Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 25 juillet 2019, n° 17/01545

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. soc., 25 juill. 2019, n° 17/01545
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 17/01545
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Auch, 12 novembre 2017, N° F16/00211
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

ARRÊT DU

25 JUILLET 2019

XG/NC


N° RG 17/01545

N° Portalis DBVO-V-B7B-CQSS


X-U Y

C/

SAS WKDA FRANCE

prise en la personne de son Président


ARRÊT n° 143

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au Greffe de la Cour d’Appel d’AGEN conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du Code de Procédure Civile le vingt-cinq juillet deux mille dix-neuf par Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, assisté de Nicole CUESTA, Greffière.

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

X-U Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Xavier MATIGNON, avocat (plaidant) au barreau de PARIS et Me Valérie LACOMBE, avocat (postulant) au barreau d’AGEN

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 13 novembre 2017 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F16/00211

d’une part,

ET :

SAS WKDA FRANCE

prise en la personne de son Président

[…]

92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Représentée par Me Nicolas DURAND-GASSELIN loco Me Véronique TUFFAL-NERSON de la SCP TUFFAL-NERSON DOUARRE & ASSOCIES, avocat (plaidant) au barreau de PARIS et Me F LLAMAS, avocat (postulant) au barreau d’AGEN

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 19 février 2019 devant Marie-Paule MENU, Conseillère, assistée de Nicole CUESTA, Greffière, les parties ayant été avisées que l’arrêt serait rendu le 30 avril 2019, lequel délibéré a été prorogé à ce jour par mise à disposition au greffe. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour, composée, outre d’elle-même, de Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre et Marjorie LACASSAGNE, Conseillère Secrétaire Générale Premier Président, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Code de Procédure Civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus mentionnés.

* *

*

- FAITS ET PROCÉDURE :

Selon contrat de travail à durée indéterminée, X-U Y a été embauché le 1er février 2015 par la société WKDA France, spécialisée dans le rachat de véhicules d’occasion auprès des particuliers, en qualité de directeur régional des achats de véhicules d’occasion.

Aux termes de l’article 16 de ce contrat, M. Y s’engageait, pour une période de 12 mois à compter de la rupture du contrat et sur le territoire français, à ne pas travailler directement ou indirectement pour une société concurrente de la société WKDA France, l’employeur s’engageant pour sa part à lui verser pendant toute la durée de l’obligation et en contrepartie de cette obligation de non-concurrence, une indemnité égale à 25 % de son salaire mensuel moyen brut calculé sur la base de la rémunération brute perçue au cours des 12 mois précédant son départ effectif.

Par courriel du 8 juin 2016, l’ensemble des salariés de l’entreprise ont été informés de la création, au sein de l’entreprise, d’un Comité de Prévention et de Traitement des Agissements Hostiles (CPTAH).

Selon avenant en date du 26 juillet 2016, M. Y a été nommé responsable de secteur et responsable national qualité. L’article 3 de cet avenant stipulait que les dispositions du contrat de travail non visées par l’avenant demeuraient inchangées.

Par courrier remis en main propre contre décharge le 25 octobre 2016, M. Y a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable susceptible d’aboutir à un licenciement, fixé au 4 novembre 2016.

À l’issue de cet entretien préalable, au cours duquel M. Y était assisté par M. D H, délégué du personnel, M. Y a été licencié pour faute grave selon courrier recommandé avec avis de réception en date du 12 novembre 2016, dans les termes suivants :

"…

Suite à notre entretien du 4 novembre 2016 auquel nous vous avions convoqué par lettre remise en main propre le 25 octobre 2016 prévoyant par ailleurs une mesure de mise à pied à titre conservatoire, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Les explications que vous avez fournies lors de cet entretien ne nous ont en effet pas permis de modifier notre appréciation des faits.

La rupture de votre contrat de travail prend effet dès l’envoi de cette lettre, soit le 12 novembre 2016.

Salarié de l’entreprise WKDA France,[…] depuis le 11 février 2015 en tant que Directeur Régional des Achats Véhicules d’Occasion (Classification Chef des Ventes), Statut Cadre, Echelon Ill C, suivant la Convention Collective nationale des Services de l’Automobile du 15 janvier 1981 (n° 3034) en vertu d’un contrat de travail en date du 11 février 2015, tel que successivement amendé par un avenant n° 1 en date du 1er septembre 2015, par un avenant n° 2 en date du 1er décembre 2015 ainsi que par un avenant n° 3 du 26 juillet 2016, nous avons décelé différentes fautes rendant impossible la poursuite de notre collaboration, fautes évoquées durant l’entretien précité du 4 novembre 2016.

Par courrier électronique en date 16 octobre 2016, le Comité de Prévention des Agissements Hostiles (CPAH), instance, nous le rappelons, indépendante de la Direction de la Société, a été informé par Madame I Z d’agissements gravissimes de votre part.

