Tribunal Judiciaire de Paris, 1er octobre 2020, n° 20/80449

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 1er oct. 2020, n° 20/80449
Numéro(s) : 20/80449

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE TRIBUNAL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS JUDICIAIRE

DE PARIS

N° RG 20/80449 – N°

Portalis

352J-W-B7E-CRZG PÔLE DE L’EXÉCUTION T

250/2010 JUGEMENT rendu le 01 octobre 2020

N° MINUTE :

copie exécutoire envoyée à Me PICHAVANT et expéditions envoyées aux parties par LRAR et à Me

Z A

054401220 DEMANDERESSE

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE SIS

[…] domiciliée : chez M. B C, syndic

[…]

[…]

représentée par Me Jean PICHAVANT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: #A0333

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. D E

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Chantal Z ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0235

JUGE Monsieur H I, 1er Vice-Président adjoint

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER Madame F G

DÉBATS: à l’audience du 10 Septembre 2020 tenue publiquemen t,

JUGEMENT: rendu publiquement par mise à disposition au greffe contradictoire susceptible d’appel

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EXPOSE DU LITIGE

La société D E est propriétaire de plusieurs lots d’une copropriété sise à Paris, […], dans le Ve arrondissement.

Par un arrêt du 19 novembre 2014, partiellement confirmatif d’un jugement du 29 mars 2012, la cour d’appel de Paris a condamné la société D E à procéder sous astreinte à divers travaux destinés à refermer des ouvertures pratiquées illicitement par celle-ci dans les parties communes de l’immeuble.

Par exploit du 14 février 2020, le syndicat des copropriétaires du […] a fait citer la société D E devant le juge de l’exécution.

Il sollicite la liquidation de l’astreinte à la somme de 286.100 € au titre de la période allant du 22 juin 2012 au 1er septembre 2020 ; subsidiairement, sa liquidation à la somme de 9.600 € au titre de la période du 14 févier 2020 au 1er septembre 2020; en tout cas, il demande au juge de porter l’astreinte à 500 € par jour de retard; plus subsidiairement, d’assortir le jugement du 29 mars 2012 et l’arrêt du 19 novembre 2014 d’une astreinte définitive de 800 €. Enfin, il réclame une indemnité de procédure de 5.000 € et la distraction des dépens au profit de son avocat.

En défense, la société D E conclut à l’irrecevabilité de l’action en liquidation de l’astreinte en raison de la prescription, au rejet des demandes subsidiaires adverses, subsidiairement à la suspension du cours de l’astreinte du 12 mars au 24 juin 2020 en application de l’ordonnance n°2020-306; en tout cas, elle sollicite une indemnité de procédure de 2.000 €, la distraction des dépens au profit de son avocat et demande à être dispensée de toute participation aux frais et honoraires de

. l’instance, en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

MOTIFS

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence au contenu de leurs conclusions respectives visées à

l’audience.

Sur le délai de prescription de l’action en liquidation de

l’astreinte

La Cour de cassation a tout récemment posé que l’action en liquidation d’une astreinte était soumise la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil, non à la prescription décennale prévue à l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution applicable à l’exécution des titres exécutoires (2ème Civ., 21 mars 2019, n°17-22.241, en formation de section, publié). Sauf erreur, cette solution n’a pas été réitérée depuis.

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

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Ce texte est d’autant plus applicable ici qu’aux termes de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les dispositions de l’article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété ou entre un copropriétaire et le syndicat.

Sur le point de départ du délai de prescription

Le point de départ du délai de prescription de l’action en liquidation d’une astreinte peut être fixé au lendemain du jour où a expiré le délai prescrit par la décision de justice pour l’exécution de l’obligation assortie d’une astreinte, quand bien même l’astreinte continuerait à courir au-delà, dès lors que, dans son principe, cette action naît au premier jour de retard au regard du délai fixé par le juge.

