Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 10 janvier 2019, n° 17/01699

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Chronologie de l’affaire

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www.lba-avocat.com · 27 novembre 2019

Écrit par Louise Bargibant le 27 novembre 2019. Publié dans Articles. Le contrat de franchise est un contrat par lequel une personne (le franchiseur) met à la disposition de l'autre (le franchisé) ses propres signes distinctifs et un savoir-faire original, technique ou commercial, moyennant une rémunération versée sous forme de redevance. En contrepartie, le franchisé doit utiliser le savoir-faire transmis sous le contrôle du franchiseur et avec son assistance. L'intérêt pour le franchiseur est de réitérer rapidement le succès de son concept, en multipliant les ouvertures de locaux …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 10 janv. 2019, n° 17/01699
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 17/01699
Décision précédente : Tribunal de commerce de Saint-Quentin, 23 mars 2017, N° 17/01699
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

ARRET

N°03

SARL A B

SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE,

C/

Société CSF

C X

PG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 10 JANVIER 2019

N° RG 17/01699 et N° RG 17/01741

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT QUENTIN EN DATE DU 24 mars 2017

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE ( RG : 17/01699) et INTIMEE ( RG : 17/01741)

La SARL A B, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Patrick PLATEAU de la SCP MILLON – PLATEAU, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 82, postulant et plaidant par Me Pascal BROUARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE ( RG : 17/01741)

La SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65, postulant et plaidant par Me Jacques LEBLOND de la SCP LCB & Associés Avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE ( RG : 17/01699)

La Société CSF, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire: 65, postulant et plaidant par Me Jacques LEBLOND de la SCP LCB & Associés Avocat au barreau de PARIS

INTIME ( RG : 17/01741)

Monsieur C X

[…]

[…]

Représentée par Me Patrick PLATEAU de la SCP MILLON – PLATEAU, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 82, postulant et plaidant par Me Pascal BROUARD, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Novembre 2018 devant :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre,

Mme Odile GREVIN, Conseillère,

et Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2019.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Marie-Estelle CHAPON

PRONONCE :

Le 10 Janvier 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffière.

DECISION

Le 16 mai 2010, la SARL A B a conclu avec la société Carrefour proximité France un contrat de location-gérance et un contrat de franchise pour l’exploitation d’un fonds de commerce à Neuville les B sous l’enseigne Carrefour contact.

Simultanément, elle a conclu avec la société CSF France un contrat d’approvisionnement pour la fourniture en marchandises hors carburant du point de vente.

Le 13 novembre 2014, la société Carrefour proximité France a notifié à la société A Dorengt la résiliation du contrat de location gérance ; un inventaire a été établi par huissier le 29 novembre 2014, la SARL A B a restitué le fonds de commerce et la société CSF a repris le stock de marchandises et de carburant.

Plusieurs litiges se sont alors noués entre les parties.

La société Carrefour proximité France a assigné la SARL A B par acte du 19 décembre 2014 aux fins de la voir condamnée au paiement de diverses sommes correspondant à des redevances de franchise et de location gérance. Concomitamment, cette dernière a assigné la première en nullité du contrat de location gérance et du contrat de franchise.

Dans le même temps, la société CSF a assigné en paiement la SARL A B au titre de factures impayées de fourniture de marchandises.

Le tribunal de commerce de Saint-Quentin a ordonné la jonction des trois instances par un jugement du 10 avril 2015 et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal arbitral. Ce jugement a été intégralement infirmé par la cour d’appel d’Amiens et le pourvoi à l’encontre de cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation. L’affaire est revenue devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin sous les trois procédures distinctes.

RG 17-1741

Par un jugement du 24 mars 2017, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a :

— joint les deux instances opposant la société Carrefour proximité France et la SARL A B et son gérant, monsieur C X, relativement aux contrats de location-gérance et de franchise,

— prononcé la nullité du contrat de franchise et du contrat de location gérance,

— condamné la société Carrefour proximité France à payer à la SARL A B les sommes de :

* 220 000 € au titre des résultats prévisionnels prévus sur trois années,

* 100 000 € au titre des redevances de location gérance payées la dernière année,

* 50 000 € à titre de dommages et intérêts afin de compenser les frais induits par la rupture du contrat de location gérance,

— dit que les condamnations ci dessus prononcées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné la SARL A B à payer à la société Carrefour proximité France la somme de 6 764,22 € outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

— ordonné la compensation entre les condamnations prononcées,

— débouté monsieur C X de ses demandes à l’encontre de la société Carrefour proximité France,

— condamné la société Carrefour proximité France en tous les dépens et à payer à la SARL A B la somme de 5 000 € pour frais hors dépens.

La société Carrefour proximité France a relevé appel de cette décision par déclaration du 28 avril 2017.

Aux termes de ses dernières conclusions remises dernièrement le 11 mai 2018, l’appelante demande à la cour :

— d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au profit de la SARL A B,

— de le confirmer en ce qu’il a débouté monsieur X de toutes ses demandes,

— de débouter la SARL A B de toutes ses demandes fins et conclusions,

— de condamner la SARL A B à lui verser une somme de 52 542,35 € avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d’instance,

— de condamner la SARL A B et monsieur X à lui verser une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Delahousse et associés.

Elle expose que la société A Dorengt a cessé d’acquitter les sommes dues à compter des mois de septembre et octobre 2014 et que la résiliation du contrat de location-gérance a été prononcée le 13 novembre 2014 conformément aux termes convenus.

Rappelant que les relations contractuelles entre les parties s’étaient nouées dès 2007, elle fait valoir que les contrats litigieux ont été exécutés à la satisfaction des deux parties pendant trois années et souligne que la pertinence des informations pré-contractuelles fournies par elle n’a été questionnée que lorsqu’elle a réagi face à des impayés. Elle précise que ces informations pré-contractuelles critiquées ne concernent que le contrat de franchise.

