Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 4 février 2021, n° 18/03100

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 1re ch. civ., 4 févr. 2021, n° 18/03100
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 18/03100
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

B

C/

S.C.I. SAINT VINCENT

SP/SGS

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 18/03100 – N° Portalis DBV4-V-B7C-HBIR

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D’INSTANCE DE SENLIS DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur C B Es qualité d’héritier de Mme H B, décédée le […]

né le […] à […]

de nationalité Française

Sente des Epinettes

[…]

Représenté par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D’AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien SEHILI – FRANCESCHINI de la SELEURL SEHILI- FRANCESCHINI-SEGALEN, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

ET

S.C.I. SAINT VINCENT

[…]

[…]

Représentée par Me Pierre le TARNEC de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES,

avocat au barreau de SENLIS

INTIMEE

DEBATS :

A l’audience publique du 19 novembre 2020, l’affaire est venue devant Madame Sophie PIEDAGNEL, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 04 février 2021.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Président, M. Pascal MAIMONE et Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 04 février 2021, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Président de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.

*

* *

DECISION :

Par acte notarié en date du 18 novembre 1981, Mme I J, M. O-P D et Mme K D ont vendu à M. L X et Mme H B un bien immobilier situé à […], sente des Epinettes, à savoir : une maison d’habitation en mauvais état cadastrée section […] et […] » et trois parcelles de pré cadastrées section […], 64 et […] », moyennant le prix de 50.000 francs.

Par acte notarié en date du 17 mai 2010, M. C B (fils de M. X décédé le […]) a cédé à titre d’échange au profit de Mme M-Q N épouse Y, une parcelle située à Gouvieux, […] » en échange de deux terrains situés à […] et […] », étant précisé que le bien échangé cadastré section […] provient de la division d’un immeuble de plus grande importance originairement cadastré section AH n° 62 lieudit « Les Planches » dont le surplus restant appartenir au co-échangiste est désormais cadastré section […] ».

La SCI Saint Vincent, représentée par M. et Mme Y, est propriétaire de diverses parcelles situées sur la commune de Gouvieux ([…], cadastrées […], 58, 60, 61 et 284, suivant acte déposé au service de la publicité foncière de Senlis le 6 décembre 2013.

Ce terrain est limitrophe de celui de M. C B et Mme H B.

Les consorts Z ont installé divers matériels sur les parcelles de la SCI Saint Vincent et ont procédé à l’élagage et la taille de certains arbres.

C’est dans ces circonstances que la SCI Saint Vincent les a mis en demeure par courrier du 17 avril 2014 de libérer son terrain de cette occupation qu’elle estimait indue et a mandaté M. A, expert géomètre, pour procéder au bornage amiable des fonds.

Les consorts B ont refusé de signer le procès-verbal de bornage, qui selon eux ne prenait pas en considération les effets de la prescription acquisitive qu’ils entendaient faire valoir sur lesdites parcelles.

Par actes d’huissier en date du 25 janvier 2017, la SCI Saint Vincent a assigné les consorts B devant le tribunal d’instance de Senlis aux fins d’homologation du procès-verbal de bornage, injonction de libérer ses parcelles sous astreinte et condamnation à réparer son préjudice de jouissance.

A l’audience du 4 octobre 2017, la SCI Saint Vincent a maintenu ses demandes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et a demandé au tribunal de condamner les consorts B à déplacer leurs clôture ainsi que le portail d’entrée afin d’éviter tout empiètement, sous 15 jours et sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant 3 mois et a chiffré son préjudice matériel et de jouissance à la somme de 5.000 euros.

