Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 30 juin 2021, n° 20/01148

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 30 juin 2021, n° 20/01148
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 20/01148
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Abbeville, 16 février 2020, N° 19/00021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

S.A.S. SIBELCO FRANCE

C/

X

copie exécutoire

le 30 juin 2021

à

Me CORRE

Me HAMEL

ADB/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 30 JUIN 2021

*************************************************************

N° RG 20/01148 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HVEY

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ABBEVILLE DU 17 FEVRIER 2020 (référence dossier N° RG 19/00021)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. SIBELCO FRANCE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Sandrine REMOISSONNET, avocat au barreau de SENLIS, postulant,

concluant par Me Michèle CORRE de la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

ET :

INTIME

Monsieur L X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté et concluant par Me Christine HAMEL de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 08 avril 2021, devant Mme Q R, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme Q R indique que l’arrêt sera prononcé le 30 juin 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Q R en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre,

Mme Q R, Conseiller,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 30 juin 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre, et Mme Isabelle LEROY, Greffier.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 17 février 2020 par lequel le Conseil de prud’hommes d’Abbeville, statuant dans le litige opposant monsieur L X à son employeur, la société Sibelco France, a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse avec faute grave, condamné la société

Sibelco France à verser à monsieur X une somme au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur, débouté cette dernière de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens;

Vu l’appel principal interjeté par voie électronique le 28 février 2020 par la société Sibelco France à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée;

Vu l’appel incident interjeté par voie électronique le 13 mars 2020 par monsieur X à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée;

Vu l’ordonnance de jonction en date du 22 mai 2020 rendue par le juge de la mise en état de la Cour d’appel d’Amiens;

Vu la constitution d’avocat de monsieur X, intimé, formalisée le 19 juin 2020;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020 par lesquelles l’employeur appelant, faisant valoir que la Cour est compétente pour trancher la question de la légitimité du licenciement pour faute grave du salarié protégé, soutenant que le licenciement est fondé à titre principal sur une faute grave et subsidiairement sur une cause réelle et sérieuse, soulignant que le jugement entrepris a opéré une confusion entre l’indemnité due en réparation du préjudice consécutif à l’annulation de l’autorisation de licenciement et l’indemnité pour violation du statut protecteur accordée en cas de licenciement prononcé sans autorisation, demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, de débouter monsieur X de l’intégralité de ses demandes à l’exception de l’indemnité sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail limitée à une certaine somme, à titre subsidiaire de juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de limiter le montant des indemnités compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de licenciement et de débouter le salarié du surplus de ses demandes à l’exception de l’indemnité sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail limitée à une certaine somme, à titre infiniment subsidiaire de limiter le montant des indemnités compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter le salarié du surplus de ses demandes à l’exception de l’indemnité sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail limitée à une certaine somme, en tout état de cause d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la société Sibelco France était redevable d’une indemnité pour violation du statut protecteur et l’a condamnée à verser une somme à monsieur X à ce titre ainsi qu’aux dépens, statuant à nouveau de débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour violation du statut protecteur, de limiter à une certaine somme le montant de l’indemnité sur le fondement de l’article L. 2422-4 du Code du travail et de débouter ce dernier de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2021 aux termes desquelles le salarié intimé, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante aux motifs notamment qu’il est bien fondé en sa demande d’indemnité du fait du préjudice consécutif à un licenciement devenu nul en raison de l’annulation de l’autorisation de licenciement par la juridiction administrative, faisant également valoir qu’il a subi un préjudice moral à l’occasion de son licenciement, soutenant encore que son licenciement pour faute grave est entaché de nullité et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, sollicite de la cour de dire la société Sibelco France recevable mais mal fondée et de la débouter de toutes ses demandes, de le dire recevable et bien fondé en son appel, d’infirmer le jugement entrepris, de constater que le licenciement est nul, dépourvu de faute grave mais également sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Sibelco France à lui verser à titre principal une somme au titre du paiement des salaires et congés payés afférents pour la période du 18 juillet 2016 au 27 février 2019 et à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire ces sommes autrement évaluées à ce titre, en tout état de cause de condamner l’employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait de la violation du statut protecteur, de dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts

pour licenciement abusif et vexatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, d’ordonner la remise sous astreinte des documents de fin de contrat et bulletins de paies conformes, d’ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile et de dire que l’ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 mars 2021 renvoyant l’affaire pour être plaidée à l’audience du 8 avril 2021;

Vu les conclusions transmises le 4 septembre 2020 par l’appelant et le 3 mars 2021 par l’intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;

SUR CE, LA COUR ;

Monsieur X a été initialement engagé par la société Delarue à compter du 4 octobre 1988 en qualité de contremaître, puis de chef d’exploitation. Un contrat de travail à durée indéterminée ayant été régularisé entre les parties le 22 mars 2012.

Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société Sibelco France à compter du 1er juin 2013.

Trouve à s’appliquer à la relation de travail la convention collective des cadres des industries de carrières et matériaux de construction. L’entreprise Sibelco France occupait à titre habituel au moins onze salariés au jour de la rupture des relations contractuelles.

Au dernier état de la relation contractuelle, monsieur X occupait les fonctions de responsable d’exploitation niveau 8 échelon 2 statut cadre au sein de l’établissement de Cayeux sur Mer et avait une ancienneté de 27 ans et 9 mois.

Monsieur X était membre du comité d’établissement de Cayeux sur Mer et délégué syndical.

Par lettre recommandée en date du 28 avril 2016, monsieur X a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 mai suivant, reporté successivement au 17 mai et enfin au 24 mai 2016 et mis à pied à titre conservatoire.

Réuni le 26 mai 2016, le comité d’établissement de Cayeux sur Mer a rendu un avis défavorable au projet de licenciement de monsieur X.

La DIRECCTE du Nord Pas de Calais a rendu une décision d’autorisation de licenciement de monsieur X le 8 juillet 2016.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2016, qui fixe les limites du litige et lie définitivement le juge et les parties, motivée comme suit :

«Après l’entretien préalable du 24 mai 2016, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur N F et avis du comité d’établissement le 26 mai 2016 nous avons sollicité quprès de la DIRECCTE (Inspection du travail) l’autorisation de mettre fin à votre contrat de travail.

Le 8 juillet 2016, après avoir mené une enquête contradictoire le 20 juin 2016 dans les locaux de la DIRECCTE Picardie avec votre audition, le 21 juin dans les locaux de la DIRECCTE Picardie avec l’audition de Monsieur P et le 5 juillet 2016 dans les locaux de l’établissement de Cayeux sur Mer avec l’audition de dix salariés, l’inspecteur du travail nous a délivré l’autorisation de vous licencier.

L’enquête contradictoire, et notamment à l’occasion du recueil des témoignages concordants de plusieurs salariés sur site de Cayeux sur mer, a permis de démontrer et caractérise votre comportement délétère à l’encontre de certains salariés.

Votre comportement à leur égard s’est manifesté par des attitudes blessantes, des dénigrements et des critiques régulières de la qualité de leur travail, des menaces et des changement d’affectations de manière arbitraire et à caractère punitif afin de solder certains désaccords, des consignes de mises à l’écart et d’isolement de certains salariés.

Il a été établi que votre attitude et vos agissements avaient eu pour conséquence de créer une situation de souffrance physique et/ou mentale au travail qui s’est manifestée par une dégradation de leur état de santé.

Nombre de salariés du site ont fait part de leur anxiété à venir travailler dans ce contexte et de leur mal être face à vos attitudes et paroles.

Un tel comportement est intolérable et constitue une faute grave rendant immédiatement impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Pour ces mêmes raisons, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris durant la période de préavis. Votre licenciement prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni préavis […] ».

Par jugement définitif en date du 27 décembre 2018, le Tribunal administratif d’Amiens a annulé la décision d’autorisation de licenciement de monsieur X du 8 juillet 2016.

Contestant la licéité et la légitimité de son licenciement, invoquant notamment la violation du statut protecteur et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, monsieur X a saisi le 7 mars 2019 le conseil de prud’hommes d’Abbeville qui, statuant par jugement du 17 février 2020, dont appel, s’est prononcé comme indiqué précédemment.

MOTIFS

Sur le licenciement

In limine litis, sur la compétence de la juridiction prud’homale

La société appelante articule un moyen relatif à la compétence en faisant valoir que l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas uniquement de l’annulation de l’autorisation administrative de licenciement et qu’en l’occurrence l’annulation de l’autorisation de licenciement est fondée sur un motif de légalité externe et non interne, de sorte que la Cour reste compétente pour apprécier le bien fondé du licenciement pour faute grave.

Monsieur X n’articule pas de moyen spécifique de ce chef.

