la CSTM

Sur le fond, ils soutiennent qu’il y a une instrumentalisation de la justice. A ce titre, ils évoquent la plainte de M. G H qui aurait été séquestré à 4h du matin. Ils indiquent que seuls les procès-verbaux d’huissier du 12 et 14 avril 2022 produits par les demanderesses peuvent être pris en compte.

Les défendeurs ont également insisté sur le fait que l’huissier qui dresse un constat ne peut que procéder à des constatations purement matérielles, sans procéder à une enquête et que si le directeur interpelle les salariés, cela se transforme en enquête. Ils ont ajouté que les négociations annuelles s’étaient achevées sans la signature d’un accord, qu’il est fréquent qu’un secrétaire général d’une organisation syndicale représentative participe à ces négociations et qu’en l’espèce, les parties n’étant plus dans le cadre des NAO mais d’une grève avec une plate-forme de revendications, c’était lui qui négociait le protocole de fin de conflit.

Ils ont précisé demander à titre principal le rejet des demandes y compris à l’égard de la CSTM, et former une demande reconventionnelle de médiation qui réunira toutes les parties.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 14 avril 2022 à 18h30 par mise à disposition au greffe.

EXPOSÉ DES MOTIFS

A titre liminaire, la société SOGEMA et la société X n’ont pas été autorisées selon ordonnance de madame la présidente du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 13 avril 2022 a assigné en référé d’heure à heure les défendeurs.

A l’audience, elles déclarent intervenir volontairement à l’instance. Elles ne seront donc plus considérées comme parties demanderesses.

Sur la recevabilité des interventions volontaires

Aux termes de l’article 327 du code de procédure civile, l’intervention en première instance ou en cause d’appel est volontaire ou forcée.

Aux termes de l’article 329 du code de procédure civile, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

En application des dispositions de l’article 330 du code de procédure civile, elle est

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accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. L’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention.

En l’espèce, la société X et la société SOGEMA qui ont déclaré intervenir volontairement à la procédure, n’ont pas sollicité à être autorisées à assigner pour son intérêt propre et à formuler des prétentions à l’égard du syndicat CSTM, de M. Z A es qualités de secrétaire général du syndicat CSTM et de Mme B C.

Leurs interventions doivent être qualifiées d’accessoire dès lors qu’elles se bornent en conséquence à appuyer les prétentions de la S.A.R.L. SOFRIGEST, de la S.A.R.L. SOFRIDIS, de la S.A.R.L. S.N MADISEC, de la S.A.S. BERTE, de la S.A.S. SCAGEX, de la S.A.S I K.

Toutefois, les deux sociétés n’ont pas leur siège social ou leur établissement principal à la zone industrielle « Place d’armes » au LAMENTIN, la société X a son siège en Guadeloupe à Petit Bourg tandis que la société SOGEMA est situé au François en I. Elles ne justifient donc pas avoir intérêt à soutenir les autres sociétés demanderesses, la seule allégation d’un projet du syndicat CSTM de bloquer toutes les sociétés du groupe X est insuffisante à démontrer cet intérêt à agir. A ce titre, il sera rappelé que le juge des référés n’est saisi que d’une demande visant à ordonner la cessation d’un trouble manifestement illicite qui doit être certain et actuel, et non hypothétique ou plausible.

Leurs interventions volontaires seront déclarées irrecevables.

Sur la demande tendant à écarter des débats le constat d’huissier du 12 avril 2022

Le caractère particulièrement urgent inhérent à la procédure de référé d’heure à heure doit conduire le juge des référés à apprécier les délais de communication de pièces et écritures en tenant compte du temps nécessairement très contraint laissé aux parties pour débattre et échanger leurs écritures et pièces.

S’agissant des procès-verbaux de constat d’huissier, le fait, par exemple, que l’huissier reprenne les déclarations qui lui ont été faites par le directeur de l’établissement n’est pas un motif de nullité, ni ne justifie que les procès-verbaux soient écartés des débats simplement, leur valeur probatoire, se limitera à ce que l’huissier a pu constater, entendre et vérifier par lui même. Il importe en outre de rappeler que conformément à l’article 1369 du code civil, les constats d’huissier, dressés par des officiers publics sont des actes authentiques pour les mentions qui relatent les faits que l’officier déclare avoir accomplis

lui même soit son identité, dat et le lieu du constat. Pour le surplus des mentions, et notamment celles relatives aux faits juridiques constatés par l’huissier, les constats s’ils n’ont pas valeur d’acte authentique font néanmoins foi jusqu’à preuve contraire.

Les défendeurs soutiennent que les faits constatés par l’huissier de justice le 12 avril 2022 sont inexacts car contredits par le procès-verbal de dépôt de plainte du 13 avril 2022 de M. G H.

