Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre c, 20 septembre 2018, n° 17/13248

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 1re ch. c, 20 sept. 2018, n° 17/13248
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/13248
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 22 juin 2017, N° 17/00712
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

1re chambre C

ARRÊT

DU 20 SEPTEMBRE 2018

N° 2018/572

N° RG 17/13248

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4AD

F X

G H épouse X

C/

S R O

T-U D

A Y

I J épouse Y

B Z

K L épouse Z

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Q

Me C

Décision déférée à la cour :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 23 juin 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00712.

APPELANTS

Monsieur F X

né le […] à […]

[…]

Madame G H épouse X

née le […] à Marseille

[…]

représentés et assistés par Me P Q, plaidant,

avocate au barreau de Marseille

INTIMÉS

Monsieur S R O

né le […] à Marseille,

[…]

Madame T-U D

née le […] à PARIS,

[…]

Monsieur A Y

né le […],

[…]

Madame I J épouse Y

née le […] à […]

[…]

Monsieur B Z

né le […] à […]

[…]

Madame K L épouse Z

née le […] à […]

[…]

représentés et assistés par Me Françoise C,

avocate au barreau d’Aix-en-Provence,

substituée par Me Jean-Daniel BRUSCHI, plaidant,

avocat au barreau de Marseille

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 19 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, madame Annie RENOU, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Madame Geneviève TOUVIER, présidente

Madame Lise LEROY-GISSINGER, conseillère

Madame Annie RENOU, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame M N.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2018,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame M N, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur S R O et madame T-U D sont propriétaires dans une petite copropriété horizontale composée de […], […]

Les autres copropriétaires sont monsieur X F et madame G X.

Les époux A et I Y et B et K Z, propriétaires voisins, ont un droit de passage sur la copropriété.

Se plaignant de ce que les époux X ont fait installer 6 caméras, 5 fixes et une sphérique balayant le passage, les consorts O D, les époux Y et les époux Z ont fait assigner en référé les époux X pour les voir condamner à les retirer.

Par ordonnance contradictoire en date du 23 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille :

— a condamné in solidum F et G X à enlever les 6 caméras installées par leurs soins

dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance puis sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

— s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;

— a condamné in solidum les époux X à payer le coût du constat d’huissier dressé le 8 septembre 2016 ;

— a condamné les mêmes in solidum au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le juge a estimé que les caméras balayaient le passage et qu’elles étaient donc constitutives d’un trouble manifestement illicite.

Les époux X ont relevé appel le 11 juillet 2017.

Dans leurs dernières conclusions du 15 février 2018, ils demandent à la cour :

— de réformer l’ordonnance ;

— de dire qu’ils pourront réinstaller les caméras ;

— de condamner les intimés au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens distraits au profit de maître P Q sur son affirmation de droit.

Ils exposent en substance que les caméras sont sur des parties privatives et qu’elles ne visionnent que des parties privatives, le chemin d’accès n’étant pas commun (parcelle 115); qu’aucune autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires n’était donc nécessaire pour leur installation ; qu’elles n’ont été installées que dans un souci de dissuasion contre le vol et le vandalisme et qu’il n’y a aucune atteinte à la vie privée des copropriétaires et des voisins.

Dans leurs dernières conclusions du 31 mai 2018, les consorts O D, Y et Z demandent à la cour :

— de confirmer l’ordonnance ;

— de condamner les époux X au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens distraits au profit de maître C.

La cour se rapporte aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et de leurs moyens .

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que monsieur R O et madame D sont propriétaires d’une parcelle cadastrée […] à Marseille ;

Qu’il s’agit d’un bien dépendant d’une petite copropriété horizontale, les propriétaires de l’autre lot étant les époux X ;

Attendu par ailleurs que la parcelle E 115 composée d’un hangar et d’un terrain appartient aussi aux époux X, indépendamment de la copropriété, et qu’elle est grevée d’une servitude de passage

au profit du bien des époux Y d’une part et des époux Z d’autre part ;

Attendu que, concernant la copropriété, les consorts X reconnaissent que le sol est partie commune ;

Attendu qu’il ressort du constat établi par maître E en date du 8 septembre 2016, que les époux X ont fait installer 6 caméras :

— la première sous le porche du leur domicile ;

— la seconde, sphérique, placée à l’angle de l’auvent de l’entrée des époux X ;

— deux autres caméras aux angles d’une construction située, selon l’huissier, sur les parties communes de la copropriété ;

— deux autres situées sur la parcelle n° 115 et orientées vers la servitude de passage ;

Attendu que, pour s’opposer à la demande d’enlèvement des caméras, les époux X font valoir que toutes les caméras ont été installées sur des parties privatives, de sorte qu’aucune autorisation de l’assemblée générale n’est requise pour leur installation ;

Qu’ils ajoutent que la caméra n° 1 a pour fonction de lire et d’enregistrer les portes-fenêtres de leur terrasse et leur porte secondaire, qui, contrairement à ce que soutiennent les intimés, sont, selon eux, une partie privative ;