Dénonçant une analyse des premiers juges dépourvue d’objectivité, elle fait valoir que les différences constatées entre les données chiffrées prévisionnelles et les résultats réalisés ne sont pas significatives et qu’elles ne démontrent pas une tromperie, rappelant que la société A-Dorengt gère le commerce en toute indépendance.

Elle fait valoir que, prenant en compte les conséquences du contexte économique général défavorable en 2011-2013, les parties ont revu à la baisse les prévisions d’activité et elle note que les performances du commerce litigieux ont été inférieures aux performances globales du réseau, mettant en cause le mode de gestion de monsieur X.

L’appelante soutient, à titre subsidiaire, que l’indemnisation accordée en cas de dol ne peut excéder le coût de la remise des parties dans l’état antérieur et elle reproche aux premiers juges d’avoir fixé l’indemnisation au montant correspondant à l’exécution du contrat dont la contrepartie a pourtant été servie.

Elle soutient que le préjudice complémentaire ne peut être constitué que par une perte de chance de

contracter à des conditions plus avantageuses.

Elle indique qu’elle n’a aucun lien de droit avec monsieur X et que ce dernier ne démontre aucune faute de nature extra-contractuelle pouvant justifier une indemnisation.

Elle maintient, à titre reconventionnel, sa demande en paiement des sommes restant dues en exécution des contrats.

Aux termes de leurs conclusions remises dernièrement le 25 septembre 2017, la SARL A B et monsieur X demandent à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de location gérance et de franchise pour dol et l’infirmer sur les conséquences financières,

— de condamner la société Carrefour proximité France à payer à la SARL A B les sommes suivantes :

* 382 085 € au titre de la restitution des redevances de location gérance,

* 185 500 € au titre des cotisations de franchise et de publicité réglées,

* 90 000 € à titre de préjudice matériel né de la cessation d’activité et de la perte enregistrée sur l’exercice 2014/2015,

— d’ infirmer le jugement en ce qu’il a débouté monsieur X de ses demandes indemnitaires et condamner la société Carrefour proximité France à payer à celui-ci :

* 1 100 000 € au titre du préjudice né de l’absence de proposition d’acquisition du fonds de commerce,

* 100 000 € à titre de préjudice matériel,

* 50 000 € à titre de préjudice moral,

— de prononcer à titre subsidiaire la nullité des contrats pour erreur avec condamnation au paiement des mêmes sommes,

— à titre encore plus subsidiaire, si la cour ne prononçait pas la nullité des contrats, de condamner la société Carrefour proximité France à payer à la SARL A B les sommes suivantes:

* 326 675 € au titre du préjudice né de l’absence de réalisation des résultats prévisionnels (insuffisance de marge brute),

* 382 085 € au titre du manquement à l’obligation de délivrance et remboursement des redevances de location-gérance,

* 185 500 € au titre du remboursement des cotisations de franchise et de publicité, faute de contrepartie,

* 90 000 € à titre de préjudice matériel né de la cessation d’activité et de la perte enregistrée sur l’exercice 2014/2015,

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société A Dorengt à payer diverses sommes au profit de la société Carrefour proximité France et de débouter la société Carrefour

proximité France de toutes ses demandes,

— de la condamner à leur payer la somme de 13 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de la SCP Millon Plateau.

Les intimés relatent les circonstances dans lesquelles monsieurs X, ancien directeur au sein du groupe Leclerc a conclu avec la société Prodim en 2007 un contrat de location-gérance et un contrat de franchise et avec la société CSF un contrat d’approvisionnement pour l’exploitation du même fonds de commerce alors sous l’enseigne SHOPI et dans lesquelles de nouveaux contrats ont été conclus en 2010 après que la société Prodim était devenue la société Carrefour Proximité France et l’enseigne SHOPI était abandonnée au profit des enseignes Carrefour City, Carrefour Contact ou Carrefour Express. Ils font valoir que l’objectif explicite de leur engagement contractuel était la perspective de l’acquisition du fonds de commerce par monsieur X, la société Carrefour Proximité France ayant souligné, dans sa communication, le fait que les résultats d’exploitation pendant trois ans permettraient de financer l’apport nécessaire à une telle acquisition.

Faisant valoir que tant le contrat de location-gérance que le contrat de franchise sont soumis aux dispositions de l’article L 330-3 du code de commerce et que ces deux contrats et le contrat d’approvisionnement constituent un ensemble contractuel indivisible, la SARL A B et monsieur X soutiennent que la société Carrefour proximité France a surestimé les potentialités du fonds de commerce, ne leur a pas fourni d’informations sincères et fiables, mais des prévisions non sérieuses en ce qu’elles étaient exagérément optimistes, les trompant volontairement ; ils relèvent que la société Carrefour Proximité France a revu les objectifs à la baisse dès le premier exercice ; ils font état des demandes adressées dès 2011 au conseiller de franchise sur l’économie des contrats ; ils soulignent l’incidence directe de la position adoptée par le franchiseur sur le résultat d’exploitation, mentionnent un positionnement défavorable de l’enseigne Carrefour Contact et dénoncent une interprétation mensongère par la société Carrefour Proximité France des pièces qu’elle produit elle-même.

Ils font plaider que si le dol n’était pas retenu, la nullité des contrats sanctionnerait une erreur commise sur les qualités substantielles du contrat, au nombre desquelles, un résultat d’exploitation suffisant pour financer un projet d’acquisition du fonds de commerce.

Monsieur X se prévaut à ce titre d’un préjudice personnel lié à son investissement financier et individuel, dont il demande l’indemnisation en relevant que la société Carrefour Proximité France ne lui a présenté aucune offre d’acquisition.

La société A B soutient que l’annulation du contrat de location-gérance doit conduire à la restitution des redevances acquittées et celle du contrat de franchise au remboursement des cotisations de franchise et de publicité ; elle se prévaut d’un préjudice spécifique résultant de la résiliation brutale des contrats.

A titre subsidiaire, les intimés indiquent que la société Carrefour proximité France a manqué à ses obligations contractuelles notamment en pratiquant des prix excessifs, qu’elle n’a pas fourni au locataire-gérant un magasin en état de fonctionner dans des conditions normales malgré les réclamations faites dès 2012 et que la résiliation des contrats doit lui être imputée.

