Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 mars 2019, n° 18/09696

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 22 mars 2019, n° 18/09696
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/09696
Sur renvoi de : Cour de cassation, 13 mars 2018, N° 376F@-@D.
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2019

N°2019/

92

RG 18/09696

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCSUM

F Y

C/

C A

D B épouse X

E Z

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

-Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS – section – en date du 14 Mars 2018, enregistré au répertoire général sous le n° 376 F-D.

APPELANTE

Madame F Y

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/8700 du 30/08/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant […]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Béatrice GAGNE, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame D B épouse X, demeurant […]

représentée par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Béatrice GAGNE, avocat au barreau de NICE

Maître E Z, Administrateur judiciaire de Mme D X, demeurant […]

représenté par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Béatrice GAGNE, avocat au barreau de NICE

Maître C A, Mandataire judiciaire de Mme D X, demeurant […]

représenté par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Béatrice GAGNE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Hélène FILLIOL, Conseiller, chargées d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame K L-M.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2019.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2019

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame K L-M, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

F Y a été engagée par N-O P exploitant en nom propre une officine de I, suivant contrat d’apprentissage du 1er novembre 1991 puis en contrat à durée indéterminée en qualité de vendeuse ;

En 2006, D B-X a acquis le fonds de commerce ;

F Y a été licenciée pour motif économique le 20 août 2010 ;

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes le 31 octobre 2011 aux fins d’obtenir les indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de prime d’ancienneté;

Par décision du 13 mars 2014, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de ses demandes sauf en ce qui concerne le rappel d’un solde d’indemnité de licenciement ;

Saisie par F Y, la cour d’appel d’Aix en Provence par arrêt du 1er septembre 2015 a :

— infirmé le jugement sauf en ce qu’il a alloué la somme de 1772,23 €

statuant à nouveau,

— condamné D B-X à verser à F Y :

* 5316,76 € ainsi que 531,67 € au titre des congés payés afférents pour préavis avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2011 et le bénéfice de l’anatocisme à compter du 5 décembre 2012

* 1772, 23 € en complément de l’indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2011 et le bénéfice de l’anatocisme à compter du 5 décembre 2012

* 50.000 € en réparation de son licenciement illégitime

— condamné D B-X à délivrer un certificat de travail mentionnant les périodes d’apprentissage du 23 octobre 1991 au 30 juin 1994 et l’H entre le 1er août 1994 et le 20 août 2010 ainsi qu’un bulletin de salaire et une attestation destinée à G-H mentionnant le paiement des préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement

— rejeté les demandes plus amples ou contraires

— condamné D B-X à verser 2000 € à F Y sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 8 septembre 2015, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de D B-X, Me Z étant désignée en qualité d’administrateur judiciaire et Me A en qualité de mandataire judiciaire ;

Sur pourvoi de D B-X et des organes de la procédure collective, par arrêt du 14 mars 2018, la Cour de cassation a :

cassé et annulé mais seulement en ce qu’il condamne D B-X à payer à F Y les sommes de 5316,76 € ainsi que de 531,67 € au titre des congés payés afférents, de 1772,23 € en complément de l’indemnité de licenciement, et de 50.000 € en réparation du licenciement illégitime, l’arrêt rendu le 1er septembre 2015 et remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix en Provence, autrement composée, au motif qu’il devait être recherché si la transformation d’H était justifiée par l’existence de difficultés économiques ;

A l’audience collégiale du 5 février 2019, tenue en double rapporteur sans opposition des parties,

et suivant ses conclusions récapitulatives, signifiées le 16 janvier 2019, F Y demande à la cour de :

— débouter Madame D B épouse X exploitant la I J de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Cannes en date du 13 mars 2014, à l’exception de celles ayant débouté Madame B épouse X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et l’ayant condamnée à verser à Madame Y les sommes de 1 772,23 € au titre du complément d’indemnité de licenciement et 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

En conséquence et statuant à nouveau et y ajoutant :

