CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 06PA03049

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 20 juin 2007 Sté MCI International Inc RJF 10/2007 n° 1036
CE 25 juin 2003 min c/ Calvarin RJF 10/2003 n° 1176
CE 29 décembre 2000 Société Sevel SPA n° 198359

Texte intégral

REQUETE : 06 PA 03049
REQUERANT : SARL PSINETWORKS EUROPE
L’affaire venant d’être appelée va vous conduire à trancher une question n’offrant plus qu’un intérêt rétrospectif, comme bien souvent en matière fiscale, concernant la manière dont a été transposée en droit interne avant le 1er janvier 2004 la treizième directive 86/560/CEE du 17 novembre 1986 relative aux modalités de remboursement de la TVA aux assujettis non établis sur le territoire de la communauté européenne.
La SARL PSINETWORKS EUROPE, dont le siège social est à La Chaux de Fonds, en Suisse, se présente devant vous comme appartenant au groupe PSInet, « le premier prestataire mondial de services internet aux entreprises ». Elle a soumis au service compétent de la DGI trois demandes de remboursement de TVA : la première datée du 15 juin 2000, d’un montant de 494 035,97 F, était accompagnée de 14 factures de la période d’avril 1999 à décembre 1999, la deuxième, également du 15 juin 2000, d’un montant de 86 886,27 F, visait 7 factures de la période d’avril 2000 à septembre 2000, la troisième, datée du 5 décembre 2000, d’un montant de 289 796, 05 F, a pour origine 30 factures de la période d’avril 2000 à septembre 2000. Les factures n’ont pas été produites devant vous et vous ne savez pas exactement quelles sont les opérations taxables en France qui les précèdent mais ce point n’a pas d’incidence sur le litige. En effet, après une instruction matérialisée par des demandes d’éclaircissements qui ne sont pas au dossier, l’autorité compétente a fini par rejeter les trois demandes par trois décisions en date du 29 mai 2001 identiquement et exclusivement motivées par « l’absence de clients en France », notifiées avec l’indication du délai de recours de quatre mois ouvert aux requérants demeurant à l’étranger.
Mettant à profit ce délai, la sté a saisi le TAP le 19 septembre 2001 de trois demandes distinctes qui ont été rejetées après jonction par un jugement lu le 13 juin 2006 dont la sté relève régulièrement appel. Nous devons vous dire que le TA a aussi rejeté par un second jugement lu le même jour trois autres demandes plus anciennes de la sté ayant pour objet le remboursement de la TVA grevant des factures des années 1998 et 1999 mais il n’a pas été contesté devant vous.
Un point ne fait pas difficulté dans cette affaire. Le TA a jugé « que la sté PSINETWORKS EUROPE a concédé l’utilisation des infrastructures nécessaires pour accéder en France au réseau internet mondial à la succursale suisse d’une société établie au Pays Bas, qui est son unique client et qui commercialise à son tour ce droit auprès, notamment d’une sté établie en France ; qu’ainsi la sté PSINETWORKS EUROPE n’a fourni au cours de la période au titre de laquelle le remboursement est demandé aucune prestation pour laquelle le preneur est un assujetti à la TVA qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable, et n’a commercialisé aucun produit en France ». Cette motivation conduit les premiers juges à considérer qu’aucun droit à remboursement ne peut être tiré du premier alinéa de l’article 242-0 O de l’annexe II au CGI, dans sa rédaction alors en vigueur. Le jugement attaqué écarte ensuite une référence à la doctrine en s’appuyant sur l’inapplicabilité de l’article L.80 A du LPF dans un litige afférent à un remboursement de TVA.
Ces deux aspects du jugement ne sont que mollement, voire pas du tout, contestés à titre subsidiaire et nous vous inviterons sans difficulté à les confirmer en adoptant les motifs des premiers juges. En revanche, l’argumentation développée à titre principal par la sté pose des problèmes plus délicats dont l’examen suppose d’abord un rappel de l’évolution du cadre juridique.