Les consorts B ont conclu au débouté des prétentions de la SCI Saint Vincent, . A titre reconventionnel, ils ont demandé au tribunal de reconnaître leur qualité de propriétaire de différentes parcelles et, subsidiairement, ont sollicité la désignation d’un géomètre expert.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 7 février 2018, le tribunal d’instance de Senlis a :

— débouté les consorts B de leur demande visant à voire dire qu’ils sont propriétaires des parcelles […], 5 8, 60, 61 et 284

— débouté les consorts B de leur demande subsidiaire de désignation d’un géomètre expert

— homologué le procès-verbal de bornage et de reconnaissance des limites établi le 29 août 2016 par le géomètre M. A

— dit que la SCI Saint Vincent pourra faire apposer des bornes en limite de sa propriété conformément au procès-Verbal et qu’elle pourra se clore librement dans la limite des parcelles n°284, AH 61, AH 60, […]

— fait injonction aux consorts B de revenir dans leurs limites de propriété soit AH 285 et de libérer les parcelles appartenant à la SCI Saint Vincent de toute occupation de leur chef

— ordonné aux consorts B d’ôter toute clôture ou portail qui se trouverait sur les parcelles appartenant à la SCI Saint Vincent et ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision, et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et pendant 3 mois, le présent tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte provisoire

— condamné les consorts B à lui payer une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance

— condamné les consorts B à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, et à supporter la moitié du coût du bornage

— condamné les consorts B aux entiers dépens et à la moitié du coût du bornage réalisé par M. A

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Mme B est décédée le […]

Par déclaration au greffe en date du 3 août 2018, M. B, es qualité d’héritier de Mme B, a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2019, M. B demande à la cour de :

— déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par M. B, es qualité d’héritier de Mme B

— y faisant droit, infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau

A titre principal

— juger que M. B est propriétaire des parcelles […], 58, 60, et 61

— débouter la SCI Saint Vincent de l’ensemble de ses demandes

A titre subsidiaire

— débouter la SCI Saint Vincent de ses demandes indemnitaires

En tout état de cause,

— décharger M. B des condamnations prononcées contre lui et Mme B en principal, intérêts, frais et accessoires

— ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages et intérêts

— condamner la SCI Saint Vincent à porter et payer au concluant la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la SCI Saint Vincent en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 avril 2019, la SCI Saint Vincent demande à la cour, au visa des articles R221-12 du code de l’organisation judiciaire, 646 et 724 du code civil, de :

— débouter M. B, es-qualité d’héritier de Mme B, de son appel en ce qu’il est irrecevable et subsidiairement mal fondé.

— débouter M. B, pris en son nom personnel, de son appel incident, en ce qu’il est irrecevable

— constater le caractère définitif du jugement du tribunal d’instance de Senlis du 7 février 2018, à son égard

— confirmer le jugement entrepris

— faire droit à l’appel incident de la SCI Saint Vincent

— condamner M. B, es-qualité d’héritier de Mme B , à payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices de jouissance et financier

— s’entendre M. B, es-qualité d’héritier de Mme B,condamner à payer une somme de 3.000 euros, en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile

— s’entendre M. B, es-qualité d’héritier de Mme B, condamner en tous les dépens et à supporter la moitié du coût du bornage qui, conformément à l’article 646 du code civil, doit se faire à frais communs.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2020 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience rapporteur du 19 novembre 2020. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 4 février 2021.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater’ ou 'donner acte’ ou encore 'considérer que’ voire 'dire et juger que’ et la cour n’a dès lors pas à y répondre.

Sur la recevabilité de l’appel

La SCI Saint Vincent soutient en substance que l’appel de M. B est tardif et donc irrecevable, dès lors qu’il a été inscrit plus d’un mois après la signification du jugement réalisée le 30 mars 2018 et qu’à titre subsidiaire, si l’appel de M. B devait être déclaré recevable en sa qualité d’héritier, celui-ci ne pourrait porter que sur 50% de la propriété appartenant à Mme B.

