Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 12 avril 2011, n° 09/19079

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 18e ch., 12 avr. 2011, n° 09/19079
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 09/19079
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 7 octobre 2009, N° Q08-16.306.
Dispositif : Expertise
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT MIXTE

(Réouverture au 29 novembre 2011 à 14H00)

DU 12AVRIL 2011

N° 2011/351

Rôle N° 09/19079

[M] [D]

C/

SA HECKETT MULTISERV

SA ASCOMETAL

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

D.R.A.S.S

Grosse délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Edgard ABELA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Mme [H] [V] (Inspecteur Juridique) en vertu d’un pouvoir spécial

Copie pour information délivrée le :

à :

D.R.A.S.S,

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 08 Octobre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° Q08-16.306.

APPELANT

Monsieur [M] [D],

demeurant [Adresse 8]

comparant en personne,

assisté de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉES

SA HECKETT MULTISERV,

demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me David INNOCENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

SA ASCOMETAL,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Edgard ABELA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Céline SAMAT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE,

demeurant [Adresse 5]

représenté par Mme [H] [V] (Inspecteur Juridique) en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

D.R.A.S.S désormais D.RJ.S.C.S

demeurant [Adresse 3]

non comparante – ni représentée

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Février 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques MALLET, Président

Madame Françoise JACQUEMIN, Conseiller

Mme Fabienne ADAM, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2011 prorogé au 12 Avril 2011

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011.

Signé par Monsieur Jacques MALLET, Président et Madame Lydie BERENGUIER , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Embauché depuis le 9 juin 1986 en qualité de conducteur d’engins moteurs ferroviaires par la société Heckett Multiserv Sud, M. [M] [D] a été victime le 23 juin 1998 d’un accident du travail sur le site de la société Ascométal qui avait confié, par contrat du 1er octobre 1991, les prestations de travaux des mouvements ferroviaires de son aciérie.

Le 5 février 2003, M. [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône pour l’entendre dire que l’accident est en relation avec une faute inexcusable de la société Heckett Multiserv et que la rente allouée sera portée à son taux maximum.

Par jugement du 2 juillet 2006, cette juridiction a débouté M. [D] de ses demandes et dit sans objet l’appel en garantie de la société Ascométal par la société Heckett Multiserv.

Par arrêt du 22 janvier 2008, statuant sur l’appel de M. [D], la cour d’appel a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Par arrêt 8 octobre 2009, statuant sur le pourvoi formé par M. [D], la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 22 janvier 2008 dans toutes ses dispositions, motifs pris, au visa des articles 1147 du code civil, L. 452-1 du code de la sécurité sociale, R. 237-1, R. 237-2 et R. 237-6 du code du travail devenus R 4515 -1, R. 4511-5 et R. 4512-2 :

… que pour débouter l’intéressé de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, et en majoration de la rente, l’arrêt retient, d’une part, que les éléments produits par le salarié n’apportent pas la démonstration qu’antérieurement à cet accident et en fonction des relations entre les deux sociétés, la société Heckett Multiserv ait pu être informée des risques existants lui permettant d’avoir conscience du danger que représentait la chute des lingotières impliquées dans cet accident, d’autre part, que si, selon le secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des incidents antérieurs auraient dû être mentionnés sur un registre, la preuve n’est pas rapportée qu’ils l’aient été et aient été ainsi portés à la connaissance de l’entreprise prestataire, étant précisé que ce registre n’est pas produit ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la société Heckett Multiserv avait satisfait à son obligation de se renseigner sur les dangers courus par le salarié et de mettre en oeuvre, le cas échéant, en coopération avec les organes de cette entreprise tierce, des mesures propres à préserver le salarié, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

L’affaire ayant été renvoyée devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée, les parties ont conclu ainsi qu’il suit :

' M. [D] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de dire que l’accident de travail dont il a été victime est dû à la faute inexcusable de la société Heckett Multiserv, d’ordonner que la rente allouée à ce titre soit portée à son taux maximum, de lui allouer une provision de 60'000 € à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices personnels qui seront estimés à partir d’une expertise médicale ordonnée à cet effet, et de condamner la société Heckett Multiserv à lui rembourser ses frais irrépétibles à hauteur de 2 000 €.

