Tribunal Judiciaire de Paris, 1er juin 2022, n° 20/11458

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 1er juin 2022, n° 20/11458
Numéro(s) : 20/11458

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS 1

1/1/2 resp profess du drt

N° RG 20/11458 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTG7L

N° MINUTE :

Assignation du : 13 Novembre 2020

Expéditions exécutoires délivrées le :

JUGEMENT rendu le 01 Juin 2022

DEMANDERESSE

Madame C Y […]

représentée par Maître Paul YON de la SARL PAUL YON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0347

DÉFENDEUR

Monsieur J-K B […]

représenté par Maître Tristan BORLIEU de la SCP GLP ASSOCIES, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NA63

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Décision du 01 Juin 2022 1/1/2 resp profess du drt N° RG 20/11458 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTG7L

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne I, Première Vice-Présidente adjointe Présidente de formation,
Monsieur E F, Juge Madame Lucie LETOMBE, Juge Assesseurs,

assistés de Samir G, Greffier

DEBATS

A l’audience du 20 Avril 2022 tenue en audience publique

JUGEMENT

- Contradictoire

- En premier ressort

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

- Signé par Madame Anne I, Présidente, et par Monsieur Samir G, greffier lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE
Madame C Y demeure dans une copropriété située […], composée de quatre appartements :

- celui du rez-de-chaussée appartenant aux époux X,

- celui du 1er étage appartenant Madame Y,

- celui du 2ème étage appartenant aux époux Z,

- celui du 3ème étage (sous toiture-terrasse) appartenant à Madame A.

En octobre 2011, l’appartement des époux X a été affecté par un dégât des eaux, ainsi que des parties communes dont le sous-sol de l’immeuble.

Plusieurs expertises amiables ont eu lieu entre les copropriétaires par les sociétés Priez, JDC, Texa, Etat 9, et Lumidecor.

Par ordonnance de référé du 31 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé le syndicat des copropriétaires et les autres copropriétaires à faire réaliser dans l’appartement de Madame Y les travaux conservatoires consistant en la mise en place d’une dérivation provisoire de l’alimentation d’eau, et a désigné Monsieur J-K B en qualité d’expert judiciaire.

Monsieur B a clos son rapport le 10 novembre 2015, puis a ajouté une note complémentaire le 30 novembre 2015.

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Le 26 septembre 2016, Madame Y a fait signifier une assignation en référé aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise.

Par ordonnance de référé du 2 décembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré les demandes de Madame Y irrecevables.

Dans le cadre de la procédure au fond, Madame Y a signifié des conclusions d’incident aux fins de voir prononcer la réouverture des opérations d’expertise.

Par ordonnance du 12 octobre 2017, le juge de la mise en état a déclaré Madame Y irrecevable en ses demandes estimant que celles- ci relevaient du juge du fond.

Madame Y a fait signifier au syndicat des copropriétaires et aux époux X une troisième assignation en référé devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise.

Par ordonnance de référé du 21 mars 2018, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré les demandes de Madame Y irrecevables, et l’a condamnée à payer 1 000 € d’amende civile, 600 € de provision à valoir sur les dommages et intérêts dus pour procédure abusive, et 6 500 € de contribution aux frais irrépétibles adverses.

Madame Y a interjeté appel de cette ordonnance qui a été confirmée par arrêt du 31 mai 2019 de la cour d’appel de Versailles.

Par jugement au fond du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment débouté Madame Y de sa demande « d’invalidation » de l’expertise judiciaire, et l’a condamnée à indemniser le syndicat des copropriétaires et les autres copropriétaires au titre de leurs préjudices liés aux fuites d’eau ainsi qu’à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Madame Y a formé appel de cette décision, et la cour d’appel de Versailles a radié l’affaire le 5 octobre 2020, à défaut pour cette dernière d’avoir exécuté provisoirement le jugement.

Madame Y a saisi en référé le tribunal de grande instance de Nîmes, siège social de l’assureur de l’immeuble, aux fins de demander une nouvelle expertise.

Par ordonnance de référé du 15 juillet 2020, le tribunal de grande instance de Nîmes l’a déboutée de sa demande, relevant que l’expertise sollicitée avait le même objet que celle déjà réalisée par Monsieur B.

C’est dans ce contexte que, par acte du 13 novembre 2020, Madame Y a fait assigner Monsieur B devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir engager sa responsabilité civile professionnelle.