La société A-B détaille le préjudice résultant de ces manquements et elle s’oppose à la demande en paiement portant sur des factures de location-gérance et de franchise.

RG 17-1699

Statuant sur le litige opposant la société CSF et la société A- B, le tribunal de commerce de Saint-Quentin, par un jugement rendu le 24 mars 2017, a :

— débouté la société A-B de ses demandes,

— condamné la société A B à payer à la société CSF la somme de 51 471,22 euros outre intérêts et celle de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté le surplus des demandes.

La société A-B a relevé appel de cette décision le 27 avril 2017.

Aux termes de ses conclusions remises dernièrement le 21 novembre 2017, l’appelante demande à la cour :

— d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— de prononcer la jonction des deux instances 17/01699 et 17/01741 (opposant la SARL A B à la société Carrefour proximité France),

— avant dire droit, d’enjoindre sous astreinte la société CSF de produire les conditions tarifaires qui ont été appliquées au cours de sa période d’exploitation, à trois sociétés exploitant sur sa zone de chalandise sous une enseigne du groupe Carrefour, de communiquer un état année par année du montant des ristournes lui revenant en vertu des annexes 1 et 2 des conditions générales de ventes et de justifier du versement de celles-ci, ainsi que du montant des ristournes encaissées auprès des fournisseurs directs au titre de ses achats et de justifier du reversement de celles-ci

— de condamner la société CSF à lui verser la somme de 540 000 € à parfaire au titre du préjudice subi né du non respect par la société CSF de son obligation de fourniture à des conditions tarifaires compétitives,

— de débouter la société CSF de l’ensemble de ses demandes dirigées contre elle,

— de condamner la société CSF à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante soutient que la présente instance doit être jointe à celle qui l’oppose à la société Carrefour proximité France relativement aux contrats de location-gérance et de franchise qui constituent un ensemble contractuel indivisible avec le contrat d’approvisionnement, la société CSF appartenant au groupe Carrefour.

Elle rappelle le contexte dans lequel elle a pris en location-gérance de fonds de commerce que son gérant, monsieur X exploitait antérieurement sous l’enseigne Shopi, lorsque la société Carrefour proximité France a souhaité changer d’enseigne au profit de la dénomination Carrefour Contact.

Dénonçant une surestimation de la marge brute prévisionnelle sur la base de laquelle les sociétés du groupe Carrefour avaient fait miroiter la constitution d’un capital permettant au locataire-gérant d’investir dans l’acquisition du fonds de commerce, l’appelante reproche à la société CSF de lui avoir imposé des prix d’achat non négociables et des prix de revente excessifs par rapport à la concurrence et elle invoque un déséquilibre du contrat au sens de l’article L 442-6 du code de commerce ; elle demande que soient produites les pièces de nature à établir les agissements discriminatoires dont elle se dit victime et les ristournes qui lui sont dues.

Elle conteste la demande en paiement de la société CSF faisant valoir qu’elle ne rapporte pas la preuve de sa créance en ne versant pas les factures correspondant aux marchandises impayées.

Aux termes de ses conclusions remises dernièrement le 21 septembre 2017, la société CSF demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SARL A B à lui verser la somme de 51 471,22 € outre les intérêts à compter du 31 mars 2015,

— débouter la SARL A B de toutes ses demandes fins et conclusions,

— condamner la SARL A B à lui payer les sommes de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CSF s’oppose à la jonction des différentes instances au motif qu’elle n’est pas partie aux relations contractuelles entre la société A-B et la société Carrefour proximité France.

Mentionnant que le contrat litigieux est un contrat d’approvisionnement prioritaire et non pas un contrat d’approvisionnement exclusif, elle fait valoir que sa demande en paiement porte sur des ventes de marchandises dont ni la livraison, ni la qualité ne sont contestées.

Elle indique que les informations sur les conditions tarifaires que réclame désormais la société A-B étaient accessibles par le système informatique dont disposait le gérant du commerce et elle soutient, sous le visa de l’article 142 du code de procédure civile que la demande de mesure d’instruction sur ce point est mal fondée ; elle invoque par ailleurs le secret des affaires et elle relève que la société A-B n’étaye pas l’allégation selon laquelle les prix pratiqués par les enseignes Carrefour Contact seraient supérieurs de 10 % aux prix pratiqués par les concurrents ; elle note que le franchisé fixe lui-même librement les prix de vente à son client.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 8 octobre 2018.

MOTIFS

Sur la demande de jonction

Les litiges opposant la société A-B d’une part à la société Carrefour proximité France, d’autre part à la société CSF s’inscrivent dans une opération économique unique ayant pour objet la reprise de l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne Carrefour contact qui appartient aux sociétés du groupe Carrefour .

Cette opération économique a donné lieu à plusieurs contrats distincts.

Pour autant, les cocontractants de la société A-B sont liés entre eux par leur appartenance à un même groupe de sociétés et tous les contrats ont été conclus simultanément.

En outre, le contrat de franchise dispose qu’il est caduc de plein droit lorsque le contrat de location-gérance est résilié ; il impose au franchisé un assortiment minimum notamment en produits de la marque du distributeur tandis que le contrat d’approvisionnement prévoit des achats prioritaires auprès de la société CSF nécessairement très bien placée pour fournir les produits de la marque Carrefour, ces circonstances créant un lien de fait entre les trois contrats qui font référence les uns aux autres.

Dans ces circonstances, il est de bonne administration de la justice de statuer par un seul arrêt dans

les deux instances.

Il y a donc lieu de joindre les instances enrôlées sous les numéros RG 17-1741 et RG 17 – 1699.