Au soutien de son appel, M. [D] expose que son employeur qui connaissait parfaitement le site sur lequel il intervenait ainsi que sa dangerosité, a sous-estimé le danger encouru, qu’en raison de cette conscience du danger, il aurait dû vérifier la conformité des lieux d’intervention et les sécuriser alors qu’aucune protection ne permettait d’éviter la chute de la lingotière côté nord, que les jours ayant précédé son accident, des lingotières étaient déjà tombées, qu’il en a été de même les jours suivants, qu’aucun dispositif approprié n’a été mis en oeuvre pour éviter ce type de sinistre.

' La société Harsco Metals Sud, anciennement dénommée Heckett Multiserv Sud, conclut, à titre principal, à l’absence de faute inexcusable qui lui serait imputable et au débouté des demandes de M. [D]. À titre subsidiaire, au cas où il serait fait droit aux demandes de ce dernier, la société intimée demande à ce que la société Ascométal soit condamnée à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre et de condamner la partie perdante à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle fait notamment valoir que son obligation de se renseigner sur les dangers doit être appréciée au vu des travaux qui lui ont été confiés par la société Ascométal, qu’elle a parfaitement satisfait à cette obligation en rédigeant un plan de prévention définissant les règles de sécurité des mouvements ferroviaires, ponts roulants et interférences entre ces mouvements et les ponts roulants, que ce plan a été établi en concertation avec la société Ascométal, que la chute de lingotières dans les jours qui ont précédé l’accident n’a jamais été portée à sa connaissance.

Subsidiairement, en cas de condamnation, il convient de déclarer l’appel en garantie de la société Ascométal recevable, que la cour investie de la plénitude juridiction est bien compétente pour statuer sur ce chef de demande, que la société Ascométal n’est pas pertinente à lui opposer une soi-disant clause d’abandon de recours, que la responsabilité de cette dernière est exclusive, comme ayant commis une faute contractuelle à l’égard de la société Harsco Metals Sud.

' La société Ascométal sollicite au principal la confirmation dans toutes ses dispositions du jugement entrepris. À titre subsidiaire, elle se prévaut des articles 6.1 et 6.2 du contrat de prestation liant les parties et qu’à ce titre elle ne saurait relever et garantir la société Harsco Metals Sud d’éventuelles condamnations prononcées à l’encontre de celle-ci. Elle soutient que M. [D] se trouvait sous l’autorité hiérarchique de cette dernière, laquelle était parfaitement informée des dispositifs de sécurité et précautions mis en place de concert avec la société Ascométal, qu’elle n’a jamais émis la moindre observation sur une éventuelle dangerosité du site et plus particulièrement sur la circulation des lingotières qu’elle a aménagée, qu’elle n’a jamais émis la moindre plainte quant à un défaut d’information sur les risques, qu’elle n’établit pas la faute délictuelle de la société Ascométal de sorte qu’elle sera déboutée de son appel en garantie.

Elle conclut au débouté de M. [D] de sa demande de majoration de rente et à ce qu’il soit statué ce que de droit en ce qui concerne la demande d’expertise médicale et plus subsidiairement, à la réduction dans de notables proportions de la demande d’indemnisation provisionnelle sollicitée par M. [D]. En toute hypothèse, elle ne saurait être tenue seule du paiement de ces d’indemnité en application des dispositions des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et réclame le remboursement par la société Harsco Metals Sud de ses frais irrépétibles à hauteur de 2 000 €.

' La caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône déclare s’en rapporter sur les mérites de l’action introduite quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et demande toutefois, en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, que le montant de cette majoration soit récupéré auprès de l’employeur, qu’enfin au titre de l’évaluation des préjudices annexes, que l’employeur soit expressément condamné à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue d’assurer par avance le paiement.

' La DRASS – désormais la DRJSCS – régulièrement avisée, ne comparaît ni personne en son nom.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

Sur l’existence de la faute inexcusable :

Il résulte de la combinaison entre les articles 1147 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger.

De même, il résulte des articles R 4515-1, R. 4511-5 et R. 4512-2 du code du travail que lorsque le travail s’exécute dans les locaux d’une autre entreprise, l’employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers courus par le salarié.