- Mise en place de rapports, à votre initiative, devant être rédigés par les collaborateurs de Mme Z sur le comportement de cette dernière :

° Ces rapports s’analysent comme une surveillance obsessionnelle de tous les faits et gestes de la salariée ;

- Critiques incessantes dévalorisantes sur la qualité de travail sans justification objective ;

- Paroles humiliantes et discriminatoires à l’égard de Mme Z ;

° Suite à une fausse couche dont fut victime la salariée susvisée, vous vous êtes permis de demander à ladite salariée si elle comptait retomber enceinte dans un futur proche, et ce, postérieurement à des propos d’une grande violence suite à votre prise de connaissance de la fausse couche de la salarié concernée, lui reprochant son non respect des process d’alerte d’absences injustifiées ce qui, dans un tel contexte, est absolument consternant.

S’agissant de cet épisode, Mme Z décrit dans son email précité un comportement de votre part « aux antipodes de la compassion, de la dignité et du respect » de sa personne ;

Vous étiez par ailleurs présent dans les locaux à de nombreuses reprises quand les collaborateurs de Mme Z se permettaient des paroles humiliantes à son égard, et votre réaction auxdits propos fut tout simplement un «éclat de rire''.

Votre comportement déplorable a eu de très lourdes conséquences sur la santé physique et psychique de Mme Z, à qui il a été médicalement prescrit des anxiolytiques. La gravité des faits précités justifiaient la mise à pied à titre conservatoire prononcée en date du 25 octobre 2016.

Nous vous rappelons qu’une tolérance zéro est appliquée par la Société aux comportements constitutifs de harcèlement, et ce, dans une optique de préservation des droits des salariés et des engagements essentiels de la Société, à savoir :

- Droit à un milieu de travail exempt de toute situation de violence et de harcèlement ;

- Respect mutuel des personnes, indépendamment de tout critère hiérarchique ;

- Protection de la dignité des salariés ;

- Sauvegarde de l’intégrité physique et psychologique des salariés.

Le règlement intérieur de la Société rappelle ainsi les dispositions relatives au harcèlement moral prévues par le Code du travail.

[…]

L’événement susvisé n’est malheureusement pas un cas isolé.

Le 31 mars 2016, la Direction des Ressources Humaines de la Société fut informé d’agissements d’une grande gravité à l’égard de M. X W B, agissements ayant conduit ledit salarié à présenter sa démission :

- Propos humiliants relatifs à l’homosexualité du salarié ;

- Dissimulation des faits de harcèlement moral et de violence dont était victime

M. X-W B de la part de deux salariés de son établissement dont vous étiez parfaitement au courant.

Le 25 juin 2016, le CPAH a reçu une plainte de la part de M. X C, faisant état d’appels réguliers durant les jours de repos et d’un harcèlement moral constant durant le quotidien avec des propos tels que ceux qui suivent :

- « j’en ai rien à foutre de ta copine » ;

- « je vais m’occuper de toi » ;

- « tu commences à nous les briser ».

Votre comportement regrettable a eu un impact certain sur la santé psychique et physique des salariés concernés et est corroboré par les résultats sans appel de l’enquête de climat social réalisé au sein de la Société en date du 2 mars 2016.

L’enquête susmentionnée fait état de méthodes de management violentes, d’appels durant les jours de repos et en dehors du temps de travail et vous dépeint comme une source de démotivation. Vous trouverez ci-dessous des extraits anonymisés des remontées réalisées par les salariés dans le cadre de cette enquête :

- "Le DR devrait mieux savoir de quoi il parle. Les méthodes de management sont lamentables. Nous avons un DR qui ne sait s’exprimer qu’en braillant (sic) et avec un vocabulaire fleurit ce qui ne me semble pas du tout approprié à sa fonction. Ex : ne faites pas ça comme des PD (sic) I!! Ou encore nous reprocher que la sécurisation à J – 1 n’est pas effectuée correctement alors que ce n’est pas notre agence qui s’en occupe. Bref le DR est chez nous une vraie source de démotivation. Il est incapable de voir quoi que ce soit de positif en nous. Après une visite de notre DR nous devrions être gonflés à bloc et avoir l’envie de nous donner encore plus pour notre société alors que là quand il s’en va on n’a plus envie de rien faire et il nous faut deux jours pour nous reprendre. Enfin, je ne trouve pas acceptable que le DR se permette de nous appeler systématiquement pendant nos jours de repos, pendant nos jours de travail mais après 20h30 ou 21h et nous envoyer des mails le dimanche. J’estime que lorsque nous rentrons à la maison nous avons le droit de déconnecter pour la soirée ou pour le week-end. Je vais m’arrêter là car je n’aurais pas assez de ce formulaire pour vous citer tous les cas."

- « Par contre je ne me sens absolument pas soutenue et écoutée par mon DR. Sa méthode de management est limite. Il ne me téléphone jamais pour savoir comment je vais et aussi si je rencontre des difficultés. Il est dans l’agressivité et jamais dans la parole et l’écoute. Les mails sont désagréables et agressifs et il ne cherche jamais à savoir le fin mot de l’histoire. Les appels les jours de repos pour se faire remonter les bretelles ne sont jamais agréables et motivant. J’espère que les choses changeront car je m’investis énormément dans mon agence. Je ne compte ni mes heures ni les courses que je fais sur mon temps perso. J’aime travailler avec mes acheteurs. Je compte rester dans cette entreprise et ma motivation est intact ».