S’agissant de l’appel de M. B à titre personnel, elle fait valoir que M. B es-qualité d’héritier, a dénoncé son appel à M. B pris en son nom personnel, que celui-ci a déposé des conclusions «d’intimé et d’appelant incident» pour reprendre très exactement les moyens qu’il avait développés dans ses conclusions d’appelant es-qualité d’héritier, et a sollicité à titre personnel l’infirmation du jugement et le débouté des demandes de la SCI Saint Vincent et en déduit que cette demande d’infirmation est irrecevable puisque le jugement a régulièrement été signifié à M. B qui n’en a pas relevé appel dans le délai d’un mois à compter de la signification, ajoutant que le fait qu’il se dénonce à lui-même l’appel qu’il a inscrit, es-qualité, ne fait pas revivre la possibilité de relever appel du jugement.

M. B fait valoir pour l’essentiel que la signification du jugement a été faite à M. B le 30 mars 2018, en son nom personnel, et non en sa qualité d’héritier, or, à cette date, M. Z n’était pas titulaire des droits dont disposait sa défunte mère, d’une part, puisqu’il disposait du droit de renoncer à la succession, et ne s’était pas vu notifier le jugement en sa qualité d’héritier, d’autre part et que, dès lors, en l’absence de notification du jugement à M. B es qualité d’héritier, celui-ci était recevable à relever appel de la décision à tout moment. Il ajoute qu’à supposer que l’intervention de M. B soit irrecevable, cette irrecevabilité n’impliquerait en rien que l’appel porté pour Mme B soit limité à la moitié des parcelles.

En l’espèce, par déclaration au greffe en date du 3 août 2018, M. B, es qualité d’héritier de Mme B, a interjeté appel de cette décision.

Figure en qualité d’intimés la SCI Saint Vincent et M. B pris en son nom personnel, bien qu’aucune constitution ni conclusions ne concerne ce dernier.

Sur quoi,

Aux termes de l’article 909 du code de procédure civile :

« L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »

Cependant, les demandes d’irrecevabilité fondées sur l’article 909 du code de procédure civile sont de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, dès lors la cour n’est pas compétente pour en connaître et il convient de déclarer irrecevable le moyen d’irrecevabilité soulevé.

Sur la prescription acquisitive ou usucapion

M. B soutient en substance que :

— la possession des consorts B présente les conditions requises par l’article 2261 du code civil : la possession est continue, puisqu’elle n’a pas été interrompue pendant trente ans, réelle, puisque le possesseur a accompli tous les actes matériels nécessaires à la possession, chaque fois que cela est nécessaire, paisible puisque le possesseur ne s’est pas approprié l’immeuble par des actes de violence, publique, puisque les actes de possession ont été faits ouvertement, non équivoque, puisque les tiers considèrent le possesseur comme le véritable propriétaire du bien ; le possesseur s’est comporté en propriétaire de l’immeuble et a accompli tous les actes de gestion y afférents

— en tout état de cause, les juges du fond ne sont pas tenus de relever l’existence de tous les caractères exigés par la loi pour que la possession puisse conduire à l’usucapion, en l’absence d’une contestation portant sur chacun d’eux, or, il est manifeste que les conclusions en défense de la SCI Saint Vincent, ainsi que les termes du jugement attaqué, se limitent à établir l’insuffisance des preuves rapportées mais à aucun moment la preuve contraire de chacun des critères de la prescription acquisitive, laquelle aurait été constitutive d’une contestation

— la possession se caractérise par la réunion, d’une part, d’un élément matériel, à savoir le fait de réaliser des actes sur la chose, et d’autre part, d’un élément intentionnel, à savoir le fait que le possesseur s’identifie à un véritable propriétaire ; dès lors, il importe peu que Mme B ait été locataire de ses parcelles ou que l’immeuble ait été en indivision les premières années, le seul entretien des parcelles voisines avec l’intention de se comporter en tant que propriétaire étant suffisants à caractériser la possession

— Mme B a acquis ce bien le 10 octobre 1981 en indivision avec M. X, son conjoint, dont M. C B est l’unique héritier, si bien que l’indivision qui a pu exister entre Mme B et M. X ne saurait être un obstacle à l’acquisition de la propriété des parcelles par Mme B et son fils.