Il est constant :

* que dans le cadre de leurs relations contractuelles de prestation de service en date du 1er octobre 1991, la société Heckett Multiserv, désormais Harsco Metals Sud, qualifiée d’entreprise extérieure, assurait les mouvements ferroviaires sur le site de l’aciérie exploitée par la société Ascométal, qualifiée d’entreprise utilisatrice, au sens de l’article R. 4515-1 du code du travail ;

* que l’accident du travail dont a été victime M. [D], est survenu le 23 juin 1998 alors qu’il conduisait un locotracteur à l’intérieur de la halle de démoulage, après avoir respecté au préalable toutes les consignes de son entrée dans ladite halle, notamment au moyen d’un avertissement sonore, qu’il s’est engagé sur la voie de service (voie 3) qui permet de déplacer le jeu des lingotières vides, que pour ce faire, il est passé devant la démouleuse dont le cycle de fonctionnement avait été relancé, ce qui a eu pour effet d’entraîner le basculement et la chute d’une lingotière qui a heurté le salarié à hauteur des genoux ;

* que M. [D] a notamment subi un écrasement des deux membres inférieurs, des brûlures au deuxième degré de l’avant-bras gauche et une amputation du tiers inférieur de la cuisse gauche ; que cet accident a été pris en charge par la caisse de sécurité sociale au titre des accidents du travail ; que ces lésions ont occasionné une IPP de 82 % ;

* que les deux sociétés – extérieure et utilisatrice – ont établi conjointement un plan de prévention dont le suivi était assuré par une coordination des CHSCT, communs aux deux entreprises.

* que seule la société Ascométal a fait l’objet de poursuites pénales en tant que personne morale et en cette qualité, a été condamnée par jugement du tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence du 4 avril 2001 du chef de blessures involontaires occasionnées par le non-respect des mesures de sécurité concernant l’utilisation des équipements de travail.

Il n’est pas discuté que d’une part, en l’état du contrat du 1er octobre 1991 liant les deux sociétés, la société Heckett Multiserv, désormais Harsco Metals Sud, conservait la responsabilité hiérarchique, le contrôle et le pouvoir de direction sur ses propres salariés dont M. [D] et d’autre part, indépendamment de la condamnation pénale dont a fait l’objet la société Ascométal, seule la société nouvellement dénommée Harsco Metals Sud a la qualité d’employeur de ce salarié qui ne peut agir en reconnaissance d’une faute inexcusable que contre cet employeur, quel que soit l’auteur de la faute tandis que la caisse primaire qui a la charge exclusive du versement des indemnités ne pourra agir qu’à l’encontre de cet employeur, par application de la combinaison des articles L. 451-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Au cas d’espèce, il ressort des 'consignes particulières pour l’exploitation ferroviaire sur Ascométal entre l’aciérie, le démoulage, les pits, avec les locotracteurs’ établies aux termes d’un document en date du 6 mai 1996 à en-tête de la société Heckett Multiserv, que :

pour accéder à la halle de démoulage, le conducteur d’un locotracteur doit arrêter son convoi aux entrées, actionner le signal sonore placé sur le bâtiment pour annoncer son désir de pénétrer dans la halle, 'ce afin de faire suspendre toute activité des ponts roulants, des engins de manutention et routiers, et d’avertir le personnel au sol, de son arrivée dans la halle’ (page 1) ;

il est prévu, au titre des 'aiguilles, voies ferrées, wagons et attelages', de 'noter impérativement toutes les anomalies constatées sur le cahier en place dans la cabine de démoulage/agent de maîtrise’ (page 3) ;

concernant les chariots élévateurs (démoulage), il est demandé de faire 'attention aux ponts dans la halle démoulage’ et 'attention aux personnes au sol’ (page 4).

Annexée à ces consignes particulières, figure une note à en-tête d’Ascométal valant consigne n° CS/DE 2 et portant pour titre 'mouvements ferroviaires – ponts roulants', approuvée le 3 janvier 1995, ayant pour but de définir les règles de sécurité des mouvements ferroviaires, des ponts roulants et les interférences entre ceux-ci, aux termes de laquelle il est précisé les consignes de circulation des convois dans la halle, l’interdiction d’accès des engins routiers pendant toute manoeuvre ferroviaire à l’intérieur de la halle.