Sur ce,

La cour rappelle que si le juge judiciaire n’a pas compétence pour se prononcer sur la légalité d’une décision de l’autorité administrative statuant sur la rupture ou le transfert du contrat de travail d’un salarié protégé, il demeure compétent pour prononcer la nullité de la rupture, ordonner la

réintégration du salarié et condamner l’entreprise à réparer le préjudice subi en cas de rupture du contrat intervenu en violation du statut protecteur.

En l’espèce, il y a lieu de relever que le salarié n’articule aucun moyen et argument tendant à soulever l’incompétence de la juridiction prud’homale mais entend tirer les conséquences de l’annulation de la décision d’autorisation de son licenciement par la juridiction administrative sur l’appréciation de la légitimité de son licenciement pour faute grave.

Conformément aux principes précédemment rappelées, la Cour demeure compétente pour connaître de la demande tirée de la nullité et subsidiairement de la cause réelle et sérieuse du licenciement de monsieur X.

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Monsieur X demande à la cour de dire son licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, estimant ne pas avoir commis les griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

La société Sibelco France considère au contraire que le licenciement de monsieur X repose sur une faute grave constituée par différents griefs établis au moyen des attestations de salariés.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour relève que si monsieur X demande à la cour aux termes de ses écritures de constater que son licenciement est « nul, dépourvu de faute grave mais également de cause réelle et sérieuse », il n’articule aucun moyen en fait et en droit relatif à la cause de nullité qu’il entend soulever.

La cour rappelle à cet égard que l’annulation de l’autorisation de licenciement n’a pas pour effet d’emporter la nullité du licenciement.

Par conséquent, monsieur X sera débouté de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul et il y a lieu d’analyser le seul moyen tiré de l’illégitimité du licenciement pour faute grave.

Il y a lieu de rappeler que si l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l’annulation de l’autorisation de licenciement, la décision du juge administratif qui annule cette autorisation en raison du lien existant entre la procédure de licenciement et les fonctions représentatives exercées par l’intéressé s’oppose à ce que le juge judiciaire considère que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le juge judiciaire reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute au regard des indemnités de rupture.

Enfin, pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l’existence d’une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

En l’espèce, il est constant que l’annulation de l’autorisation de licenciement de monsieur X par le

juge administratif est fondée sur un motif lié à la méconnaissance du principe du contradictoire dans le cadre de l’enquête menée par la DIRECCTE préalable à sa décision d’autoriser le licenciement. Il résulte plus particulièrement du jugement du Tribunal administratif d’Amiens que le juge administratif ne s’est pas prononcé sur les griefs reprochés par l’employeur aux termes de la lettre de licenciement, ni n’a annulé la décision d’autorisation en raison d’un lien existant entre la procédure de licenciement et les fonctions représentatives exercées par l’intéressé.

Par conséquent, la cour conserve tout pouvoir d’apprécier si les griefs reprochés à monsieur X aux termes de la lettre de licenciement sont constitutifs d’une faute grave.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement telle que reproduite ci-dessus que l’employeur reproche au salarié un comportement délétère caractérisé par « des attitudes blessantes, des dénigrements et des critiques régulières de la qualité de leur travail, des menaces et des changement d’affectations de manière arbitraire et à caractère punitif afin de solder certains désaccords, des consignes de mises à l’écart et d’isolement de certains salariés ».

Or, l’employeur verse aux débats des éléments révélant qu’il a été alerté par plusieurs salariés de l’entreprise d’un certain nombre d’agissements imputés à monsieur X et étant à l’origine d’anxiété, de stress et d’un climat délétère ainsi instauré. En effet, l’employeur verse aux débats notamment les attestations de madame Y, madame Z, madame A, lesquelles rapportent des faits précis et circonstanciés et notamment des propos proférés par monsieur X à l’encontre de plusieurs salariés les surnommant « boats people », « la mère Cuisinier », « topalof », « la tarlouze », « le vendeur de couscous », « Niakoué », ou encore des termes dénigrants tels que « branquignols », « bon à rien », « gougnafiers ».

Il produit également les attestations de monsieur B, monsieur C, monsieur D, monsieur E rapportant avoir subi des menaces, des insultes, un manque de respect de la part de monsieur X.

Monsieur X conteste la valeur probante de certaines attestations produites par l’employeur. A cet égard, la cour rappelle qu’en matière prud’homale la preuve est libre et il appartient au juge d’apprécier la valeur probante et la portée des courriers ou attestations produites. En outre, les mentions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et il appartient à la cour d’apprécier souverainement si chaque attestation non conforme présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction. Or en l’espèce, les courriers versés repris dans les attestations décrivent suffisamment précisément les relations entretenues entre les salariés et monsieur X, permettent d’identifier leurs auteurs qui témoignent de faits qu’ils disent avoir personnellement vécu.