Que la caméra n° 2 a pour fonction de lire et d’enregistrer la porte principale ;

Que la caméra n° 3 lit le premier garage et la caméra n° 4 le second garage ;

Que la caméra n° 5 lit le portail principal et la caméra n° 6 le portail secondaire ;

Que quatre des six caméras n’enregistrent pas ; que dès lors, il n’y a aucune fixation de l’image de sorte qu’il n’existe aucune atteinte à la vie privée, selon les appelants ;

Qu’enfin l’objectif est d’assurer la sécurité de l’immeuble, non d’épier les voisins ;

Attendu que l’article 9 du code civil dispose que 'chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé’ ;

Attendu que les intimés fondent leur demande sur le trouble manifestement illicite de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile ;

Attendu que, concernant les copropriétaires, il est constant que les consorts R O D ont un intérêt personnel à voir respecter leur vie privée ;

Attendu que la cour de cassation, dans un arrêt de la troisième chambre civile en date du 11 mai 2011, a rejeté le pourvoi de plaideurs qui avaient installé des caméras de vidéo-surveillance sur des parties privatives en direction des parties communes de l’immeuble, au motif que les caméras avaient été installées sans le consentement des copropriétaires et qu’elles compromettaient de manière intolérable les droits détenus par chacun d’eux dans le libre exercice de leur droit sur les parties communes de sorte que la cour d’appel avait pu en déduire, sans violer l’article 9 du code civil ni les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que

cette installation constituait un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée sa dépose ;

Attendu qu’en l’espèce, les caméras ont été installées sur les parties privatives, à l’exclusion des deux situées sur la terrasse dont la destruction avait été ordonnée par un jugement définitif du 14 avril 2015, rendu par le tribunal de grande instance de Marseille ayant jugé que cette terrasse se trouvait sur les parties communes, de sorte qu’il est possible de penser que cette terrasse ne peut être qualifiée de privative ;

Qu’il est constant que le consentement des copropriétaires n’a pas été sollicité ; que surtout, ce qui est stigmatisé, ça n’est pas le lieu d’installation des caméras, mais les endroits qu’elles filment, qui sont soit communs soit privés mais utilisés par les copropriétaires pour gagner leur domicile

Attendu que, s’agissant des époux Y et Z titulaires d’une servitude de passage, que, dans un arrêt de la première chambre civile du 1° juillet 2010, la cour de cassation a rejeté un pourvoi de plaideurs qui avaient installé une caméra de vidéo surveillance filmant et enregistrant l’image de personnes empruntant le passage qui leur était réservé ;

Attendu qu’il ressort des photographies jointes au dossier que les caméras, installées en hauteur, ne se contentent pas de filmer les parties privatives des appelants, à savoir les portes, garages, auvent et entrée stricto sensu ; que cela ressort des descriptions fournies par l’huissier ;

Attendu que les appelants invoquent le fait que, sur six caméras, deux seulement enregistrent, les quatre autres ne faisant que lire donc visualiser les passages ;

Qu’à supposer que tel soit le cas, cet élément ne ressortant que de l’écrit de l’installateur qui est lié aux appelants et qui ne produit pas une attestation régulière en la forme, il n’en demeure pas moins que, pour les deux caméras qui enregistrent, l’atteinte à la vie privée est caractérisée ; que la cour considère qu’il en va de même pour les quatre caméras qui ne feraient que lire, puisque chacun est en droit de pouvoir emprunter un passage lui permettant de rentrer chez lui sans être systématiquement filmé ; qu’il ne faut pas confondre droit au respect de la vie privée et droit à l’image du 2° de l’article 226-1 du code pénal qui, lui, exige expressément l’enregistrement ou la fixation de l’image pour que la culpabilité soit établie sur le terrain du défaut de respect de la vie privée ; que tel n’est pas le cas de l’article 9 du code civil ;

Attendu que la volonté sécuritaire des époux X est sans proportion avec le respect de la vie privée de leurs voisins ;

Attendu par suite qu’il y a lieu de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a jugé que la pose des six caméras de vidéo-surveillance étaient constitutive d’un trouble manifestement illicite et en a ordonné le retrait sous astreinte, ce qui implique le débouté de la demande des appelants tendant à être autorisés à réinstaller le dispositif qu’ils ont retiré dans le respect de ladite ordonnance ;

Attendu qu’il ne paraît pas inéquitable de condamner in solidum les époux X à payer aux intimés la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de laisser à leur charge leurs propres frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME l’ordonnance déférée ;

CONDAMNE monsieur F X et madame G X in solidum à payer à monsieur R O S, madame D T-U, monsieur A Y et madame

I Y, monsieur B Z et madame K Z la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DEBOUTE monsieur et madame X de leur demande en remboursement de frais irrépétibles ;

CONDAMNE monsieur et madame X in solidum aux entiers dépens de l’instance d’appel dont distraction au profit de maître C.

Le greffier, La présidente,

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  2. Code pénal
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