Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 22 mai 2019, n° 16/00917

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. civ., 22 mai 2019, n° 16/00917
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 16/00917
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Auch, 10 avril 2016
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

22 Mai 2019

CG / NC


N° RG 16/00917

N° Portalis DBVO-V-B7A -CLAD


A X

C/

Y Z


GROSSES le

à

1 Timbre 'représentation obligatoire’ de 225 €

ARRÊT n° 168-19

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Madame A X

née le […] à […]

de nationalité française, comptable

domiciliée : […]

appartement 10

[…]

représentée par Me Clara BOLAC, SCP D’ARGAIGNON – BOLAC, avocat inscrit au barreau du GERS

APPELANTE d’un jugement rendu par le tribunal d’instance d’AUCH, en date du 11 avril 2016, RG

11-15-000486, rectifié par jugement en date du 31 mai 2016, RG 11-16-000188

D’une part,

ET :

Monsieur Y Z

né le […] à […]

de nationalité française, conducteur routier

domicilié : […]

[…]

représenté par Me Dominique DE CORAIL, avocat inscrit au barreau du GERS

INTIMÉ

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 mars 2019 devant la cour composée de :

Présidente : F G, Présidente de Chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffier : C D

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS ET PROCÉDURE

Y Z et A X ont vécu en concubinage pendant plusieurs années.

Le 05 décembre 2012, Y Z a versé à A X une somme de 5.000 euros pour lui permettre de rembourser une dette contractée par elle auprès du Crédit Foncier.

Les concubins se sont séparés en mars 2014.

Y Z a mis en demeure A X par lettre recommandée avec avis de réception du 14 novembre 2014, d’avoir à lui rembourser l’intégralité de la somme prêtée, en vain.

Le 25 novembre 2015, il lui a fait délivrer une assignation devant le Tribunal d’instance d’Auch, afin d’obtenir, au visa des articles 1134, 1315, 1341, 1347, 1348 et 1902 et suivants du Code civil, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la reconnaissance du prêt et la condamnation de A X à lui payer la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 novembre 2014, outre une somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A X s’est opposée à ces demandes en invoquant l’article 894 du Code civil et un don.

Par jugement du 11 avril 2016, rectifié le 31 mai 2016 sur le prénom de Madame X, le tribunal a :

— condamné A X à payer à Y Z la somme de 5.000 euros au titre du remboursement du prêt du 05 décembre 2012, avec intérêt au taux légal à compter du 21 novembre 2014 ;

— condamné A X à payer à Y Z la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— rejeté tout autre chef de demande ;

— condamné A X aux entiers dépens ;

— ordonné l’exécution provisoire.

Le 5 juillet 2016 A X a relevé appel de la décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 29 juin 2018 A X demande à la Cour de :

— réformer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,

— dire et juger que le virement de la somme de 5.000 € effectué en novembre 2012 par Y Z sur le compte bancaire de A X résulte d’une intention libérale,

— débouter en conséquence Y Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— le condamner à lui payer la somme de 1.000 euros pour procédure abusive,

— le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— le condamner en tous les dépens, avec distraction au profit de Maître Clara BOLAC, avocat aux offres de droit.

Au soutien de son appel A X fait valoir :

— Il n’appartient pas au prétendu débiteur de prouver qu’il a reçu une donation et le tribunal a renversé la charge de la preuve.

— la preuve d’un contrat de prêt incombe à celui qui demande la restitution des sommes versées et ne peut être apportée que par écrit.

— la preuve de la remise des fonds à une personne ne suffit pas à justifier l’obligation pour celle-ci de les restituer

— les attestations qu’il verse aux débats émanent de personnes qui n’ont pas été témoins des faits et ne font que rapporter les propos de Y Z.

— Y Z ne justifie nullement des liens d’affection ou des circonstances particulières qui l’auraient empêché de se procurer un écrit auprès de A X, d’autant que ce dernier consultait à cette même période des sites de rencontres

— l’absence d’intention libérale n’est pas susceptible d’établir à elle seule l’obligation de restitution des fonds versés.

Y Z a conclu le 26 novembre 2016 et demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de A X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il expose l’argumentation suivante :

— la règle posée à l’article 1341 du code civil reçoit exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit conformément aux dispositions de l’article 1347 du même code.

— peut notamment constituer un commencement de preuve par écrit un ensemble de virements bancaires dont le libellé mentionne précisément une prestation, l’auteur de ces prestations demandant le paiement des sommes restant dues : il produit les échanges de mails avec A X lui faisant part d’une dette de 5.000,00 € qu’elle avait contractée auprès du Crédit Foncier de Toulouse, ses relevés bancaires attestant du virement et le mail de A X reconnaissant devoir cette somme.

— il n’a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale du prêt en raison du concubinage avec A X et de la confiance mutuelle qui régnait à l’époque.

La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2019 et l’affaire fixée au 6 mars 2019.