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Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 septembre 2021, Madame Y demande au tribunal de :

- débouter Monsieur J-K B de l’ensemble de ses demandes ;

- condamner Monsieur J-K B à lui verser la somme de 147 372,80 € à titre de dommages et intérêts en réparation de tous ses préjudices,

- le condamner à lui verser une indemnité de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du même code.

Madame Y soutient que Monsieur B a commis plusieurs manquements dans le cadre de sa mission d’expertise :

* une atteinte au principe du contradictoire, en ce que :

- le rapport final a été rendu en deux parties les 14 et 30 novembre 2015 alors que le correctif remis dans un second temps n’a pas été autorisé par le juge en charge du contrôle des expertises,

- l’expert ne lui a pas adressé de pré-rapport alors qu’il en avait l’obligation,

- l’expert n’a pas respecté les articles 276 et 282 du code de procédure civile, permettant aux parties de faire des observations, pour établir son rapport définitif,

- l’ordonnance de taxation d’honoraires ne lui a pas été notifiée.

* des fautes juridiques :

- ne pas avoir repris les désordres dans son appartement, alors que ces constations faisaient partie de sa mission, se limitant à reprendre le descriptif des désordres figurant dans l’assignation ayant conduit à l’ordonnance de référé du 31 juillet 2014,

- avoir dissimulé ses liens antérieurs à l’expertise avec les demandeurs à la procédure de référé, en annexant des devis de réfection de toiture transmis par ces derniers et effectués avant la désignation de l’expert,

- présenter un lien de subordination vis-à-vis Monsieur X, en ce que l’expert a fait intervenir au titre des opérations d’expertise du 18 novembre 2014 la société GFC dont le dirigeant avait des liens familiaux avec Monsieur X, au lieu de la société Aquanef,

- ne pas avoir contrôlé les tests des canalisations de son appartement ou accepter de procéder à de nouveaux tests, alors que ses canalisations ont été détruites en raison d’une surpression insufflée (35 bars au lieu de 3,5 bars) par la société Aquanef ou GFC,

- le choix d’un sapiteur non sachant pour les infiltrations de la terrasse, la société JDC Interventions étant compétente pour des nettoyages industriels et non pour des recherches de fuite, laquelle a dû s’y prendre à plusieurs fois pour poser un batardeau, et n’a pas été payée par l’expert mais par le syndicat des copropriétaires,

- la formulation d’appréciations juridiques, en précisant que sa responsabilité était engagée, alors que seul un avis technique était requis de l’expert, et l’utilisation impropre du terme « ceinture d’alimentation d’eau chaude » pour lui imputer les fuites d’eau.

* des manquements techniques :

- la falsification et la dissimulation de pièces, en ce que l’expert a refusé de prendre en compte des pièces qu’elle voulait communiquer et a fait apparaître des éléments techniques dans son rapport jamais évoqués lors des opération d’expertise, alors que l’absence de fuite d’eau dans son

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appartement avait été relevée dans plusieurs expertises amiables, notamment celui de la société Etat 9,

- la destruction de ses canalisations pour défaut de contrôle de la société Aquanef par l’expert engageant sa responsabilité,

- l’absence de lien de causalité entre les différents désordres constatés, notamment les infiltrations de la terrasse du 3ème étage et les moisissures dans son propre appartement, et les fuites d’eau imputées aux canalisations de son appartement,

- l’apparition dans les conclusions de l’expert de nouveaux liens de causalité entre les désordres et les fuites, en désignant une vanne d’arrêt général non étanche de son appartement comme étant responsable des fuites dans celui des époux X.

Au titre de ses préjudices, Madame Y fait valoir qu’elle a subi :

- une aggravation des désordres dans son appartement, dont elle évalue la remise en état à la somme de 5 351,28 €,

- la remise en état de son appartement du fait de l’installation provisoire posée pour les opérations d’expertise, qu’elle estime à 5 032,50 €,

- des travaux liés à l’expertise judiciaire : recherches de fuites d’eau et réparations de ses canalisations, pour un montant de 10 325,11 €,

- une privation de jouissance de son appartement en raison de la pose de dérivations des canalisations, qu’elle évalue à 49 025 €,

- des conséquences médicales liées aux moisissures dans son appartement et à la contamination fongique, pour un montant de 52 196,84 €,

- un préjudice financier liés aux constats d’huissier afin de faire constater la progression des désordres liés à l’humidité dans son appartement, qu’elle fixe à 5 472,07 €,

- un préjudice moral qu’elle évalue à 20 000 €.

