Tribunal de grande instance de Paris, 11 mai 2021, 20/10171

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Ordonnance du juge de la mise en état relative à une action en nullité de marque

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, ct0196, 11 mai 2021, n° 20/10171
Numéro(s) : 20/10171
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043759852

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 20/10171 – 
No Portalis 352J-W-B7E-CTAFU

No MINUTE : 17

Assignation du :
16 Octobre 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 Mai 2021

DEMANDERESSE

La société PARISOT INDUSTRIE S.A.S.U.
[Adresse 1]
[Localité 1]

représentée par Maître Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0451

DEFENDERESSE

La société APHORISM FACTORY S.A.S.U.
[Adresse 2]
[Localité 2]

représentée par Maître Marion AÏTELLI de la SELARL AL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1831

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Carine GILLET, Vice-Présidente
assistée de Lorine MILLE, Greffière

DEBATS

A l’audience du 24Mars 2021, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 11 Mai 2021 par mise à disposition au greffe.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier en date du 16 octobre 2020, la société PARISOT INDUSTRIE a assigné la société APHORISM FACTORY, devant le tribunal judiciaire de Paris, en nullité de marques et en parasitisme et/ou abus de droit.
Elle reproche à la société APHORISM FACTORY d’avoir déposé, en fraude de ses droits, la marque française VOGICA no 4677598, enregistrée le 29 août 2020, en ce qu’elle porte atteinte à ses droits antérieurs, et en particulier à la marque VOGICA no 3874225, dont la société PARISOT est titulaire.

La société APHORISM FACTORY a saisi le juge de la mise en état suivant conclusions signifiées par voie électronique le 07 décembre 2020, aux fins de voir déclarer la société PARISOT INDUSTRIE irrecevable en son action, pour défaut d’usage de la marque VOGICA no 3874225, qui lui est opposée.

Dans ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 18 mars 2021, la société APHORISM FACTORY sollicite du juge de la mise en état de :
Vu l’assignation délivrée par la société PARISOT INDUSTRIE le 16 octobre 2020 et les pièces communiquées à l’appui,
Vu les dispositions des articles L.714-5 et L.716-2-3 1o du code de la propriété intellectuelle,
Vu les dispositions des articles 122, 700 et 789- 6o du code de procédure civile,

— Dire la société PARISOT INDUSTRIE mal fondée en ses « conclusions d’irrecevabilité »,
-Dire la société APHORISM FACTORY recevable en ses demandes fondées sur l’article 789-6o du code de procédure civile,
-Dire que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur l’irrecevabilité des demandes de la société PARISOT INDUSTRIE tirée du défaut d’usage sérieux des droits de marques invoqués à l’appui de ses demandes,
-Constater l’absence de communication de preuves de l’usage sérieux de la marque française no 3874225 pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt,

Dans l’hypothèse où le juge de la mise en état considérerait que le tribunal est saisi de demandes fondées sur lesdites marques,
-Constater l’absence de preuves de l’usage sérieux des marques françaises no1486630, no96654736, no3479310 et des marques de l’Union Européenne no4567244 et no10452266, pour l’ensemble des produits et services visés aux dépôts,

En conséquence,
-Rejeter l’ensemble des demandes formées par la société PARISOT INDUSTRIE à l’occasion de ses « conclusions d’irrecevabilité »,
-Constater la déchéance des droits de la société PARISOT INDUSTRIE sur la marque française no 3874225, pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt, à tout le moins au jour du dépôt de la marque française litigieuse no4677598,

Dans l’hypothèse où le juge de la mise en état considérerait que le tribunal est saisi de demandes fondées sur lesdites marques,
-Constater la déchéance des droits de la société PARISOT INDUSTRIE sur les marques françaises no1486630, no96654736, no3479310 et sur les marques de l’Union Européenne no4567244 et no10452266 pour l’ensemble des produits et services visés aux dépôts, à tout le moins au jour du dépôt de la marque française litigieuse no4677598,
-Dire la société PARISOT INDUSTRIE irrecevable à agir en nullité de la marque française VOGICA no4677598 dont est titulaire la société APHORISM FACTORY ;
-Dire la société PARISOT INDUSTRIE irrecevable en l’ensemble de ses demandes telles que formulées à l’occasion de l’assignation délivrée le 16 octobre 2020,
-Rejeter la demande de la société PARISOT INDUSTRIE au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la société PARISOT INDUSTRIE à verser à la société APHORISM FACTORY la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En réplique suivant conclusions signifiées par voie électronique le 23 mars 2021, et en dernière date le 23 mars 2021, la société PARISOT INDUSTRIE sollicite du juge de la mise en état de:-Déclarer irrecevables les conclusions d’irrecevabilité signifiées le 7 décembre 2020,
-Se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de la société Aphorism Factory,
-Débouter en toute hypothèse la société Aphorism Factory de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Enjoindre à la société Aphorism Factory de conclure au fond devant la formation de jugement,
-Condamner la société Aphorism Factory à payer à la société Parisot Industrie la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Réserver les dépens.