- "Je suis ravi de travailler pour le groupe, néanmoins, il y a un manque évident de communication avec le directeur régional sud J-LC. Il est quasiment impossible de discuter avec lui car il ne comprend pas et explique de travers ce qu’on lui demande. Il ne sait que

crier sur ses équipes. Ses méthodes de management sont archaïques et n’a jamais de reconnaissance. Une fois j’ai dû lui demander de sortir de mon bureau car il s’est allumé une cigarette à l’intérieur. Il s’est permis de me couper en pleine négociation avec un client en me disant que c’était trop long alors que je n’avais pas d’autre RDV qui m’attendait."

Votre incapacité à manager vos équipes a, d’autre part, conduit à des situations dangereuses pour les salariés de la Société, en atteste le cas de harcèlement moral naissant décelé à Bordeaux et dont fut victime Mme I Z et heureusement désamorcé à temps par le CPAH par le biais d’une médiation entre les salariés impliqués.

M. J A, «harceleur présumé'' au sein de l’agence de Bordeaux, dans son audition avec le CPAH en date 9 octobre 2016, mentionne vos méthodes de management «d’une grande violence» et attribue à ces dernières la démission de Monsieur K L et de Monsieur M N.

Le témoignage de M. A est à ce titre particulièrement inquiétant.

M. A vous décrit comme un manager «manipulateur'', dont les méthodes d°encadrement sont essentiellement basées sur la violence verbale et la peur. A ce titre, vous n’hésitez pas à empêcher vos équipes de communiquer avec le siège social de l’entreprise, alors que notre organisation, comprenant 63 établissements secondaires sur tout le territoire national, est extrêmement centralisée autour du siège social.

Plus grave, M. A vous qualifie de «paranoïaque''. Vous sollicitez ainsi constamment vos équipes afin de détecter la présence ou non d’informations relatives à vos éventuels manquements.

Enfin, M. A confirme les propos de Mme I Z s’agissant de votre présence lors des agissements hostiles dont fut victime Mme Z.

Lors de son compte rendu d’audition, le CPAH décrit M. J A comme un salarié «fatigué, n’accordant plus de confiance à son manager et souhaitant quitter son poste le plus rapidement possible afin de préserver son équilibre psychique».

Ces comportements n’ont pas leur place dans notre Société, a fortiori s’agissant d’un manager dont les fonctions contractuelles sont notamment mais non limitativement les suivantes :

- Décliner les objectifs du Groupe auprès des collaborateurs dépendant du Périmètre d’Agences et assurer le suivi des résultats (notamment le taux de rachat des véhicules, le taux de satisfaction clients, le taux de défauts sur les véhicules achetés) ;

- Manager hiérarchiquement et former les acheteurs de véhicules d’occasion et les assistants d’agence en poste dans le cadre du Périmètre d’Agences (accompagnement, suivi de l’activité, réunions de vente etc.) ;

- Recruter et former les collaborateurs dépendant du Périmètre d’Agences ;

- Appliquer les processus d’achats et standards qualité de WKDA France au sein de son Périmètre d"Agences.

Sur ce volet, vous n’avez pas été en mesure de fournir d’explications convaincantes nous permettant de modifier notre appréciation des faits.

Par ailleurs, nous avons également décelé des agissements de votre part s’analysant globalement comme un refus d’exécuter vos missions contractuelles.

Ainsi, alors que votre mission principale consiste à accompagner vos équipes sur le terrain, vous n’avez effectué, entre le 16 août et le 21 octobre 2016, que 15 visites d’agences, soit moins d’une visite tous les 3 jours travaillés. Nous avons également constaté que, probablement dans le but de dissimuler cette activité insuffisante, vous rédigiez des comptes

rendus de visite des agences de notre réseau alors que l’outil de suivi de votre carte de télépéage indique que vous ne vous êtes pas déplacés au sein des dites agences, notamment les 24 août, 26 août, 14 et 15 septembre, 4 et 13 octobre 2016. A titre d’illustration, vous n’accompagnez pas les salariés en situation de sous-performance. Ainsi, vous avez rendu une unique visite à l’agence de Pau sur le mois de septembre, où l’acheteur est en difficulté.

Nous constatons également, que malgré la non fourniture de votre prestation de travail relative à votre présence sur les établissements secondaires de la Société, vous n’utilisez pas ou très peu les outils de management à distance qui vous sont fournis.

- Depuis le 16 août 2016, vous appelez vos collaborateurs en moyenne moins de 10 minutes par jour, avec de nombreuses journées à moins de 3 appels et moins de 3 minutes de communication ;

- Vous ne vous êtes pas connecté à notre outil en ligne «Admin'', outil essentiel au suivi de l’activité de vos collaborateurs, les 18 août, 23 août, 29 août, 2 septembre, 9 septembre, 23 septembre, 6 octobre, 7 octobre, 13 octobre, 14 octobre, 17 octobre et 19 octobre 2016, soit une absence de connexion un jour sur 4.

