Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 mai 2013, n° 2012/16907

  • Titularité des droits sur la marque·
  • Appropriation de l'effort d'autrui·
  • Dépassement des limites du contrat·
  • Atteinte aux droits d'auteur·
  • Modalités d'exploitation·
  • Concept d'informercial·
  • Action en contrefaçon·
  • Concurrence déloyale·
  • Œuvre audiovisuelle·
  • Chronique tv

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 16 mai 2013, n° 12/16907
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 2012/16907
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 2 août 2012, N° 09/14885
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Marseille, 3 août 2012, 2009/14885
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : AMELIE ; AMELIE TV
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3398427 ; 3499457 ; 3471148 ; 928082
Classification internationale des marques : CL03 ; CL16 ; CL35 ; CL38 ; CL41
Référence INPI : M20130227
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE ARRÊT AU FOND DU 16 MAI 2013

2e Chambre Rôle N° 12/16907

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Août 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/14885.

APPELANTE SAS LABORATOIRES INELDEA dont le siège social est sis 10e Rue – 4e avenue – ZI de Carros – 06510 CARROS CEDEX représentée Me Pascale P, avocat postulant au barreau D’AIX-EN- PROVENCE plaidant par Me Pascal K, avocat au barreau de NICE, substitué par Me C Estelle, avocat au barreau de NICE

INTIMES Madame Palme L épouse B représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat postulant au barreau D’AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me P Carine, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Thierry B représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat postulant au barreau D’AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me P Carine, avocat au barreau de PARIS

SARL COMMUNICATION ET TELEVISION dont le siège social est sis […] – 75008 PARIS représentée par Me Philippe- laurent S, avocat postulant au barreau D’AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me P Carine, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2013 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, et Monsieur Jean- Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Viviane B.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2013.

ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2013. Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

M. B et Mme L épouse B ont créé et développé un concept «d’informercial» dénommé « Amélie » constitué d’une chronique réalisée sur le ton de l’information et mettant en scène dans un format publicitaire l’interview du représentant d’une marque, d’un produit ou d’un service, visant à informer les auditeurs des qualités et usage du produit par l’intermédiaire de Mme L épouse B qui joue le rôle de la chroniqueuse Amélie.

M. B est titulaire de la marque verbale « Amélie » enregistrée :

— le 19 décembre 2005 sous le numéro3398427 pour les classes 3,35 et 41 (marque française);

— le 10 mai 2007 sous le numéro 3499457 pour les classes 16,35, 38 et 41 (marque française);

— le 28 février 2008 sous le numéro 985340 pour les classes 6,10, 35,38 et 41 pour le Benelux, l’Allemagne et l’Espagne (marque internationale).

M. B est titulaire des marques semi figuratives « Amélie tv» enregistrées

— le 20 décembre 2006 sous le numéro 3471148 pour les classes 35, 38 et 41 (marque française);

— le 4 juin 2007 sous le numéro 928082 pour les classes 35, 38 et 41 pour le Benelux, l’Allemagne et l’Espagne (marque internationale).

En décembre 2005, M. et Mme B ont conclu avec la société AMÉLIE GROUPE, qui a pour activité la création et la réalisation d’émissions, de chroniques radio et audiovisuelles un contrat de licence du concept, des marques et du nom de domaine se rapportant à la chronique AMELIE.

La société COMMUNICATION ET TELEVISION (CET) a pour activité la commercialisation et la gestion d’espaces publicitaires et la réalisation de programmes audiovisuels.

Par contrat du 22 décembre 2006, la société AMÉLIE GROUPE a autorisé les époux B à céder les droits d’adaptation audiovisuelle du concept « AMELIE » décliné sous le nom commercial « AMELIE TV » à une société tierce.

Le 1er juin 2007, les époux B ont cédé à la société CET les droits d’adaptation audiovisuelle du concept « AMELIE » et conclu une licence des marques afférentes

La société LABORATOIRES INELDEA est spécialisée dans la production et la distribution des compléments alimentaires.

Le 27 août 2007, la société INELDEA, aux droits de laquelle se trouve la société LABORATOIRES INELDEA, a commandé à la société COMMUNICATION ET TELEVISION une campagne de publicité d’une durée d’un mois pour un produit dénommé CELLUSVELT. Cette campagne devait se faire sur des sites Internet, différentes radios ainsi que dans un magazine. Il était prévu que la campagne se déroule du 3 janvier au 3 février 2008.

M. et Mme B, la société AMELIE GROUPE et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET, reprochant à la société LABORATOIRES INELDEA d’avoir commis des actes de contrefaçon, des actes de parasitisme et porté atteinte aux droits d’artiste de Mme B, ils ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir diverses indemnités et aussi qu’il soit fait interdiction à la société LABORATOIRES INELDEA de poursuivre l’exploitation de la chronique « Amélie tv C ».

