Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4 novembre 2014, n° 13/07433

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 4 nov. 2014, n° 13/07433
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/07433
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nice, 21 mars 2013, N° 12/820

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2014

N° 2014/

NT/FP-D

Rôle N° 13/07433

Y Z

C/

SAS RAPIDES DU LITTORAL MONACO

Grosse délivrée

le :

à :

Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

Me Sonia-Maïa GRISLAIN, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE – section CO – en date du 22 Mars 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/820.

APPELANT

Monsieur Y Z

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/005321 du 31/05/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant XXX

comparant en personne, assisté de Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SAS RAPIDES DU LITTORAL MONACO, demeurant XXX

représentée par Me Sonia-Maïa GRISLAIN, avocat au barreau de PARIS

XXX

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2014.

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. Y Z a été engagé par la société Broch autocars le 16/7/2004 en qualité de conducteur-receveur. Le 1/1/2009, à l’occasion d’une fusion-absorption, son contrat de travail a été transféré à la société Rapides Côte d’Azur.

Le 25/11/2009, M. Y Z a été muté auprès de la société Rapides du littoral Monaco dans le cadre d’un accord tripartite, ayant donné lieu à la signature d’un nouveau contrat de travail, avec reprise d’ancienneté et mentionnant comme convention collective applicable celle « des transports routiers et activités auxiliaires de transports ».

M. Y Z a fait l’objet de 2 mises à pied disciplinaires en février et mars 2012 et a été licencié pour faute grave par lettre du 17/4/2012, au motif que le 6/4/2012, lors d’un contrôle sur la ligne 100 dont il assurait le service, il a été constaté que 2 clientes, ayant payé leur voyage, ne s’étaient pas vu remettre un titre de transport.

Contestant le bien fondé de son licenciement ainsi que l’application de la convention collective « des transports routiers et activités auxiliaires de transports », M. Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de Nice afin que la rupture de son contrat de travail soit déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse, que les mises à pied dont il a fait l’objet soient annulées, qu’il soit dit et jugé que la convention collective applicable à la relation de travail est celle « des réseaux de transports publics urbains de voyageurs » et qu’il lui soit alloué diverses indemnités en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 22 mars 2013, notifié le 27 mars 20l3, le conseil de prud’hommes de Nice a débouté le salarié de toutes ses demandes.

Par lettre dont le cachet postal est daté du 8 avril 2013, M. Y Z a relevé appel de cette décision dont il sollicite la réformation. Il demande à la cour :

— de dire et juger que la convention collective applicable est celle« des réseaux de transports publics urbains de voyageurs »,

— d’annuler les 2 mises à pied disciplinaires du 9 février et du 29 mars 2012,

— de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société Rapides du Littoral Monaco à lui payer les sommes suivantes :

*rappel de salaire (mises à pied disciplinaires) 327, 75 €,

*congés payés afférents 32, 77 €,

*dommages et intérêts pour préjudice subi 3 000 €,

*indemnité compensatrice de préavis 5 165 € 42,

*congés payés sur préavis 516, 54 €,

*indemnité de licenciement 4 132, 32 €,

*dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 61 985 €.

Il fait valoir à l’appui de ses demandes que l’activité principale de la société Rapides du Littoral Monaco, exerçant une mission de service public, n’étant pas le transport routier mais le transport urbain et public de voyageurs, la convention collective la plus adaptée que l’employeur aurait dû appliquer, est celle « des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ».

Il soutient que les deux mises à pied qui lui ont été infligées en février et mars 2012 sont irrégulières en la forme, car ne respectant pas la procédure disciplinaire prévue par la convention collective « des réseaux de transports publics urbains de voyageurs » et disproportionnées par rapport aux fautes reprochées, à savoir le non encaissement d’un ticket et la non desserte d’un arrêt.

Il conclut enfin à l’irrégularité de son licenciement du fait que l’avis du conseil de discipline, exigé par l’article 49 de la convention collective « des réseaux de transports publics urbains de voyageurs », n’a pas été sollicité et que sur le fond, la non délivrance de tickets à 2 voyageuses qui l’accusent à tort, n’est pas établie.

La société Rapides du Littoral Monaco sollicite la confirmation de la décision des premiers juges et demande le rejet de toutes les prétentions de M. Y Z ainsi que sa condamnation au paiement de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle objecte à l’argumentation du salarié, qu’étant une société de droit monégasque, elle n’est pas soumise à l’obligation d’appliquer une convention collective française et que c’est à titre volontaire qu’elle applique, néanmoins, la convention collective « des transports routiers et activités auxiliaires de transports », qui correspond à son activité principale de transport interurbain de voyageurs entre Menton et Nice.