— en vertu de l’article 2258 du code civil, l’exception de mauvaise foi est inopposable au possesseur

— la combinaison de l’ensemble des témoignages permet bien d’établir l’entretien des parcelles voisines, les terrains concernés et la durée de la possession

— s’agissant des développements relatifs à la parcelle AH 284, ceux-ci sont superflus dès lors que M. B ne sollicite pas la reconnaissance de la prescription acquisitive sur cette parcelle dans le cadre du présent recours ; la prescription sur le reste des parcelles peut parfaitement être maintenue dès

lors que l’absence de qualité de propriétaire des consorts B sur la parcelle AH n°284 se justifie uniquement par l’échange de parcelles, et non par l’absence d’exploitation de cette parcelle par les consorts B.

La SCI Saint Vincent fait valoir pour l’essentiel que :

— l’appelant ne peut prétendre bénéficier d’une possession à titre de propriétaire depuis 1975, alors que Mme B n’a acquis son propre immeuble que le 18 novembre 1981 et seulement pour moitié et qu’à cette date son fils, C, n’était pas né ; ledit immeuble se trouvait dans l’indivision X-B

— la SCI Saint Vincent a toujours veillé au bon entretien de sa propriété et c’est sans doute sous couvert de quelques déplacements à l’étranger des époux Y que M. B a imaginé sournoisement d’annexer des parcelles qui ne lui appartiennent pas.

— l’acte de notoriété acquisitive du 29 mai 2007 dont il se prévaut, est sans intérêt dans le débat et n’apporte aucun élément de preuve, en ce qu’il ne porte pas sur les parcelles litigieuses

— les témoignages des voisins versés aux débats sont manifestement complaisants et en tout cas dénués de toute valeur probante

— la jurisprudence fait obligation au juge du fond, pour retenir que la prescription est acquise par une possession trentenaire, de relever des actes matériels de nature à caractériser la possession, or, aucun acte matériel de possession sérieux n’est démontré par les consorts B qui n’ont jamais pu se comporter comme propriétaires depuis plus de trente ans ; ils ne produisent aucune facture acquittée permettant d’authentifier des travaux sur les parcelles revendiquées ; les photos produites ne sont pas davantage probantes : les clichés ne sont pas authentifiés tant pour le lieu que pour la date

— la SCI Saint Vincent a toujours acquitté la taxe foncière sur lesdites parcelles

— selon l’acte notarié du 17 mai 2010 au terme duquel Mme M N, épouse Y et les consorts B ont procédé à un échange de parcelles portant notamment sur celles que revendique l’appelant ; par conséquent, M. B n’est pas en droit d’invoquer la prescription trentenaire sur la parcelle AH 284 dont il a admis qu’elle était la propriété Y, en signant en 2009 le procès-verbal de délimitation et l’acte d’échange

— la parcelle 284 se situe entre la propriété B et les parcelles de la SCI Saint Vincent, si bien que cela rend aussi sans objet la contestation relative aux autres parcelles qui ne sont pas, de ce fait, attenantes à sa propriété et dont il ne peut affirmer en avoir eu la possession

— l’acte notarié d’échange fait la preuve à lui tout seul du mal fondé de la prétendue prescription acquisitive, car il n’y a pas de possession trentenaire.

Sur quoi,

Il résulte des dispositions des articles 2258 et suivants du code civil que la prescription acquisitive ou usucapion se définit comme 'un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.'

Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

La possession légale utile pour prescrire ne peut s’établir à l’origine que par des actes d’occupation

réelle et se conserve tant que le cours n’en est pas interrompu ou suspendu.

La possession continue est celle exercée dans toutes les occasions comme à tous les moments où elle devait l’être d’après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés, pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue.

La possession est paisible lorsqu’elle est exemple de violences matérielles ou morales dans son appréhension et durant son cours.

La possession ne cesse d’être publique pour devenir clandestine que lorsque le possesseur dissimule les actes matériels de possession qu’il accomplit aux personnes qui auraient intérêt à les connaître.

