Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 3 février 2022, n° 21/12166

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 3 févr. 2022, n° 21/12166
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 21/12166
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulon, 14 juillet 2021, N° R21/00052
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT

DU 03 FEVRIER 2022

N° 2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 21/12166 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BH6R7

S.A.S. FONCIA TOULON


C/

Z X


Copie exécutoire délivrée

le :

03 FEVRIER 2022

à :


Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON


Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-


PROVENCE

Décision déférée à la Cour :


Ordonnance de référé du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 15 Juillet 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° R21/00052.

APPELANTE

S.A.S. FONCIA TOULON, demeurant […]

représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON


INTIME

Monsieur Z X, demeurant […]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Pierre GEORGET, avocat au barreau de TOURS substitué par Me Pierre GASSEND, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE *-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022.

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022


Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE


Mr X (le salarié) a été engagé le 1er janvier 2018, avec reprise d’ancienneté au 13 octobre 1983, par la société Foncia Jomel, devenue SAS Foncia Toulon (la société), par contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur général délégué de la copropriété de la métropole de Toulon, statut cadre, niveau hors classification, moyennant une rémunération brute mensuelle de 5769,24 euros, un 13ème mois et une rémunération variable sur objectifs pouvant atteindre 35 000 euros bruts par an.


Le contrat stipulait une clause de non-concurrence et une clause de clientèle comme suit :

' a. Clause de non concurrence

Au regard des contacts que le salarié sera amené à entretenir avec la clientèle de la Société ainsi que des informations auxquelles le salarié a accès. il est indispensable à la protection des intérêts légitimes de la Société qu’en cas de rupture du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, le salarié s’interdise cumulativement:

' expressément de créer, acquérir, prendre en location, exploiter, diriger, travailler, directement ou indirectement, fût-ce notamment en qualité de salarié, un établissement ayant des activités d’ Administration de Biens (Syndic de Copropriété et Gestion Locative) et/ou de Transaction Immobilière.

' expressément de s’intéresser de quelque manière que ce soit ou d’apporter son concours directement ou indirectement. fût-ce, notamment en qualité de salarié, bailleur de fonds, associé commanditaire, administrateur, détenteur de titres ou consultant. à des affaires similaires ou à des entreprises ayant des activités similaires à celles de la Société.

Cette interdiction est limitée à une durée de 18 mois à compter de la date de cessation effective de l’activité du salarié.

Cette interdiction porte sur un périmètre de 50 kilomètres autour de l’établissement sur lequel

le salarié est affecté.

En contrepartie de cette clause de non-concurrence le salarié percevra, chaque mois, à compter de la cessation effective de son activité, et pendant toute la durée de l’interdiction, dans la mesure où celle-ci est respectée, une indemnité spéciale forfaitaire (intégrant l’indemnité compensatrice de congés payés) égale à 30% de la moyenne mensuelle de la rémunération brute perçue par le salarié au cours des douze derniers mois d’ activité dans la Société, rémunération variable incluse, les primes exceptionnelles de toute nature, de même que le remboursement des frais professionnels sont exclus de l’assiette de l’indemnité.

La présente clause sera applicable à toute rupture du contrat de travail.

Dans un délai d’un mois à compter de la date de la notification de la rupture du contrat de travail. la Société pourra néanmoins par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre manifester sa volonté de libérer le salarié de l’application de cette clause, en portant sa décision par écrit à sa connaissance. Dans ce cas, le salarié ne pourra prétendre à aucune contrepartie financière.

b. Clause de clientèle

Au regard des contacts que le salarié sera amené à entretenir avec la clientèle de la Société, ainsi que des informations auxquelles le salarié a accès, il est indispensable à la protection des intérêts légitimes de la Société qu’en cas de rupture du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, le salarié s’interdise cumulativement:

' d’entrer en contact directement ou indirectement, sous quelque forme et sous quelque mode que ce soit, avec les clients de la Société existants au jour de la notification de la rupture du contrat de travail ou ceux qui ont été clients de cette société dans l’année précédant la rupture, et de manière corollaire, de démarcher les dits clients,

' d’ exploiter directement ou indirectement la clientèle de la Société existante au jour de la notification de la rupture du contrat de travail ou la clientèle du portefeuille qui a été confiée au salarié au sein de la Société à titre personnel ou par l’intermédiaire de toute Société, association ou entité juridique quelconque dont le salarié serait l’associé, le membre, le salarié oun le collaborateur ou pour le compte de laquelle le salarié interviendrait ou serait rémunéré, directement ou indirectement de quelque manière, à quelque titre, et sous quelque statut que ce soit, dans un activité concurrente à celle exercée par FONCIA.