Il n’est pas sans intérêt de relever également que concernant les mouvements ferroviaires en halle ferrailles (consigne approuvée le 3 janvier 95, toujours en annexe des consignes particulières en page 9), il est prévu que pendant toute la durée de la manoeuvre du convoi dans cette halle, demeurent notamment interdits le travail des ponts roulants comme tout mouvement de porte paniers.

Ainsi d’une manière générale, il s’évince des consignes élaborées et applicables antérieurement à l’accident du 23 juin 1998 que les consignes de sécurité tendent à interdire toute interférence entre les mouvements ferroviaires et l’utilisation de ponts roulants, la circulation d’ensembles routiers, voire la circulation des personnes au sol.

Alors même que la présence du conducteur d’un locotracteur ayant pénétré dans la halle de démoulage n’est pas discutée et n’a jamais été remise en cause, force est de constater que pendant la manoeuvre au cours de laquelle M. [D] ramenait les cars de coulée de l’atelier aciérie vers l’atelier démoulage, perdurait le fonctionnement de la démouleuse située à proximité de la voix n° 3 où se trouvait le salarié, que cela consistait à décoller, grâce à un système hydraulique le lingot se trouvant dans la lingotière elle-même bloquée par des mors tandis qu’un vérin poussait vers le haut le lingot de métal à l’intérieur de celle-ci.

D’évidence, en sa qualité d’entreprise extérieure, l’employeur de M. [D] ne saurait prétendre avoir satisfait à son obligation de se renseigner sur les dangers courus par son salarié travaillant sur le site d’une société utilisatrice et partant d’avoir mis en oeuvre, en coopération avec les organes de cette dernière entreprise, les mesures propres à préserver son salarié.

En effet, alors même que pour d’autres sites au sein de la même entreprise utilisatrice, des consignes avaient été spécifiées pour faire cesser, par exemple, toute action des ponts roulants lors de mouvements ferroviaires, l’employeur de M. [D] ne peut sérieusement soutenir qu’il ne pouvait avoir conscience, et partant avoir une connaissance obligée, du danger encouru à raison de la chute d’éléments ou partie de ces éléments en mouvement dans la zone de démoulage au-dessus de personnes travaillant dans ou à proximité de cette zone.

C’est d’ailleurs ce que cet employeur a mis en place par une note établie le jour même de l’accident, interdisant de manière impérative de passer devant la démouleuse en activité 'et ce en aucun cas, lorsque que celle-ci démoule des lingots'.

Si, comme il le soutient dans ses écritures, il n’a effectivement pas la charge de l’entretien du matériel litigieux, lequel ne fait pas partie de ses prestations et quand bien même, le propriétaire ou le gardien de ce matériel, en l’occurrence la société Ascométal, ne lui aurait jamais indiqué qu’il comporterait un risque particulier, cet employeur se devait de se renseigner sur les risques de chute liés au fonctionnement d’une démouleuse dans les conditions précitées à proximité immédiate de la zone où travaillait son salarié.

Il n’est pas plus pertinent à se retrancher derrière le fait que des incidents identiques antérieurs à celui ayant provoqué les blessures sur la personne de M. [D] auraient dû être mentionnés sur un registre, comme l’a rappelé M. [S] – salarié du même employeur et secrétaire du CHSCT en faisant remarquer lors d’une réunion extraordinaire du 26 juin 1998 que ce risque de chute de lingotières n’existait pas à une certaine époque mais que la tendance s’est accélérée et pourrait être considérée à la limite comme banale', ce qui laisse penser que ce risque avait bien existé a minima dans la période dans les jours, sinon les semaines ayant précédé l’accident du 23 juin.

Toutefois, cet employeur ne produit aucunement le registre en question, ni ne démontre qu’il a rappelé régulièrement à ses salariés les consignes d’utilisation de ce registre et notamment de faire état de tout incident susceptible d’engager la sécurité des personnes.