En l’espèce, il sera précisé que l’huissier de justice le 12 avril 2022 a constaté l’impossibilité de franchir à pied l’accès principal du site immeuble BERTE tout comme l’accès nord à 7h05.

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Dans son dépôt de plainte, M. G H indique que le 12 avril 2022 à 4 heures « des objets entravaient déjà l’accès à la société, mais le personnel avait pu avoir accès à son poste de travail, cependant les véhicules ne pouvaient pas y accéder ».

Ces deux pièces ne se contredisent pas car les horaires indiquées sont différents et les constatations de l’officier ministériel et les déclarations de M. G H peuvent tout à fait coexister.

En tout état de cause, aucun élément apporté par les défendeurs ne permet d’écarter des débats le constat d’huissier produit par les demanderesses datée du 12 avril 2022.

Sur le trouble manifestement illicite et sur la demande de mise hors de cause de M.

Z A, es qualité de secrétaire général de la CSTM

En vertu de l’article 835 nouveau du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique, qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Sur l’existence du trouble manifestement illicite

En l’espèce, il ressort des explications fournies par les parties et des pièces versées aux débats que depuis la négociation annuelle obligatoire prévue le 24 janvier 2022 entre les salariés et la direction de la société SOGEMA, le dialogue social est rompu.

Aux termes d’une première ordonnance datée du 28 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Fort-de-France a notamment enjoint au syndicat CSTM de libérer sous astreinte les entrées du magasin « Carrefour Market » exploité par la société SOGEMA situé au François.

Depuis, le conflit s’est localisé dans la zone industrielle de la […] au Lamentin, lieu des sièges sociaux des sociétés demanderesses ayant un lien juridique avec la société SOGEMA du fait de leur appartenance à un même groupe la société X. Aux termes d’une seconde ordonnance datée du 31 mars 2022, le juge des référés de céans a constaté que les demanderesses ne justifient pas subir un trouble manifestement illicite au moment où il statue mais a indiqué que plus tôt des barrages existaient.

Il est donc constant et non contesté que le dialogue social est rompu. Si les raisons de cette rupture n’intéressent pas le juge des référés qui doit se contenter de constater ou non l’existence d’un trouble manifestement illicite, il apparaît que la présence de M. Z A (non salarié de la société SOGEMA) à la table des négociations annuelles de la société SOGEMA semble le point de crispation des positions de chacune des parties.

Aussi, le juge des référés ne doit pas porter une appréciation sur les revendications des salariés et les réponses de la direction lors des négociations. Toutefois, l’existence de négociations ou au contraire l’absence de toute perspective de discussion peut constituer néanmoins l’un de ses éléments d’appréciation quant à l’existence du trouble

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manifestement illicite. A l’audience, les deux parties ont évoqué la rencontre avec le médiateur et une éventuelle volonté de renouer le dialogue social, cependant force est de constater qu’il est rompu dans l’entreprise SOGEMA (non partie à la présente procédure) et que l’absence de ce dialogue social nuit à d’autres sociétés ayant un simple lien juridique avec cette société.

La discussion ne pourra donc avoir lieu de manière apaisée et constructive si de nouveaux blocages en d’autres lieux doivent se reproduire.

Il sera tout de même rappelé aux parties que l’exercice du droit de grève est reconnu par l’article 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris par le préambule de la Constitution du 04 octobre 1958. C’est un droit fondamental à valeur constitutionnelle.

Son exercice trouve cependant sa limite en cas d’atteinte à un droit de même valeur. Ainsi, il est constant que l’exercice du droit de grève peut dégénérer en abus s’il porte atteinte à la liberté du travail ou risque d’entraîner une désorganisation réelle et grave de l’entreprise, elle même, et non une désorganisation de son activité, cette dernière constituant une conséquence normale de la grève.

Il appartient au juge des référés, non pas de juger le caractère licite ou non de la grève, celle-ci étant par principe licite en cas de revendications professionnelles, ni de déterminer s’il existe au sein de la S.A.S. SOGEMA un usage selon lequel, le secrétaire général du syndicat représentatif, peut participer aux négociations annuelles alors qu’il n’est pas salarié de l’entreprise, ceci relevant du juge du fond. Il appartient au juge des référés d’apprécier sur le fondement de l’article 835 pré-cité, si son exercice entraîne ou non, un trouble manifestement illicite, au moment où il statue.

En l’espèce, trois constats d’huissier sont susceptibles de caractériser l’existence ou non du trouble manifestement illicite : celui du 12 avril 2022 et ceux du 14 avril 2022.

