Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 10 avril 2020, n° 19/01831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 2e protection soc., 10 avr. 2020, n° 19/01831
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/01831
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 17 février 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N° 521

Société ROQUETTE

C/

CPAM DES FLANDRES

JR

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 10 AVRIL 2020

*************************************************************

N° RG 19/01831 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HHRY

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE (Pôle Social) DE LILLE EN DATE DU 18 février 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La Société ROQUETTE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

(Salarié : M. X)

[…]

[…]

Représentée et plaidant par Me DELAUTRE substituant Me Louis VANEECLOO de la SCP SOLUCIAL, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIME

La CPAM DES FLANDRES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée et plaidant par Mme Laura LESOBRE dûment mandatée

DEBATS :

A l’audience publique du 25 février 2020 devant Mme B C, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 avril 2020.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. Z A

En présence de Mme Julia Lespagnol, greffière stagiaire.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme B C en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

M. D E, Président de chambre,

Mme B C, Président,

et M. Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Vu l’urgence; Vu les circonstances exceptionnelles liées à l’obligation de confinement et la prévention du risque de diffusion du coronavirus ; Vu l’empêchement de D E;

Le 10 avril 2020, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute a été signée par Mme B C exerçant les fonctions de président de la formation avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.

*

* *

DECISION

Saisi le 22 mai 2017 par la société Roquette Frères d’une contestation de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres en date du 24 mars 2017, ayant rejeté sa demande tendant à ce que la prise en charge de la pathologie déclarée par M. X lui soit déclarée inopposable, le Pôle Social de Lille, par jugement prononcé le 18 février 2019 a, pour des motifs auxquels il est expressément renvoyé, a :

débouté la société Roquette Frères de l’ensemble de ses demandes,

dit que la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres du 4 janvier 2017 de l’affection de M. X est opposable à la société Roquette Frères.

Par lettre recommandée du 14 mars 2019, la société Roquette Frères a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée expédiée le 18 février 2019.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 25 février 2020.

Aux termes de ses conclusions déposées le 11 juin 2019, la société Roquette Frères demande à la cour :

d’infirmer intégralement le jugement entrepris,

de constater que le lien n’est pas établi entre le travail habituel de M. X et la maladie, et refuser la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle,

en tout état de cause, dire la décision de prise en charge inopposable en raison des irrégulières constatées,

condamner la caisse au paiement d’une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la caisse aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses demandes, la Société Roquette Frères expose, en substance, les éléments suivants :

Le tableau n° 30 des maladies professionnelles exige qu’un examen tomodensitométrique ait été pratiqué sur la personne de l’assuré pour reconnaître la maladie, alors qu’en l’espèce, le certificat médical initial du 16 avril 2010 ne mentionne pas la réalisation de cet examen.

Par ailleurs, M. X a cessé de travailler chez elle en 1995, et elle n’est plus en mesure de reconstituer sa carrière alors que la durée de conservation des documents sociaux est de 5 ans. Elle soutient que la preuve de l’exposition de M. X à l’amiante n’est pas démontrée.

Elle soutient d’autre part que la prise en charge de la maladie ne lui a pas été notifiée par lettre recommandée, alors qu’elle devait intervenir le 3 janvier 2017.

La caisse qui n’a pas produit devant le Pôle social la lettre recommandée a transmis une copie d’écran de son logiciel, ce qui fait seulement état de la création et de l’enregistrement de ce courrier, mais pas de son envoi, et encore moins de sa réception, la jurisprudence considérant qu’il ne s’agit pas d’un mode de preuve admissible.

La caisse tente de se prévaloir d’une jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle est applicable uniquement aux décisions implicites de prise en charge.

Contrairement à ce que soutient la caisse, elle ne lui a pas transmis l’entier dossier, malgré sa demande, ce qui constitue une violation des dispositions de l’article R 441-13 du code de la sécurité sociale, alors que contrairement à la consultation, la communication implique nécessairement la remise matérielle d’un document.