Il ressort des moyens débattus et des pièces versées que les faits fautifs invoqués par l’employeur imputés à monsieur X, étant précisé que ces mêmes faits ont été reprochés à monsieur F, supérieur hiérarchique de monsieur X, sont établis non seulement au moyen des attestations précédemment évoquées mais également au regard de l’enquête de l’inspection du travail réalisée en juin 2016 et ayant mis en exergue un comportement délétère de monsieur X caractérisés par des attitudes blessantes, des critiques régulières de la qualité de travail, des dénigrements, des changements d’affectation arbitraires et punitifs ayant eu des conséquences sur l’état de santé physique et mentale des certains salariés.

Monsieur X prétend au contraire que son licenciement a été orchestré afin de se séparer d’un salarié ayant une ancienneté importante et dénoncé certains dysfonctionnements de l’entreprise. Toutefois, il ne verse au soutien de cette affirmation que des attestations soulignant qu’il aurait dénoncé le sentiment de plusieurs salariés de se sentir délaissés par la direction et menacés par une fermeture le 27 janvier 2016 lors d’une réunion de négociation salariale, cette seule circonstance non corroborée par des éléments objectifs ne permettant pas d’établir un lien avec son congédiement.

En outre, monsieur X se prévaut des attestations de plusieurs salariés de l’entreprise notamment de monsieur G, monsieur H, monsieur I, monsieur J, monsieur K, mais également de proches précisant en des termes identiques qu’ils n’ont jamais constatés les comportements repris dans la lettre de licenciement. Il verse en outre des attestations de monsieur F relatant les conditions de déroulement de l’entretien préalable au licenciement.

La cour considère toutefois que les attestations versées ont une valeur probante relative dès lors que, d’une part, monsieur F était en litige avec son employeur pour un licenciement reposant sur des faits en partie similaires et, d’autre part, que les attestations sont rédigées en des termes strictement identiques.

Bien plus, ces attestations consistant pour leur auteur à affirmer n’avoir jamais constaté les faits articulés dans la lettre de licenciement ne sont pas de nature à remettre en cause les faits précis et concordants résultants des attestions versées par l’employeur.

Par conséquent, la cour juge que les griefs sont établis, imputables à monsieur X et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par confirmation du jugement entrepris, monsieur X sera débouté de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail.

Sur la demande d’indemnité du fait de l’annulation de la décision d’autorisation du licenciement

Monsieur X sollicite une indemnité en suite de l’annulation de la décision d’autorisation de son licenciement en précisant que la somme à retenir doit correspondre aux salaires dus pour la période du 18 juillet 2016 au 27 février 2019 en tenant compte de sa rémunération mensuelle brute moyenne et qu’enfin l’indemnité ayant un caractère forfaitaire, il n’y a pas lieu de déduire les versements pôle emploi ainsi que les rémunérations qu’il aurait perçues au cours de la période déterminée.

La société Sibelco France ne conteste pas le principe de l’octroi à monsieur X de l’indemnité au titre de l’article L. 2422-4 du code du travail mais s’oppose au montant de la somme sollicitée en soutenant que les indemnités versées par pôle emploi ainsi que les rémunérations perçues de la société Vermeulen Granulats perçues par monsieur X doivent être déduites. Elle rappelle également que la rémunération retenue pour le calcul du montant de l’indemnité doit correspondre aux rémunérations qu’aurait perçues monsieur X s’il avait continué à travailler et non pas à une moyenne mensuelle.

Sur ce,

Selon l’article L. 2422-4 du code du travail: « Lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié investi d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422-1 a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L’indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois s’il n’a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s’accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. »

L’annulation est réputée définitive lorsqu’elle n’a pas fait l’objet d’un recours dans les deux mois ou, en cas de recours, lorsque la Cour administrative d’appel a rejeté l’appel dirigé contre le jugement

d’annulation.

Lorsque le salarié n’a pas fait valoir son droit à la réintégration, l’indemnisation couvre la période comprise entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement d’annulation.

Pour le calcul de l’indemnité, celle-ci constituant un complément de salaire, son paiement s’accompagne du versement des cotisations y afférentes. En outre le préjudice subi doit être apprécié compte tenu des sommes que l’intéressé a pu percevoir pendant la période litigieuse au titre d’une activité professionnelle ou des allocations chômages perçues. Contrairement à l’indemnité versée en cas de licenciement en violation du statut protecteur, elle n’a pas un caractère forfaitaire et doit uniquement réparer la totalité du préjudice subi par le salarié. Par conséquent, il y a lieu de tenir compte, dans l’évaluation de ce préjudice et dans la fixation de l’indemnité, des sommes que le salarié aurait pu percevoir entre son licenciement et l’annulation de l’autorisation administrative.