- Vous avez écrit à vos collaborateurs moins de 2 mails par jour en moyenne entre le 16 août 2016 et le 21 octobre 2016 ;

- Vous ne vous êtes pas présenté, les 30 septembre, 7 octobre, 14 octobre et 21 octobre à l’entretien téléphonique hebdomadaire auquel vous avez vous même convié vos équipes qui y étaient présentes.

Par ailleurs, le suivi de votre tableur de travail sur votre volet Qualité, résultant de votre avenant n°

3 du 26 juillet 2016, indique que vous n’avez pas rempli ledit tableur entre le 7 et le 21 octobre et que le temps total passé sur cette mission qualité n’excède pas 6 heures entre le 27 septembre et le 21 octobre alors qu’il avait été expressément convenu avec votre hiérarchie que cette mission représenterait environ 40 % de votre temps de travail.

Sur le plan des principes, l’insubordination désigne un comportement fautif du salarié qui recouvre dans les faits des comportements très divers et susceptible de conduire l’employeur à engager une procédure de licenciement pour faute à l’encontre du salarié.

[…]

Nous avons également remarqué que vous passiez une très grande partie de votre temps à rechercher un nouveau véhicule de fonction sur l’outil mis à disposition par la Société en la matière alors qu’un véhicule a été mis à votre disposition en date du 26 juillet 2016. Vous vous êtes ainsi connectés sur ledit outil pendant plus de 30 minutes durant 22 des 30 derniers jours travaillés.

Il ressort ainsi que vous passez beaucoup de temps sur des tâches autres que celles définies au sein de votre contrat de travail.

Afin d’éviter toute ambiguïté, votre manquement en l’espèce ne relève pas d’une insuffisance professionnelle, mais purement et simplement d"une absence de fourniture de votre prestation de travail, ponctuellement agrémentée d’une mauvaise foi, en atteste la rédaction de comptes rendus de visites d’agence absolument fictifs.

Lors de notre entretien précité du 4 novembre 2016, vous avez reconnu votre non réalisation de vos tâches contractuelles que vous justifiez en raison d’une situation personnelle financière délicate. Nous regrettons que vous ayez fait le choix de ne pas communiquer vos difficultés financières mais nous ne pouvons accepter cette justification alors que vos fonctions vous conduisaient à être en contact quotidiennement avec le Directeur Général par téléphone et de manière informelle, et hebdomadairement de manière formelle.

En sus, vous vous êtes également rendu coupable de malversation à l’égard de la Société.

Le 24 octobre 2016, la Société a pris connaissance du fait que vous aviez utilisé la carte de télépéage mise à votre disposition par la Société et réservée à un usage professionnel pour vos déplacements personnels durant vos congés. Cet agissement s’interprète comme un abus de confiance à l’égard de la Société.

[…]

Nous vous rappelons que vous avez reconnu l’utilisation, apparemment systématique de votre carte de télépéage à des fins personnelles, mais également, à notre grande surprise, de la carte essence, en totale contradiction avec les dispositions de votre contrat de travail. Vous opposez, à ce titre, un accord avec M. O P de Condé, ex-Directeur Général de la Société ayant quitté ses fonctions en septembre 2015, mais vous n’êtes pas en mesure de prouver la réalité d’un tel accord. Nous portons à votre connaissance que les salariés de votre catégorie ne bénéficient aucunement de cet avantage fictif que vous vous êtes accordé sans en référer à votre hiérarchie au sein de la Société, ce qui constitue un manquement à votre obligation de loyauté à l’égard de la Société".

Cette malversation n’est d’ailleurs pas un cas isolé.

Durant le mois de juillet 2016, nous avons pris connaissance de différentes malversations relatives à des notes de frais indûment remboursées par la Société.

- Note de frais d’hôtel représentant une somme de 125 EUR dont vous ne vous êtes pas personnellement acquitté mais remboursées en vertu d°une facture demandée postérieurement auprès du personnel de l’hôtel ;

- Deux notes de frais pour des dîners dans votre village (factures avec un repas à chaque fois dans une pizzeria à côté de votre domicile, le soir).

Vous aviez commis en l’espèce, une faute à double titre. D’une part, vous vous enrichissez sur le dos de la Société. D’autre part, vous exposez la Société en cas de contrôle URSSAF, le contrôleur pouvant chercher à vérifier la réalité de la dépense engagée (durée et lieu de la mission, demande de fourniture des factures de transport et d’hôtel et vérification du déplacement).

La mise en perspective des malversations susvisées avec vos divers manquements s’agissant de vos fonctions contractuelles traduit une volonté d’enrichissement personnel de votre part au détriment de votre prestation de travail.

Enfin, l’analyse de votre boîte mail professionnelle met en valeur diverses fautes pour le moins troublantes.

Dans un courrier électronique en date du 8 octobre 2016, vous transmettez à une tierce personne des informations confidentielles sur la Société, notamment le chiffre d’affaires. Cet email semble s’adresser à un agent immobilier dans le cadre de la visite d’un local à vendre. Nous vous rappelons que la prospection immobilière ayant pour but l’achat d’un local ne fait aucunement partie de vos fonctions, a fortiori quand notre Société loue l’ensemble de ses locaux et n’est propriétaire d’aucun bien immobilier.

