Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 8 octobre 2020, n° 19/17554

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 8 oct. 2020, n° 19/17554
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/17554
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nice, 4 novembre 2019, N° 2019R00146
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 08 OCTOBRE 2020

N° 2020/120

N° RG 19/17554 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFI3

SAS GROUPE SANTIANE HOLDING

SAS GROUPE SANTIANE

SAS SANTIANE FR

SAS NEOLIANE SANTE

SAS NEOLIANE GESTION

SAS D E

C/

SA PACIFICA

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Eric PASSET

Me Sabrina AYADI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019R00146.

APPELANTES

SAS GROUPE SANTIANE HOLDING, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

SAS GROUPE SANTIANE, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

SAS SANTIANE FR, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

SAS NEOLIANE SANTE, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

SAS NEOLIANE GESTION, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

SAS D E, représentée par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, sis […]

représentée par Me Eric PASSET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric GAFTARNIK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA PACIFICA, demeurant […]

représentée par Me Sabrina AYADI, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Sandra BENHAMOU et Me Nicolas HERZOG, avocats au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

La Cour était composée de :

Monsieur F CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, rapporteur

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Statuant selon la procédure sans audience en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2020-595 du 20 mai 2020, après avis adressé le 07 Mai 2020 précisant que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2020

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2020,

Signé par Monsieur F CALLOCH, Président et M. G VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S – P R O C E D U R E – D E M A N D E S

Se sont immatriculées au

Registre du Commerce et des Sociétés :

* d’une part le 28 novembre 1989 la S.A. PACIFICA intimée, qui est une compagnie/filiale du Groupe CREDIT AGRICOLE ASSURANCES ;

* d’autre part les sociétés constituant le Groupe SANTIANE :

— le 14 avril 2006 la S.A.S. SANTIANE.FR ayant pour présidente

la S.A.S. GROUPE SANTIANE,

— le 11 février 2009 la S.A.S. NEOLIANE SANTE ayant pour présidente la société GROUPE SANTIANE,

— le 30 mai 2012 la S.A.S. GROUPE SANTIANE ayant pour présidente

la S.A.S. GROUPE SANTIANE HOLDING,

— le 27 décembre 2012 la S.A.S. D E ayant pour présidente la société GROUPE SANTIANE,

— le 8 juin 2015 la S.A.S. NEOLIANE GESTION ayant pour présidente la société GROUPE SANTIANE,

— et le 6 août 2015 la S.A.S. GROUPE SANTIANE HOLDING ayant pour président Monsieur F-G H I,

toutes appelantes.

La société PACIFICA, exposant :

— qu’elle et le Groupe SANTIANE sont des concurrents directs pour la distribution de produits d’assurance auprès de particuliers et n’ont entre eux ni partenariat ni accord ;

— que les sociétés NEOLIANE SANTE et NEOLIANE GESTION, qui proposent sur leur site internet des garanties analogues aux siennes, ont démarché plusieurs dizaines de ses assurés en se faisant passer pour leur contact-employé-partenaire habituel afin de les convaincre de souscrire un contrat d’assurance auprès d’elles, ce qui constitue des actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire ;

a déposé une requête aux fins de constat et de saisie visant l’article 145 Code de Procédure Civile auprès du Président du Tribunal de Commerce de NICE. Ce dernier par ordonnance du 31 juillet 2019 visant ce texte ainsi que l’article 493 du Code de Procédure Civile a :

* autorisé tel Huissier de Justice territorialement compétent, un à NICE et un à PARIS, aux fins de :

— se rendre sur place, aux sièges sociaux des sociétés du Groupe SANTIANE : les sociétés NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION, SANTIANE.FR, D E, GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE ;

— visiter lesdits lieux et avoirs accès aux informations, données et documents de toutes natures quel que soit le support papier ou électronique (objet et/ou contenu des courriers, arborescence, intitulé et/ou contenu de dossiers ou fichiers, titre et/ou contenu de documents etc.) contenant ou susceptibles de contenir l’une ou plusieurs des occurrences suivantes (ci-après les Mots Clés) :

. les noms et prénoms des assurés PACIFICA, tels que figurant dans la liste des victimes de 'NEOLIANE', ayant accepté de témoigner ;

. les numéros et références des contrats PACIFICA souscrits par les assurés, tels que figurant dans la liste des victimes de 'NEOLIANE’ ayant accepté de témoigner ;