Cette interdiction est limitée au secteur géographique couvert par la clientèle de la Société

soit le(s) département(s) où la Société exerce son activité. Cette interdiction est valable pendant une durée de 14 mois à compter de la date de sortie des effectifs du collaborateur.

En contrepartie de cette interdiction, le salarié percevra, chaque mois, à compter de la cessation effective de son activité, et pendant toute la durée de l’interdiction, dans la mesure où celle-ci est respectée, une indemnité forfaitaire spéciale égale à 5% de la moyenne mensuelle des salaires bruts perçus par le salarié au cours des douze derniers mois d’activité passés dans l’entreprise, étant entendu que les primes exceptionnelles de toute nature, de même que les frais professionnels sont exclus.

Les parties reconnaissent le périmètre restreint de la présente clause qui ne concerne que les

clients de la Société existants au jour de la notification de la rupture du contrat de travail ou

ceux qui ont été clients de cette Société dans l’année précédant la rupture du contrat (ou la clientèle figurant au jour de la notification de la rupture du contrat dans le portefeuille du

salarié).

Notamment, le salarié sait que, sous réserve de l’interdiction d’entrer en contact ou d’exploiter de quelque façon que ce soit la clientèle de la Société dans les conditions spécifiées précédemment, il reste parfaitement libre, après la notification de la rupture de son contrat de travail. d’exercer toute activité professionnelle concurrente ou non de l’activité de la Société que ce soit pour le compte d’une entreprise concurrente ou pour son propre compte.

La présente clause sera applicable à toute rupture du contrat de travail.

Dans un délai de quinze jours, à compter de la date de la notification de la rupture du contrat de travail. la Société pourra néanmoins par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise en main propre manifester sa volonté de :

- renoncer à l’application de cette clause, en portant sa décision par écrit à la connaissance du salarié. Dans ce cas, le salarié ne pourra prétendre à aucune contrepartie pécuniaire;

- réduire la durée de l’interdiction, l’indemnité due étant alors réduite dans les mêmes proportions.

L’indemnité forfaitaire spéciale cessera d’être versée en cas de violation de la part du salarié

de ladite clause, sans préjudice du remboursement des indemnités mensuelles perçues indûment par ses soins ainsi que du paiement des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi par la Société du fait de la violation de la présente clause.

En outre, la Socié1é se réserve le droit de faire ordonner, le cas échéant. sous astreinte, la cessation du dit trouble'.


Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l’immobilier.


Par lettre du 6 février 2020 M. Y a démissionné et demandé à cumuler les deux heures par jour dont il bénéficie en application de l’article n°32 de la convention collective pour recherche d’emploi, en fin de période de préavis.


En réponse par courrier du 20 février 2020 la SAS Foncia Toulon le dispensait partiellement de l’exécution du préavis du 1er au 7 avril 2020 avant la prise d’effet du cumul sollicité à compter du 8 avril 2020 et l’informait de la mise en mise en oeuvre de la clause de clientèle et de la clause de non concurrence.


Suspectant l’engagement de M. X par la société Cytia Estubilier à Toulon, le conseil de la SAS Foncia Toulon adressait le 9 mars 2021 un courrier aux intéressés pour rappeler les obligations résultant des clauses de non-concurrence et de clientèle.


La SAS Foncia Toulon a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Toulon le 26 mars 2021 aux fins de voir constater la violation de la clause de non-concurrence et de la clause de clientèle, faire cesser sous astreinte le trouble manifestement illicite, condamner le salarié au remboursement des contreparties financières contractuelles versées ainsi qu’à des dommages et intérêts.


Par ordonnance de référé du 15 juillet 2021 le conseil de prud’hommes de Toulon a :


- constaté l’existence de contestations sérieuses


- dit n’y avoir lieu à référé


- débouté les parties de leurs demandes


- condamné Monsieur X aux entiers dépens.