Suivant conclusions signifiées le 24 septembre 2021, Monsieur B demande au tribunal de :

- juger que l’action en responsabilité engagée à son encontre se heurte à l’autorité de la chose jugée,

- débouter Madame Y de l’ensemble de ses demandes,

- condamner Madame Y à lui payer la somme de 15 000 € pour procédure abusive,

- condamner Madame Y à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son honorabilité professionnelle,

- condamner Madame Y à lui verser une indemnité de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du même code.

En réponse aux griefs de la demanderesse relatifs au respect du contradictoire, Monsieur B soutient que :

- un rapport définitif unique a été déposé le 14 novembre 2015, une note complémentaire ayant été seulement remise le 30 novembre 2014 pour intégrer les dires du conseil du syndicat de copropriétaires et des autres copropriétaires et y répondre,

- la demanderesse n’a pas demandé la nullité de cet additif lors de l’expertise, ni lors de la procédure au fond,

- le conseil de Madame Y à l’époque a été destinataire du rapport définitif, aucun texte ne lui imposant de lui adresser le rapport en personne,

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- il n’est pas responsable de la prétendue absence de notification de l’ordonnance de taxation,

- sept réunions d’expertise ont eu lieu et chaque partie a pu formuler des dires jusqu’à une date butoir, faculté dont elle a usé puisqu’elle a adressé des dires de 54 pages le 4 novembre 2015,

- la note n°7 valait pré-rapport comme indiqué dans son courrier d’accompagnement.

S’agissant des fautes alléguées, Monsieur B expose que :

- il a bien constaté les désordres affectant l’appartement de la demanderesse, peu importe que cela ne soit pas repris dans le résumé de sa mission, et ceux-ci ont d’ailleurs fait l’objet de dires par la demanderesse,

- les devis de réfection de toiture communiqués par les demandeurs à l’expertise ont été annexés à cette dernière et débattus contradictoirement, et il conteste tout lien avec les parties,

- seule la société Aquanef a procédé à des recherches de fuite, et non la société GFC qui n’est intervenue que le 9 septembre 2014 pour installer les dérivations, la facture du 19 novembre 2014 correspondant au déplacement de cette société à la réunion d’expertise du 18 novembre 2014, et non à une prestation de recherches de fuites,

- la demanderesse ne rapporte pas la preuve que le test à 35 bars a été effectué par la société Aquanef, ni qu’il n’a pas supervisé l’intervention de cette dernière, et elle a déjà été déboutée de ces demandes dans le jugement du 11 juillet 2019,

- il n’était pas nécessaire de faire réaliser de nouveaux tests alors que quatre entreprises avaient déjà constaté l’existence d’une fuite d’eau dans le réseau encastré de la demanderesse,

- la société JDC Interventions n’est pas intervenue comme sapiteur mais comme technicien, et est compétente pour la recherche de fuites d’eau et la pose du batardeau qui a permis de stopper les écoulements sur la terrasse,

- imputer la responsabilité des fuites d’eau aux canalisations de l’appartement de la demanderesse n’est pas une appréciation juridique mais un avis technique.

S’agissant des manquements techniques reprochés, il relève que :

- le rapport de la société Etat 9 n’a pas été dissimulé ou déformé, mais annexé au rapport d’expertise, et cette dernière n’a, en tout état de cause, pas pu tester le réseau fuyard, contrairement à la société Aquanef,

- il n’avait pas à tenir compte des recherches de fuites non contradictoires diligentées par la demanderesse,

- les canalisations de Madame Y ont été endommagées par la société Lumidecor, mandatée à la seule initiative de la demanderesse,

- la toiture terrasse n’était pas fuyarde, ni responsable des infiltrations d’eau sur le pignon, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse ; les différents murs antérieurement humides étaient secs après la pose de dérivations des canalisations litigieuses ; l’expression « ceinture d’alimentation d’eau chaude » est un terme technique pour désigner un réseau de distribution d’eau,

- la demanderesse a laissé fuir sciemment son robinet d’arrêt, à l’origine des moisissures dont elle impute aujourd’hui la responsabilité à l’expert.

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Au titre des préjudices invoqués, il précise que la demanderesse n’en justifie ni en leurs principes, ni en leurs montants, et que certaines demandes indemnitaires ont déjà été rejetées dans le jugement du 11 juillet 2019.

Il fait valoir, à titre reconventionnel, que le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté Madame Y de ses demandes de contre-expertise et déjà écarté tout manquement de sa part lors de l’expertise, de sorte que la présente action intentée par cette dernière est abusive et porte atteinte à son honorabilité professionnelle.