Sur la demande d’annulation des contrats de location gérance et de franchise

En application de l’article 1116 ancien du code civil applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Selon l’article L 330-3 du code de commerce, toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

En l’espèce, monsieur X exploitait, dans le cadre d’un contrat de location-gérance et d’un contrat de franchise conclus avec la société Prodim appartenant au groupe Carrefour un commerce situé à Neuville-les-B depuis presque trois années sous l’enseigne Shopi, lorsque le groupe Carrefour a entrepris de modifier sa stratégie commerciale en substituant notamment l’enseigne et le concept 'Carrefour contact’ aux magasins 'Shopi’ ; l’avant-contrat mentionne qu’existaient en 2009, 336 345 magasins Shopi pour seulement 3 551 magasins Carrefour contact.

Les parties ont alors mis fin de façon amiable aux contrats de location-gérance, de franchise et d’approvisionnement en cours et trois nouveaux contrats de même nature ont été conclus entre la société A-B constituée à cet effet par monsieur X et la société SELIMA, appartenant au groupe Carrefour et la société Carrefour proximité France, s’agissant des contrats de location-gérance et de franchise et entre la première et la société CSF, s’agissant du contrat d’approvisionnement.

La simultanéité de la conclusion de ces trois contrats, l’appartenance des cocontractants de la société A-B à un même groupe de distribution commerciale, la notion même de 'concept’ revendiquée par ceux-ci pour expliquer le changement de tous les contrats et le contenu même des trois contrats qui font référence l’un à l’autre et qui, notamment, imposent au locataire-gérant des obligations strictes en termes d’achalandage conduisent à retenir l’existence d’un ensemble contractuel unique et indivisible.

Dès lors, les dispositions de l’article L 330-3 précité s’appliquent tant au contrat de franchise qu’au contrat de location-gérance dont il n’est pas contesté qu’ils incluent tous deux des dispositions exclusives, l’objet même du contrat de location-gérance étant un fonds de commerce sous l’enseigne 'Carrefour contact'.

La société A-B et monsieur X ne contestent pas que leur a été remis plus d’un mois avant la conclusion des nouveaux contrats un dossier complet conforme aux dispositions précitées et les éléments versés aux débats par eux permettent de vérifier que les éléments prévus par l’article R 330-1 du code de commerce, notamment les principaux concurrents existants ou en projet dans un rayon de 15 kilomètres, la zone de chalandise compte tenu de l’arrivée d’un magasin Super U à Boue.

Pour soutenir que son consentement a été vicié, la société A-B fait valoir que le niveau d’activité mentionné dans les états prévisionnels sur trois ans était exagérément optimiste et que les résultats effectivement prévisibles ne pouvaient permettre à son dirigeant d’envisager la constitution d’un capital lui permettant d’acquérir le fonds de commerce dans un délai de trois années tel que promis par la société Carrefour proximité France.

Les données prévisionnelles incluses dans l’avant-contrat et les résultats effectivement réalisés par le commerce sont les suivants, en milliers d’euros :

2011 prévisionnel 2011 réalisé

2012 prévisionnel 2012 réalisé

2013 prévisionnel 2013 réalisé

CA HT

2822,5

[…]

2 476,4 (84%) 3008,5

[…]

(79,5%)

bénéfice brut 626,1

535,6

654,2

551,8

667,3

533,4

résultat net

32,8

—  23,4

37,4

—  3,9

39,2

6,9

Les seules différences constatées entre le chiffre d’affaires réalisé et le chiffre d’affaires prévisionnel ne suffisent pas à caractériser une manoeuvre dolosive imputable à la société Carrefour proximité France au regard de leur montant étant observé que le caractère récent du développement du concept Carrefour contact ne permettait pas un comparatif fiable avec d’autres commerces.

Si le tribunal a justement retenu que les références proposées par l’appelante relativement à des commerces similaires exploités dans la région nord n’étaient pas significatifs compte tenu du contexte socio-économique dans lequel était exploité le commerce litigieux, force est de constater que la société A-B qui a la charge de prouver la manoeuvre malicieuse qu’elle impute à son cocontractant ne fournit aucuns éléments de fait – qui auraient pu être tirés soit du chiffre d’affaires antérieurement réalisé sous l’enseigne Shopi, soit du chiffre d’affaires réalisés dans d’autres commerce comparables – susceptibles d’établir le caractère irraisonnable des chiffres d’affaires prévisionnels annoncés dans l’avant-contrat.

Le seul fait que la société Carrefour proximité France a revu à la baisse ses prévisionnels à l’issue du premier exercice complet ne suffit pas à caractériser une intention dolosive lors de la conclusion du contrat.

Si le bénéfice brut réalisé par la société A-B est nettement inférieur au bénéfice brut annoncé dans les comptes prévisionnels, il n’est pas contesté qu’il dépend directement du montant des achats faits par le commerçant. Or, sous réserve des développements ci-dessous sur les conditions d’exécution du contrat d’approvisionnement par la société CSF, ce contrat d’approvisionnement prioritaire qui imposait au locataire-gérant d’acquérir 45 à 50 % (selon qu’existait ou non un rayon Boucherie traditionnel) de ses marchandises auprès de la société CSF laissait à l’intéressé toute liberté pour acheter une partie significative de ses marchandises auprès d’autres fournisseurs.

En outre, s’il n’est pas discutable que les charges imposées par la société Carrefour proximité France à travers le contrat de location-gérance et le contrat de franchise et les conditions financières du contrat d’approvisionnement ont un impact déterminant sur le résultat de l’entreprise, celui-ci n’est pas totalement étranger aux décisions de gestion prises par le dirigeant.

La société Carrefour proximité France ne saurait critiquer de façon non circonstanciée, les compétences de monsieur X pour gérer le commerce qu’elle lui a donné en location-gérance après avoir pu expérimenter pendant plus de trois années les aptitudes de l’intéressé. Pour autant, le changement de concept de distribution porté par l’enseigne Carrefour contact a pu nécessiter une modification des pratiques antérieures liées notamment à la modification de la surface de vente et des règles d’achalandage et l’incertitude (partagée par les parties) sur l’adéquation du nouveau concept

aux attentes de la clientèle peuvent expliquer un certain décalage entre les états prévisionnels et le réalisé.