Vu les dispositions des articles L 1233-3 et suivants du Code du Travail dans leur version applicable à date du licenciement de Madame Y,

Vu les dispositions des articles L 1224-1 et suivants du code du travail,

Vu la convention collective applicable en l’espèce,

Vu les jurisprudences susvisées,

A titre principal

— dire et juger que le licenciement de Madame F Y par Madame D B épouse X exploitant en nom propre la I J est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

— condamner Madame D B épouse X exploitant la I J d’avoir à verser à Madame F Y les sommes suivantes :

—  5 316,76 euros au titre de l’indemnité de préavis,

—  531,67 euros au titre de l’indemnité de congés payés,

—  79 751,40 € euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5000 euros à titre de dommage et intérêts pour le préjudice moral,

— dire et juger que le montant des condamnations mises à la charge de Madame D B épouse X exploitant la I J seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction de première instance.

— ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil.

— condamner Madame D B épouse X exploitant la I J d’avoir à délivrer à Madame F Y son certificat de travail, son attestation G H, ainsi que ses bulletins de salaires rectifiés pour la période du 1er juin 2006 au 1er août 2010 sous astreinte de 50 euros par jour de retard sous un délai de 15 jours après le prononcé de la décision à intervenir.

A titre subsidiaire et pour le cas ou par extraordinaire, la juridiction de céans ne devait pas dire et juger que le licenciement de Madame F Y par Madame D B épouse X exploitant en nom propre la I J est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— dire et juger que Madame Madame D B épouse X exploitant en nom propre la I J n’a pas respecté l’ordre des licenciements.

En conséquence,

— condamner Madame D B épouse X exploitant la I J à verser à Madame F Y la somme de 84 751,40 € euros en réparation de l’entier préjudice par elle subi.

En tout état de cause,

— débouter Madame D B épouse X exploitant la I J de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

— condamner Madame D B épouse X exploitant la I J d’avoir à verser Madame F Y une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi que les entiers dépens.

Selon ses conclusions signifiées le 17 octobre 2018, D B-X, Me Z et Me A, ès qualités sollicitent de la cour qu’elle :

— dise et juge que le licenciement pour motif économique de Madame Y repose sur une cause réelle et sérieuse

— déboute Madame F Y de l’intégralité de ses demandes, droits, fins et prétentions

— condamne Madame F Y au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du C.P.C. et aux entiers dépens.

MOTIFS

Attendu que D B-X sollicite la mise hors de cause de Me Z et A, au motif que par décision du 27 septembre 2016, un plan de sauvegarde a été arrêté à son bénéfice ; qu’elle n’invoque aucun fondement juridique ; que la lecture de la décision révèle qu’il a été mis fin aux fonctions de Me Z en tant qu’administrateur et que Me A a été nommé commissaire à l’exécution du plan ; qu’il y a lieu de mettre hors de cause Me Z .

A/ sur le licenciement

Attendu que F Y a été licenciée le 20 août 2010 dans les termes suivants :

Nous vous informons par la présente de notre décision de procéder à votre licenciement économique pour les motifs suivants.

Comme vous le savez, notre entreprise se retrouve dans une situation financière extrêmement délicate.

En effet, l’absence de progression de notre chiffre d’affaires ainsi que la diminution depuis plusieurs années de la marge brute dégagée par notre activité nous conduisent à un résultat fiscal qui ne nous permet plus de faire face à l’ensemble de nos charges.

Sur l’exercice 2008, nous subissions une baisse de chiffre d’affaires de – 3,96 %, avec une évolution de marge brute qui passait de 29.50% à 28.40%.

Notre résultat annuel s’élevait ainsi à 98 787 €, alors que les échéances annuelles du crédit contracté pour l’acquisition de la I P s’élevaient sur la même année à 117 230 €.

Nous étions donc à la fin de l’année 2008 déjà en grandes difficultés.

Or, la situation sur 2009 ne s’est pas améliorée et s’est même encore dégradée.