En l’espèce, par un jugement du 29 mars 2012, intégralement assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société D E, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement, à :

- refermer le mur séparatif entre les lots 21 et 22 ; retirer les fausses portes et démolir le mur édifié au droit des

-

portes palières des lots 21 et 22, sur le couloir d’accès du 6e étage, et remettre en place les portes palières existant avant les travaux ;

- retirer les fixations métalliques et le tuyau PVC fixés au mur du couloir d’accès aux lots 20 à 22 du 6e étage de l’immeuble.

Cette décision a été signifiée à la société D E le 22 mai 2012.

Le 19 novembre 2014, la cour d’appel de Paris infirmant partiellement le jugement, condamné la société D E à retirer sous astreinte de 100 euros par jour de retard les fausses portes et démolir le mur édifié au droit des portes palières des lots 20 et 21 sur le couloir d’accès au 6e étage, et à remettre en place les portes palières existant avant les travaux.

Elle a, d’autre part, confirmé le jugement en ses dispositions non contraires, notamment, ainsi qu’il résulte de ses motifs, p. 8, en ce qu’il avait condamné la société D E à retirer les fixations métalliques et le tuyau PVC fixés au mur du couloir d’accès et (motifs, p. 7) en ce qu’il avait condamné cette société à refermer le lot séparatif entre les lots 21 et 22.

Autrement dit, la cour d’appel n’a corrigé le jugement qu’en ce qu’il avait ordonné démolition du mur édifié au droit des portes palières des lots 21 et 22, alors qu’il s’agissait en réalité des lots 20 et 21.

Il peut donc être considéré que l’arrêt est entièrement confirmatif s’agissant de la définition des obligations assorties d’une astreinte, ce que reconnaît au reste le syndicat des copropriétaires demandeur.

En application des dispositions de l’article R. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte a ainsi commencé à courir le 23 juin 2012, lendemain de l’expiration du délai d’un mois suivant la signification imparti par le jugement exécutoire de première instance (voir Perrot, RTD Civ 1997, p. 743 qui, approuvant le revirement opéré par la 2e chambre civile le 1997 sur le pourvoi n°95-13.961, souligne qu’il ne porte que sur le cas où la décision du premier degré n’est pas exécutoire par provision; Perrot, RTD Civ 1997, p. 509 ; 2ème Civ., 31 mai 2001, n°99

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16.860, sur le point de départ de l’astreinte en cas de confirmation d’un jugement assorti de l’exécution provisoire).

De là, le point de départ du délai de prescription de l’action en liquidation doit être fixé au 24 juin 2012.

Sur la suspension de la prescription

Aux termes de l’article 2234 du code civil, la prescription est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi.

Il découle de la loi du 10 juillet 1965 que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires qu’après y avoir été autorisé par l’assemblée générale des copropriétaires.

Selon le syndicat des copropriétaires, la prescription de son action en liquidation a été suspendue en raison du fait que la copropriété était dans l’impossibilité d’agir en justice sans autorisation préalable de son assemblée générale, qui n’a été donnée qu’après l’arrêt d’appel, le 12 août 2015, par une résolution contestée en justice ayant donné lieu le 7 mai 2019 seulement à un jugement la validant.

Ici, comme on l’a vu, l’action en liquidation a été ouverte le 24 juin 2012; il était loisible dès cette date au syndicat des copropriétaires de convoquer une assemblée générale, dans le délai de trois semaines prévu à l’article 9 du décret de 1967, afin de donner mandat au syndic d’agir en liquidation; comme le souligne la défenderesse, il découle de l’article 42 de la loi de 1965 que les résolutions de l’assemblée générale sont, d’une manière générale, immédiatement exécutoires nonobstant contestation.

Ainsi, en admettant que l’absence d’autorisation d’agir en justice donnée par l’assemblée générale puisse constituer un empêchement résultant de la loi au sens de l’article 2234 du code civil, la copropriété demanderesse aurait pu agir en justice en vue de la liquidation de l’astreinte dès la fin du mois de juillet 2012.

Sur l’interruption de la prescription

Aux termes de l’article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

En l’espèce, par une lettre du 17 décembre 2015 versée aux débats, M. X, dirigeant de la société D E, a écrit à un M. Y en lui demandant de lui envoyer un devis pour les travaux de remise en état en vue de les proposer à l’assemblée générale afin d’arrêter les pénalités des astreintes journalières.