Au moment de la conclusion des trois contrats litigieux, monsieur X, dirigeant de la société A-B, commerçant expérimenté et locataire-gérant 'sortant’ connaissait particulièrement bien l’environnement commercial local dans lequel il évoluait depuis plusieurs années, les attentes de sa clientèle et les contraintes réelles du métier.

En récapitulant les informations qui lui ont été fournies lors de la phase pré-contractuelle, le courrier qu’il a adressé à la société Carrefour proximité France le 1er mars 2013 montre que monsieur X a alors été interpellé par l’augmentation de 2 % à 3,3 % de la redevance de location-gérance et par la volonté affichée par la société Carrefour d’obtenir un retour rapide sur l’investissement opéré dans le nouveau concept et qu’un échange précis a eu lieu sur les résultats prévisionnels annoncés, monsieur X soulignant par exemple qu’il n’avait pas été tenu compte des frais de personnel relatifs au départ à la retraite d’une salariée qui ont représenté plus de 50 % de la perte nette du premier exercice.

Ce courrier mentionne aussi que si le chiffre d’affaires n’a pas progressé de 20 % après le changement d’enseigne comme annoncé par le bailleur, il a néanmoins progressé de 10 %, que le premier exercice n’a pas occasionné de difficultés particulières selon le locataire-gérant et que le résultat de la station d’essence a été affecté à partir de 2011 par l’installation d’un point de vente de gazoil à proximité du commerce.

Si le nouveau contrat de location-gérance conclu en 2010 était assurément défavorable au locataire-gérant par rapport au précédent, il ressort néanmoins du dossier que la société A-B a contracté en toute connaissance.

Aux termes d’un acte intitulé 'convention de produits accessoires exceptionnels’ signé par les parties le 12 octobre 2013, la société Carrefour proximité France et la société A-B ont rappelé que le fonds de commerce concerné est 'un fonds dont l’exploitation devrait [lui] permettre de dégager des résultats suffisants pour investir, dès la fin de la troisième année d’exploitation […] dans l’acquisition d’un nouveau fonds de commerce exploité sous une enseigne de proximité du Groupe Carrefour', le franchisé reconnaissant que les obligations mises à sa charge lui avaient été suffisamment explicitées et le franchiseur s’engageant à verser au franchisé une somme de 12 000 euros dans le délai d’un mois de la signature.

Le contrat prévoyait que cette somme serait remboursable à défaut d’acquisition d’un fonds de commerce dans les quatre années suivant la signature du contrat de gérance.

Il ne fait aucun doute que cette possibilité d’acquérir la propriété d’un fonds de commerce, largement mise en avant par la communication du franchiseur, a participé à la décision de monsieur X de contracter via la création de la société A-B.

Pour autant, les éléments retenus ci-dessus ne démontrent pas que les données économiques qui ont présidé à la conclusion des contrats de location-gérance et de franchise rendaient a priori et à l’évidence impossible la réalisation d’un résultat conforme à cette perspective d’acquisition et que la société Carrefour proximité France a celé cette situation.

Dans ces circonstances, la réalité d’un dol imputable à la société Carrefour proximité France n’est donc pas démontrée.

***

En application de l’article 1110 ancien du code civil applicable au litige, l’erreur n’est une cause de

nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Il n’est pas contestable que monsieur X et à sa suite la société A-B se sont engagés contractuellement dans l’espérance d’un gain suffisant pour pouvoir acquérir un fonds de commerce à moyen terme et l’accord formalisé le 12 octobre 2013 mentionné ci-dessus confirme que cette espérance est entrée dans le champ contractuel.

Pour autant, il ressort des éléments développés ci-dessus que monsieur X a contracté via la société A-B en toute connaissance des résultats existants du fonds de commerce, des charges supplémentaires caractérisant les nouveaux contrats conclus en 2010 et notamment de l’incidence péjorative de la redevance de location-gérance sur le résultat net prévisible.

Il convient de relever que le résultat net effectivement réalisé s’est amélioré au cours des trois premiers exercices pour devenir positif en 2013.

Dans ces circonstances, le défaut de réalisation des résultats annoncés par les états prévisionnels ne suffisent pas à caractériser le vice du consentement dont se prévaut la société A-B, dès lors qu’il n’est pas démontré qu’ils ne pouvaient manifestement pas être atteints, que les intéressés ont pu se méprendre sur la possibilité de les atteindre ou non, ni que la réalisation de pertes au cours des deux premiers exercices excluait toute perspective d’acquisition. A cet égard, il convient de relever que dans un courrier du 11 juillet 2014, alors même que les résultats escomptés n’étaient pas atteints, monsieur X réaffirmait son souhait d’acquérir lorsqu’il aurait 'constitué l’apport’ et soulignait qu’il restait dans l’attente d’une proposition de la part de la société Carrefour proximité France.

En conséquence, la réalité d’une erreur commise lors de la conclusion des contrats litigieux n’est pas avérée.

Il convient, partant, d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu dans l’instance opposant la société Carrefour Proximité France d’une part et la société A-B et monsieur X d’autre part.

L’absence d’annulation des contrats litigieux rend sans objet les demande indemnitaires présentées par la société A-B et par monsieur X de ce chef.

Sur l’exécution des contrats de location-gérance et de franchise

Le contrat de location-gérance a été conclu pour une durée initiale d’un an expirant le 15 mai 2011 puis pour une durée indéterminée.

Le contrat de franchise a été conclu pour une durée de sept ans.

La société A-B et monsieur X font valoir que la société Carrefour proximité France a commis des fautes dans l’exécution des contrats de location-gérance et de franchise.

Il ressort des pièces 14 et 16 versées aux débats par la société A-B que le 8 mars 2012, la commission de sécurité a émis un avis défavorable à l’exploitation du local recevant du public et que ce n’est qu’au mois de juin 2014 que cet avis défavorable a été levé après que le propriétaire du fonds avait réalisé les travaux lui incombant ; il apparaît aussi qu’après avoir fait modifier la surface de vente lors du changement d’enseigne, la société Carrefour proximité France n’a pas procédé aux démarches administratives y afférentes, déclaration de travaux, consultation de la commission de sécurité, tous faits qui ne font l’objet d’aucune contestation de la part de l’intéressée, dans leur réalité.