La clôture de la mise en état a été prononcée le 4 novembre 2021 par ordonnance rendue le même jour par le juge de la mise en état.

A l’audience du 20 avril 2022, l’affaire a été mise en délibéré au 1 juiner 2022, date du présent jugement.

MOTIVATION

Sur la responsabilité de l’expert judiciaire

La mise en œuvre de la responsabilité de l’ expert judiciaire peut être engagée, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, tant par suite de la méconnaissance dans l’accomplissement de sa mission d’une ou plusieurs règles régissant l’expertise judiciaire, telles l’obligation de respecter le principe de la contradiction ou l’obligation d’accomplir personnellement les opérations d’expertises, qu’à raison des erreurs techniques affectant ses conclusions, erreurs qu’un expert normalement avisé, consciencieux et attentif n’aurait à l’évidence pas commises (cour d’appel de Nancy, 27 janv. 2011, n° 03/01074).

L’expert judiciaire n’est cependant pas tenu d’une obligation de résultat.

En application de l’article 276 du code de procédure civile, « l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties. L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées. »

Aux termes de l’article 282 du code de procédure civile, « l’expert doit déposer un rapport au greffe de la juridiction. Il n’est rédigé qu’un seul rapport, même s’il y a plusieurs experts ; en cas de divergence, chacun indique son opinion. Si l’expert a recueilli l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, cet avis est joint, selon le cas, au rapport, au procès-verbal d’audience ou au dossier.

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Lorsque l’expert s’est fait assister dans l’accomplissement de sa mission en application de l’article 278-1, le rapport mentionne les nom et qualités des personnes qui ont prêté leur concours. Le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ».

En l’espèce, Madame Y reproche à l’expert plusieurs catégories de griefs qu’il convient d’examiner successivement.

- sur l’atteinte au principe du contradictoire :

Il ressort des pièces produites que :

- l’expert a signé son rapport le 10 novembre 2015, après avoir entendu toutes les parties lors de sept réunions d’expertise les 30 septembre

2014, 18 novembre 2014, 14 avril 2015, 3 septembre 2015, 9 septembre

2015, 16 septembre 2015 et 18 septembre 2015,

- la note complémentaire de l’expert en date du 30 novembre 2015 se limite à répondre aux dires du syndicat des copropriétaires sur certains postes de préjudices, et ne constitue donc pas une violation du principe du contradictoire,

- l’expert a annexé les dires des parties, notamment ceux de Madame Y du 4 novembre 2015 figurant aux pages 170 à 220 du rapport, et y a répondu en temps utile, ses éléments de réponses figurant aux pages 36 et 37 du rapport,

- il a adressé aux parties le 19 septembre 2015 le compte-rendu « faisant office de note de synthèse » de la septième et dernière réunion d’expertise, valant pré-rapport puisqu’il indique « je recevrai les documents demandés et les dires récapitulatifs jusqu’au 31 octobre 2015, date après laquelle je déposerai mon rapport »,

- le rapport final a été adressé à toutes les parties ou à leurs conseils respectifs.

Par ailleurs, à supposer que l’ordonnance de taxation du juge ne lui a pas été notifiée, Madame Y ne justifie pas avoir subi un grief sur ce point, étant relevé en outre qu’elle n’a pas contesté la rémunération de l’expert judiciaire au stade du dépôt de son rapport, comme le lui permettait l’alinéa 5 de l’article 282 du code de procédure civile susvisé, ni par la suite.

Ainsi, la demanderesse ne caractérise aucun manquement de l’expert quant au respect du principe du contradictoire.

- sur les fautes juridiques :

Il convient de relever que :

- l’expert a examiné l’ensemble des parties communes et parties privatives affectées par les désordres allégués, y compris l’appartement de la demanderesse, comme en atteste ses constatations figurant en pages 8 et 9 du rapport et son évaluation des travaux de remise en état de l’appartement pour un montant de 7 150 € en page 32,

- Madame Y ne rapporte pas la preuve de ses allégations concernant, d’une part, la dissimulation par l’expert de ses liens antérieurs avec les demandeurs à l’expertise – en tout état de cause, les

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devis antérieurs à l’expertise et annexés au rapport ont pu être débattus contradictoirement lors de l’expertise – et, d’autre part, le lien de subordination de l’expert à l’égard de Monsieur X dont le petit- ami de sa fille travaillerait dans l’entreprise GFC,