Le 12 avril 2022, Maître E F, huissier de justice à Fort-de-France a: constaté que tous les accès des locaux de la société I K sont

entravés par des palettes en bois sur lesquelles sont fixés des drapeaux au nom du syndicat CSTM, constaté que des véhicules sont stationnés sur la chaussée, perpendiculairement aux places de parking de la société et aux emplacements des camions de livraison (présence de drapeau CSTM), aucun camion ne pouvant quitter la zone de livraison,

- deux autres accès des entrepôts sont également entravés par un barrage de palettes étant précisé qu’au niveau du premier accès, un véhicule est stationné,

- l’accès principal et nord de l’immeuble BERTE est totalement obstrué par un amas de palettes en bois (drapeau CSTM)

Il précise que durant toute la durée de ses constats les barrages ne sont pas levés (soit entre 7h 05 et 13 h 10).

Le 14 avril 2022 à 9h30, Maître L-M N a constaté la présence de groupes d’individus arborant des tee-shirts de couleur rouge et des drapeaux placés sur les véhicules. Elle explique que les accès aux locaux de la Société I K sont entravés et qu’aucun véhicule ne peut rentrer ou sortir de la zone de livraison. Elle constate également les deux accès à l’entrepôt entravés par des palettes de bois vers l’entrepôt COMIA.

Elle constate aussi que l’entrepôt et la zone de livraison de I J dans lequel sont abritées les sociétés SOFRIDIS, I J, CODIS et SOFRIGEST voient leur accès principal et second accès entravés par des palettes de bois et des véhicules. Elle constate également la présence de drapeaux CSTM.

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Enfin, le 14 avril 2022 à 10h47, Maître O-P Y s’est rendu à la zone industrielle de la […] au LAMENTIN. Il constate que les accès sont libres et constate qu’il n’y a aucun barrage devant l’accès de la voie publique devant l’immeuble BERTE et devant le bâtiment de la société I K. Il joint de nombreuses photos présentant les lieux.

La lecture des deux constats d’huissier produits par les demandeurs combiné avec l’existence des deux précédents actions en justice ayant donné lieu aux ordonnances de référé du 28 février 2022 et du 31 mars 2022 démontrent l’existence manifeste de blocages des accès aux locaux des sociétés demanderesses. Ces blocages portent atteinte manifestement à leur liberté de commerce, de l’industrie et de libre circulation des bien puisqu’aucun camion n’a pu assurer de livraison depuis le 12 avril 2022 et ce alors qu’il s’agit de denrées périssables.

Le constat d’huissier produit par les parties défenderesses ne peut suffire à démontrer la libération des entraves. En effet, la répétition des blocages, le climat social particulièrement tendu lors de ces négociations annuelles avec une société n’ayant aucun local dans la zone industrielle […] au Lamentin et le constat d’huissier particulièrement court et peu circonstancié du 14 avril 2022 de Maître Y amènent à penser que les entraves demeurent.

En effet, le mode utilisé par le syndicat tendant à placer des palettes et des véhicules pour empêcher la sortie ou l’entrée des camions et autres véhicules des entrepôts appartenant ou utilisés par les entreprises demanderesses permet d’enlever ou de remettre facilement les entraves utilisées.

Certes, les mesures prises par le juge, statuant sur référé sur le fondement de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, ne doivent strictement tendre qu’à la prévention du péril imminent ou à la cessation du trouble manifestement illicite, circonstance caractérisée dans le temps et dans l’espace, justifiant son intervention ,et non, à prévenir tout risque pour l’avenir pour le requérant.

Toutefois, en l’espèce, l’ensemble des éléments débattus à l’audience et les pièces versées aux débats permettent d’établir l’existence d’un trouble manifestement illicite certain et actuel.

Sur les auteurs du trouble manifestement illicite

Contrairement à ce qu’indiquent les parties demanderesses, seul le syndicat CSTM est clairement identifié à plusieurs reprises par les huissiers. Aussi, seul le syndicat CSTM et les personnes agissant en son nom pourront être considérées comme auteurs du trouble manifestement illicite constaté.

Il n’est jamais fait mention de Mme B C ou de M. Z A lors des constats d’huissier.

En conséquence, ces deux personnes seront mises hors de cause.

Sur les personnes atteintes par le trouble manifestement illicite

Il résulte des constats d’huissier tels que décrits précédemment que l’ensemble des parties demanderesses à l’exception des parties intervenantes (les sociétés X et SOGEMA) subissent des entraves dans leur fonctionnement portant atteinte à la liberté d’industrie, de commerce, de circulation des biens et la liberté de travail.

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Au regard de tous ces éléments, la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, la

S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S I K justifient d’un trouble manifestement illicite causé par les défendeurs qui entravent la sortie des camions de livraison par la mise en place de palettes en bois, de pneus ou de stationnement de véhicules gênants ayant pour effet de porter atteinte à la liberté du travail, à la liberté du commerce, à la libre circulation des marchandises et des biens et au droit de propriété.