Contrairement à ce que soutient la société Carrefour proximité France, ces manquements ont nécessairement eu un impact sur la gestion du fonds de commerce, et partant sur son résultat

d’exploitation, dès lors qu’ils ont mobilisé indûment l’attention et le temps de travail du locataire-gérant, indépendamment même de l’impact défavorable d’un local peu adapté voire dégradé, auprès de la clientèle d’un commerce alimentaire.

Rapporté à la rémunération du dirigeant qui est mentionnée sur les comptes de l’entreprise, au délai de deux années pendant lequel l’intéressé a dû suivre ce sujet et au temps de travail y consacré qui peut être évalué à 5 %, ce poste de préjudice est évalué à la somme de 5 000 euros.

La société A-B justifie par ailleurs – sans être aucunement contrariée par la société Carrefour proximité France sur ce point – que le 1er mars 2013, elle a interpellé le franchiseur sur un sur-dimensionnement du rayon frais par rapport aux attentes de la clientèle, sur le caractère excessif du loyer au regard des résultats réalisés en 2011 et sur une charge exceptionnelle liée au départ à la retraite d’une salariée.

Il ressort aussi des pièces qu’elle produit que si le franchisé s’est inscrit dans un esprit de négociation, le franchiseur a – un temps – laissé entendre un ré-examen des conditions financières mais n’y a pas donné suite. De nouvelles interrogations circonstanciées ont été adressées au propriétaire et franchiseur le 11 juillet 2014 (pièces 15 et 16).

A cet égard, il est significatif que la société Carrefour proximité France ne produise aucun courrier adressé en réponse aux demandes du franchisé.

Dans ce contexte, le fait que dès la fin du premier exercice, la société Carrefour proximité France, revoyant à la baisse le chiffre d’affaires prévisionnel, n’ait eu aucune considération pour les demandes du franchisé – qui rappelait pourtant à juste titre qu’une rentabilité du commerce permettant de réunir un capital suffisant pour acquérir un fonds faisait partie du champ contractuel -, privilégiant son propre retour sur investissement, constitue une faute dans l’obligation d’exécuter loyalement les contrats liés de location-gérance et de franchise. Il caractérise aussi un manquement au regard de l’article L 330-3 du code de commerce qui dispose que le contrat est conclu dans l’intérêt commun des deux parties.

De fait, la société Carrefour proximité France a ainsi transféré sur le seul franchisé les risques inhérents à la mise en place d’un concept nouveau au mépris de la perspective formalisée de permettre au locataire-gérant de dégager des bénéfices suffisants pour acheter un fonds et au mépris de la collaboration mise en avant dans le préambule du contrat de franchise.

Au regard du niveau de la réduction du chiffre d’affaires prévisionnel admise à la fin de l’exercice 2011 qui caractérise une mauvaise appréciation reconnue des données initialement avancées, du taux de marge brut réalisée par le commerce, de l’absence totale de réponse sur l’adéquation du loyer de la location-gérance et de ré-examen des conditions financières du contrat de location- gérance ou de celles du contrat de franchise , le préjudice commercial subi par la société A-B et résultant de l’exécution de mauvaise foi imputable à la société Carrefour proximité France est évalué à la somme de 150 000 euros sur la période 2011 à 2014, étant précisé que cette insuffisance de marge brut ne tient pas compte des conditions d’exécution du contrat d’approvisionnement qui seront discutées ci-après.

Il convient de débouter la société A-B du surplus de ses demandes relatives à l’insuffisance de marge, d’un manquement à l’obligation de délivrance et de remboursement des redevances de location-gérance, la locataire-gérante et franchisée ne pouvant soutenir que les obligations mises à sa charge n’ont reçu aucune contrepartie.

La société Carrefour proximité France ne conteste pas davantage n’avoir présenté à la société A-B ou à monsieur X aucune offre d’acquisition d’un fonds de commerce appartenant à son réseau.

Ce fait prive la société Carrefour Proximité France de tout droit sur le remboursement de la somme de 12 000 euros versée à la société A-B en exécution de l’accord conclu le 12 octobre 2013.

Dans ce contexte, il ressort des pièces produites par les parties que le 15 septembre 2014 un rendez-vous a eu lieu entre la société Carrefour proximité France, la société A-B et monsieur X au terme duquel la première a fait connaître par courrier du jour même qu’elle notifiait la fin du contrat de location-gérance à effet au 15 janvier 2015 et proposait un échange sur les modalités de la cessation d’activité du locataire-gérant ; par courrier du 7 octobre 2014, la société A-B rappelait les difficultés auxquelles elle avait fait face, exprimait ses demandes et faisait part de son souhait de quitter le magasin dès le 15 décembre 2014, terme du préavis de trois mois ; le 4 novembre 2014, la société Carrefour proximité France écrivait qu’elle prenait acte du souhait du locataire-gérant de mettre fin au contrat le 15 décembre 2014 et annonçait un contact avec le conseiller de franchise pour procéder à l’inventaire ; le 13 novembre 2014, la société Carrefour proximité France notifiait à la société A-B et à monsieur X la résiliation de plein droit du contrat de location-gérance pour défaut de paiement des redevances de location-gérance et de franchise et des livraisons de marchandises et de carburants.

Cette chronologie met en évidence que les parties avaient convenu, sur l’initiative de la société Carrefour proximité France de mettre fin au contrat de location-gérance plusieurs semaines avant cette notification d’une résiliation de plein droit et les factures dont la société Carrefour proximité France demande paiement au titre des contrats de location-gérance et de franchise mettent en évidence que seule une somme de 320,22 euros était exigible avant le 15 septembre 2014.