L’employeur soutient d’autre part que les fautes reprochées à M. Y Z, qui ont donné lieu à ses mises à pied et à son licenciement, sont établies par les pièces versées aux débats et justifiaient, compte tenu de leur gravité, les sanctions prises à l’égard du salarié.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l’audience d’appel tenue le 10 septembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la convention collective

Attendu que s’il n’est pas contesté que la société Rapides du littoral Monaco, dont le siège social se trouve à Monaco, relève du droit monégasque, il doit être observé qu’elle a accepté d’appliquer une convention collective française, mentionnée dans le contrat de travail, ce qui autorise à considérer qu’elle a bien reconnu et accepté la primauté de la législation française dans le cadre de sa relation contractuelle avec M. Y Z, d’autant plus que la prestation de travail se déroulait, en grande partie, sur le territoire français s’agissant d’une activité de transport à partir de Nice ; que le principe d’application de la convention collective la plus conforme à l’activité principale de l’employeur, prévu par l’article L 2261-2 du code du travail, doit en l’espèce être retenu ;

Attendu que la convention collective « des transports routiers et activités auxiliaires de transports » figurant dans le contrat de travail, précise qu’elle est applicable au transport routier régulier de voyageurs, classe comprenant le transport interurbain de voyageurs par autocars, sur des lignes et selon des horaires déterminés (article 1 – 60 2 B) ; qu’il n’est pas discuté que M. Y Z, était en charge de lignes de bus au départ de l’aéroport de Nice et à destination de Monaco ou de Menton, que son certificat de travail et ses bulletins de salaire mentionnent que son emploi était celui de conducteur-receveur interurbain ; qu’aucune pièce n’établit qu’il effectuait pour le compte de la société Rapides du littoral Monaco, du transport urbain de voyageurs, critère d’application de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (section 1 Champ d’application ' article 1) ; que M. Y Z n’apparaît pas, en l’état de ces constatations, fondé à revendiquer l’application de cette convention collective ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que seule la convention collective « des transports routiers et activités auxiliaires de transports », mentionnée dans le contrat de travail, s’imposait aux parties ;

Sur les mises à pied disciplinaires

Attendu que la convention collective applicable aux parties étant celle « des transports routiers et activités auxiliaires de transports », l’argumentation du salarié selon laquelle la société Rapides du littoral Monaco n’aurait pas, à tort, respecté la procédure disciplinaire prévue par la convention collective « des réseaux de transports publics urbains de voyageurs » doit être écartée ;

a) la mise à pied du 9 février 2012

Attendu que M. Y Z a fait l’objet d’une mise à pied de 2 jours, notifiée par lettre du 9/2/2012, à la suite d’un entretien préalable qui s’est tenu le 25 janvier 2012, pour ne pas avoir fait payer un client qui voyageait sur la ligne 110 le 10 janvier 2012 ; que la réalité de cette faute professionnelle est établie par le rapport précis et convaincant d’un contrôleur, M. X ; que la sanction infligée par l’employeur n’apparaît pas disproportionnée à la gravité de la faute commise, mettant en cause la confiance de l’employeur en son salarié dans l’exercice de ses fonctions de receveur ;

b) la mise à pied du 29/3/2010

Attendu qu’il a été notifié par lettre du 29 mars 2010 à M. Y Z, après un entretien préalable qui s’est déroulé le 19 mars 2010, une mise à pied de 3 jours, en raison de la non desserte de l’arrêt « Hôtel Mariott » se trouvant sur la ligne 110 (aéroport de Nice-Monaco) dont il assurait le service le 6 mars 2012 ; que la réalité de cette faute est établie par la réclamation précise et crédible d’une cliente habituelle, Mme C D, n’ayant pu obtenir du chauffeur qu’il s’arrête à cet arrêt ; que la sanction infligée par l’employeur n’apparaît pas, non plus, disproportionnée à la nature de la faute, constitutive d’un manquement avéré du salarié à ses obligations professionnelles, portant atteinte, aux yeux de la clientèle, à la fiabilité et à la qualité du service, et compte tenu, d’autre part, de la sanction prononcée le mois précédent ;

Attendu qu’en l’état de l’ensemble de ces constatations, la cour rejettera les demandes d’annulation des mises à pied disciplinaires et de paiement des rappels de salaire correspondant à ces périodes ;

Sur le licenciement pour faute grave

Attendu que la lettre de licenciement du 14/5/2012, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié les faits suivants ainsi décrits :

« Le 6 avril 2012, alors que vous effectuiez le service NMGJ sur la ligne 100 dans le sens Menton – Nice, votre bus a fait l’objet d’ un contrôle des passagers par un contrôleur de notre société, à 10 H 20 à l’arrêt « LES CARABINIERS ».