. les termes « PACIFICA » ou « CREDIT AGRICOLE » ou « CAISSES REGIONALE(S) DU CREDIT AGRICOLE » ;

. les références des contrats 'NEOLIANE’ souscrits par les assurés 'PACIFICA’ aux moyens des actes déloyaux allégués ;

. les informations personnelles relatives aux assurés, telles qu’utilisées et reproduites par 'NEOLIANE’ au sein de ses documents contractuels (dont leurs adresses postales ou de messagerie électronique) ;

— procéder à la copie et/ou à la photographie, à la retranscription et à la saisie de l’ensemble des éléments ainsi recueillis dont l’intitulé et/ou le contenu reproduit les Mots Clés en tout ou en partie, où grâce à la saisie desquels (les Mots Clés) les dits éléments ont été identifiés, en précisant leur source et leur emplacement, avec les

intitulés précis, dans l’arborescence des fichiers informatiques ou dossiers papiers des requises, le cas échéant ;

— procéder à l’analyse et au constat de tous les postes d’ordinateurs fixes et portables, tablettes, clés USB ou autres, pour identifier les éventuels procédés et actes des requises ayant pour objet ou pour conséquence d’avoir accès, de consulter, de copier, de détourner, d’extraire, sans autorisation, tout ou partie du système d’information de 'PACIFICA’ ou des Caisses Régionales, dont les bases de données et/ou de fichiers prospects et clients, ou les données confidentielles relatives aux assurés listés ;

— procéder à la copie et/ou la photographie, à la retranscription et à la saisie de l’ensemble des éléments recueillis dans le cadre des opérations décrites au § précédent ;

— se faire assister, si nécessaire, par tout spécialiste informatique de son choix lequel, sous le contrôle de l’Huissier de Justice, sera autorisé à :

. faire fonctionner les ordinateurs présents et à brancher tout logiciel ou périphérique sur les machines des sociétés requises ;

. rechercher sur les systèmes informatiques utilisés aux sièges sociaux des requises tout documents mentionnés aux § précédents ;

— effectuer toutes recherches et constatations utiles permettant d’établir la nature et l’ampleur des actes déloyaux allégués, et notamment consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations, en s’abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires

à l’accomplissement des missions décrites ci-dessus ;

* dit que, pour réaliser l’ensemble des opérations décrites ci-avant, l’Huissier se fera communiquer les mots de passe, codes d’accès, clés de serrure, clefs USB, clés d’authentification et codes personnels pour l’accès physique et/ou logique aux locaux, armoires, coffres, systèmes informatiques et messageries électroniques ;

* dit que l’Huissier fera en sorte de ne pas décrire ni annexer dans son procès-verbal à intervenir les informations confidentielles des requises sans lien avec le présent différend, sauf après floutage ou anonymisation pour le cas où, en particulier, des noms de clients de 'NEOLIANE’ apparaissaient dans les documents contenant aussi les Mots Clés listés ou des indications pertinentes sur les agissements déloyaux allégués ;

* dit que l’Huissier pourra se faire accompagner de tout commissaire de police de son choix, de tout homme de l’art ainsi que de tout serrurier de son choix ;

* dit que la présente ordonnance sera exécutée dans un délai de deux mois, et qu’il (…) en sera référé en cas de difficultés.

Le 3 octobre 2019 les sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE FR, NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION et D E ont fait assigner la société PACIFICA en rétractation de cette ordonnance sur requête ; le Président du Tribunal de Commerce de NICE par ordonnance de référé du 5 novembre 2019 a :

* dit que l’ordonnance du 31 juillet 2019 pouvait déroger au principe du contradictoire et s’appuyait sur un juste motif, et que les mesures ordonnées étaient légalement admissibles et proportionnées ;

* débouté les sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE.FR, NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION et D E de leur demande de rétractation totale ou partielle ;

* rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

* condamné solidairement les sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE FR, NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION et D E :

— à verser à la société PACIFICA la somme de 4 000 euros 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, déboutant du surplus ;

— aux dépens.