Vous avez par ailleurs reçu de la part du dit agent immobilier un email pour le moins étonnant en date du 18 octobre 2016, […]

Ce dernier email laisse songeur quant à la réalité de la qualité d’agent immobilier de votre interlocuteur. Vous avez donc exposé la Société à un risque majeur en communiquant à un tiers, dont la qualité d’agent immobilier est en doute, une information stratégique concernant la Société. Lors de notre entretien, vous avez argué qu’il s’agissait d’une simple

visite de local, alors que ledit local ne correspond aucunement aux caractéristiques des biens immobiliers que la Société recherche.

Vous n’êtes pas sans savoir que vous êtes débiteur à l’égard de la Société d’une obligation de loyauté résultant de l’article 1135 du Code civil et de l’article L .1222-1 du Code du travail, disposant que le contrat doit être exécuté de bonne foi.

La divulgation d’informations confidentielles et stratégiques de votre part à une tierce personne constitue un manquement à votre obligation de loyauté, que la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation considère comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

[…]

S’agissant de l’utilisation, par l’employeur, des emails «professionnels'', dès lors que les emails ne sont pas identifiés par le salarié comme « personnels » et que le contenu desdits emails est en lien avec l’activité professionnelle, ils sont alors considérés comme relevant de la sphère « professionnelle ».

[…].

En conséquence, dès lors que l’email a été envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail et que le contenu de l’email est en rapport avec l’activité professionnelle, ledit email est présumé professionnel.

Dès lors que le courriel est adressé par le salarié sur son temps et lieu de travail, et est en rapport avec son activité professionnelle, il revêt un caractère professionnel et non personnel. En conséquence, l’employeur peut s’en prévaloir à l’appui d’une procédure disciplinaire.

Enfin, nous portons à votre connaissance que Le détournement par un salarié de son temps de travail peut être considéré comme un abus de confiance (Crim, 19 juin 2013, n°12-83.031, D. 2013.).

[…]

Par conséquent, au regard de tous ces motifs, nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration, puisque les faits que nous avons constatés constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnités ni préavis.

[…]".

Le 21 décembre 2016, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Auch pour contester son licenciement et obtenir paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités, outre la remise des documents de fin de contrat.

Par jugement en date du 13 novembre 2017, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil de prud’hommes de Auch a :

' dit et jugé que le licenciement de M. Y est justifié par une faute grave ;

' débouté M. Y de ses demandes tenant à un licenciement abusif ;

' dit et jugé que M. Y n’est pas recevable à demander une contrepartie financière pour la non-concurrence ;

' condamné M. Y à payer à la société WKDA France une somme de 1 500 euros au titre du remboursement d’une avance de frais faite par la société WKDA le 19 février 2015 ;

' condamné M. Y, outre aux dépens, à verser à la société WKDA France une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 21 décembre 2017,

M. Y a relevé appel de l’ensemble des dispositions de ce jugement, à l’exception de celle portant condamnation à verser à la société WKDA France une somme de 1 500 euros au titre du remboursement de l’avance de frais que son employeur lui avait consenti.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2019.

- MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon écritures enregistrées au greffe de la Cour le 19 mars 2018, oralement développées à l’audience, M. Y demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et :

1°) de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir :

— que l’employeur a multiplié les griefs pour essayer de donner de la consistance à un licenciement injustifié ;

— que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont, soit largement couverts par la prescription, soit non fondés ;

— que lors de son embauche le territoire qui lui avait été confié ne comportait que cinq agences, mais que très rapidement de nombreuses agences ont été ouvertes par son employeur dans de nombreuses villes ;

— qu’en septembre 2015 le directeur général qui l’avait embauché a quitté la société et a été remplacé par M. Q R et que ce changement s’est accompagné d’une volonté de réorganiser la société en supprimant les deux postes de directeurs régionaux ;

— qu’après la suppression du poste de directeur régional pour le Nord il a été contraint de signer l’avenant le rétrogradant au poste de responsable régional avec diminution de rémunération pour éviter un licenciement brutal, et ce alors que son périmètre d’activité est resté quasiment le même ;

— qu’il n’a jamais été mis au courant ou participé à des faits de harcèlement concernant Mlle Z, ce que celle-ci a d’ailleurs confirmé elle-même ;

— qu’il n’a aucune responsabilité dans les faits qui ont conduits à la démission de

M. B, dont les auteurs ont d’ailleurs été licenciés, ainsi que l’a indiqué M. B dans son attestation, ajoutant que les faits n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable et sont prescrits ;

— qu’il n’a jamais tenu à l’égard de M. C les propos qui lui sont prêtés dans la lettre de licenciement, mais seulement formulé des reproches dans des termes adaptés à l’attitude de celui-ci, ajoutant que les faits n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable et sont prescrits ;

— que les attestations qu’il produit démontrent qu’il était apprécié par ses collaborateurs et contredisent les résultats d’une enquête « anonymisée » effectuée 7 mois avant le début de la procédure de licenciement ;