Le code de la sécurité sociale réglemente la consultation du dossier à l’article R 441-14 et sa consultation à l’article R 441-13, et la caisse a l’obligation de communiquer le dossier dès lors qu’une demande en ce sens lui a été faite.

La caisse primaire d’assurance maladie, aux termes de ses conclusions non visées par le greffe, et oralement développées à l’audience, demande à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 20 septembre 2018,

rejeter les demandes de la société Roquette Frères,

dire que les conditions de prise en charge de la maladie décrite au tableau n°30 B étaient réunies,

dire que la caisse a respecté le principe du contradictoire lors de l’instruction du dossier,

dire opposable à l’employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. X.

Au soutien de ses demandes, la caisse primaire d’assurance maladie oppose qu’en application des dispositions de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, la victime n’a pas à apporter la preuve du lien de causalité entre l’affection dont elle est atteinte et le travail, dès lors qu’elle démontre que l’affection est inscrite dans un des tableaux , qu’elle a été exposée à l’action des agents nocifs mentionnés par ledit tableau et que le délai de prise en charge est respecté.

Contrairement à ce que tente de faire croire l’employeur, l’examen tomodensitométrique ne devait pas être réalisé avant le 10 juin 2016, qui est celle du certificat médical initial, ce qui ne correspond pas à la date de première constatation de la maladie.

En l’espèce, un scanner thoracique a été réalisé le 19 mai 2016.

M. X a travaillé de 1957 à 1995 chez Roquette Frères en tant qu’ouvrier, affecté au service de fabrication dixtrine où il vidait chaque jour entre 80 et 100 sacs contenant des graines et de la terre laquelle était composée d’amiante, ce qui résulte clairement de l’enquête menée par la caisse et de l’avis de l’inspection du travail.

Le principe du contradictoire est respecté dès lors que préalablement à sa décision, la caisse a avisé l’employeur de la date à laquelle elle entendait prendre sa décision et qu’elle a mis l’entier dossier à sa disposition.

Contrairement à ce que soutient la société, la caisse n’a pas l’obligation de transmettre le dossier avant la période de consultation du dossier.

En l’espèce, l’employeur a été avisé par courrier du 16 décembre 2016, réceptionné le 21 décembre 2016, de ce qu’il pouvait venir consulter le dossier avant la prise de décision fixée au 3 janvier 2017.

Elle soutient par ailleurs que l’absence de notification de la décision de prise en charge n’a pas pour effet de rendre celle-ci inopposable à l’employeur, mais seulement de ne pas faire courir les délais de recours.

Motifs :

M. X a le 7 septembre 2016 régularisé une déclaration de maladie professionnelle, soit des plaques pleurales calcifiées, relevant du tableau 30 B des maladies professionnelles.

Après instruction de la demande, la caisse primaire a pris en charge la maladie déclarée selon décision du 4 janvier 2017.

Sur les conditions du tableau n° 30 B des maladies professionnelles

Le médecin-conseil, seul compétent pour fixer la date de première constatation de la maladie, a retenu la date du 19 mai 2016, correspondant au scanner thoracique réalisé et dont la caisse primaire produit le compte rendu, établi par le docteur Y.

Dès lors, le grief formulé par la société tenant au fait que la caisse ne justifie pas de l’examen tomodensitométrique requis par le tableau n’est pas fondé.

Il est établi par l’enquête menée par la caisse primaire d’assurance maladie que M. X travaillait au sein de la société Roquette Frères depuis janvier 1957, avec une interruption de deux années consacrées à son service militaire.

Entre 1957 et 1958, il a travaillé au stockage des sacs dans les rayons du magasin, et de 1960 à 1985 , il a été affect au service de fabrication dextrine, et plus précisément au mélange des produits. Enfin, de 1985 à 1995, il a été affecté au service nettoyage et au transport des produits entre les ateliers.

M. X décrivait son travail au service de fabrication dextrine comme consistant à mélanger des produits dont de l’amiante, ce qui a été confirmé par l’un de ses collègues.

