Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 17 décembre 2020, n° 18/08198

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 17 déc. 2020, n° 18/08198
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/08198
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, 23 avril 2018, N° 2017005498
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 17 DECEMBRE 2020

N° 2020/337

Rôle N° RG 18/08198 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCOAG

SARL SENS UNIQUE

C/

SASU RENAULT TRUCKS MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Me Jean-philippe ROMAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Avril 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017005498.

APPELANTE

SARL SENS UNIQUE,

dont le siège social est sis, […], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SASU RENAULT TRUCKS MARSEILLE,

dont le siège social est sis, […], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

représentée par Me Jean-philippe ROMAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Patrice GRENIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2020

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits et procédure:

La Sas Sens Unique, entreprise de transport et d’implantation de panneaux publicitaires, a acheté à la Sas Renault Trucks Marseille le 24 mai 2016 un camion d’occasion de marque Renault mis en circulation le 30 octobre 2002 et dont le compteur affichait 284.801 km. Le contrat de vente stipulait une garantie de trois mois pour le moteur, la boîte et le pont.

Le prix de 20.400 euros était payé le 2 juin 2016 et le camion livré le 3 juin 2016.

Le véhicule ayant subi quatre pannes entre le 13 juin et le 7 novembre 2016, la société Sens Unique a assigné la société Renault Trucks Marseille devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence sur le fondement de l’article 1641 du code civil en garantie des vices cachés de la chose vendue.

Par jugement du 24 avril 2018, après avoir rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la défenderesse, le tribunal a débouté la sarl Sens Unique de sa demande et l’a condamnée à payer à la société Renault Trucks Marseille la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont constaté que la première réparation avait été prise en charge dans le cadre de la garantie contractuelle et estimé que la nature de la deuxième et de la troisième réparation, s’agissant du simple remplacement de pièces soumises à l’usure, ne saurait établir l’existence de vices cachés. Quant à la quatrième réparation, laquelle a consisté à changer la boîte de vitesse, le tribunal a relevé qu’elle intervenait plus de trois mois après l’achat depuis lequel le camion avait parcouru plus de 13.000 km, de sorte que n’était pas établie l’existence d’un vice caché sur un véhicule de plus de

treize ans et de près de 285.000 km.

La Sas Sens Unique a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 15 mai 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 14 juin 2018, la société Sens Unique a demandé à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de statuer à nouveau et de condamner la société Renault Trucks Marseille à lui payer la somme de 12.949,34 euros outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique qu’elle sollicite sur le fondement de l’article 1641 du code civil la réduction du prix de vente à hauteur de la somme de 9949,34 euros correspondant au montant des frais qu’elle a dû exposer pour remettre en état le véhicule ainsi que la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la gêne subie dans le cadre de son activité commerciale. Elle fait grief au tribunal d’avoir ajouté une condition aux dispositions légales en prenant en considération, pour rejeter sa demande, l’âge et le kilométrage du véhicule.

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 16 décembre 2019, la société Renault Trucks Marseille demande à la cour de juger que l’action fondée sur la garantie des vices cachés est irrecevable car prescrite, de débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 0 du code de procédure civile.

L’intimée considère en effet que la société Sens Unique aurait dû l’assigner en garantie des vices cachés avant le 30 octobre 2012 et que le délai de dix ans de la prescription extinctive prévu par l’article L 110-4 du code de commerce, lequel avait commencé à courir le 30 octobre 2002 date de la première mise en circulation du véhicule, avait expiré le 1er juin 2017, date de l’acte introductif d’instance. La venderesse conclut par ailleurs que l’acquéreur ne rapporte pas la preuve de l’existence de vices cachés affectant le véhicule acheté.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2020 et l’affaire fixée à l’audience du 12 novembre 2020.

Motifs:

Sur la prescription:

L’article 1648 dispose que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans le délai de deux ans suivant la découverte du vice.

L’appelante a acheté le 24 mai 2016 un véhicule d’occasion qui avait été mis en circulation pour la première fois le 30 octobre 2002.

La société Renault Trucks soutient que le délai spécial de prescription prévu par l’article 1648 du code civil est lui-même enfermé dans un second délai de prescription de droit commun prévu par l’article L 110-4 du code de commerce, lequel est d’une durée de dix ans et court à compter de la date de la vente. L’intimée en déduit que l’action en garantie des vices cachés est donc prescrite depuis le 30 octobre 2012, soit après l’expiration du délai de dix ans suivant la vente initiale.

Elle se réfère à un arrêt rendu par la première chambre civile de la cour de cassation du 19 Octobre 1999. Il s’agissait cependant dans cet arrêt non de la prescription de l’action engagée contre le vendeur final mais de celle engagée contre le fabricant fondée sur l’obligation de garantie née de la vente initiale. La cour était d’ailleurs saisie d’un pourvoi du vendeur final qui critiquait la mise hors de cause du fabricant par la cour d’appel en raison de la prescription de l’action engagée contre lui.

Le délai de prescription du délai de l’action en garantie des vices cachés contre la société Renault Trucks Marseille, vendeur final, n’a donc pas commencé à courir à compter du 30 octobre 2002, date de la vente initiale et de la première mise en circulation.

En application de l’article 1648 du code civil, le délai de deux ans a commencé à courir,à compter de la découverte du vice.

La cour relève que les pannes alléguées par l’acheteur se sont produites entre le 13 juin et le 7 novembre 2016 et en déduit que l’action en garantie des vices cachés n’était pas prescrite le 1er novembre 2017, date de l’assignation.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc rejetée.