Par jugement du 12 septembre 2012, le tribunal a statué ainsi :

— Déclare recevable l’action des époux B et de la société AMÉLIE GROUPE,

— Dit que le LABORATOIRES INELDEA et la société COMMUNICATION ET TELEVISION sont liés par un contrat intitulé « bon de commande » signé le 27 août 2007 et que le contrat-type de production audiovisuelle ne trouve pas à s’appliquer,

— Dit que les LABORATOIRES INELDEA ont commis des actes de contrefaçon de l''uvre publicitaire Amélie T, des marques Amélie et Amélie TV et des droits de la S.A.R.L. COMMUNICATION ET TELEVISION,

— Dit que les LABORATOIRES INELDEA ont porté atteinte aux droits de producteur de vidéogrammes de la S.A.R.L. COMMUNICATION ET TÉLÉVISION,

— Rejette les demandes relatives à l’atteinte aux droits d’artiste interprète de Madame P épouse B,

— Rejette les demandes relatives au parasitisme,

— Fait injonction aux LABORATOIRES INELDEA de communiquer son plan media relatif au produit CELLUSVELT pour la période allant du 1er janvier 2008 et jusqu’à ce jour, ainsi que tous documents permettant d’établir toute exploitation de l''uvre Amélie T C par les LABORATOIRES INELDEA,

— Condamne les LABORATOIRES INELDEA à verser, à titre de dommages et intérêts à :

— la SARL. COMMUNICATION ET TÉLÉVIS10N, la somme totale de 300.000 euros en réparation de son manque à gagner et de la violation de ses droits de producteur et de 8000 euros en réparation de son préjudice moral comprenant l’atteinte à son image et à l’intégrité de sa création,

— conjointement aux époux B la somme de 10000 euros en réparation du préjudice patrimonial et du préjudice moral au titre de la contrefaçon de l''uvre primaire Amélie T,

— Déboute Monsieur Thierry BURTlN de sa demande de dommages et intérêts,

— Déboute Madame B de sa demande de dommages et intérêts en l’absence d’atteinte à ses droits d’artiste interprète,

— Déboute la société AMÉLIE GROUPE de sa demande de dommages et intérêts en l’absence de parasitisme,

— Fait interdiction aux LABORATOIRES INELDEA de poursuivre l’exploitation de la chronique Amélie T C dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et ce, sous astreinte de 2000 euros par jour et par infraction constatée,

— Ordonne à titre de complément de dommages et intérêts, la publication par les demandeurs, sans que le coût total de ces

publications ne puissent excéder 86.000 euros HT demandeurs, d’un extrait du jugement,

— Condamne, à ce titre, les LABORATOIRES INELDEA à consigner entre les mains de Monsieur l de l’ordre des avocats de MARSEILLE, la somme de10.000 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur,

La société LABORATOIRES INELDEA a relevé appel de cette décision à l’encontre de M. et Mme B, et de la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET et soutient :

— qu’elle a été autorisée à diffuser en basse diffusion la vidéo publicitaire destinée à certains pharmaciens avec mise en ligue sur le site « YOU TUBE » ;

— que sur les captures d’écran effectuées par les intimés, il n’est pas fait référence aux marques Amélie ou Amélie TV de sorte qu’aucune contrefaçon ne peut être alléguée ;

— que les conditions générales de vente lui sont inopposables puisqu’elle n’a pas eu connaissance du verso du bon de commande ;

— qu’il apparaît des courriels échangés entre les parties qu’elle disposait de la libre jouissance du produit publicitaire ;

— que le contrat type de production audiovisuelle publié au journal officiel du 19 septembre 1961 qui prévoit de cession automatique des droits de l’annonceur, est applicable ;

— que le concept «d’infomerciale» n’est nullement novateur et ne constitue pas une œuvre de l’esprit susceptible de bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle ;

— qu’il n’y a aucune originalité de l’œuvre originale primaire d’Amélie tv ;

— que la seule originalité du mixage publicitaire réside dans les caractéristiques du produit «CELLUSVELT» dont elle a assuré intégralement le rédactionnel ;

— que la demande présentée par la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET est irrecevable puisqu’elle ne peut invoquer une contrefaçon dans la mesure où elle n’est pas un auteur ;

— que les intimés n’établissent pas avoir subi un préjudice du fait des atteintes aux droits d’auteur alléguées ;

— qu’il n’est nullement démontré l’existence d’une contrefaçon des marques Amélie et Amélie tv ;


- que la marque Amélie ne dispose d’aucune notoriété en France ;

— qu’il n’est nullement établi l’existence d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale,

— que le préjudice allégué n’est pas prouvé.