— que l’employeur n’a pas hésité à porter de graves accusations à son égard, avant de les abandonner au regard de la démonstration de leur fausseté par utilisation de documents concernant d’autres salariés ;

— que le grief relatif au refus d’exécuter ses missions, qualifié d’insubordination, est de pure circonstance et totalement injustifié ;

— que l’autorisation d’utiliser les cartes de télépéage et d’essence à des fins personnelles lui avait été donnée par le Directeur Général qui l’avait embauché ;

— que le grief portant sur de prétendues fausses notes de frais concernent des faits prescrits et pour lesquels il a fourni des explications satisfaisantes ;

— qu’il n’a commis aucune faute en communiquant à un agent immobilier chargé de trouver des locaux à louer pour l’entreprise le chiffre d’affaires de la société, cette information étant nécessaire pour constituer un dossier de location ;

2°) de fixer son salaire moyen pour les 12 derniers mois à 6 070,84 euros brut, et de condamner

WKDA France à lui verser les sommes suivantes :

—  4 200 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, au motif que de nombreux griefs n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable, que dès le 9 novembre 2016 l’employeur a annoncé à ses collaborateurs la rupture du contrat de travail et passé une annonce pour son remplacement ;

—  2 307,64 euros au titre du salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 230,76 euros à titre d’indemnité compensatoire de congés payés sur ce rappel de salaire ;

—  12 500 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 250 euros à titre de congés payés sur préavis ;

—  2 430 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  48 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, son licenciement étant intervenu brutalement et dans des conditions vexatoires portant atteinte à son honneur et à sa réputation, ajoutant que malgré les nombreuses démarches effectuées il est toujours à la recherche d’un emploi ;

3°) de dire et juger que la clause de non-concurrence n’a pas été déliée (sic) lors de la notification de la rupture du contrat de travail et de condamner en conséquence WKDA France à lui payer une indemnité de non-concurrence de 18 212,53 euros et des congés payés sur indemnité de non-concurrence de 1 821,25 euros en soutenant qu’il n’a pas été libéré de son obligation dans le délai convenu ;

4°) d’ordonner la remise d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 80 euros par jour de retard et par document ;

5°) de condamner WKDA France aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure de 4 000 euros.

'

Selon écritures enregistrées au greffe de la Cour le 5 novembre 2018, la société WKDA France conclut à la confirmation de toutes les dispositions du jugement entrepris et à la condamnation de M. Y aux dépens et au payement d’une indemnité de procédure de 4 000 euros en faisant valoir :

1°) que tout en reconnaissant devoir rembourser l’avance sur frais de 1 500 euros qui lui avait été consentie par l’employeur, M. Y n’a procédé à aucun versement ;

2°) que la procédure de licenciement est parfaitement régulière et que l’ensemble des griefs formulés dans la lettre de licenciement a été énoncé lors de l’entretien préalable et qu’ils sont établis par les pièces produites ;

3°) qu’ils ne sont pas prescrits et justifient le licenciement pour faute grave ;

4°) que les demandes relatives à la clause de non concurrence ne peuvent qu’être rejetées dès lors que :

— M. Y produit un contrat de travail du 11 février 2015 qu’il n’a pas signé et qu’il ne peut donc se prévaloir de l’article 16 relatif à la clause de non-concurrence ;

— que la clause de non-concurrence était liée à une fonction précise et qu’elle ne peut donc être

étendue à la nouvelle fonction de M. Y résultant de la signature de l’avenant du 26 juillet 2016 ;

— que M. Y a été délié de son obligation de non-concurrence par courrier du 18 novembre 2016 et que le dépassement du délai pourrait tout au plus être sanctionné par des dommages et intérêts si celui-ci démontrait avoir subi un préjudice du fait de ce dépassement.

- MOTIFS DE L’ARRÊT :

I. – SUR LE REMBOURSEMENT DE L’AVANCE DE FRAIS :

La lecture attentive de la déclaration d’appel met en évidence que M. Y n’a pas relevé appel de la disposition du jugement le condamnant à verser à la société WKDA France la somme de 1 500 euros au titre du remboursement de l’avance sur frais faite par l’employeur le 19 février 2015. Il suffira donc de constater que la Cour n’est pas saisie de ce chef de litige.

II. – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A. Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Pour réclamer une indemnité de 4 200 euros pour non respect de la procédure de licenciement M. Y soutient, d’une part, que de nombreux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n’ont pas été évoqués par l’employeur au cours de l’entretien préalable, d’autre part, que son licenciement a été annoncé aux collaborateurs avant qu’il ne lui ait été notifié et qu’une annonce a été publiée pour chercher son remplaçant.

Pour écarter le premier moyen il suffira de relever :

— en droit, que lorsque la lettre de licenciement fait état de faits qui n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable, il s’agit d’une irrégularité de forme pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts si elle a causé un préjudice ;

— que dans ses écritures l’appelant ne liste pas les griefs qui n’auraient pas été évoqués, mais soutient uniquement de manière incidente que les griefs portant sur son comportement à l’égard de MM. B et C n’ont pas été évoqués au cours de l’entretien préalable, mais que cette allégation est contredite par l’attestation de M. D, qui l’avait assisté au cours de l’entretien préalable, attestation évoquant expressément l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et les réponses faites par l’appelant ;

— qu’au surplus M. Y n’explicite d’aucune manière le prétendu préjudice dont il demande réparation.