Le chiffre d’affaires n’a pas progressé de façon significative (hausse dérisoire de 2.22%) tandis que la marge brute a encore été réduite à 26.63%.

Le résultat annuel au 31 décembre 2009 s’est donc élevé à 100 451 €, ce qui nous met face à de grandes difficultés de trésorerie compte tenu de l’emprunt que nous devons rembourser chaque mois et dont les mensualités sur l’exercice 2009 représentent un montant total de 120 495 €.

Plusieurs mesures ont pourtant été mises en place pour dégager un maximum de trésorerie.

Vous le savez certainement, à titre personnel, je n’ai procédé depuis le début de mon exercice en mai 2006, dans l’intérêt de l’entreprise, à aucun prélèvement financier concernant l’exercice de mes fonction.

Mais aujourd’hui, malgré tout mes efforts, cette situation économique gravement compromise perdure et je ne peux plus faire face à l’ensemble des charges liées à l’exploitation de la I.

Par ailleurs, vous savez que notre profession est de plus en plus réglementée.

Désormais, le code de la santé publique rappelle que seuls les préparateurs en I sont autorisés à seconder le titulaire de l’officine et les pharmaciens qui l’assistent dans la préparation et la délivrance au public des médicaments.

Or, bien que nous vous ayons à plusieurs reprises proposé de passer le diplôme de préparateur en I, vous n’avez jamais souhaité obtenir cette qualification.

De fait, en qualité de vendeuse non préparatrice, vous ne pouvez pas délivrer seule les médicaments aux clients, ce qui oblige, à chacune des opérations que vous effectuez au comptoir vente, un autre salarié de l’officine – dûment habilité à délivrer les médicaments – à abandonner ses propres fonctions professionnelles pour venir contrôler ce que vous faites.

La vente de médicaments constituant l’essentiel de notre activité (plus de 90%), il en résulte une réelle désorganisation au sein de l’officine puisque finalement les clients ne sont pas servis de façon rapide et efficace.

Or, ces qualités sont fondamentales dans l’exercice de notre métier.

Cette situation, les difficultés économiques que nous rencontrons et la législation extrêmement stricte applicable à notre profession, nous conduisent dès lors aujourd’hui à envisager la transformation du poste de vendeuse que vous occupez en un poste de préparateur(trice) diplômé(e).

De fait, chaque salarié pourra s’occuper seul et rapidement des clients, sans devoir superviser et vérifier ce que fait la vendeuse non qualifiée lors de la délivrance des médicaments.

Il résultera de ce nouveau fonctionnement de notre officine une meilleure efficacité ainsi qu’une plus grande productivité de chacun, ce qui devrait nous permettre d’améliorer notre dynamique et donc à terme notre situation économique.

Dans la mesure où vous n’avez pas le diplôme nécessaire pour occuper rapidement ce poste, nous ne pouvons vous proposer d’occuper ces fonctions résultant de la transformation de votre H.

Toutefois, nous avons préalablement recherché des solutions de reclassement qui permettraient d’éviter votre licenciement.

Par courrier remis en main propre contre décharge du mardi 6 juillet 2010, nous vous avons informée de la proposition suivante que nous avons réitérée lors de l’entretien préalable précité du jeudi 29 juillet 2010 :

- H d’employée en I – rayonniste, statut employée, 3e échelon, coefficient 150, à temps partiel

- Durée de travail : 17,5 heures par semaine

- Horaires de travail : du lundi au vendredi, de 8h30 à 10h et de 14h à 16h

- Salaire mensuel brut de base 679,58 €

- Vos fonctions seront exercées au sein de notre I sise 173 avenue de Grasse à Cannes et sans que cette liste ne soit limitative, vous serez en charge des attributions suivantes :

- réapprovisionner en marchandises les rayons,

- en surveiller le stock

- les distribuer au service des ventes, chargé de la réception des marchandises et de la vérification des identités et des quantités à partir des bordereaux de livraison ou des factures.