La société LABORATOIRES INELDEA demande donc la réformation du jugement uniquement en ce:

— qu’il l’a condamnée à payer à la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET la somme de 300.000 euros en réparation de son manque à gagner et de la violation de ses droits d’auteur, 8000 euros en réparation de son préjudice moral comprenant l’atteinte à son image et l’intégrité de sa création,

— qu’il l’a condamnée à payer à M. et Mme B la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice patrimonial et du préjudice moral au titre de la contrefaçon de l’œuvre primaire Amélie tv,

— en ce qu’il a ordonné la publication du jugement.

Elle sollicite en outre 18 000 euros pour les frais exposés en première instance et 10 000 euros au titre des frais d’appel.

M. et Mme B et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET rétorquent :

— que le bon de commande détaille avec précision les supports et la durée d’exploitation de la chronique et que les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande sont opposables à la société appelante ;

— que dès lors, le contrat type de production audiovisuelle n’est pas applicable ;

— que le partage de la chronique n’a jamais été autorisé ;

— qu’il y a contrefaçon de l''uvre publicitaire Amélie tv « C »,

— que l’exploitation non autorisée par la société LABORATOIRES INELDEA de la vidéo de la chronique Amélie tv « C» porte atteinte au droit moral de M. et Mme B et constitue une contrefaçon de l''œuvre première préjudiciable à ses auteurs et à la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET, cessionnaire des droits d’exploitation,

— qu’il y a une atteinte aux droits patrimoniaux et aux droits moraux,

— que Mme B en qualité d’artiste interprète du personnage d’AMÉLIE a été victime d’une atteinte à ses droits d’artiste,

— qu’il existe un parasitisme économique puisque la société LABORATOIRES INELDEA s’est attribuée la chronique Amélie tv « C » et l’a diffusée sans autorisation sur son site ainsi que sur un site de partage en ligne.

En conséquence, ils demandent notamment de :

— Condamner les LABORATOIRES INELDEA à communiquer certains documents comptables,

— Condamner les LABORATOIRES INELDEA COMMUNICATION ET TELEVISION à payer à la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET à titre de dommages et intérêts :

· 325000 euros, à parfaire, pour contrefaçon de la chronique Amélie T ;

· 100 000 euros pour l’atteinte à l’intégrité de l''œuvre ;

· 50000 euros pour l’atteinte à ses droits de producteur de vidéogramme ;

· 100 000 euros pour le parasitisme ;

— Condamner les LABORATOIRES INELDEA à verser conjointement aux époux B la somme de 50 000 euros titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de leurs droits d’auteur ;

à Madame Palme B la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte à ses droits d’artiste interprète ;

à Monsieur Thierry B la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon de marques ;

à la société AMELIE GROUPE la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le parasitisme dont elle est victime ;

— Interdire aux LABORATOIRES INELDEA de poursuivre l’exploitation de la chronique Amélie T C sans délai à compter de la signification du jugement à intervenir, et d’en justifier, sous astreinte de 10 000 euros par jour et par infraction constatée ;

— Ordonner, à titre de complément de dommages et intérêts, la condamnation des LABORATOIRES INELDEA à la publication du jugement à intervenir dans trois supports de leur choix, sans que le coût total de ces publications ne puisse excéder 10 000 euros HT ;

— Condamner les LABORATOIRES INELDEA à consigner entre les mains de Monsieur l de l’ordre des avocats de Nice, la somme de 10000 euros HT, augmentée de la TVA au taux en vigueur;

— Condamner la société à verser à la somme de la 10.000 euros en application de l’article 700 du CPC avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Le 20 mars 2013 à 19h 48, la société LABORATOIRES INELDEA a déposé de nouvelles conclusions et M. et Mme B et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET ont aussi conclu le même jour à 17h 42.

La cour renvoie pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les articles 15 et 16 du code de procédure civile obligent le juge à respecter et faire respecter le principe du contradictoire.

La société LABORATOIRES INELDEA a conclu le 12 décembre 2012. M. et Mme B et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET ont conclu le 14 février 2013.

L’appelante a déposé de nouvelles conclusions le 20 janvier 2013 à 19h48 et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET a conclu aussi le même jour à 17h 42 la veille de l’audience fixée à 8 heures le 21 janvier 2013.

Ces nouvelles conclusions développent de nouveaux moyens et Mme B a effectué une demande au titre de son droit à l’image, remplaçant la réclamation formulée au titre de l’atteinte à ses droits d’interprète.