Les assujettis établis hors de France et qui n’y ont pas réalisé de livraisons de biens ou de prestations de services entrant dans le champ d’application de la TVA, ne peuvent en principe déduire la TVA acquittée en France ni d’une TVA facturée en France, ni de la taxe éventuellement collectée dans un autre pays. D’où l’institution d’un mécanisme de remboursement dont le principe remonte selon le doc FL (TVA III par 6500) à l’article 39 de la loi n°78-1240 du 29 décembre 1978 codifié à l’article 271-4-d) du CGI.
La huitième directive 79/1072/CEE du 6 décembre 1979 a entraîné des modifications du droit interne. L’article 2 de ce texte prévoyait en substance un remboursement aux assujettis établis dans un autre Etat membre de la taxe ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur d’un Etat membre par d’autres assujettis, dans la mesure ou ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins d’opérations taxables. Son article 8, en ce qui concerne les assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de la communauté, ouvrait à chaque membre la faculté de les exclure du remboursement ou de soumettre le remboursement à des conditions particulières, ce remboursement ne pouvant être accordé à des conditions plus favorables que celles qui sont appliquées aux assujettis de la Communauté.
C’est le décret n°80-1079 du 24 décembre 1980, codifié aux articles 242-0 M à T de l’annexe II au CGI qui a transposé cette directive. L’article 242-0 M définit des conditions de remboursement communes aux assujettis communautaires et non communautaires, l’article 242-0 N reprend purement et simplement l’article 2 de la directive pour les premiers. En revanche, l’article 242-0 O, applicable spécifiquement aux seconds, ne prévoit de remboursement que pour la TVA ayant grevé des achats « pour la commercialisation en France de leurs produits imposables ou pour la réalisation d’opérations mentionnées au 2 de l’article 242-0 M », soit pour faire court un certain nombre de prestations de services dont le lieu est réputé se situer hors de France.
La treizième directive pose au 1 de son article 2 le principe d’un remboursement aux assujettis non communautaires dans les mêmes conditions que celles offertes aux assujettis communautaires mais « sans préjudice des articles 3 et 4 ». Le 2 du même article est rédigé comme suit : « Les Etats membres peuvent subordonner le remboursement visé au paragraphe 1 à l’octroi par les Etats tiers d’avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffres d’affaires ». L’article 3 laisse une assez grande latitude aux Etats membres pour mettre en œuvre ce remboursement en leur permettant notamment d’en déterminer les modalités, compris les délais. L’article 4 ajoute : « 1 Aux fins de la présente directive, le droit au remboursement est déterminé selon l’article 17 de la directive 77/388/CEE, tel qu’il est appliqué dans l’Etat membre de remboursement. 2 Les Etats membres peuvent cependant prévoir l’exclusion de certaines dépenses ou soumettre le remboursement à des conditions complémentaires. (…) » L’article 5 laissait un délai expirant le 1er janvier 1988 pour adapter le droit interne.
Un décret a été pris à cette fin le 15 mars 1988 sous le numéro 88-255. Il a laissé identique le premier alinéa de l’article 262-0 O de l’annexe II au CGI mais lui a adjoint un second alinéa rédigé comme suit : « Toutefois, les dispositions de l’article 242-0 N sont applicables aux assujettis établis dans un pays ou territoire qui accorde des avantages comparables en ce qui concerne les taxes sur le chiffre d’affaires aux assujettis établis en France. La liste de ces pays ou territoires est fixée par arrêté du ministre délégué, chargé du budget. » L’arrêté annoncé a été pris le 1er avril 1988 et codifié à l’article 28-0 A de l’annexe IV au CGI mais la liste qu’il dresse ne comprend que les iles Canaries, Ceuta et Melilla, ce qui n’est pas de nature à nourrir un flux important de demandes de remboursement.