La S.A.S. GROUPE SANTIANE HOLDING, la S.A.S. GROUPE SANTIANE, la S.A.S. SANTIANE.FR, la S.A.S. NEOLIANE SANTE, la S.A.S. NEOLIANE GESTION et la S.A.S. D E ont régulièrement interjeté appel le 18 novembre 2019, et par conclusions du 11 mars 2020 soutiennent notamment que :

— la société PACIFICA est leur concurrente directe pour la conception et la distribution de produits d’assurances garantissant tous les besoins de la clientèle de particuliers ; elle a obtenu par l’ordonnance sur requête des pouvoirs d’investigations particulièrement démesurés pour l’ensemble des sociétés du Groupe SANTIANE ;

— sont calomnieuses les graves accusations de démarchage téléphonique agressive auprès des consommateurs les conduisant, trompés par ses méthodes, à souscrire des contrats d’assurance à la chaîne ; elles sont dans une démarche d’amélioration constante de la qualité de leurs prestations ; si

le marché de l’assurance est particulièrement concurrentiel, il est également très dynamique et technique ;

— le caractère non contradictoire de l’ordonnance sur requête n’était pas justifié : la société PACIFICA a invoqué l’existence d’une cinquantaine de réclamations, mais n’en justifie que d’une douzaine ; les faits se seraient déroulés entre juillet 2017 et mars 2019, alors que cette société a déposé sa requête le 18 juillet 2019, et il n’y avait ainsi aucune urgence ; la société PACIFICA n’a préalablement à cette requête jamais mis le Groupe SANTIANE en demeure de lui fournir des explications sur les agissements reprochés ; la suppression de fichiers informatiques laisse des traces qu’un expert informaticien peut aisément retrouver, et elles-mêmes n’auraient jamais supprimé leur base de données clients qui est un élément indispensable à leur fonds de commerce ; grâce au caractère non contradictoire de sa requête la société PACIFICA a pu obtenir l’intégralité des fichiers clients et prospects des sociétés du Groupe SANTIANE, qui comprennent pourtant des données confidentielles ; à tout le moins aurait-il été avisé de faire usage de l’article R. 153-1 alinéa 1 du Code de Commerce permettant au Juge d’ordonner le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires ;

— les conditions d’application de l’article 145 du Code de Procédure Civile n’étaient pas réunies:

. il y a défaut de motif légitime : les pièces versées par la société PACIFICA ne constituent pas des indices suffisants de prétendus comportements déloyaux ou illicites qui émaneraient des sociétés du Groupe SANTIANE ; les mesures ordonnées emportent nécessairement une violation tant du secret des affaires que du secret professionnel applicable en matière de santé ; 11 des 12 attestations ont été rédigées entre le 4 avril et le 29 mai 2019 soit longtemps après les faits, et leur rédaction est similaire ; elles représentent une faible récurrence au regard du nombre d’adhésions que le Groupe SANTIANE enregistre sur une période aussi longue ; les 12 contrats litigieux avaient d’ores et déjà été annulés par 'SANTIANE', qui sur eux n’a perçu aucune commission ; chacun de ces 12 assurés a été démarché non par une société du Groupe SANTIANE, mais par des courtiers différents avec lesquels la société NEOLIANE SANTE a noué des conventions de partenariat mais qui sont juridiquement indépendants des sociétés du Groupe SANTIANE ; la société NEOLIANE SANTE ne partage avec son réseau de courtiers aucun fichier de prospects ou de clients ; le Groupe SANTIANE ne procède jamais à l’acquisition de fichiers clients ou leads, que ce soit pour son compte ou pour ses courtiers partenaires, et ne détient ainsi aucune information sur le portefeuille de la société PACIFICA, de telles données étant par nature confidentielles, et il lui est par suite impossible de déterminer quel prospect serait assuré chez la société PACIFICA et d’organiser un démarchage ciblé sur les clients de cette dernière ; le terme peut se retrouver dans les outils informatiques lorsque le commercial interroge légitimement le prospect sur sa situation afin de lui apporter une comparaison entre son contrat existant et celui proposé ;

. les mesures prescrites ne constituent pas des mesures légalement admissibles : elles ne sont pas circonscrites, mais générales et susceptibles de se traduire par la mise en oeuvre d’une véritable investigation voire perquisition au sein du Groupe SANTIANE ; l’ordonnance sur requête laisse à l’Huissier de Justice le soin de décider ce qui permettra d’établir les actes de concurrence déloyale invoqués, et lui permet d’obtenir l’accès sans aucune restriction aux locaux, armoires, coffres, systèmes informatiques et messageries électroniques ; la société PACIFICA peut obtenir de son concurrent une copie des process de commercialisation, les bases de données et/ou de fichiers prospects et clients, en ce compris les données confidentielles ; les Huissiers de Justice n’ont procédé à aucune anonymisation des données clients/prospects récupérés, permettant ainsi à la société PACIFICA d’obtenir 24 000 lignes d’informations personnelles ; l’ordonnance sur requête n’interdit nullement à l’Huissier de Justice de transmettre des informations confidentielles à la société PACIFICA sans les avoir floutées ou anonymisées ;

— subsidiairement il convient de réduire et de limiter les mesures.