La SAS Foncia Toulon a interjeté appel de l’ordonnance de référé par acte du 9 août 2021 en visant expressément les chefs de l’ordonnance l’ayant déboutée de ses demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS


Dans ses dernières conclusions déposées le 25 août 2021, la SAS Foncia Toulon, appelante, demande de :


JUGER que la clause de non concurrence de M. X est conforme aux exigences de validité posée par la jurisprudence


CONSTATER que Monsieur X a violé la clause de non-concurrence à compter de son embauche chez Citya Estublier soit à compter du 1er juillet 2020, et JUGER qu’à compter de cette date, il a participé à des actes de concurrence caractérisés


DIRE ET JUGER que la violation de sa clause de non concurrence par M. X constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser en référé


Par voie de conséquence,


REFORMER l’ordonnance de référé rendue par le CPH de Toulon,


CONDAMNER Monsieur X à rembourser à Foncia Toulon la somme de 32.082 euros correspondant au total des indemnités mensuelles qu’il a perçues depuis sa date d’embauche chez Citya Estublier le 1er juillet 2020 et le 30 juin 2021 date à compter de laquelle Foncia Toulon a cessé de payer ladite indemnité du fait de la violation de la clause de non concurrence par le salarié


CONDAMNER sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil, Monsieur X à verser à Foncia Toulon une provision à valoir sur les dommages et intérêts qui seront alloués au fond, à hauteur de 15.000 € suite à la violation de la clause de non-concurrence


CONDAMNER M. X à verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 CPC.
Dans ses dernières conclusions déposées le 24 septembre 2021, M. X, intimé, demande de :


CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance du 15 juillet 2021 par le Président du


Conseil de prud’hommes de Toulon


Y ajoutant,


CONDAMNER la société Foncia Toulon à payer à Monsieur X une indemnité de 4 000 € en application de l’article 700 du CPC


CONDAMNER, enfin, la société Foncia Toulon aux entiers dépens.

SUR CE


L’article R. 1455-5 du code du travail dispose que dans tous les cas d’urgence, la formation de référé, peut, dans les limites de la compétence des conseils de Prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différent.


L’article R.1455-6 du code du travail dispose que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.


L’article R.1455-7 du code du travail dispose que dans le cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.


Ainsi aux termes de l’application distributive de ces textes :


- le trouble manifestement illicite donne compétence au juge des référés pour prendre les mesures conservatoires et de remise en état qui s’imposent pour le faire cesser, sans que la constatation de l’urgence ou de l’absence de contestation sérieuse ne soient des conditions de la prise en compte du trouble manifestement illicite;


- l’octroi d’une provision n’est pas subordonné à la constatation de l’urgence ou d’un trouble manifestement illicite mais seule l’obligation non sérieusement contestable peut donner lieu à provision.


En l’espèce la société fonde ses demandes en référé de restitution de la contrepartie financière qu’il présente comme une mesure de remise en état et de provision sur dommages et intérêts sur l’article R.1455-6 du code travail.


Elle soutient ainsi que la violation de la clause de non concurrence comme de la clause de clientèle par le salarié entré au service de la société Citya Toulon dès le 1er juillet 2020 caractérise un trouble manifestement illicite qui justifie la compétence du juge du référé pour ordonner la restitution de la contrepartie mensuelle réglée et condamner le salarié à une provision sur dommages et intérêts.

Sur le trouble manifestement illicite

1- pour violation de la clause de non-concurrence


La violation d’une clause de non-concurrence ne peut être de nature à caractériser un trouble manifestement illicite que si la licéité de la clause qui en constitue le fondement est caractérisée avec évidence.


Pour être valable la clause de non-concurrence doit obéir cumulativement aux trois conditions que sont le fait d’être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise, délimitée dans le temps et dans l’espace et de comporter une contrepartie pécuniaire.


Pour être opposable et donc valable, sa mise en oeuvre doit également intervenir à l’expiration du préavis lorsque celui-ci est exécuté et à la date du départ effectif du salarié si celui-ci en a été dispensé en tout ou partie par l’employeur. Lorsque l’employeur décide de ne pas s’acquitter du versement de la contrepartie prévue au contrat, le salarié est libéré de son obligation de non concurrence.