MOTIFS

La remise des fonds n’est pas contestée par l’appelante.

Le tribunal, après avoir rappelé les articles 894, 1892, 1902 du code civil, a dit que la charge de la preuve incombe à celui qui prétend qu’il y a une intention libérale, donc à A X, qu’elle était défaillante à l’établir et a qualifié la remise de la somme de 5 000 € de prêt à usage de consommation qu’elle devait rembourser.

Ce faisant les premiers juges ont renversé la charge de la preuve car c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver par application des dispositions de l’article 1315 du code civil devenu 1353.

Si la preuve d’un contrat doit obligatoirement faire l’objet d’un écrit lorsqu’il porte sur une somme supérieure à 1 500 euros, en vertu de l’ancien article 1348 devenu l’article 1360, cette règle reçoit exception lorsque l’une des parties n’a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale. L’impossibilité morale dispense alors non seulement de la présentation d’un écrit, mais aussi de celle

d’un commencement de preuve par écrit et celui qui invoque l’obligation peut la prouver par tous moyens.

En l’espèce Y Z fait valoir qu’en raison de la relation de concubinage avec A X pendant plusieurs années, il était dans l’impossibilité morale de se procurer une preuve écrite au moment de la remise des fonds le 5 décembre 2012.

La relation sentimentale qu’ont entretenu pendant plusieurs années Y Z et A X n’est pas contestée par cette dernière puisqu’elle la reconnaît dès les premières lignes de ses écritures. Pour prétendre que Y Z ne justifie pas de l’impossibilité morale qu’il invoque, A X fait valoir que celui-ci consultait des sites de rencontres en produisant une capture d’écran d’ordinateur qui n’a aucune valeur probante faute d’identification fiable de l’émetteur des messages, du contexte de leur transmission et de l’éventuelle tolérance à celle-ci de A X tant que le couple n’était pas séparé.

En tout état de cause cet élément isolé n’est pas suffisant pour écarter l’application des dispositions légales susvisées, la relation de concubinage ayant duré plusieurs années elle a généré une impossibilité morale pour Y Z de se procurer la preuve littérale des conventions ayant pu être passées avec sa concubine.

Il est admis que l’absence de terme ne peut exclure la qualification de prêt dès lors qu’en ne fixant pas de terme explicite, le prêteur a voulu laisser l’emprunteur libre de rembourser quand il le pourrait ou quand il en aurait les moyens.

En l’espèce pour établir qu’il a consenti un prêt à A X pour lui permettre de rembourser une dette contractée auprès du Crédit Foncier Y Z produit :

— un échange de courriels avec A X le 30 novembre 2012 par lequel celle-ci lui fait part de l’urgence pour elle de couvrir une dette de 5 000 € sous peine de procédure de saisie, de sa recherche d’une avance auprès d’un tiers «'qu’elle remboursera une fois le terrain vendu'», et la réponse de Y Z lui proposant de faire immédiatement le virement ;

— son relevé de compte bancaire portant au regard du virement de la somme de 5 000 € la précision «'POUR CRÉDIT FONCIER'»

 ;

— des échanges de SMS réclamant le remboursement de la somme, ou une reconnaissance de dettes, en particulier «'tu comptes me rendre les 5000 € que je t’ai prêter (sic) quand tu auras vendu l’appartement de Leguevin ' Ecoute je te confirmerai ca qd j’aurais vendu l’appartement Si tu veux que nous fassions les comptes nous les ferons […] Je ne demande pas à faire les comptes je t’ai prêter (sic) 5000 € puisque tu me l’as demander (sic) pour que l’on ne saisisse pas ton appartement je veux juste récupérer mes sous quand tu pourras me les donner ['] J’attends une réponse stp Sur quoi ' La reconnaissance J’ai regardé et ce n’est pas valable a priori si on ne stipule pas de date fixe. Ne connaissant pas la date de la vente la reconnaissance serait nulle'».

— des témoignages sur le virement de 5 000 € pour régler le Crédit Foncier.

A X ne conteste pas la teneur des messages ci-dessus retranscrits, elle se borne à dire que Y Z lui a consenti une donation.

Il résulte pourtant de ces échanges que la remise des fonds a été effectuée dans un contexte précis, que Y Z a sollicité sans ambiguïté le remboursement de la somme remise, et A X ne l’a pas exclu admettant que «'des comptes étaient à faire'».

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve du prêt est suffisamment rapportée, que

A X n’apporte aucune preuve inverse pour établir l’intention libérale se contentant de procéder par affirmation, par suite elle est tenue d’une obligation de remboursement vis à vis de Y Z.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en son appel A X sera condamnée aux dépens et à verser à Y Z une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 31 mai 2016,

Y AJOUTANT

Condamne A X à payer à Y Z la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne A X aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par F G, présidente de chambre, et par C D, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

C D F G



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Textes cités dans la décision

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