Sur la garantie des vices cachés:

L’appelante expose qu’après son achat du 24 mai 2016, le camion est tombé quatre fois en panne et qu’elle a dû exposer des frais pour le réparer:

— le 28 juin 2016, le joint de culasse a dû être changé: la réparation a été prise en charge dans le cadre de la garantie contractuelle mais la société Sens Unique a dû louer un autre véhicule durant l’immobilisation du camion pour réparation du 1er au 7 juillet 2016 et régler une facture de 1796,04 euros.

— le 15 septembre 2016, une nouvelle panne à la suite de défauts électroniques a conduit à changer le le capteur de vitesse: la prise en charge de la voiture sur le lieu de la panne et la réparation ont été facturées à la somme de 571,80 euros ( pièce n°7 de l’appelante)

— le 4 novembre 2016, une nouvelle panne est survenue: la courroie de l’alternateur était cassée et les batteries déchargées. La prise en charge du véhicule en panne et sa réparation ( remplacement des deux courroies d’alternateur et rechargement des batteries qui étaient bonnes mais déchargées) ont été facturées à la somme de 502,87 euros ( pièce n°8 de l’appelante)

— le 30 novembre 2016, la boîte de vitesse du camion a été remplacée et la réparation facturée à la somme de 7.078,63 euros ( pièce n°9 de l’appelante).

La première panne du 28 juin 2016 a été prise en charge par le vendeur dans le cadre de la garantie contractuelle qu’il avait consentie à l’acquéreur pour une durée de trois mois suivant la vente.

Les pannes survenues le 15 septembre et le 4 novembre 2016 sont mineures et ont été réparées par le simple remplacement de la pièce défectueuse par une pièce neuve.

La facture du 30 novembre 2016 produite par l’appelante démontre que le garage Sainthon qui aurait remplacé la boîte de vitesse n’a pas effectué des réparations à la suite d’une panne mais dans le cadre de la préparation du camion au contrôle technique lequel a eu lieu selon les termes mêmes de la facture le 18 novembre 2016. La facture mentionne un kilométrage de 297.909 km,

La cour tout comme le tribunal relève que le camion, qui affichait au compteur véhicule près de 285.000 km et avait plus de treize ans a été acheté « en l’état » par la société Sens Unique.

Si la garantie des vices cachés prévue par l’article 1641 du code civil s’applique aussi bien aux véhicules neufs qu’aux véhicules d’occasion, elle ne couvre, selon les termes mêmes de l’article 1648 du code civil, que les vices rédhibitoires, autrement dit les défauts qui rendent la chose impropre à l’usage auquel l’acquéreur la destinait ou qui en diminuent tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas achetée s’il les avait connus.

En achetant en l’état un camion de plus de treize ans et de près de 285.000 km, la société Sens Unique ne pouvait en attendre le même usage que celui d’un véhicule neuf ou moins usagé.

Les pannes survenues le 28 juin, le 15 septembre et le 4 novembre 2016 ont été réparées par le simple remplacement de la pièce défectueuse par une pièce neuve. Le changement du joint de culasse à la suite de la panne du 28 juin 2016 a d’ailleurs été pris en charge dans le cadre de la garantie contractuelle consentie par le vendeur pour une durée de trois mois suivant la vente.

Ces trois pannes, même si elles se sont succédées dans un court intervalle de temps après la vente, ne présentaient aucun caractère de gravité et n’ont révélé aucun défaut majeur du camion vendu. Le seul remplacement des pièces détériorées par des pièces neuves a suffi à réparer le camion et à lui permettre de continuer à circuler. Il sera en effet observé qu’entre juin et novembre 2016, le véhicule a pu être utilisé fréquemment par l’acheteur puisqu’il a parcouru 13.000 km.

Le mauvais état d’un joint de culasse, d’un capteur de vitesse et des courroies de l’alternateur nécessitant leur remplacement ainsi que le déchargement des batteries ne saurait être considéré comme un vice rédhibitoire rendant un camion de plus de treize ans et affichant un kilométrage de près de 285.000 km impropre à l’usage qu’en attendait l’appelante, laquelle l’avait achetée en l’état, c’est-à-dire en pleine connaissance de l’état d’usure correspondant à son ancienneté et à son kilométrage élevé. La vétusté du camion acheté dans ces conditions ne peut s’analyser en un vice caché.

Ces défauts n’ont pas davantage diminué l’usage qu’en attendait l’appelante au point que si elle les avait connus, elle aurait renoncé à son achat.

En ce qui concerne la quatrième panne alléguée par la société Sens Unique, la facture du 30 novembre 2016 qu’elle produit démontre que le garage Sainthon qui aurait remplacé la boîte de vitesse n’a pas effectué des réparations à la suite d’une panne mais dans le cadre de la préparation du camion au contrôle technique lequel a eu lieu selon les termes mêmes de la facture le 18 novembre 2016.

Le remplacement de la boîte de vitesse usagée par une boîte de vitesse neuve a permis au véhicule de continuer à circuler. L’appelante, sur laquelle pèse la charge de la preuve du vice caché, ne démontre pas que les réparations intervenues dans les mois suivant l’achat du camion étaient imputables à une usure anormale et non à sa simple vétusté. Ainsi que l’a justement conclu l’intimée, plus le véhicule est ancien et son kilométrage important, plus les déficiences qui l’affectent devront être graves pour légitimer l’action de l’acquéreur en garantie des vices cachés.

Le jugement qui a débouté la société Sens Unique de ses demandes sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

L’équité justifie de condamner la société Sens Unique à payer à la société Renault Trucks Marseille la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Par arrêt contradictoire rendu publiquement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne la société Sens Unique à payer à la société Renault Trucks Marseille la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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