En sus, vous pourrez à titre ponctuel, effectuer la vente au public des marchandises et produits dont la vente n’est pas réservée aux pharmaciens, pharmaciens assistants et préparateurs.

Toutefois, vous n’avez pas accepté cette offre de reclassement. Aucune autre solution n’a pu être trouvée et votre reclassement s’est donc avéré impossible.

C’est pourquoi, compte tenu des difficultés économiques irrémédiables que rencontre notre entreprise, nous avons été contraints de mettre en oeuvre à votre égard la présente procédure de licenciement pour motif économique, votre poste d’employée de I – vendeuse étant définitivement supprimé pour être transformé en un poste de préparateur(trice) diplômé(e) que vous ne pouvez pas occupez dans la mesure où vous ne disposez pas des diplômes correspondant à cette qualification.

Cette procédure de licenciement pour motif économique, compte tenu de votre acceptation dans le délai de réflexion de 21 jours de la convention de reclassement personnalisée qui vous a été remise lors de l’entretien préalable du jeudi 29 juillet 2010, aboutit aujourd’hui à une rupture d’un commun accord de votre contrat de travail à l’expiration du délai de réflexion pour l’acceptation de cette convention de reclassement personnalisée, venant à échéance le jeudi 19 août 2010…"

Attendu qu’au visa de l’article L 1233-3 dans sa rédaction applicable, F Y fait valoir :

— qu’elle a été licenciée car elle n’était pas titulaire du diplôme de préparatrice en I

— qu’il y a lieu de souligner que même un préparateur en I ne peut pas délivrer seul les médicaments aux clients et n’est donc pas autonome

— que quand bien même, elle aurait été titulaire du diplôme, elle aurait dû être contrôlée par un pharmacien comme l’exige l’ancien article L 584 du ode de la santé publique, en vigueur depuis 1977

— que son licenciement dû au fait qu’elle ne disposait pas du diplôme doit être considéré comme reposant sur un motif inhérent à sa personne et qu’il ne peut donc avoir été prononcé pour motif économique ce qui rend la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse

— que l’employeur qui avait l’obligation d’adapter sa salariée à une nouvelle technique ou à un nouveau poste de travail se devait de lui dispenser une formation complémentaire et en lui laissant le temps nécessaire d’adaptation

— que le manquement de l’employeur à cet égard prive son licenciement d’une cause réelle et sérieuse

— qu’en l’état de la proposition de reclassement, correspondant au maintien du poste avec une réduction d’horaires, il y a lieu de constater que les difficultés économiques invoquées n’avaient pas pour conséquence la suppression ou la transformation de l’H ce qui rend également le licenciement sans cause réelle et sérieuse

— que par ailleurs les éléments versés au débat par l’employeur pour caractériser les difficultés économiques ne sont pas probants : qu’en effet en 2010, tant le chiffre d’affaires que la marge brute avaient augmenté par rapport à 2009 ainsi que la trésorerie (+ 45000 € ), avec la mise en oeuvre d’investissements, une augmentation des capitaux propres, de la vente de marchandises et de services

— que les attestations de l’expert-comptable face à ce constat ne peuvent être retenues

— que l’employeur ne peut prendre prétexte des charges de l’emprunt qu’elle a contracté pour l’acquisition du fonds de commerce en 2006 pour justifier le licenciement de la salariée dont elle connaissait parfaitement à cette date le coût salarial

— qu’il ne saurait être retenu l’argumentation de l’employeur en lien avec le partenariat avec un EHPAD, aucune référence n’y étant faite dans le courrier de licenciement et c d’autant plus que la convention signée avec l’établissement prévoit comme référent une personne disposant du diplôme de docteur en I placée sous l’autorité du pharmacien titulaire

— qu’enfin la procédure de sauvegarde sollicitée par l’employeur n’a été ouverte qu’en 2015 après l’arrêt de la cour d’appel du 1er septembre 2015 le condamnant à paiement ;

Attendu que les intimés relèvent pour leur part :