Chacune des parties n’a pu utilement prendre connaissance en temps utile des écritures de l’autre partie.

En conséquence il convient d’écarter des débats les conclusions notifiées le 20 mars 2013.

Sur la contrefaçon

Un bon de commande détaillant très précisément les supports et la durée d’exploitation de la chronique a été adressé par télécopie à la société LABORATOIRES INELDEA et a été signé par un représentant de cette société.

Le recto du bon de commande indique que « la réalisation de ce bon de commande suppose l’acceptation par les deux parties des engagements stipulés au dos de cette page ».

Il précise en outre que le soussigné reconnaît avoir pris connaissance des clauses du présent bon de commande ainsi que des conditions générales au dos et les accepter.

En conséquence, les conditions générales du contrat conclu entre les parties sont opposables à la société LABORATOIRES INELDEA qui ne peut invoquer les dispositions de la loi de 1961 sur les contrats types de production.

Compte tenu des termes extrêmement clairs et précis desdites conditions générales, la société appelante ne justifie aucunement de l’existence de courriels échangés entre les parties l’autorisant à exploiter la vidéo sous des formes non prévues au contrat et au-delà du délai fixé sur le site du laboratoire et sur le site de partage « you tube ».

Selon une télécopie des LABORATOIRES INELDEA il était prévu que la campagne publicitaire débuterait en janvier 2008. Compte tenu du contrat passé entre les parties cette campagne devait durer un mois.

Un constat dressé le 9 juillet 2008 par huissier de justice relève qu’une vidéo similaire à celle réalisée dans le cadre de la campagne publicitaire est visible, d’une part sur le site des LABORATOIRES INELDEA, d’autre part sur le site de partage en ligne « you tube ».

Le 11 mars 2009 ces mêmes faits ont été constatés par un procès-verbal d’huissier.

L''uvre primaire créée par les époux B est une création originale puisqu’ils sont les initiateurs de l’association d’une information sur un produit ou service à un message promotionnel, mise en scène comme un journal télévisé avec des arguments qui sont développés suivant un schéma précis avec une présentation sous forme d’interview par la chroniqueuse d’AMELIE. Il existe donc une recherche artistique novatrice mise en 'œuvre par les époux B qui ont la qualité d’auteurs au sens de l’article L 113-8 du code de la propriété intellectuelle.

En application du contrat passé entre les époux B et la société CET du 1er juin 2007, et du fait que cette société a créé et réalisé une 'œuvre audiovisuelle dérivée de la chronique AMELIE T dont le époux B sont les créateurs, les demandes présentées par la société CET sont recevables sur le fondement de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que la société LABORATOIRES INELDEA s’était livrée à des actes de contrefaçon, cette société ne pouvant se retrancher sur le fait qu’elle a participé à l’aspect technique du film.

Le contrat initialement passé entre les parties prévoyait une large diffusion à un public varié, par la diffusion de messages publicitaires, sur les ondes radiophoniques, dans un magazine, et par l’insertion de bandeaux sur « le web ».

La contrefaçon a consisté en diffusion du flux RSS de la société COMMUNICATION ET TELEVISION sur « you tube » et sur le site de la société LABORATOIRES INELDEA mais avec une qualité moindre que l''uvre originale.

Cette diffusion ne touchait plus un large public ciblé par les médias traditionnels mais principalement, soit des clients potentiels se connectant sur le site de la société et donc intéressés par les produits qu’elle commercialise, soit un public se connectant sur un site de partage pour rechercher diverses informations et voyant défiler de multiples bandeaux publicitaires.

D’ailleurs, dans son constat du 11 mars 2009, l’huissier commis indique que la vidéo du site «you tube » a été vue 2685 fois.

Selon l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte ».

La société LABORATOIRES INELDEA produit aux débats une attestation de son expert-comptable qui indique que le chiffre d’affaires généré par la gamme de produits CELLUSVELT s’est élevé à 51 183 euros en 2006, 26 200 euros en 2007, 18 851 euros en 2008 et 5769 euros en 2009 étant rappelé que la campagne publicitaire a démarré en janvier 2008.

Il convient donc de relever que la contrefaçon par la société LABORATOIRES INELDEA n’a eu qu’un impact limité sur la vente de ses produits.

En conséquence, le préjudice tant moral que patrimonial subi par la société CET COMMUNICATION au titre de la contrefaçon, de l’atteinte à l’intégrité de ses droits de producteurs du vidéogramme est indemnisé par la somme de 80.000 euros.

Le préjudice tant moral que patrimonial subi par M. et Mme B à la suite de la contrefaçon de leur 'uvre primaire AMELIE T a été apprécié à juste titre par le tribunal à la somme de 10 000 euros.