Les parties ont plaidé l’incident à l’audience du 24 mars 2021

La présente décision, susceptible d’appel dans les conditions fixées à l’article 795 du code de procédure civile est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur l’irrecevabilité de la saisine du juge de la mise en état

La société VOGICA soutient que la fin de non recevoir a été soulevée par la société APHORISM le 07 décembre 2020 avant même que le juge de la mise en état n’ait été saisi du litige le 22 décembre 2020 de sorte que la demande est irrecevable.

La société APHORISM répond que la désignation du juge de la mise en état s’opère sans formalisme particulier et que quand bien même les conclusions d’incident ont été formées avant la désignation du juge de la mise en état, celui-ci s’en est bien trouvé saisi et a d’ailleurs convoqué les parties aux fins de plaider.
En outre les présentes conclusions valent saisine du juge de la mise en état .

Sur ce
En application des dispositions de l’article 779 alinéa 5 du code de procédure civile (ancien article 760), "Le président [de la chambre saisie ou à laquelle l’affaire a été distribuée] renvoie au juge de la mise en état les affaires qui ne sont pas en état d’être jugées. Il fixe la date de mise en état. Le greffe en avise les avocats constitués".

Il s’en déduit que le moment de la désignation du juge de la mise en état , qui emporte transfert des pouvoirs juridictionnels exclusifs du juge de la mise en état, est celui du jour de la notification aux avocats de l’avis de désignation du juge de la mise en état, lequel est en l’occurrence intervenu le 22 décembre 2020.

Si les conclusions du 07 décembre 2020 ont été signifiées avant même que le juge de la mise en état ne soit désigné, il n’en demeure pas moins que celui-ci a convoqué les parties afin que l’incident soit plaidé et que la société APHORISM a réitéré ses prétentions, auprès du juge de la mise en état, après que celui-ci ait été désigné.

Le moyen d’irrecevabilité des conclusions de la société APHORISM sera donc écarté.

II – Sur la compétence du juge de la mise en état

La société PARISOT INDUSTRIE poursuit l’incompétence du juge de la mise en état, au motif que la fin de non recevoir soulevée par son adversaire suppose que soit préalablement tranchée une question de fond et alors que le moyen soulevé, qui consiste en réalité en une demande reconventionnelle soulevée comme moyen de défense, relève de la seule compétence de la formation de jugement. Elle ajoute qu’il n’apparaît pas envisageable que le juge de la mise en état tranche désormais, les demandes reconventionnelles en nullité de tout droit de propriété intellectuelle et elle déclare s’opposer à ce que le juge de la mise en état se prononce sur la demande de déchéance, au profit du tribunal en sa formation collégiale.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, le moyen soulevé en mettra pas fin à l’instance et ne rendra pas l’action de la société PARISOT irrecevable en sa demande de nullité de la marque seconde de son adversaire, car l’action principale est fondée sur cinq autres marques antérieures et sur la mauvaise foi ou l’abus de la société APHORISM FACTORY.

Elle expose que la défenderesse au principal a pour activité le négoce de marques et a manifestement pour projet d’acquérir à vil prix la marque notoire VOGICA, au moyen d’un simple dépôt de marques et d’action en déchéance, pour pouvoir ensuite la proposer à un acteur du meuble, à un prix conséquent, alors que la société PARISOT INDUSTRIE vient aux droits d’une société qui a acquis le portefeuille de marques VOGICA près de 850.000 euros. Ces agissements sont constitutifs de parasitisme et doivent être appréciés sur le tout, par la juridiction collégiale.
La société APHORISM FACTORY réplique que le juge de la mise en état est en application des dispositions de l’article 789-6o du code de procédure civile exclusivement compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir et que l’action principale est fondée sur une ou plusieurs marques anciennes, pour lesquelles le titulaire doit, en conformité avec les dispositions de l’article L716-2-3- 2o du code de la propriété intellectuelle, issu de l’ordonnance du 13 novembre 2019, justifier de preuves d’usage à peine d’irrecevabilité, au cours des cinq ans précédent le dépôt de la marque postérieure.
En l’occurrence, la société PARISOT qui se fondait initialement sur la seule marque antérieure VOGICA no 3874225, invoque désormais cinq autres marques antérieures, au titre desquelles la titulaire ne rapporte pas plus de preuves d’usage.
La société APHORISM FACTORY en déduit que les prétentions fondées sur ces marques sont irrecevables.

Sur ce,
En application des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état est désormais exclusivement compétent pour « 6o statuer sur les fins de non-recevoir ». Ces dispositions sont applicables aux instances introduites après le 1er janvier 2020 (article 55 -II du décret, rectifié par décret no 2019-1419 du 20 décembre 2019- article 22-I-5o).

Selon l’article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L716-2-3 du code de la propriété intellectuelle, applicable aux instances introduites postérieurement au 11 décembre 2019, issu de la transposition de la Directive 2015/243 : "Est irrecevable :
(…)
2o La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de dépôt ou à la date de priorité de la marque postérieure qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque postérieure, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage.

Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis.

Il appartient dès lors désormais au demandeur à une action en nullité de marque pour atteinte à des droits antérieurs, à peine d’irrecevabilité de justifier , sur requête de son adversaire, d’un usage sérieux de la marque qu’il invoque, au cours des cinq ans précédant la demande en nullité (article L716-2-3 1o non cité ) ou avant la date d’enregistrement de la marque seconde contestée (article précité).

La société APHORISM FACTORY ne sollicite pas le « prononcé de la déchéance totale pour défaut d’usage sérieux », ni le « prononcé de la nullité des marques premières opposées » lesquelles constituent effectivement des moyens de défense au fond, qui conformément aux dispositions de l’article 71 du code de procédure civile tendent « à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire » et relèvent en conséquence de la compétence du tribunal statuant au fond.

Mais en l’espèce, la société APHORISM FACTORY se contente d’invoquer le moyen d’irrecevabilité, tel qu’issu des nouvelles dispositions, qui conditionne désormais la recevabilité de l’action en nullité de marque, à la démonstration d’un usage sérieux du signe opposé et qui relève incontestablement des compétences du juge de la mise en état, depuis la réforme portant extension de ses compétences à la connaissance des fins de non recevoir .

En l’occurrence, la société PARISOT INDUSTRIE poursuit la nullité de la marque française seconde VOGICA no 4677598 déposée le 29 août 2020, par la société APHORISM pour désigner des produits en classes 7,11, 20, 21 et 35.
Et la société PARISOT invoque pour ce faire la marque française VOGICA no 3874225 lui appartenant, mais également d’autres marques françaises V VOGICA no9606540736, VOGICA PRÊT A POSER no3479310, VOGICA no1 4860630 (pour lesquelles l’INPI a été saisie en déchéance, le 04 décembre 2020), ainsi que de l’Union européenne VOGICA no 4567244 et VOGICA no10452266 ( pour lesquelles l’EUIPO est saisie en déchéance).

Il appartient en conséquence à la société PARISOT INDUSTRIE de justifier de l’usage sérieux de ces marques, au cours de la période du 29 août 2015 au 29 août 2020.

Elle produit pour cela, un contrat de licence (pièce no 12) conclu le 1er mars 2016 entre la société VOGICA INTERNATIONAL SAS (aux droits de laquelle elle vient) et la société DIAM TENDANCE& CREATIONS SAS, portant concession de licence non exclusive pour « la vente de produits de salle de bain » de la marque française VOGICA no 113874225 déposée le 16 novembre 2011, et uniquement sur les sites de e-commerce showrooprive.com et vente-privee.com (articles 2 et 3 du contrat), pour une durée d’une année du 1er mars 2016 au 28 février 2017, qui prendra fin de plein droit sauf accord de renouvellement dûment formalisé (article 8), ainsi qu’une facture qui semble correspondante du 22 avril 2016 (pièce no13).

Toutefois, ces preuves d’usage sont totalement insuffisantes, car cette licence, dont il n’est au demeurant pas justifié d’un renouvellement à l’arrivée du terme annuel, ne porte que sur une partie résiduelle des produits visés à l’enregistrement de la marque opposée et ne concernent qu’ une seule facture.
En ce qui concerne les cinq autres marques opposées, aucune preuve d’usage n’est communiquée.

Dès lors la société PARISOT INDUSTRIE est irrecevable en son action en nullité de la marque seconde VOGICA no 4677598.
Le tribunal demeure néanmoins saisi des prétentions de la société PARISOT INDUSTRIE au titre du parasitisme et/ ou abus de droit.

III – Sur les autres demandes

La société PARISOT INDUSTRIE qui succombe supportera les dépens et ses propres frais.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La société PARISOT INDUSTRIE sera condamnée à payer à la société APHORISM FACTORY, la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et susceptible d’appel conformément aux dispositions de l’article 795 du code de procédure civile,

DÉCLARONS recevables les conclusions de la société APHORISM FACTORY SASU aux fins d’irrecevabilité de la demande en nullité de marque,

DÉCLARONS la société PARISOT INDUSTRIE SASU irrecevable à agir en nullité de la marque française VOGICA no 4677598, enregistrée le 29 août 2020, dont la société APHORISM INDUSTRIE SASU est titulaire, à défaut de justifier d’un usage sérieux des marques opposées,

DISONS que le tribunal demeure saisi des prétentions fondées sur le parasitisme et l’abus de droit,

ORDONNONS le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état du:
23 septembre 2021
audience dématérialisée pour :
-conclusions au fond de la société APHORISM FACTORY avant le 20 juin 2021
-réplique de la société PARISOT INDUSTRIE avant le 15 septembre 2021,

CONDAMNONS la société PARISOT INDUSTRIE SASU à payer à la société APHORISM FACTORY SASU la somme de 1000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS la même aux dépens de l’incident.

Faite et rendue à Paris le 11 Mai 2021

La GreffièreLe Juge de la mise en état

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