Pour contester l’ordonnance entreprise, la société fait valoir que :


- la clause de non concurrence est indéniablement valide dès lors qu’elle est conforme aux exigences de délimitation dans le temps, dans l’espace et de proportionnalité de la contrepartie financière en ce qu’elle fixe une durée limitée à 18 mois, un périmètre de 50 km autour de l’établissement d’affectation, ce qui n’obligeait le salarié ni à déménager ni à subir un déclassement ou une reconversion professionnelle et ce, dans un secteur d’activité très développé dans de nombreuses localités et qu’elle prévoit une contrepartie financière significative et même supérieure au montant adopté par les partenaires sociaux,


- le moyen invoqué par le salarié sur le caractère libératoire du non versement par la société de la contrepartie financière à date de cessation effective de son activité doit être rejeté dès lors que le salarié n’a pas été dispensé de préavis mais a seulement bénéficié du cumul conventionnellement prévu de ses heures de recherche d’emploi en fin de préavis


- le trouble manifestement illicite est établi par l’engagement du salarié au sein de la société directement concurrente Citya Estublier à Toulon le 1er juillet 2020.


Pour s’opposer aux demandes formées en référé par la société, le salarié fait valoir que celles-ci échappent à la compétence du juge des référés en ce que la clause de non concurrence n’est pas licite aux motifs que:


- la validité de la clause est contestable dès lors que ses conditions portent une atteinte disproportionnée à la liberté du travail en ce qu’elle ne délimite pas le périmètre de son champ professionnel, faute de désignation précise des emplois prohibés


- il a été libéré de son engagement de non concurrence par le manquement de la société qui ne lui a pas réglé l’indemnité compensatrice dès la cessation effective de son activité le 31 mars 2020.


Il en résulte que le salarié ne discute pas être bien entré le 1er juillet 2020 au service d’une société concurrente en dépit de la clause de non concurrence mais oppose à la violation alléguée, des moyens relatifs à la licéité de cette clause .


A l’analyse des pièces du dossier la cour constate que la clause de non-concurrence est délimitée dans le temps et l’espace, qu’elle est assortie d’une contrepartie financière non dérisoire, dont le montant n’est d’ailleurs pas contesté.


Pour soutenir une atteinte disproportionnée à la liberté du travail, le salarié invoque la généralité de l’interdiction au secteur de l’immobilier sans préciser les emplois concernés.


Toutefois la cour constate que sans ajouter aux critères de licéité, ce moyen n’a pas pour effet de remettre en cause le constat fait d’une clause qui n’est pas manifestement illicite au soutien de demandes fondées sur l’article R.1455-6 du code du travail.


Sur la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence, à l’analyse des pièces produites, la cour relève que :


- l’indemnité de non-concurrence a été versée au salarié à compter du 5 mai 2020, date de l’expiration du préavis puis mensuellement jusqu’en juin 2021


- le salarié a quitté concrètement l’entreprise le 31 mars 2020, en étant d’abord dispensé temporairement de son préavis du 1er au 7 avril puis autorisé, conformément à sa demande, à cumuler en fin de préavis, soit du 8 avril au 5 mai 2020, les heures de recherche d’emploi auxquelles il pouvait prétendre en application de l’article 32 de la convention collective (lettre de la société du 20 février 2020 précisant 'votre dernier jour travaillé sera le 31 mars 2020").


Ainsi la société s’est acquittée du versement de la contrepartie financière à compter de l’expiration du préavis, ce qui caractérise à l’évidence sa volonté de se conformer à son obligation, de sorte que son opposabilité ne fait pas manifestement pas défaut. De ce chef, la clause de non-concurrence n’est donc pas non plus manifestement illicite au soutien de demandes fondées sur l’article R.1455-6 du code du travail.


En conséquence le trouble manifestement illicite est établi par le non respect de la clause de non-concurrence mise à sa charge et dont la licéité qui en constitue le fondement est caractérisée avec évidence.

2- pour violation de la clause de clientèle


Nonobstant sa dénomination de clause de respect la clientèle, une clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d’entrer en relation, directement ou indirectement, selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu’il avait démarché lorsqu’il était au service de son ancien employeur est une clause de non-concurrence.


Au soutien d’un trouble manifestement illicite, la société fait valoir qu’en sa nouvelle qualité de directeur de l’agence immobilière Citya Toulon le salarié a présenté des offres de contrat de syndic à des copropriétés gérées par Foncia Toulon, en violation de sa clause de clientèle .


A ce grief, le salarié oppose :


- qu’il n’a procédé à aucun acte de sollicitation à l’égard des copropriétés gérées par la société Foncia Toulon et renvoie à celle-ci qu’elle n’en rapporte pas la preuve.