Les appelantes demandent à la Cour, vu les articles 145, 496 et 497 du Code de Procédure Civile, de :

— juger leur appel bien fondé ;

— infirmer l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;

— débouter la société PACIFICA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— statuant à nouveau :

— constater que la requête présentée par la société PACIFICA ne justifiait d’aucune circonstance susceptible d’autoriser une dérogation au principe de la contradiction ;

— constater que la société PACIFICA ne justifiait pas d’un motif légitime à établir la preuve de faits litigieux à l’égard des sociétés du Groupe SANTIANE ;

— constater que les mesures prescrites ne constituent pas des mesures légalement admissibles au sens de l’article 145 du Code de Procédure Civile ;

— en conséquence :

— prononcer la rétractation de l’ordonnance sur requête, avec toutes conséquences de droit ;

— juger les mesures d’instructions diligentées en exécution de l’ordonnance rétractée

nulles et de nul effet ;

— ordonner la restitution immédiate de l’ensemble des éléments pris en original ou en copie par les huissiers ou la société PACIFICA lors de l’exécution de l’ordonnance rétractée, ainsi que des procès-verbaux dressés, sous astreinte de 500 euros 00 par jour de retard à compter du jour suivant le prononcé de la décision à intervenir ;

— interdire à la société PACIFICA de faire usage ou état pour quelque raison que ce soit de toute information portée à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées en exécution de l’ordonnance rétractée ;

— dire que la société PACIFICA conservera la charge exclusive des frais exposés au titre des opérations mises en 'uvre en exécution de l’ordonnance rétractée ;

— rappeler que la décision à intervenir sera exécutoire sur simple présentation de la minute ;

— subsidiairement, modifier l’ordonnance sur requête et restreindre les mesures d’instruction :

. à la seule société NEOLIANE SANTE, S.A.S. au capital de 2 000 000 euros 00, inscrite au R.C.S. de Nice sous le n° 510 204 274 et dont le siège social est situé […] ;

. à la copie des seules informations, données et documents de toutes natures quel que soit le support papier ou électronique (objet et/ou contenu des courriers, arborescence, intitulé et/ou contenu de dossiers ou fichiers, titre et/ou contenu de documents etc.) contenant le mot clé  ;

. prononcer la nullité de toutes les mesures autres exécutées sur le fondement de l’ordonnance sur requête ;

— en tout état de cause, condamner la société PACIFICA à payer à chacune des sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE.FR,

NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION et D E une indemnité de 5 000 euros 00 sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 17 avril 2020 la S.A. PACIFICA répond notamment que :

— les sociétés du Groupe SANTIANE ont entretenu à son détriment une confusion patente avec leurs propres activités, par des procédés vraisemblablement illicites constitutifs de concurrence déloyale ; elles disposent d’une frappe commerciale puissante au moyen de démarchages téléphoniques intensifs des consommateurs ;

— de nombreux assurés 'PACIFICA’ se sont plaints d’avoir été victimes de procédés abusifs de 'NEOLIANE', qui se fait passer pour la société PACIFICA ou l’un de ses partenaires afin de les convaincre de souscrire un contrat d’assurance 'NEOLIANE’ ; sur la cinquantaine de victimes seules 12 ont accepté de témoigner ; leur interlocuteur prétend être déjà en possession des informations personnelles de l’assuré (identité et coordonnées, existence et caractéristiques du contrat d’assurance 'PACIFICA', détail des garanties souscrites, coordonnées bancaires) ; la plupart des assurés se croit en relation avec 'PACIFICA’ et souscrit les garanties proposées, et ne se rend compte de la tromperie qu’à réception des documents contractuels 'NEOLIANE’ ; l’objectif du Groupe SANTIANE est de détourner la clientèle 'PACIFICA’ ;

— les opérations ordonnées le 31 juillet 2019 ont été exécutées le 23 septembre 2019 ;