En l’espèce, il est constant que par jugement définitif en date du 27 décembre 2018, le Tribunal administratif d’Amiens a annulé la décision d’autorisation de licenciement de monsieur X rendu le 8 juillet 2016 et que le principe même de l’octroi de l’indemnité sur le fondement de l’article L. 2422-4 précité n’est pas discuté entre les parties.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de monsieur X à ce titre.

Monsieur X peut prétendre à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois s’il n’a pas demandé sa réintégration, période non contestée s’étendant en l’espèce du 18 juillet 2016 au 27 février 2019.

Conformément aux principes plus avant rappelés, l’indemnité due à monsieur X ayant un caractère forfaitaire et non indemnitaire, correspond aux salaires et avantages qu’il aurait dû percevoir s’il avait continué à travailler et non à un salaire mensuel moyen et doit tenir compte des indemnités pôle emploi ainsi que des rémunérations perçues entre le 18 juillet 2016 et le 27 février 2019.

La cour constate au regard des calculs établis de part et d’autre que les parties ne s’opposent pas quant aux montant des rémunérations versées par le nouvel employeur de monsieur X et des prestations chômage.

Par conséquent, la cour juge que l’indemnité réparant le préjudice subi du fait de l’annulation de l’autorisation de licenciement doit être fixée à la somme justement évaluée par la société Sibelco France fixée au dispositif de l’arrêt.

Sur les dommages et intérêts pour violation du statut protecteur

Monsieur X demande à la cour de lui allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation du statut protecteur par confirmation du jugement entrepris, sans articuler de moyen spécifique de ce chef.

La société Sibelco France s’oppose à cette demande et souligne que monsieur X n’a pas été licencié en méconnaissance de son statut protecteur mais en vertu d’une autorisation de licenciement a posteriori annulée, de sorte qu’il est mal fondé en sa demande. Elle précise que le jugement entrepris qui a fait droit à sa demande de ce chef procède d’une confusion entre l’indemnité en suite de l’annulation de l’autorisation de licenciement et l’indemnité pour violation du statut protecteur.

Sur ce,

Le licenciement d’un salarié protégé en violation du statut protecteur, c’est à dire sans mettre en 'uvre la procédure spéciale, est nul de plein droit. Le salarié a dans cette hypothèse droit à l’indemnisation du fait de la violation du statut protecteur.

En l’espèce, il n’est pas contesté que monsieur X a été licencié en vertu d’une autorisation de licencier délivrée par la DIRECCTE en date du 8 juillet 2016. Par conséquent, l’employeur n’a pas méconnu son statut protecteur, nonobstant l’annulation ultérieure de l’autorisation.

Par conséquent, monsieur X sera débouté de sa demande de chef.

Le jugement entrepris ayant condamné la société Sibelco France à verser monsieur X une somme pour violation du statut protecteur est infirmé dans son principe et son quantum.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

Monsieur X formule cette demande au dispositif de ses écritures sans articuler de moyen et argument, de sorte qu’il sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat sous astreinte

Aucune disposition du présent arrêt n’étant de nature à modifier les documents de fin de contrat, il n’y a pas lieu d’ordonner la remise des documents de fin de contrat sous astreinte.

Monsieur X sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur les intérêts au taux légal

Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur la demande d’exécution provisoire

A hauteur d’appel, l’exécution provisoire étant de droit, la demande de monsieur X n’a pas d’objet et elle en sera par suite déboutée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées.

La société Sibelco France ne sollicite pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit.

Succombant principalement, monsieur X sera condamné aux dépens d’appel et sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud’homes d’Abbeville le 17 février 2020 sauf en ce qu’il a condamné la société Sibelco France à verser à monsieur L X une somme au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur;

Infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute monsieur L X de ses demandes de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, de dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et abusif, au titre des indemnités de rupture et de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Sibelco France à verser à monsieur L X la somme de 46.541,20 euros bruts au titre de l’indemnité du fait de l’annulation de la décision d’autorisation du licenciement,

Dit que cette somme portera intérêt légal à compter de l’arrêt à intervenir;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne monsieur L X aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

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Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 30 juin 2021, n° 20/01148