Par ailleurs il résulte effectivement des pièces produites par l’appelant que le 9 novembre 2016 le directeur des relations humaines de l’entreprise a adressé à une collaboratrice de la société, Mme S T, un courriel pour l’informer que M. Y ne reprendrait pas son poste de chef de secteur, et que le même jour une procédure interne de recrutement d’un responsable du secteur grand sud ouest a été lancée.

Cette annonce établit certes que le principe du licenciement était arrêté par l’employeur à cette date et n’avait pas encore été notifié au salarié, mais ne constitue pas une irrégularité de la procédure dès lors que l’entretien préalable avait été régulièrement effectué le 4 novembre, plus de deux jours auparavant, et que rien ne permet de considérer que la décision de le licencier avait été prise avant cet entretien.

B. Sur la cause du licenciement :

À titre liminaire, il convient de rappeler, en droit :

— qu’en cas de litige sur les motifs du licenciement d’un salarié, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

— que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite la rupture immédiate des relations contractuelles ;

— que le licenciement pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire de sorte que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, mentionne un certain nombre de griefs qu’il convient d’examiner.

En application de l’article 1152-4 du code du travail, l’employeur est tenu envers les salariés d’une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, qui lui impose de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, respectivement de les faire cesser en infligeant le cas échéant des sanctions disciplinaires aux auteurs de tels agissements.

Par ailleurs, peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l’espèce, I Z dans le courriel qu’elle a adressé le 16 octobre 2016 au G fait état du comportement sexiste de M. A, le responsable de l’agence dans laquelle elle travaillait, mais ni dans ce document, ni lors de son audition par les membres du G elle ne mentionne avoir porté ces faits à la connaissance de M. Y.

Par contre les déclarations de M. A recueillies par les membres du G corroborent celles de Mme Z qui a indiqué que M. Y était présent lorsque M. A lui a tenu des propos à connotation sexiste et sexuelle ("ah ben I, on voit que tu aimes la saucisse ! Tu la préfères grosse ou petite") et rendent parfaitement crédible

l’affirmation de celle-ci relative à la question que lui a posé M. Y lorsqu’elle revenait d’un congé maladie motivé par une fausse-couche "tu as de nouveau l’intention de tomber enceinte".

Les déclarations de M. A et l’attestation de Mme E confirment également que M. Y a demandé des comptes rendus systématiques sur le comportement professionnel de Mme Z.

L’absence de réaction aux propos de M. A, la question pour le moins indélicate posée au retour du congé de maladie de Mme Z, la demande de rapport sur le seul comportement professionnel de Mme Z, dont il n’est pas argué ou justifié d’une quelconque insuffisance professionnelle et qui ne pouvait répondre à des critiques dont elle ignorait tout, ont légitimement été considérées par WKDA France comme un comportement managérial susceptible de porter atteinte

aux droits et à la dignité de Mme Z.

Ces faits ne sont nullement prescrits dès lors qu’ils n’ont été portés à la connaissance de l’employeur que par le courriel du 16 octobre 2016, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement le 25 octobre 2016.

S’agissant du comportement prétendument à caractère homophobe de M. Y à l’égard de M. B, force est de constater que le courrier de celui-ci du 31 mars 2016 expliquant sa démission par le harcèlement dont il était victime de la part de ses collègues de Montpellier mentionne qu’il a décidé de ne pas en faire part à M. Y, au motif que selon lui celui-ci était homophobe, mais qu’il est contredit par une attestation qu’il a établi pour l’employeur aux termes de laquelle il n’avait rien à reprocher à M. Y. Rien ne permettant de privilégier l’un plutôt que l’autre, aucune faute n’est donc caractérisée, étant observé que les deux collègues expressément incriminés par M. B comme auteurs de harcèlement ont été tous deux rapidement licenciés pour faute grave par l’employeur.

Par contre le courriel du 25 juin 2016 de M. C met lui aussi en évidence un comportement managérial inapproprié de M. Y. En effet, celui-ci alors qu’il se trouvait régulièrement en congé à été appelé téléphoniquement par M. Y, qui lui a tenu des propos inadmissibles de la part d’un supérieur hiérarchique :« ta copine j’en ai rien à foutre … je vais m’occuper de toi … F et moi on va te régler ton compte … » Les dénégations de M. Y, qui ne portent que sur les termes employés et non sur le fond, doivent être écartées au regard de la réaction immédiate à cet appel de M. C, dont le mail traduit le profond désarroi que ce comportement à entraîné pour lui (« faut-il que je m’asperge d’essence et que je m’immole par le feu afin que vous vous rendiez compte du harcèlement que tu nous fait endurer »).