Il s’induit de ces éléments de fait que la société Carrefour proximité France a souhaité mettre fin aux contrats alors qu’aucun manquement contractuel significatif ne pouvait être imputé au locataire-gérant et franchisé. La notification dans ces circonstances d’une résiliation de plein droit pour défaut de paiement des redevances de location-gérance, alors même que les parties étaient en pourparlers sur les conditions financières de la fin du contrat procède d’un comportement de mauvaise foi.

Si, aux termes du contrat de location-gérance, la société Carrefour proximité France disposait du droit de résilier ce contrat à tout moment en respectant un préavis de trois mois, les circonstances de fait ainsi rappelées et les fautes retenues à l’encontre de cette société dans l’exécution des contrats de location-gérance et de franchise ont privé la société A-B de la possibilité de poursuivre toute activité dès lors qu’en imposant la constitution d’une société dont l’objet social est l’exploitation du fonds de commerce sous une enseigne du groupe Carrefour à l’exclusion de toute autre, la société Carrefour proximité France avait lié la vie de la société A-B aux contrats de location-gérance et de franchise litigieux ; elle ont aussi privé la société A-B d’une chance de pouvoir financer l’acquisition d’un fonds de commerce.

L’économie globale des contrats conclus entre les parties et la perte de chance de pouvoir acquérir un fonds de commerce et d’en retirer des avantages financiers conduisent à évaluer le préjudice subi par la société A-B de ce chef à la somme de 30 000 euros.

Contrairement à ce que soutient la société Carrefour proximité France , monsieur X peut aussi se prévaloir d’un préjudice propre résultant des fautes contractuelles commises par elle à l’encontre de la société A-B et il convient de relever que tous les courriers émanant de la société Carrefour proximité France qui sont versés aux débats sont adressés à la fois à la société A-B et à monsieur X.

Pour autant, monsieur X ne présente aucune demande indemnitaire au titre de l’inexécution des contrats de location-gérance et de franchise.

***

En application de son article 5.2, le contrat de franchise est devenu caduc de plein droit le 15 décembre 2014, au terme du contrat de location-gérance, les motifs qui précèdent relatifs aux conditions dans lesquelles une résiliation de plein droit a été notifiée de mauvaise foi le 14 novembre 2014 conduisant à priver d’effet cette notification.

La société Carrefour proximité France forme une demande en paiement de factures liées aux contrats de location-gérance et de franchise demeurées impayées.

Ces factures dont le paiement étaient exigibles entre le mois de septembre et le mois de décembre 2014 portent, pour leur plus grande partie, sur des prestations servies au titre du contrat de franchise antérieurement au 15 septembre 2014, date à laquelle les parties ont convenu de mettre un terme aux contrats et sur les redevances de location-gérance jusqu’au 15 décembre 2014.

En revanche, trois d’entre elles concernent la fourniture de 'pack info 3 caisses’ (n°1771872 et 1783975) , d’un kit PLV et de prospectus relatifs à une foire aux vins (n°1794161) qui sont postérieurs à la décision de mettre fin aux contrats. Dès lors qu’il ne ressort pas du contrat de franchise que la société A-B avait l’obligation d’acquérir systématiquement l’ensemble des supports de communication proposés et facturés par le franchiseur et que la société Carrefour proximité France ne justifie pas de telles commandes passées par la société A-B alors que celle-ci savait qu’elle allait quitter le commerce, les sommes correspondantes doivent être exclues de la somme réclamée par la société Carrefour proximité France.

Enfin, les circonstances très particulières dans lesquelles la société Carrefour proximité France s’est prévalue du non paiement de l’ensemble des factures, conduit à exclure que le retard de paiement donne lieu à l’application d’intérêts, ce retard de paiement étant largement imputable au comportement de la société Carrefour proximité France.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement présentée par la société Carrefour proximité France à l’encontre de la société A-B dans la seule limite de 50 339,63 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014 .

Les motifs qui précèdent suffisent à exclure tout caractère abusif de l’action engagée par la société A-B, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire présentée de ce chef par la société Carrefour proximité France.

Sur l’exécution du contrat d’approvisionnement

Pour s’opposer à la demande en paiement des produits dont elle ne conteste pas la livraison par la société CSF, la société A-B invoque l’inexécution du contrat d’approvisionnement par le fournisseur auquel il est reproché d’avoir pratiqué des prix supérieurs à ceux proposés à la concurrence.

Elle demande qu’il soit fait injonction à la société CSF de produire les conditions générales de vente et les conditions tarifaires appliquées à d’autres commerces exerçant sous une enseigne du groupe Carrefour , un état récapitulatif des montants des achats réalisés auprès de la société CSF, du montant des ristournes lui revenant au cours de la période d’exploitation et de justifier du paiement de ces ristournes.

Or, le contrat d’approvisionnement mentionne que le client dispose d’un outil informatique lui permettant de connaître les tarifs pratiqués par le fournisseur et les factures établies par la société CSF à un autre client qui sont produites par la société A-B montrent que cette dernière dispose des éléments de preuve nécessaires à l’appui de ses prétentions et moyens ; ils s’avèrent

suffisants pour que la cour apprécie les demandes relatives au caractère excessif des tarifs pratiqués.

En outre, alors que les ristournes appliquées par le fournisseur n’ont jamais donné lieu à contestation au cours de l’exécution du contrat , la société A-B ne produit pas les annexes du contrat qu’elle vise dans ses écritures ni n’émet aucune critique circonstanciée des ristournes appliquées ; elle ne saurait se décharger sur ce point de la preuve qui lui incombe.

Partant, il n’y a lieu de délivrer injonction.

La société CSF produit un état détaillé du compte de la société A-B et les factures s’y rapportant. Ce décompte fait apparaître les ristournes accordées trimestriellement comme le prévoit le contrat. Il déduit aussi la somme de 145 262,81 euros au titre des marchandises non vendues et reprises par la société CSF à leur valeur d’achat qui avait servi, lors de la conclusion du contrat de location-gérance, à valoriser le stock repris par la société A-B ; les premiers juges ont retenu à juste titre que l’inventaire par simple sondage opéré par maître Y, huissier de justice le 29 novembre 2014 ne permettait pas de remettre en cause cette valorisation.