- il était inutile de faire procéder à des nouveaux tests, dès lors que les sociétés Priez, JDC Interventions, Texa, Etat 9 et Aquanef avaient déjà conclu que la canalisation d’eau chaude encastrée de Madame Y était fuyarde, l’expert disposant ainsi d’éléments suffisants pour en déduire que cette canalisation était à l’origine des dégâts des eaux dans l’immeuble,

- la demanderesse ne démontre pas en quoi la société JDC Interventions n’était pas un technicien compétent pour colmater les fuites d’eau et poser un batardeau sur le toit terrasse, ni qu’il a fallu faire reprendre ces travaux par une autre entreprise,

- l’expert n’a pas émis un avis juridique en indiquant « d’après les constations techniques que nous avons faites, la responsabilité de Madame Y nous apparaît pleinement engagée dans la présente procédure (…). Nous laissons, bien évidemment, le tribunal apprécier la ou les responsabilités qu’il convient de retenir », mais a rempli sa mission de « fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues » confiée par le tribunal de grande instance de Nanterre dans son ordonnance du 31 juillet 2014.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les fautes alléguées par la demanderesse à l’encontre de Monsieur B ne sont pas fondées.

- sur les manquements techniques :

Il y a lieu de constater que :

- la demanderesse n’établit aucunement que Monsieur B aurait dissimulé ou falsifié des pièces ou refusé de les prendre en compte, les rapports des sociétés Priez, JDC Interventions, Texa et Etat 9, Aquanef, et Lumidecor étant tous annexés à son rapport,

- elle ne démontre pas davantage que la société Aquanef ou la société GFC auraient détérioré ses canalisations en y insufflant une trop forte pression,

- l’expert a parfaitement caractérisé le lien de causalité entre la canalisation fuyarde d’eau chaude de la demanderesse et les désordres affectant l’appartement des époux X et les parties communes (hormis sa place de parking), en :

* reprenant les compte-rendu des différentes entreprises déjà intervenues ayant repéré la fuite d’eau et un taux d’humidité anormal chez la demanderesse,

* constatant la cessation des infiltrations dans l’immeuble depuis l’installation de la dérivation de l’alimentation d’eau chez Madame Y autorisée par le juge des référés le 31 juillet 2014,

* testant l’hypothèse de cette dernière selon laquelle les fuites proviendraient de la terrasse du 3éme étage par une mise en eau de cette terrasse avec de la fluorescéine violette alors qu’aucune trace de cette eau colorée n’a été retrouvée aux étages inférieurs,

- l’expert a conclu explicitement que les désordres étaient imputables à la demanderesse en raison d’une « fuite au niveau de la ceinture d’alimentation d’eau chaude encastrée en sol entre cuisine et salle de bain » et de la « non étanchéité du sol des WC », sans mentionner une vanne d’arrêt non étanche de son appartement pour caractériser l’origine des infiltrations.

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Dès lors, échouant à démontrer une quelconque faute de l’expert judiciaire dans l’accomplissement de sa mission, Madame Y sera déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, le défendeur soutient, sans le démontrer, que l’action introduite par la demanderesse porte atteinte à son honorabilité professionnelle et sera donc débouté de sa demande d’indemnisation de 20 000 € à ce titre.

En outre, Monsieur B sollicite la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, estimant l’action formée à son encontre abusive.

Il ressort des pièces produites que la demanderesse a déjà tenté de remettre en cause, sans succès, le rapport d’expertise de Monsieur B dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement du 11 juillet 2019 en invoquant les mêmes arguments que dans le cadre de la présente instance.

Par ailleurs, elle a été déboutée par le tribunal de grande instance de Nanterre de ses multiples demandes de nouvelle expertise et condamnée à des amendes civiles.

Cette obstination déraisonnable à contester le rapport d’expertise constitue un abus de droit d’agir qui doit être sanctionné.

Dès lors, Madame Y sera condamnée à verser la somme de 2 000 € à Monsieur B de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les demandes accessoires
Madame Y, partie perdante, sera condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile les dépens, qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du même code.

Il convient en outre d’allouer à Monsieur B une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du même code d’un montant de 3 000 €.

L’exécution provisoire de la présente décision est de droit, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Déboute Madame C Y de ses demandes ;

Condamne Madame C Y à payer à Monsieur J- K B la somme de 2 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute Monsieur J-K B de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à son honorabilité professionnelle ;

Condamne Madame C Y aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Madame C Y à payer à Monsieur J- K B la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Fait et jugé à Paris le 01 Juin 2022

Le Greffier Le Président

S. G A. I

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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