En conséquence, il y a lieu de faire droit aux demandes de la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, le S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S I K conformément au dispositif ci-après énoncé. Il sera évidemment précisé aux parties demanderesses que leurs demandes telles que présentées dans le dispositif ne peuvent prospérer en l’état étant indéfinies et non circonscrites. En effet, les mesures pouvant être prises par le juge des référés sur le fondement de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile doivent être strictement circonscrites dans l’espace, dans le temps, être précises et devant permettre la cessation du trouble manifestement illicite.

Il convient de mettre fin en enjoignant au syndicat CSTM de libérer les accès des locaux situé Zone Industrielle du LAMENTIN utilisés ou appartenant à la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, le S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S I K, et en leur faisant interdiction d’entraver à nouveau ces accès, au seul vu de la minute de la présente décision, faute de quoi il sera procédé à leur expulsion, en tant que de besoin avec le concours de la force publique et en autorisant l’enlèvement de tous les obstacles et matériels intercalés dans le but de bloquer ces accès.

A cette fin ainsi que pour favoriser l’exécution de la présente décision, l’injonction de libérer les accès aux locaux utilisés ou appartenant à la S.A.R.L. SOFRIGEST, la S.A.R.L. SOFRIDIS, le S.A.R.L. S.N MADISEC, la S.A.S. BERTE, la S.A.S. SCAGEX, la S.A.S

I K et l’interdiction de procéder à de nouvelles entraves seront assorties d’une astreinte provisoire de 500 € par jour civil de retard et par personne, passé un délai de douze heures suivant la présentation de la minute de la présente décision, le blocage d’un seul de ces magasins suffisant à faire courir l’astreinte.

L’astreinte courra pendant une durée d’un mois, le juge des référés se réservant sa liquidation.

Sur la demande reconventionnelle

La demande de médiation sera rejetée au motif qu’il résulte de ce qu’il a été précédemment statué et des déclarations des parties que le litige initial est relatif au dialogue social de la société SOGEMA entre sa direction et le syndicat. Toutefois la société SOGEMA n’est pas partie à la présente procédure.

Le syndicat CSTM qui succombe à l’instance sera condamné aux dépens qui ne comprennent pas le coût des constats d’huissier. Il n’apparaît pas inéquitable cependant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera jugé enfin que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire au seul vu de la minute.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Emmanuelle PÉRIER, juge des Référés statuant après débats publics, par décision contradictoire, et en premier ressort mise à disposition des parties conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, après que les parties en aient été informées à l’audience de plaidoirie,

Disons que la société Antillaise Frigorifique et la société SOGEMA n’interviennent plus

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en tant que parties demanderesses,

Déclarons irrecevable l’intervention volontaire accessoire de la société Antillaise

Frigorifique et de la société SOGEMA,

Rejetons la demande du syndicat CSTM, de M. Z A (en sa qualité de secrétaire général du syndicat CSTM), de Mme B C tendant à voir écarter des débats le constat d’huissier du 12 avril 2022 par Maître E F,

Mettons hors de cause M. Z A, es qualité de secrétaire général du syndicat

CSTM et Mme B C,

Vu l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,

Constatons l’existence d’un trouble manifestement illicite,

Ordonnons au syndicat CSTM et à toute personne agissant pour son compte de libérer les accès des locaux situé Zone Industrielle Places d’ARMES à LE LAMENTIN utilisés ou appartenant à la S.A.R.L. SOFRIGEST, à la S.A.R.L. SOFRIDIS, à la S.A.R.L. S.N MADISEC, à la S.A.S. BERTE, à la S.A.S. SCAGEX, à la S.A.S I

K, et en leur faisant interdiction d’entraver à nouveau ces accès, au seul vu de la minute de la présente décision, faute de quoi il sera procédé à leur expulsion, en tant que de besoin avec le concours de la force publique et en autorisant l’enlèvement de tous les obstacles et matériels intercalés dans le but de bloquer ces accès,

Disons que cette injonction sera assortie d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour civil de retard et par personne, passé un délai de douze heures suivant la présentation de la minute de la présente décision, le blocage d’un seul de ces sites ou accès suffisant à faire courir l’astreinte,

Disons que l’astreinte courra pendant une durée d’un mois et nous réservons la liquidation de l’astreinte,

Rejetons la demande reconventionnelle de médiation judiciaire,

Condamnons le syndicat CSTM aux dépens qui ne comprennent pas le coût des constats

d’huissier,

Disons n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de

procédure civile.

Disons que la présente décision est exécutoire au seul vu de la minute.

Ainsi fait et ordonné les jours, mois et an susdits. La présente décision a été signée par

Emmanuelle PÉRIER, juge, et Yolène Clio, greffier. Yolène Clio Emmanuelle PÉRIER

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Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, 14 avril 2022, n° 22/00112