Sur la demande formulée au titre du parasitisme économique par la société AMELIE GROUPE et par la société COMMUNICATION ET TELEVISION

Il convient de relever que la société AMELIE GROUPE n’est pas présente dans le cadre de la procédure d’appel et qu’il ne peut être statué sur sa demande.

Le parasitisme économique peut être défini comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

En l’espèce, la société LABORATOIRES INELDEA s’est appropriée la chronique Amélie tv C et a donc tiré profit du travail d’autrui.

Il est alloué à ce titre à la société COMMUNICATION ET TELEVISION la somme de 10.000 euros.

Sur la demande formée par Mme B pour atteinte à ses droits d’artiste interprète.

Mme B a effectué une interprétation personnelle d’une 'uvre artistique dans sa prestation ce qui permet de la qualifier d’artiste- interprète, peu importe qu’elle soit aussi l’auteur des oeuvres interprétées.

Il résulte de l’article L 212-2 du code de la propriété intellectuelle que « L’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation ».

Le droit imprescriptible reconnu à l’artiste-interprète au respect de son interprétation lui permet de s’opposer à toute reproduction même altérée de celle-ci.

Mme B à la qualité d’artiste interprète du personnage « d’Amélie » et bénéficie donc de la protection prévue à l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle.

L’image de Mme B ayant continué à être publiée par la société LABORATOIRES INELDEA au delà de la période contractuellement prévue, celle-ci subie une atteinte à ses droits d’artiste interprète indemnisée par la somme de 5000 euros.

Sur la demande de M. B au titre de la contrefaçon de marque.

Comme l’a relevé à juste titre le tribunal, M. B titulaire des marques verbales et semi figurative ayant cédé ses droits, les demandes présentées à ce titre sont rejetées.

Sur les mesures accessoires

Il convient de faire interdiction aux LABORATOIRES INELDEA de poursuivre l’exploitation de la chronique Amélie T C dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et ce, sous astreinte de 2000 euros par jour et par infraction constatée.

Il n’y a pas lieu d’autoriser M. et Mme B, la société AMELIE GROUPE et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET à faire publier la présente décision.

La demande présentée par les intimés visant à obtenir la communication de certaines pièces est rejetée compte tenu des éléments produits aux débats.

La société LABORATOIRES INELDEA, dont les demandes sont rejetées, est condamnée à payer à la M. et Mme B et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET une indemnité de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Écarte des débats les conclusions notifiées le 20 mars 2013, Confirme le jugement attaqué en ce qu’il a :

- déclaré recevable l’action des époux B et de la société AMÉLIE · GROUPE,

— dit que le LABORATOIRES INELDEA et la société COMMUNICATION ET TELEVISION sont liés par un contrat intitulé « bon de commande » signé le 27 août 2007 et que le contre-type de production audiovisuelle ne trouve pas à s’appliquer,

— dit que les LABORATOIRES INELDEA ont commis des actes de contrefaçon de l''uvre publicitaire Amélie T, des marques Amélie et Amélie TV et des droits de la S,A,R.L. COMMUNICATION ET TELEVISION,

— dit que les LABORATOIRES INELDEA ont porté atteinte aux droits de producteur de vidéogrammes de la S.A.R.L. COMMUNICATION ET TÉLÉVISION,

— fait interdiction aux LABORATOIRES INELDEA de poursuivre l’exploitation de la chronique Amélie T C dans un délai de 15 jours à

compter de la signification de la présente décision et ce, sous astreinte de 2000 euros par jour et par infraction constatée,

— condamné les LABORATOIRES INELDEA à verser, à titre de dommages et intérêts aux époux B la somme de 10000 euros en réparation du préjudice patrimonial et du préjudice moral au titre de la contrefaçon de l''uvre primaire Amélie T,

— condamné les LABORATOIRES INELDEA à verser à M. et Mme B et à la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET une indemnité de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné cette société aux dépens,

L’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

— Condamne les LABORATOIRES INELDEA à payer :

— à la société CET COMMUNICATION au titre de la contrefaçon, de l’atteinte à l’intégrité la somme de 80.000 euros,

— à la société COMMUNICATION ET TELEVISION au titre du parasitisme économique la somme de 10.000 euros,

— à Mme B pour atteinte à ses droits d’artiste interprète la somme de 5.000 euros,

— Condamne la société LABORATOIRES INELDEA à verser à M. et Mme B et la société COMMUNICATION ET TELEVISION CET une indemnité de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,

— Condamne la société LABORATOIRES INELDEA aux dépens recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

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