Lors de cette même réunion du CHSCT, M. [X], représentant syndical CFE/CGC pour le compte de la société Ascométal, relevait que même après nettoyage des assises de la démouleuse, un petit mouvement de bascule était inévitable comme étant dû à l’opération consistant à remonter les mors avant l’ouverture, ce qui permet d’affirmer que le déroulement du processus de séparation d’un lingot de sa lingotière n’était pas sans danger à raison du mouvement de bascule provoqué par la manoeuvre.

Enfin, le président du CHSCT lui-même indiquait qu’il ne pouvait laisser considérer comme banal un tel événement, à savoir la chute de lingotières, ajoutant que 'depuis la reprise de la prestation par Heckett Multiserv, en 1991, des risques de chute de lingotières ont existé’ et que 'si la fréquence est devenue plus importante ces derniers temps, nul ne le conteste', tout en affirmant : 'Par contre, la chute de lingotières devient un phénomène nouveau qui a été pris immédiatement compte par l’équipe d’entretiens de l’aciérie'.

Dans ces conditions, la société nouvellement dénommée Harsco Metals Sud aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour l’en protéger, précisément en se renseignant sur les dangers courus par lui et en mettant en oeuvre des mesures propres à le préserver. Dès lors, le manquement de cet employeur à son obligation de sécurité de résultat caractérise une faute inexcusable de sa part au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale et justifie que la rente allouée à ce titre soit portée à son taux maximum.

Ainsi que le relève la société Harsco Metals Sud dans son argumentaire l’opposant à la société Ascométal, aucun élément sérieux ne permet de retenir un comportement fautif, qui plus est d’une exceptionnelle gravité, de la part de la victime.

Le jugement dont appel sera infirmé dans toutes ses dispositions.

Sur la réparation des préjudices de M. [D] :

En l’état des éléments de la cause non sérieusement querellés sur ce point par les parties, il convient de faire droit à la demande d’expertise sollicitée par l’appelant selon les modalités définies au dispositif du présent arrêt.

Tenant ces mêmes éléments, les blessures et séquelles subies par M. [D] qui s’est vu reconnaître une IPP de 82 %, il convient de faire droit sa demande de provision à la hauteur de la somme réclamée.

Sur l’appel en garantie de la société Ascométal par la société Harsco Metals Sud :

Il y a lieu de statuer sur cet appel en garantie puisque saisie par l’effet dévolutif de l’appel et investie de la plénitude juridiction tant en matière civile qu’en matière sociale, la cour a le pouvoir de statuer sur cette demande et les moyens de défense de nature civile dès lors que sa compétence territoriale n’est pas contestée.

Par ailleurs, la société Ascométal n’est pas fondée à se prévaloir des clauses du contrat de prestations conclu entre les parties le 1er octobre 1991, pris notamment en ses articles 6.1 et 6.2, aux termes desquels la société alors dénommée Heckett Multiserv renonce à tout recours contre Ascométal pour les dommages que pourraient subir dans les lieux, objet du contrat et d’une manière générale dans l’enceinte de l’établissement, ses agents.

En effet, outre que cette absence de recours concerne une clause relative aux assurances, sans que les parties n’aient produit leur propre police d’assurance à ce titre, il convient de relever que l’accident dont M. [D] a été victime trouve son origine dans l’utilisation et le dysfonctionnement d’un équipement de travail relevant du contrôle et de la responsabilité de la société Ascométal – en l’occurrence, le fonctionnement et la maintenance d’une lingotière -, et non dans les mouvements ferroviaires relevant de la responsabilité de l’entreprise extérieure.

Alors même qu’elle a été condamnée en tant que personne morale pour blessures involontaires du fait du non-respect des mesures de sécurité relatives à cet équipement, la société Ascométal ne saurait soutenir n’avoir commis aucune faute à l’origine de l’accident dont s’agit, de sorte que la société Harsco Metals Sud est fondée à demander à être relevée et garantie par la société Ascométal des sommes qui resteraient à sa charge, après que remboursement de la caisse primaire d’assurance maladie qui est tenue d’en assurer par avance le paiement, conformément aux dispositions des articles L. 452-3 et L. 452-4 du code de la sécurité sociale.