Le résultat de cette transposition de la treizième directive était ainsi le suivant : quel que soit le sort que leurs Etats d’origine réservent aux assujettis français en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, les assujettis non communautaires ont droit aux remboursements prévus au premier alinéa de l’article 242-0 O, ceux des heureuses contrées explicitement énumérées à l’annexe IV au régime des assujettis communautaires. Il se peut donc que des assujettis d’un Etat qui accorderait aux assujettis français des avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d’affaires, au sens de la treizième directive, doivent se contenter du régime minimal du premier alinéa tant que le ministre compétent ne s’est pas décidé à sortir son stylo du tiroir pour compléter la liste de l’annexe IV. Nous croyons comprendre, en dépit du caractère peu prolixe des écritures en défense du ministre alors que le litige pose tout de même une question de principe guère évidente, que cette transposition peu claire de la treizième directive se fonde sur les dispositions du 2 de l’article 4. C’est à vous qu’il convient de compléter l’argumentation allusive du défendeur et nous pensons qu’il entend vous dire que les dispositions du premier alinéa de l’article 262-0 O constituent des conditions complémentaires au sens du 2 de l’article 4 de la treizième directive et que ce texte pouvait dès lors rester en vigueur et continuer à s’appliquer, même à des assujettis d’Etats traitant favorablement les assujettis français. C’est une lecture de son contenu qui rend assez inutile la treizième directive mais elle se défend.
Il nous faut vous dire que le décret n°2003-1266 du 26 décembre 2003 s’est traduit par un changement total. Il a remplacé l’article 262-0 O par un unique alinéa qui étend le régime des assujettis communautaires aux assujettis non communautaires à l’exception de ceux établis dans un pays ou territoire qui n’accorde pas d’avantages comparables, en ce qui concerne les TCA, aux assujettis établis en France et qui figure sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé du budget. Ce texte s’applique aux remboursements de la TVA dont le droit à déduction prend naissance à compter du 1er janvier 2004.
La sté requérante a soutenu en PI que la Suisse offrait aux assujettis français des avantages comparables, au sens du second alinéa de l’article 262-0 O dans sa rédaction applicable au litige mais elle n’en a pas convaincu les premiers juges et revient à la charge sur ce point. Le ministre, qui ne daigne même pas se prononcer sur la question, vous invite à juger qu’elle est sans incidence sur la solution puisque de toute manière la Suisse n’a pas rejoint les élus de l’annexe IV sur la liste arrêtée par le ministre. La sté rétorque que ceci rend l’arrêté en cause illégal.
Le CE a eu l’occasion d’affirmer que la treizième directive avait été correctement transposée dans une décision du 13 juillet 2006 Sté American Telephone & Telegraph ( publiée au L, RJF 11/2006 n°1340, concl M. Olleon BDCF 11/06 n°130), dont la solution est reprise par une décision plus récente ( CE 20 juin 2007 Sté MCI International Inc RJF 10/2007 n°1036). Dans la première des deux affaires, la sté requérante contestait le caractère trop limitatif de la liste de l’annexe IV. Mais elle avait son siège aux EU d’Amérique et le CE confirme que votre cour n’a pas commis d’erreur de droit en déduisant de la circonstance que ces derniers n’étaient pas au nombre des Etats ou territoires ayant consenti à la France des avantages comparables dans le domaine des TCA qu’un remboursement pouvait lui être refusé. La solution est toutefois accompagnée d’un prudent « en tout état de cause » qui, comme le savent les initiés, préserve la décision d’une interprétation a contrario. En d’autres termes, même si les EU d’Amérique avaient consenti ces avantages, il n’est pas dit que la sté requérante aurait obtenu gain de cause. Cette rédaction a pour conséquence que la question qui vous est aujourd’hui posée n’est pas tranchée par la décision de 2006 et encore moins par celle de 2007.