M. Y ne peut utilement invoquer l’article L. 1332-4 du code du travail et la prescription de ces faits, certes antérieurs de plus de deux mois à l’introduction de la procédure de licenciement dès lors que ce comportement fautif s’est poursuivi dans ce délai, notamment à l’égard de Mme Z, et qu’il n’a été porté à la connaissance de l’employeur dans sa réalité et toute son étendue que par le courriel de celle-ci du 15 octobre 2016 et par les auditions de celle-ci et de M. A par le G, ce dernier ayant au surplus évoqué au cours de son audition de multiples autres manquements de M. Y à ses obligations à l’égard de ses subordonnés, mensonges réguliers, réponses inadaptées (« j’en ai rien à foutre ») ou absentes aux demandes d’instructions …, confirmant l’inadaptation de ses méthodes de management.

Le comportement de M. Y en ce qu’il a porté atteinte aux droits et à la dignité de salariés placés sous son autorité, Mme Z et M. C, constitue, sans qu’il soit même besoin d’analyser les autres griefs invoqués, une violation des obligations résultant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles.

C’est donc à bon droit que l’employeur a licencié M. Y pour faute grave. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

C. – Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

La faute grave étant exclusive de l’indemnité légale de licenciement et privative de l’indemnité de préavis et de congés payés, c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. Y des demandes formées de ces chefs, tout comme de celle portant sur le payement du salaire pendant la période de mise à pied.

La légitimité du licenciement pour faute grave étant démontrée, l’employeur ne saurait être condamné au payement du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, qui correspond à

une période non travaillée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions rejetant toutes les demandes en payement formulées par ce dernier.

II. – SUR LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE :

Dès lors qu’elle est assortie d’une contrepartie financière la clause de non-concurrence est instituée non seulement dans l’intérêt de l’employeur, mais également dans celui du salarié.

Il en résulte qu’en l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles particulières, l’employeur ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de son obligation de non-concurrence que s’il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment du licenciement ou au plus tard à la date du départ effectif de celui-ci de l’entreprise.

Pour infirmer le jugement entrepris et faire droit à la demande de M. Y, il suffira de relever :

— que l’absence de signature par le salarié du contrat de travail produit est sans incidence sur le litige, dès lors que l’exemplaire produit est revêtu de la signature du représentant de la société WKDA France et que le dit contrat est expressément visé dans les avenants signés par les parties, ce qui suffit à établir que le dit contrat est bien entré dans le champ contractuel ;

— que le contrat de travail stipulait en son article 16 que « la société aura la possibilité de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence et de se dégager ainsi de son obligation de versement d’une indemnité, à condition d’en informer le salarié, par écrit, au plus tard le jour de la notification de la rupture du contrat de travail, et, en tout état de cause, au plus tard au moment de son départ effectif » ;

— que la rupture du contrat de travail pour faute grave, et donc le départ immédiat et effectif du salarié de l’entreprise, est intervenue le 12 novembre 2016, date de l’envoi en recommandé de la lettre de licenciement ;

— que c’est seulement par un courrier recommandé du 18 novembre 2016 que l’employeur a entendu libérer M. Y de son obligation de non-concurrence ;

— que cette libération postérieure au délai fixé par le contrat de travail est tardive et inopposable au salarié, en l’absence d’acceptation de celui-ci ;

— qu’elle ne peut donc dispenser l’employeur du versement de l’indemnité convenue, étant rappelé que pour pouvoir opposer au salarié l’exception d’inexécution il lui appartient d’établir le non- respect par celui-ci de son obligation de non-concurrence, preuve qu’il ne rapporte pas en l’espèce ;

— que contrairement à ce que soutient l’employeur, la signature de l’avenant n° 3 n’a pas entraîné la caducité de la clause de non-concurrence, l’article 3 du dit avenant stipulant expressément que les clauses du contrat de travail non modifiées par l’avenant demeuraient en vigueur ;

— que la rémunération mensuelle moyenne brute des 12 derniers mois de travail peut être chiffrée à 6 070,84 euros selon les bulletins de salaire produits ;

— que la contrepartie due à M. Y pour la période convenue (novembre 2016 à octobre 2017) s’élève donc à 18 212,53 euros, montant que la société WKDA France sera condamnée à lui verser puisque le terme est échu ;

— que cette contrepartie, qui ne correspond pas à la rémunération d’un travail effectif, n’ouvre pas droit à congés payés.

IV. – SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS :

Chacune des parties succombant partiellement, il y a lieu de laisser à la charge de chacune les frais et dépens exposés, l’équité n’imposant pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONSTATE que la Cour n’est pas saisie de la disposition du jugement portant condamnation de M. Y à payer à la société WKDA France la somme de 1 500 euros au titre du remboursement de l’avance sur frais faite par l’employeur le 19 février 2015 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions disant que le licenciement de M. Y est justifié par une faute grave et le déboutant de ses demandes en payement de salaire, d’indemnité de licenciement, de préavis et de congés payés ;

INFIRME le jugement pour le surplus des dispositions dont la Cour est saisie et statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement :

CONDAMNE la société WKDA à payer à M. Y la somme de 18 212,53 euros au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre des frais répétibles exposés en première instance et en appel ;

DIT que chacune des parties conservera à sa charge les frais et dépens exposés par elle en première instance et en appel.

Le présent arrêt a été signé par Xavier GADRAT, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 25 juillet 2019, n° 17/01545