La société D E a ainsi reconnu de manière non équivoque non seulement le droit de la copropriété à faire exécuter les travaux prescrits par le jugement et l’arrêt confirmatif – ce qu’elle avait déjà fait par courriers électroniques adressés au syndic les 25 juillet et 30 août 2015, mais aussi, contrairement à qu’elle soutient, son droit à la liquidation de l’astreinte.

La lettre du 17 décembre 2015 a ainsi valablement interrompu la prescription quinquennale.

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L’action en liquidation introduite par assignation du 14 février 2020 n’est donc pas prescrite.

Sur la liquidation de l’astreinte

L’article L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose: Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. (…) L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

La société défenderesse prétend qu’elle a été confrontée à une difficulté sérieuse pour exécuter l’injonction, en ce qu’elle a chargé un M. Y de procéder aux travaux, puis l’a en vain relancé.

Elle produit un ordre paraphé par celui-ci le 17 décembre 2015 de mettre [son] studio en conformité avec l’assignation de la copropriété. Cette date est la même que celle de la demande de devis faite au même
M. Y dont il a déjà été question.

Le même jour, la société défenderesse a ainsi tout à la fois demandé un devis à ce M. Y et lui a passé un ordre de service d’une totale imprécision.

Elle produit encore un courriel de relance non circonstancié adressé au même M. Y en date du 29 septembre 2016.

Autrement dit, la société défenderesse n’allègue aucune démarche antérieure à décembre 2015 pour exécuter le jugement contradictoire et assorti de l’exécution provisoire du 29 mars 2012; elle ne justifie d’aucun ordre de service clair passé à un quelconque entrepreneur, ce que ses échanges contradictoires et imprécis avec M. Y ne peuvent pallier; elle n’allègue aucune difficulté technique à la réalisation des travaux prescrits ; elle ne fait état d’aucune cause étrangère.

Enfin, elle soutient surtout qu’elle souhaite racheter à la copropriété les 2 m² de parties communes concernés par les travaux, ce qui aurait pour effet pratique d’annihiler les décisions de justice prononçant l’injonction litigieuse, rendues après plusieurs années d’une procédure rendue nécessaire par des travaux illicitement réalisés en décembre 2007 et ayant donné lieu à une première ordonnance de référé du 13 mai 2008, voilà plus de douze ans.

Ce comportement corrobore la thèse suivant laquelle la société défenderesse n’a jamais eu l’intention d’exécuter le jugement de 2012 ni l’arrêt de 2014.

Il n’existe par conséquent aucune raison légalement admissible de réduire ou de supprimer l’astreinte, qui ne peut qu’être liquidée au taux prescrit par le juge.

L’astreinte a ainsi couru du 23 juin 2012 au 1er septembre 2020, soit durant 2992 jours; toutefois, en application du dernier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, sont cours a été suspendu entre les 12 mars et 23 juin 2020 inclus, soit durant 103 jours.

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L’astreinte doit donc être liquidée au taux de 100 euros pour

2992 103 = 2889 jours, soit pour un total de 288.900 €, au titre de la période allant du 23 juin 2012 au 1er septembre 2020.

La demande de liquidation, limitée à la somme de 286.100 €, sera donc intégralement accueillie.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande de n’allouer d’indemnité de procédure à aucune des parties.

PAR CES MOTIFS,

le juge de l’exécution

DIT recevable l’action en liquidation de l’astreinte ;

LIQUIDE à la somme de 286.100 € l’astreinte découlant du jugement du 29 mars 2012 et de l’arrêt du 19 novembre 2014, au titre de la période allant du 23 juin 2012 au 1er septembre 2020;

CONDAMNE la société D E à verser cette somme au syndicat des copropriétaires du […] ;

DIT n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société D E aux dépens, avec distraction au profit de la SELARL Pichavant Avocat.

LE JUGE DE EXÉCUTION LE GREFFIER

F G H I

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Tribunal Judiciaire de Paris, 1er octobre 2020, n° 20/80449