Toutefois, compte tenu des fautes respectives imputables à chacune de ces sociétés, la société Ascométal devra relever et garantir la société Harsco Metals Sud des sommes mises à sa charge dans la limite de 50 %.

Sur les autres demandes :

En équité, une somme de 2 000 € sera allouée à M. [D] en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et mise à la charge de la société Harsco Metals Sud dont la demande sur le même fondement sera rejetée.

La demande formée sur ce fondement par la société Ascométal à l’encontre de la société Harsco Metals Sud sera également en voie de rejet.

La procédure devant les juridictions de la sécurité sociale ne comportant pas de dépens, il n’y a pas lieu de statuer sur ceux-ci.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Vu l’arrêt rendu le 8 octobre 2009 par la Cour de cassation,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône en date du 6 juillet 2006,

Dit que la société Harsco Metals Sud, anciennement dénommée Heckett Multiserv, a commis une faute inexcusable dans la survenance de l’accident de travail dont M. [M] [D] a été victime le 23 juin 1998,

Ordonne la majoration de la rente allouée au titre de cet accident à son taux maximum,

Avant dire droit, sur la réparation des préjudices personnels soufferts par M. [M] [D],

Ordonne une expertise,

Désigne le docteur [O] [J], demeurant [Adresse 7], en qualité d’expert, pour y procéder, avec mission, après avoir entendu les parties et leurs conseils :

de se faire communiquer par les parties ou par toute personne susceptible de les détenir tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission, d’en prendre connaissance,

d’examiner la victime, M. [M] [D],

de décrire les lésions imputables à l’accident du travail survenu le 23 juin 1998,

de préciser si elles sont bien en relation directe et certaine avec lui,

de dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément en qu’il repose sur la gêne par la victime dans les actes de la vie courante,

Dit que l’expert se conformera pour l’exécution de sa mission aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile, communiquera directement rapport de ses opérations à chacune des parties, conformément à l’article 173 du code de procédure civile, avec mention faite sur l’original, et en déposera deux exemplaires au greffe de la cour dans les quatre mois suivant sa saisine,

Dit qu’à défaut de pré-rapport, l’expert organisera à la fin des opérations, un accedit de clôture où il informera les parties du résultat de ses investigations et pour recueillir leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d’expertise,

Dit que l’expertise aura lieu aux frais avancés de M. [M] [D] qui consignera au greffe de la cour d'[Localité 2] dans les deux mois suivant le prononcé de la présente décision la somme de 400 € (quatre cents euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert,

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation de l’expert sera caduque, sauf à être relevé de la caducité, que l’affaire sera fixée à nouveau et qu’il en sera tiré toutes conséquences quant aux demandes de M. [M] [D],

Dit que, s’il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l’expert devra, lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Dit qu’à l’issue de cette réunion, conformément aux dispositions de l’article 280 modifié du code de procédure civile, l’expert fera connaître aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,

…/…

Renvoie la cause et les parties à l’audience du :

Mardi 29 novembre 2011, à 14 h 00,

18ème chambre, Cour d’appel,

Les Milles (D.9 sortie 4), Parc Club du [6] 6 -

[Adresse 4]

[Localité 2]

Réserve tous droits et moyens des parties sur les chefs de demandes, objets de l’expertise,

Commet le président de la 18ème chambre sociale ou tout magistrat par lui subdélégué pour contrôler les opérations d’expertise et dit que l’expert se référera à ce magistrat en cas de difficultés, notamment sur l’étendue de sa mission,

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à la dite audience,

Fixe le montant de l’indemnité provisionnelle à valoir sur l’indemnisation définitive des préjudices personnels de M. [M] [D] à la somme de 60 000 €,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône fera l’avance de cette somme,

Condamne en tant que de besoin la société Harsco Metals Sud à rembourser la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône de la totalité des sommes dont elle est tenue d’assurer par avance le paiement,

Condamne la société Harsco Metals Sud à payer à M. [M] [D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que la société Ascométal sera tenue de relever et garantir la société Harsco Metals Sud à concurrence de 50 % de toutes les sommes restées à sa charge, après remboursement de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône ainsi de celle prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Harsco Metals Sud et la société Ascométal de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 12 avril 2011, n° 09/19079