Pour suivre le ministre, il vous faut juger que le second alinéa de l’article 262-0 O habilite le ministre délégué, chargé du budget à ne pas inclure sur la liste de l’annexe IV un Etat qui accorderait des avantages comparables en ce qui concerne les taxes sur le chiffre d’affaires aux assujettis établis en France. Pour suivre la sté, il vous faut juger que ledit ministre est en situation de compétence liée pour dresser la liste dès qu’un Etat remplit la condition de fond.
Ce n’est pas dans la treizième directive que vous trouverez la réponse puisque comme nous vous l’avons dit elle laisse une grande marge de manœuvre aux Etats membres. La hiérarchie des normes en droit interne nous semble en revanche conduire à récuser l’interprétation du ministre. Le second alinéa de l’article 262-0 O est introduit par toutefois et il est rédigé à l’indicatif : autant de signes de ce que le régime des assujettis communautaires doit s’appliquer si la condition des avantages comparables est remplie. Le texte ne dit nullement : les dispositions de l’article 242-0 N peuvent être applicables mais sont applicables. Certes il prévoit la fixation d’une liste mais la phrase qui l’annonce n’est pas reliée par « et » à celle qui énonce la condition de fond, ce qui laisse penser qu’il n’y a pas deux conditions cumulatives d’égale valeur. De plus, la thèse du pouvoir discrétionnaire d’arrêter la liste se heurte à l’objection tirée de ce qu’un décret ne peut pas légalement conférer un tel pouvoir sans l’encadrer un minimum. Or il est constant que le décret, tel que lu par le ministre, le laisse totalement libre de ne pas étendre le régime des assujettis communautaires sans même énoncer les considérations qui doivent entourer l’exercice de cette faculté. La subdélégation est pure et simple, ce qui nous conduit à penser que l’interprétation adoptant la thèse de la compétence liée est préférable car elle a le mérite d’assurer la légalité du dispositif issu de la transposition de la treizième directive. Comme le dit l’adage : « Donner et retenir ne vaut ».
Si vous nous suivez, il restera à savoir si la Suisse, en 1999 et 2000, permettait à un assujetti français d’obtenir le remboursement de la TVA ayant grevé des achats effectués dans ce pays et utilisés en France. L’ordonnance du 14 décembre 1994 du département fédéral des finances suisse, régissant le remboursement de l’impôt à des destinataires dont le domicile ou le siège social est à l’étranger, accrédite fortement cette thèse et le ministre ne soutient même pas le contraire. Par ailleurs, une note datée du 23 août 2001 de l’administration fédérale des contributions explique que la Suisse a une TVA se basant sur les principes du droit communautaire et qu’elle offre des avantages comparables au sens de la treizième directive. La note fait référence à une loi fédérale du 2 septembre 1999 et à une ordonnance du 29 mars 2000. Ces éléments, indiscutés par le défendeur, nous convainquent que la Suisse devait être inscrite sur la liste de l’annexe IV et que le ministre a entaché celle-ci d’illégalité en ne le faisant pas. La Suisse aurait donc dû y figurer et la sté requérante a donc droit au remboursement des sommes qu’elle a demandées, dont le montant n’est pas contesté.
Sont demandés devant vous les intérêts « au taux légal ». Cette formulation imprécise ne fait référence ni à l’article 1153 du code civil, ni à l’article L.208 du LPF. Seul le second est applicable en l’espèce ( CE 29 décembre 2000 Société Sevel SPA n°198359, mentionnée aux T du L). Le ministre a dès lors raison d’opposer à ces conclusions la classique jurisprudence relative à leur caractère prématuré dans le litige d’assiette ( voir par exemple CE 25 juin 2003 min c/ Calvarin RJF 10/2003 n°1176 pour le maintien de cette jurisprudence après l’entrée en vigueur de l’article L.911-1 du CJA).
PCMNC à la condamnation de l’Etat à rembourser à la SARL PSINETWORKS EUROPE les sommes qu’elle demande, à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il a de contraire, à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article L.761-1 du CJA et au rejet du surplus des conclusions de sa requête d’appel.

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