— que D-B-X ne saurait être accusée de légèreté blâmable au moment de la souscription de l’emprunt pour l’acquisition de la I en raison de toutes les études projectives qui ont été réalisées

— qu’ils justifient d’articles de journaux faisant état d’une situation économique dégradée pour les pharmacies à partir de 2006 due au non remboursement croissant de nombreux médicaments, du recours aux génériques et des réductions de consommation que cela a entraîné

— que le chiffre d’affaires, le résultat d’exploitation et le bénéfice ont à peine augmenté en 2009 par rapport à 2008

— que les résultats de l’officine et alors qu’elle n’effectue aucun prélèvement pour son compte, ne lui ont pas permis de faire face aux échéances annuelles de l’emprunt

— que l’augmentation de la trésorerie n’est due qu’à ses apports personnels

— que D B-X a dû trouver en 2010 d’autres sources de revenus soit un partenariat avec un EHPAD qui nécessite l’H d’un préparateur en I, seul autorisé à seconder le titulaire de l’officine ou le pharmacien assistant

— que ce partenariat a engendré une charge de travail plus importante, un manque de personnel qualifié au comptoir obligeant à devoir envisager l’embauche d’un préparateur en I

— que c’est dans ces conditions, au vu de l’état de la trésorerie, qu’il a été décidé de transformer l’H de F Y en un poste de préparateur en I diplômé et de supprimer celui de vendeuse non qualifiée

— qu’il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir assuré à F Y une qualification initiale qui lui faisait défaut

— que c’est à tort que F Y soutient que son poste a été maintenu, le poste de reclassement qui lui a été proposé étant un poste de rayonniste, à temps partiel et à un coefficient inférieur (150 au lieu de 165)

— que la rémunération allouée à F Y (2658 €) était bien supérieure au minimum conventionnel d’un préparateur en I (1740 €)

— que la transformation de l’H de F Y était donc bien justifiée par un motif économique ;

Attendu qu’en

application de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’H ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1233-16 du même code, l’employeur est tenu d’énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que s’agissant d’un licenciement pour motif économique, il doit en conséquence énoncer la cause économique du licenciement et ses conséquences sur l’H du salarié concerné ;

Attendu que le motif économique invoqué doit s’apprécier à la date de la rupture du contrat, en l’espèce en août 2010 ;

Attendu qu’il résulte des pièces produites au débat par l’employeur à partir des éléments mentionnés par l’expert comptable dans son attestation établie en octobre 2013 et document joint intitulé : comptes de résultat issus des bilans

* qu’en 2008, 2009 et 2010 le chiffre d’affaires a été respectivement de : 1 468 168 €, 1 499 977 €, 1 616 087 €

* que la marge commerciale pour ces trois années a été successivement et respectivement de : 28,40%, 26,63 %, 28,51 %

* que l’excédent brut d’exploitation a été respectivement de : 98 787 €, 100 453 €, 118 619 €

* que le net restant avant impôt a été négatif ces trois années : 2008 (- 18 443 €), 2009 (- 20 041 €) et 2010 (- 5231 €)

* que la capacité d’autofinancement était de 107 454 € en 2008, 109 127 € en 2009 et de 127 304 € en 2010

* que le cash flow net était de – 9766 en 2008, – 11 368 en 2009 et de 3 454 en 2010 ;

Attendu qu’il ne peut qu’être constaté qu’au 31 décembre 2010, la cour n’étant pas en possession de chiffres intermédiaires au 30 juin 2010, au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, la situation progressait par rapport aux années précédentes, les marqueurs de la marge commerciale et de l’excédent brut d’exploitation étant en progression ; que les propos tenus par l’employeur lors de l’entretien préalable, lesquels ne sont pas commentés par lui, et qui font état de l’affirmation par D B-X ' d’une perte de 10% du chiffre d’affaire lié à l’arrêt de la vente de la parapharmacie’ ne semblent pas reposer sur une base fiable ;

Attendu qu’il résulte de ce même document que les apports personnels de D B-X ont été réalisés en 2012 et 2013 ;