La possession est équivoque si les actes du possesseur ne révèlent pas son intention de se conduire en propriétaire. Ce vice est sans relation avec la mauvaise foi, l’équivoque suppose le doute dans l’esprit des tiers mais non dans celui du possesseur.

Les actes de pure facilité et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.

Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l’usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.

Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire. Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

La prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d’un bien est privé pendant plus d’un an de la jouissance de ce bien soit par le propriétaire, soit même par un tiers. Il appartient à celui qui se prévaut d’un acte interruptif de prescription de l’établir.

Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans mais celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Le juste titre suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire, il doit avoir date certaine et être réel.

La bonne foi consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. Elle est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.

Il appartient à M. B d’établir l’existence d’une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire conforme aux dispositions de l’article 2261 du code civil pendant 30 ans.

M. B verse aux débats, notamment :

— l’acte notarié du 18 novembre 1981 par lequel Mme B et son concubin M. X ont acquis un bien immobilier situé à […], sente des Epinettes, à savoir les parcelles cadastrées section […] à […] » le 21 novembre 1981 des consorts D,

— l’acte de notoriété établi le 29 mai 2007 par Me E, notaire à Chantilly relatif à un terrain situé à […] ».

La SCI Saint Vincent produit au dossier, notamment :

— l’acte d’échange établi par Me E le 17 mai 2010 entre M. C B et Mme M Y entre le parcelle […] » appartenant à M. B et les parcelles cadastrées section […] et […] » appartenant à Mme Y

— un procès-verbal de bornage et de reconnaissance de limite daté du 29 août 2016.

— ainsi que 5 nouvelles pièces (trois témoignages, un courriel, des photographies et un extrait cadastral.

Il convient de relever que :

— dans le dispositif de ses conclusions, M. B demande à être reconnu propriétaire par prescription acquisitive des parcelles cadastrées section […], 58, 60 et 61

— dans les motifs de ses conclusions, M. B ne sollicite plus l’usucapion de la parcelle cadastrée section AH n° 61, parcelle qu’il a échangé le 17 mai 2010 avec la parcelle cadastrée section […] appartenant à Mme Y, parcelle elle-même issue de la division de la parcelle cadastrée section AH n° 62 propriété de Mme Y

— la SCI Saint Vincent est représentée par M. et Mme Y

— actuellement : la SCI Saint Vincent, dont on ignore la date de création, est propriétaire des parcelles cadastrées section […], 58, 60, 61, 73, 74, 163, 164 et 284 ; M. B est propriétaire des parcelles cadastrées section […] à 69 et 285

— les parcelles cadastrées section […] à 67 lieudit « les Planches » appartiennent aux consorts B depuis moins de 30 ans

— les parcelles litigieuses sont séparées par la parcelle cadastrée section […] » appartenant aux consorts F.

En l’espèce, c’est à bon droit et par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a considéré que les consorts B étaient mal fondés à faire valoir la prescription acquisitive sur lesdites parcelles, relevant, notamment, que l’acte de notoriété du 29 mai 2007 était inopérant car relatif à une parcelle n’étant pas la propriété de la SCI Saint Vincent, que le caractère continu de la possession allégué ne pouvait être établi par les quelques travaux d’élagage ou d’abattage de certains arbres, s’agissant d’interventions ponctuelles, étant précisé que les nouvelles pièces versées aux débats par M. B ne sont pas davantage pertinentes que les précédentes.

C’est encore à juste titre que, considérant que la SCI Saint Vincent pouvait obtenir le bornage de sa propriété et de celle de M. B en application de l’article 646 du code civil, le premier juge a fait injonction en conséquence aux consorts B de libérer les parcelles de la SCI Saint Vincent de toute occupation sous astreinte.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a :

— débouté les consorts B de leur demande visant à voire dire qu’ils sont propriétaires des parcelles […], 58, 60, 61 et 284

— fait injonction aux consorts B de revenir dans leurs limites de propriété soit AH 285 et de libérer les parcelles appartenant à la SCI Saint Vincent de toute occupation de leur chef

— ordonné aux consorts B d’ôter toute clôture ou portail qui se trouverait sur les parcelles appartenant à la SCI Saint Vincent et ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision, et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et pendant 3 mois, le présent tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte provisoire.