— les faits de l’espèce imposaient nécessairement de déroger au contradictoire, vu les suspicions de concurrence déloyale plausibles et le risque de suppression/déperdition par manipulation informatique des preuves contre 'NEOLIANE’ ;

— toutes les conditions de l’article 145 du Code de Procédure Civile étaient réunies : connaissance anormale par 'NEOLIANE’ d’informations confidentielles des assurés et polices 'PACIFICA’ ; soupçons de détournement de clientèle ; elle-même a attendu pour agir que ses premiers doutes se concrétisent ; les faits similaires invoqués par les assurés 'PACIFICA’ rendent crédibles la similarité des expressions dans leurs attestations ; les contrats passés par les assurés 'PACIFICA’ portent tous l’en-tête de 'NEOLIANE', qui est responsable de ses courtiers qui même indépendants sont ses mandataires ;

— les mesures ordonnées sont légalement admissibles et proportionnées ; la confidentialité des informations de 'NEOLIANE’ a été parfaitement préservée tel que l’a jugé l’ordonnance de référé ; ces mesures sont limitées à certains mots clés exhaustivement listés et en lien étroit avec les faits reprochés à 'NEOLIANE’ ; l’Huissier de Justice s’est vu interdire de remettre à la société PACIFICA des données confidentielles de 'NEOLIANE’ ; les mesures litigieuses n’avaient pas pour objectif ni pour effet d’espionner 'NEOLIANE', mais de protéger ses informations confidentielles et celles de ses clients, lesquelles couvrent le secret des affaires et le secret professionnel ; l’ordonnance sur requête n’autorise pas la société PACIFICA à conserver une copie de ces informations, que l’Huissier de Justice ne doit pas lui divulguer ; l’absence de désignation d’un séquestre ne constitue pas une irrégularité, et ne peut justifier la rétractation de l’ordonnance sur requête ; le secret des affaires ne peut pas faire obstacle à une mesure fondée sur l’article 145 du Code de Procédure Civile ; 'NEOLIANE’ ne justifie pas en quoi ces mesures porteraient atteinte au secret médical ou à la vie privée de ses clients ;

— la demande de réduction du périmètre des mesures à la seule société NEOLIANE SANTE n’est pas justifiée et doit être rejetée, tout comme celle de modification pour limiter au seul mot clé .

L’intimée demande à la Cour, vu les articles 145, 493 et suivants du Code de Procédure Civile, de :

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé ;

* statuant à nouveau, sur le seul argument de 'NEOLIANE’ tiré de la prétendue atteinte au secret médical et à la vie privée de ses assurés :

— dire et juger que 'NEOLIANE’ ne justifie d’aucune atteinte, potentielle ou avérée, ni au secret médical ni à la vie privée de ses assurés, de sorte que les mesures sollicitées par la société PACIFICA sont proportionnelles au but poursuivi et au sens de l’article 145 du Code de Procédure Civile ;

— dire et juger qu’en interdisant aux Huissiers instrumentaires de remettre à la société PACIFICA des de 'NEOLIANE', sauf si celles-ci sont anonymisées ou floutées, et en particulier concernant les , l’ordonnance sur requête était protectrice du secret professionnel de 'NEOLIANE', du secret médical et de la vie privée de ses assurés ;

— en conséquence, confirmer que les mesures litigieuses ordonnées par le Président du Tribunal de Commerce de NICE, à deux reprises, ne doivent pas être rétractées ;

— en conséquence, confirmer l’ordonnance de référé ;

— débouter les sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE.FR, NEOLIANE SANTE, NEOLIANE GESTION et D E de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

— condamner solidairement lesdites sociétés à verser à la société PACIFICA la somme de 10 000 euros 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile en appel, sans préjudice des condamnations d’ores et déjà ordonnées sur ce fondement en première instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2020, et l’affaire audiencée au 11 mai puis renvoyée, en raison de l’indisponibilité d’un Magistrat, au 25 mai avec ordonnance de clôture le 27 avril. En application de la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire et de l’article 8 de l’ordonnance du 25 suivant, un avis a été adressé aux parties le 7 mai 2020 les informant que l’affaire était instruite selon la procédure sans audience, la date de dépôt des dossiers étant fixée au 25 juin 2020 et l’arrêt étant mis à disposition des parties au greffe le 8 octobre 2020.


M O T I F S D E L ' A R R E T

Les pièces numéros 12, 13, 15, 16 et 17 de la société PACIFICA concernent les sociétés du Groupe SANTIANE en général, et non leurs agissements à l’égard d’elle-même, ce qui conduit la Cour à les écarter car sans intérêt ni utilité pour le litige.