- cette clause s’analyse en une clause de clientèle, dès lors que son champ excède le seul démarchage pour prohiber tout contact même à l’initiative du client, dont il conteste la licéité aux motifs du montant dérisoire de la contrepartie financière fixée à 5% et du caractère libératoire faute de versement dès la cessation de son activité.


Comme il a dit ci-dessus, dès lors que la clause de clientèle est délimitée dans le temps et l’espace, qu’elle est assortie d’une contrepartie financière et que celle-ci a été versée, sans qu’il soit besoin d’examiner la requalification de la clause ce qui ressortit de la compétence du juge du fond, la clause de respect de la clientèle n’est pas manifestement illicite sur le fondement de l’article R.1455-6 du code du travail.


Mais sur l’exécution d’actes de sollicitation de la clientèle dont il revient à la société de rapporter la preuve, la cour relève à l’analyse des pièces 6 à 11 qu’elle produit que la matérialité de faits susceptibles de révéler des actes contraires à la clause litigieuse n’est rapportée que pour la reprise de la gestion de la copropriété de la résidence Les Jardins d’Azur, par Citya Estublier, antérieurement gérée par Foncia Toulon.


Le salarié produit les attestations de quatre copropriétaires de cette résidence certifiant l’absence de toute démarche positive du salarié.


Or la réalité de contacts avec le salarié, le cas échéant leur impact sur le choix opéré lors de l’assemblée générale ordinaire du 15 mars 2021 par l’ensemble des copropriétaires qui ne se limitent pas aux quatre attestants, ne sauraient être déterminés en l’état des pièces produites.


Pour le surplus rien ne permet de vérifier l’effectivité de la présentation des deux propositions de contrat de syndic au nom de Citya Estublier pour la Résidence Fleurie et la résidence Le Kalliste, qui ne pourraient en toutes hypothèses s’analyser hors du champ des dispositions de la loi Allur sur la mise en concurrence obligatoire.


En conséquence dès lors que la violation de la clause de clientèle n’est pas établie, il ne saurait s’en caractériser de trouble manifestement illicite fondant le recours à l’article R.1455- 6 du code du travail.

Sur les conséquences de la constatation du trouble manifestement illicite


Le trouble manifestement illicite est établi par le non respect du salarié de sa clause de non-concurrence.


La constatation d’un trouble manifestement illicite donne compétence au juge des référés pour prononcer des mesures conservatoires ou de remise en état.


Ainsi même à supposer avéré le trouble manifestement illicite, celui-ci n’ouvre pas droit à l’octroi d’une provision qui ne peut être fondé que sur l’article R.1455-7 du code du travail et se trouve donc subordonné à l’existence d’une obligation qui n’est pas sérieusement contestable.


Il en découle que la demande de provision à titre de dommages et intérêts formée par la société est mal fondée dès lors qu’une telle demande ne peut prospérer que sur le fondement de l’article R.1455-7 du code du travail qui est subordonnée à l’absence de contestation sérieuse.


Il y a contestation sérieuse lorsque l’examen de la demande appelle nécessairement une appréciation sur l’existence des droits invoqués.


Or comme il a été dit tel est bien le cas en l’espèce.


La cour déboute en conséquence la société de ce chef de demande.


Sur la demande de restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence que la société a cessé de verser à compter de juin 2021, elle s’analyse en demande en paiement de sommes en répétition de l’indu et ne saurait constituer une mesure de remise en l’état pour faire cesser le trouble. Au surplus n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’allouer une somme qui n’est pas demandée à titre provisionnel.


La société est encore mal fondée en sa demande et la cour déboute la société de ce chef de demande.


En conséquence la cour confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a débouté la société de ses prétentions.

Sur les dispositions accessoires
En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que la société contribue aux frais irrépétibles qu’il a contraint le salarié a exposer en cause d’appel. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2000 euros et sera déboutée de sa demande à ce titre.


En application de l’article 696 du même code, il échet de mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société qui succombe.

PAR CES MOTIFS

statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,


Confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a condamné M. X aux dépens,


Statuant à nouveau sur le chef infirmé, y ajoutant,


Condamne la SAS Foncia Toulon à verser à M. X la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


Condamne la SAS Foncia Toulon à supporter les dépens de première instance et d’appel.


LE GREFFIER LE PRESIDENT
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