Lors de sa montée dans le bus, le contrôleur a constaté que deux clientes italiennes ne possédaient pas de titres de transport.

Elles lui ont alors indiqué, que lors de leur prise en charge à l’arrêt « Place d’Armes », elles vous avaient donné 5 € pour payer leurs titres de transport. Vous leur avez rendu 3 €, mais contre toute attente ne leur avez pas remis les tickets. Lorsqu’elIes vous les ont demandés, vous leur avez répondu «Allez-y, c’est bon, vous pouvez y aller » comme en atteste le courrier qu’elles nous ont adressé. Peu habituées, elles n’ont pas insisté et se sont avancées dans le bus.

Lorsque le contrôleur a constaté que les clientes n’avaient pas de tickets, et après avoir entendu les explications données par celles-ci, il vous a demandé de leur remettre les tickets. Vous vous êtes alors exécuté sans aucune contestation et sans donner de précision pouvant justifier la non remise des titres du transport au moment du paiement… »

Attendu que la non délivrance des tickets, reprochée au salarié, est évoquée dans une lettre explicative de l’une des clientes, Mme E F, qui corrobore le rapport du 6/4/2012 de M. A B, le contrôleur, qui précise, comme Mme E F, que M. Y Z n’a jamais discuté, sur place, la non délivrance des tickets aux voyageuses comme le règlement par ces dernières du prix du voyage ; que l’argumentation du salarié, dans ses conclusions d’appel, selon laquelle les voyageuses, profitant de l’affluence des passagers en raison du tournoi de tennis de Monte-Carlo, seraient montées dans le bus sans payer, n’est accrédité par aucun élément tangible autorisant à mettre en doute leur bonne foi ; que la faute reprochée à M. Y Z devant ainsi être tenue pour démontrée et celle-ci, ayant eu comme conséquence de rompre la confiance de l’employeur dans la capacité du salarié à remplir correctement ses fonctions de receveur, caractérise, eu égard aux mises à pied disciplinaires antérieures, un motif réel et sérieux de rupture du contrat de travail , que cependant la cour ne trouve pas suffisamment la preuve, en raison notamment de la modicité des sommes en jeu, que la rupture immédiate du contrat de travail s’imposait à la société Rapides du littoral Monaco ; que la décision des premiers juges ayant retenu la faute grave sera, sur ce point, réformée ; qu’il sera alloué, en conséquence, à M. Y Z, compte tenu de son ancienneté (7ans et 10 mois) dans une entreprise employant plus de 11 salariés et de la moyenne de ses 3 derniers mois de salaire brut s’élevant selon les bulletins de salaire à 2203 € 85 :

— une indemnité de préavis d’un montant de 4407,71 €, outre les congés payés afférents soit 440,77€ en application de l’article L 1234-1 du code du travail,

— une indemnité de licenciement d’un montant de 3 452,69 € (1/5 de mois de salaire x 7 ans et 10 mois) en application des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail ;

Attendu que l’équité ne justifie pas qu’il soit accordé à M. Y Z, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Attendu qu’il conviendra d’ordonner à la société Rapides du littoral Monaco de remettre à M. Y Z un bulletin de salaire rectifié et les documents sociaux de fin de contrat, sans qu’il y ait lieu, cependant, de fixer une astreinte ;

Attendu que la société Rapides du littoral Monaco sera condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile :

— Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 22/3/2013 sauf en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre des mises à pied disciplinaires, des rappels de salaires et des dommages et intérêts y afférents et statuant à nouveau :

— Déclare le licenciement de M. Y Z fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

— Rejette la demande d’indemnité pour licenciement abusif ;

— Condamne la société Rapides du littoral Monaco à payer à M. Y Z :

4 407, 71 €au titre de l’indemnité de préavis

440,77 € au titre de l’indemnité de congé payés sur préavis

3 452 € 69 à titre d’indemnité de licenciement.

— Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la réception de la demande en Justice par l’employeur soit le 5/7/2012 ;

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonne à la société Rapides du littoral Monaco de remettre à M. Y Z un bulletin de salaire rectifié et les documents sociaux de fin de contrat de travail ;

— Condamne la société Rapides du littoral Monaco aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION

DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS

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