Sur le motif légitime de l’article 145 du Code de Procédure Civile :

Ce texte permet à la Justice d’ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il 'existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige'.

Le fait que les attestations communiquées par la société PACIFICA aient été rédigées dans des termes voisins et quelques mois après les faits litigieux ne suffit pas à les mettre en doute, puisque cette société a logiquement attendu que ceux-ci, qui sont similaires, prennent une certaine ampleur

avant de s’inquiéter. Les 8 attestants 'utiles’ (Messieurs et Mesdames X, Y, Z, […], A, B, C) ont été téléphoniquement contactés par une personne indiquant tantôt être mandatée par leur assureur la société PACIFICA tantôt avoir repris l’activité de cette dernière, et qui connaissait leur nom et prénom et adresse mail, ainsi que tout ou partie de leurs spécificités d’assuré (numéro de compte bancaire, montant de la cotisation, jour de prélèvement de celle-ci sur ce compte) ; les mêmes ont enfin reçu un certificat d’adhésion à la société NEOLIANE SANTE à partir des 1er août 2017, 1er juillet, 1er septembre, 1er novembre et 1er décembre 2018, 1er janvier et 1er février 2019, sans aucune indication d’un courtier.

La société PACIFICA a ainsi justifié que ses clients ont été démarchés par la société NEOLIANE SANTE qui lui est totalement étrangère, qui ne pouvait connaître ceux-ci et leurs spécificités par nature confidentielles que par des moyens non loyaux, et dont l’objectif était de leur faire changer d’assureur sans raison valable. L’ordonnance de référé est donc confirmée pour avoir retenu la réalité du motif légitime.

Sur la dérogation au principe du contradictoire :

Pour établir la preuve de l’ampleur des faits précités, sans que la société NEOLIANE SANTE n’en soit préalablement informée ce qui lui permettrait de faire disparaître ceux-ci même si cette disparition peut être techniquement retrouvée, la société PACIFICA devait agir sans respecter le principe ci-dessus comme le lui permet le Code de Procédure Civile. C’est également à bon droit que le Président du Tribunal a entériné cette dérogation.

Sur les mesures ordonnées :

Seule la société NEOLIANE SANTE est en cause dans les pratiques suspectes, ce qui conduit la Cour à infirmer l’ordonnance de référé ayant statué vis-à-vis des autres parties que sont les sociétés GROUPE SANTIANE HOLDING, GROUPE SANTIANE, SANTIANE.FR, NEOLIANE GESTION et D E.

Le Premier Juge a autorisé la société PACIFICA à faire constater par Huissier de Justice les divers éléments de la société NEOLIANE SANTE strictement relatifs aux assurés et contrats de la première pouvant se retrouver au sein de la seconde ; cependant il ne pouvait permettre de , vu la disproportion de ces recherches par rapport à ce constat, ce qui conduit la Cour à infirmer l’ordonnance de référé sur ce point.

Le même Magistrat a pris soin de préciser  ; ces mesures sont adaptées à la protection du secret des affaires de la société NEOLIANE SANTE faute de porter atteinte aux données médicales des clients de cette dernière, et de plus cette protection n’imposait pas en l’espèce au Président du Tribunal d’appliquer l’article R. 153-1 alinéa 1 du Code de Commerce en ordonnant le placement sous séquestre provisoire des pièces recueillies par l’Huissier de Justice.

Les mesures incluses dans l’ordonnance de référé étaient en conséquence légalement admissibles et proportionnées, sous la réserve précitée, ce qui conduit la Cour à confirmer l’essentiel de cette décision.


D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme l’ordonnance de référé du 5 novembre 2019 :

* en ce qui concerne la S.A.S. GROUPE SANTIANE HOLDING, la S.A.S. GROUPE SANTIANE, la S.A.S. SANTIANE.FR, la S.A.S. NEOLIANE GESTION et la S.A.S. D E ;

* pour avoir autorisé l’Huissier de Justice à .

Confirme tout le reste de l’ordonnance de référé.

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A.S. NEOLIANE SANTE à payer à la S.A. PACIFICA une indemnité de 5 000 euros 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Condamne la S.A.S. NEOLIANE SANTE aux dépens d’appel, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes autres demandes.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 8 octobre 2020, n° 19/17554