En l’absence de toute autre contestation circonstanciée du solde débiteur de ce décompte et de tout élément de nature à établir une non conformité à la pratique adoptée par les parties au cours de plus de trois années, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société A-B à payer à la société CSF la somme de 51 471,22 euros outre intérêts qui correspond à des fournitures effectives de marchandises.

Il n’est pas anodin de relever que le décompte produit par la société CSF montre aussi qu’hormis une somme de 143,29 euros due depuis le mois de février 2013, les impayés concernent des fournitures de produits à compter du mois de septembre 2014, soit à une époque où la société A-B savait que la société Carrefour proximité France entendait mettre fin aux contrats et où les parties étaient en négociation sur les conditions financières de cette rupture contractuelle, aucune inexécution antérieure n’étant imputée à la cliente.

Le contrat d’approvisionnement mentionne à titre liminaire que le fournisseur offre à ses clients des conditions tarifaires compétitives et un service performant.

Les tarifs pratiqués sont un élément déterminant du contrat dès lors que le client s’engage à s’approvisionner auprès de la société CSF à hauteur d’au moins 45 % ou 50 % de son chiffre d’affaires TTC hors essence sous peine de devoir payer une indemnité.

Ils sont d’autant plus importants dans l’équilibre général des conventions passées entre les sociétés du groupe Carrefour et la société A-B, auquel participe le contrat d’approvisionnement, que le contrat de franchise impose un prix de vente maximum sur les produits à marques propres, marques de distributeurs et assimilées et recommande un prix de vente sur les autres produits (article 2.3.2. et 2.3.3).

Or, un rapprochement minutieux de la facturation détaillée opérée par la société CSF à la société A-B au mois de juillet 2013 et de la facturation opérée pendant la même période par la société CSF à la société EFP qui exploite un fonds de commerce à l’enseigne Carrefour market à La Capelle conduit à constater qu’un nombre très significatif de produits est vendu à la première à un prix supérieur à celui pratiqué envers la seconde dans tous les rayons.

Seront cités à simple titre d’exemple :

A-B EFP (en euros/u)

Epicerie

[…]

1,30

1,21

[…]

2,13

1,85

Charcuterie

[…]

1,02

1,01

[…]

0,92

0,88

Ultra-frais

[…]

1,45

1,37

[…]

1,20

1,02

[…]

1,91

1,86

50cl crème fraîche 15%M Z

0,85

0,84

[…]

1,45

1,40

APLS

[…]

1,80

1,78

S’il existe quelques produits dont le prix facturé à la société A-B apparaît inférieur au prix facturé à la société EFP, force est de constater qu’ils sont très peu nombreux et que le différentiel de prix est sans commune mesure avec celui des tarifs défavorables à la société A-B.

La société CSF ne conteste pas la pertinence de la comparaison entre ces factures à deux commerces directement concurrents et n’explique pas la différence des tarifs pratiqués auprès de ces deux clients.

Si elle peut répondre au souci de la société CSF de contribuer au retour rapide sur investissement dans la nouvelle formule 'Carrefour Contact’ attendu par les sociétés du groupe Carrefour, cette pratique constitue une inexécution du contrat qui lui est imputable.

La faute ainsi commise par la société CSF est d’autant plus grave et préjudiciable qu’elle concerne des produits à la marque propre ou à la marque distributeur que la société A-B ne pouvait acquérir ailleurs.

Au regard des contraintes pesant sur le client dans le contexte contractuel unique défini par les contrats de location-gérance, de franchise et d’approvisionnement, la société CSF en pratiquant des tarifs excessifs sur des produits que la société A-B avait l’obligation d’acquérir pour une part importante de son activité, a ainsi soumis son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits et a engagé sa responsabilité.

Les éléments versés aux débats permettent d’évaluer à 1 % le surcoût ainsi imputé à la société A-B. Rapporté au montant annuel moyen des achats opérés par la société A-Dorentgs, ce surcoût conduit à fixer à la somme de 40 000 euros le préjudice résultant de la faute commise par la société CSF pour les années 2013 et 2014 ; en revanche, les pièces produites ne permettent pas de retenir que des tarifs excessifs étaient pratiqués par la société CSF avant 2013.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société CSF à payer à la société A-B la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les motifs qui précèdent suffisent à exclure tout caractère abusif de l’appel interjeté par la société A-B, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire présentée de ce chef par la société Carrefour proximité France.

***

Succombant partiellement dans ses prétentions, chaque partie conserve la charge des dépens qu’elle a exposés en première instance et devant la cour.

Il n’y a lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

prononce la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 17 – 1699 et 17 – 1741 ;

infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint Quentin le 24 mars 2017 dans l’instance opposant la société Carrefour proximité France d’une part à la société A-B et monsieur X d’autre part, en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

déboute la société A-B et monsieur X de leur demandes d’annulation des contrats de location-gérance et de franchise ;

condamne la société Carrefour proximité France à payer à la société A-B la somme totale de 185 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

condamne la société A-B à payer à la société Carrefour proximité France la somme de 50 339,63 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014 ;

ordonne la compensation entre ces créances réciproques à hauteur de la plus faible ;

déboute les sociétés A-B et Carrefour proximité France de toutes autres demandes dans leurs rapports entre elles ;

confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint Quentin le 24 mars 2017 dans l’instance opposant la société CSF d’une part à la société A-B d’autre part, en ce qu’il a condamné la société A-B à payer à la société CSF la somme de 51 471,22 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 ars 2015 ;

l’infirme en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

condamne la société CSF à payer à la société A-B la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

ordonne la compensation des créances réciproques des société A-B et CSF à concurrence de la plus faible ;

déboute les sociétés A-B et CSF de toutes autres demandes dans leurs rapports entre elles ;

laisse à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés en première instance et devant la cour ;

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 10 janvier 2019, n° 17/01699