Attendu que les comptes annuels de 2009 remis à la cour sans que soit jointe l’annexe, traduisent en tout cas une très légère amélioration de la situation en 2009 par rapport à 2008 ;

Attendu que dans ces conditions, la cour ne peut retenir l’existence de difficultés économiques sérieuses ayant justifié la transformation d’H de F Y ;

Attendu que par suite la cour infirme la décision de première instance et juge le licenciement dépourvu d’une cause réelle et sérieuse ;

B/ sur les conséquences

Attendu que l’article L 1233-67 dispose qu’en cas d’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle comme tel en a été le cas en l’espèce, ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis mais ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due pour motif économique au terme du préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L 1233-68 ;

Attendu que F Y rappelle à bon droit qu’en l’absence de motif économique, la convention de reclassement personnalisé devient sans cause de sorte que l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents ;

Attendu que seules les sommes versées par l’employeur à la salariée peuvent être déduites de la créance au titre de l’indemnité de préavis ; que dans ces conditions, l’employeur est débiteur de cette indemnité et des congés payés afférents ; qu’il convient d’infirmer le jugement ;

Attendu que s’agissant du solde de l’indemnité de licenciement, la cour confirme le jugement reconnaissant qu’une somme de 1772,23 € est due à ce titre, l’employeur ne le contestant pas ; qu’en l’état de la procédure de sauvegarde, il convient de fixer cette somme au passif de la procédure ;

Attendu que s’agissant du préjudice lié à la perte de l’H, en application de l’article L 1235-3 dans sa rédaction applicable à la cause, F Y fait valoir qu’elle a subi une perte de salaire importante, liée au temps passé pour acquérir son diplôme dans le cadre d’un contrat de

professionnalisation pendant lequel elle a perçu une rémunération de l’ordre de 1500 €, et que par la suite elle a trouvé un H de préparatrice, à hauteur de 1820 € en 2014 ; que compte-tenu de son salaire antérieur chez D B-X, et de la différence de revenus postérieurs, elle n’a pu assurer le paiement des emprunts qu’elle avait contractés et a dû solliciter le bénéfice d’une procédure de surendettement ; qu’elle estime que son préjudice est donc constitué depuis 8 ans de la différence de rémunération soit la somme de 79 880 € et ce d’autant qu’elle a désormais deux enfants à charge ;

Attendu qu’au regard de ces éléments, la cour fixe au passif de la procédure collective la somme de 34.000 € en réparation du licenciement illégitime ;

Attendu que la cour observe que l’arrêt de cassation a strictement délimité les points sur lesquels devait porter l’examen de la cour de renvoi ; que n’y figure pas la décision de la cour d’appel ayant rejeté la demande de F Y présentée au titre de la réparation de son préjudice moral de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la demande présentée de ce chef ;

B/ sur les autres demandes

Attendu qu’il convient de rappeler que l’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ;

Attendu que F Y bénéfice d’une aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 %; que la cour fait droit à sa demande en paiement de frais irrépétibles à hauteur de 1000 € en application de l’article 700 2°;

Attendu qu’elle déboute les intimés de leur demande reconventionnelle sur ce point ;

Attendu que les dépens d’appel sont mis à la charge de la procédure collective ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement de première instance en ce qu’il a été reconnu qu’un solde de 1772,23€ était dû au titre du solde de l’indemnité de licenciement ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau, par ajout et substitution

Met hors de cause Me Z, es qualités d’administrateur judiciaire

Juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Fixe au passif de la procédure collective :

— la somme de 1772,23 € au titre du solde de l’indemnité de licenciement

— la somme de 5316,76 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

— la somme de 531,67 € au titre des congés payés afférents

— la somme de 34.000 € au titre de la réparation du préjudice lié à la perte de l’H

— la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile

Rappelle que l’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ;

Déboute les intimés de leur demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de sa demande de ce chef

Met les dépens à la charge de la procédure collective.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 22 mars 2019, n° 18/09696