L’inspection du travail, dont l’avis a été sollicité au cours de l’instruction de la demande a indiqué dans un courrier du 22 novembre 2016 que des terres de filtration étaient utilisées comme médiat filtrant dans le processus de fabrication et qu’avant 1996, l’entreprise utilisait une terre de filtration contenant de l’amiante qui était utilisée pour ses caractéristiques permettant une filtration efficace. Les salariés étaient ainsi exposé à l’inhalation des poussières d’amiante contenues dans ces terres lors du vidage des sacs, opération qui entrainait un dégagement important de poussières. Elle ajoutait que le salarié avait également été exposé en circulant dans les locaux où la fibre d’amiante était en suspens.

Ainsi, l’exposition à l’amiante est établie, et ce même si la société soutient ne pas avoir conservé les archives, étant observé qu’elle connaît néanmoins les conditions dans lesquelles travaillaient ses salariés.

Cet argument doit par conséquent être écarté.

Sur le respect du principe du contradictoire

1°) sur le défaut de justification de la notification de la décision de prise en charge de la maladie

Il n’est pas contesté que la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas été en mesure de produire l’accusé de réception de la notification de la prise en charge de la maladie déclarée par M. X.

Contrairement à ce que soutient la société Roquette Frères, le défaut de preuve de cette notification n’a pas pour effet de rendre inopposable à l’employeur la prise en charge de la pathologie, mais seulement de ne pas faire courir les délais de recours contre cette décision.

La société Roquette Frères a au demeurant saisi la commission de recours amiable d’une contestation de la décision de prise en charge de la maladie, sans que lui soit opposée une forclusion.

Le grief ne saurait donc être retenu.

2°) sur le défaut de communication des pièces

Selon les dispositions de l’article R 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, applicable au litige, dans le cas prévu à l’article R 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R 441-13.

Le texte fait donc peser sur la caisse primaire une obligation de mise à disposition du dossier, uniquement lorsque l’instruction est complète et qu’elle est ainsi en mesure de prendre une décision.

En l’espèce, la société Roquette Frères avait sollicité une copie du dossier par courrier du 14 novembre 2016, lorsqu’elle a formulé des réserves sur la prise en charge de la maladie professionnelle de M. X, et donc avant que la caisse ne l’informe de la clôture de la procédure.

En effet, la décision de clôture et l’avis destiné à l’employeur et à l’assuré de venir prendre connaissance du dossier avant la prise de décision a été fait par lettre recommandée du 16 décembre 2016, réceptionnée par l’employeur le 21 décembre 2016.

Le droit de consultation de la procédure est strictement limité par les dispositions du texte précité à la date à laquelle la caisse clôture l’instruction, et ce jusqu’à la prise de décision.

Ce droit de consultation n’est pas permanent, et dès lors, en ne satisfaisant pas à la demande de communication du dossier faite pendant le déroulement de l’instruction du dossier, la caisse primaire n’a commis aucun manquement à ses obligations.

Les premiers juges ont donc, pour cet ensemble de motifs, fait une exacte analyse des faits et une bonne application des textes.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a déclaré opposable à la société Roquette Frères la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. X.

Il convient cependant de réparer le jugement en ce qu’il a omis de statuer sur les dépens nés après le 31 décembre 2018 alors que les dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, sont désormais applicable, l’article R 44-10 du code de la sécurité sociale ayant été abrogé par le décret n° 2018- 928 du 20 octobre 2018.

Dépens

La société Roquette Frères doit être par application de l’article 696 du code de procédure civile condamnée aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le Pôle social de Lille, en ce qu’il a déclaré opposable à la société Roquette Frères la prise en charge de la pathologie déclarée par M. X,

Y ajoutant,

Condamne la société Roquette Frères aux dépens de première instance et aux dépens de l’instance d’appel,

Déboute la société Roquette Frères de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente pour le Président de formation empêché,

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Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 10 avril 2020, n° 19/01831