Sur le préjudice de jouissance

M. B soutient en substance qu’en l’absence de préjudice, il ne saurait être fait droit à une demande de dommages et intérêts et la charge de la preuve d’un préjudice incombe au demandeur. Il fait encore valoir que les parcelles ne sont pas exploitées par la SCI Saint Vincent et il s’agit de parcelles naturelles ne supportant aucune construction, et qui ne sont affectées à aucun usage spécifique.

La SCI Saint Vincent fait valoir pour l’essentiel qu’outre le fait d’avoir annexé irrégulièrement les parcelles, les consorts B ont procédé à des coupes d’arbres interdites, ce qui est constitutif d’un trouble de jouissance pour lequel l’intimée entend obtenir réparation.

En l’espèce, c’est à bon droit que le premier juge a alloué à la SCI Saint Vincent la somme de 500 euros en réparation du préjudice de jouissance, compte tenu de l’occupation illicite des terrains, l’absence d’exploitation par les propriétaires de ces terres et l’absence de preuve d’un dommage particulier provoqué par la coupe et l’abattage de certains arbres.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné les consorts B à lui payer une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance.

Sur les demandes en bornage et de désignation d’un expert géomètre

M. B soutient en substance que si le tribunal se considérait commune insuffisamment éclairé, celui-ci aurait dû, à titre subsidiaire, désigner un expert, dès lors que l’ensemble des pièces communiquées par les consorts B justifiaient a minima cette désignation. Par ailleurs, il considère que compte tenu du fait que les parcelles cadastrées section […], 58, 60, 61 et 284, et celles appartenant originellement aux consorts B ne forment plus qu’une seule unité foncière, il n’y a pas lieu à statuer sur la demande de bornage et que, par voie de conséquences, les demandes indemnitaires et de suppression de la clôture formulées par la SCI Saint Vincent auraient dû être rejetées.

La SCI Saint Vincent fait valoir pour l’essentiel que la cour, tout comme l’était le tribunal, est parfaitement éclairée sur la nature du litige qui porte sur l’homologation d’un bornage établi objectivement par le géomètre et qui ne fait pas en lui-même l’objet de contestation puisqu’à aucun moment l’appelant ne conteste la qualité de propriétaire de l’intimée, le débat porte uniquement sur la question d’une prétendue possession trentenaire.

En l’espèce, c’est à juste titre que le premier juge a homologué le procès-verbal de bornage, rappelant que le refus de signer le procès-verbal de bornage dressé contradictoirement le 29 août 2016 par M. A était motivé par les prétentions des consorts B à voir reconnaître les effets de la prescription acquisitive en leur faveur et non par un quelconque désaccord quant aux opérations de délimitation et au projet de bornage.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a :

— débouté les consorts B de leur demande subsidiaire de désignation d’un géomètre expert

— homologué le procès-verbal de bornage et de reconnaissance des limites établi le 29 août 2016 par le géomètre M. A

— dit que la SCI Saint Vincent pourra faire apposer des bornes en limite de sa propriété conformément au procès-Verbal et qu’elle pourra se clore librement dans la limite des parcelles n°284, AH 61, AH 60, […].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. B succombant en ses demandes, il doit être condamné aux dépens d’appel.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SCI Saint Vincent et il convient de lui allouer à ce titre pour la procédure d’appel la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

DECLARE irrecevable le moyen d’irrecevabilité soulevé,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 février 2018 par le tribunal d’instance de Senlis ;

Y ajoutant

CONDAMNE M. C B es qualité d’héritier de Mme H B à payer à la SCI Saint Vincent la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNE aux dépens d’appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 4 février 2021, n° 18/03100