Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 6 décembre 2011, n° 10/02699

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. com., 6 déc. 2011, n° 10/02699
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 10/02699
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Mans, 12 septembre 2010, N° 09/00645

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

PV/DB

ARRET N°:

AFFAIRE N° : 10/02699

Jugement du 13 Septembre 2010

Tribunal de Commerce du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 09/006454

ARRET DU 06 DECEMBRE 2011

APPELANTS :

Madame D E épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Monsieur B Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

LA S.A.R.L. BOREL

XXX

XXX

représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la cour

N° du dossier 33566

assistés de Maître DE LUCA-PERICAT, avocat au barreau du Mans,

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE

XXX

représentée par la SCP GONTIER – LANGLOIS, avoués à la cour

N° du dossier 47705

assistée de Maître PAVET, avocat au barreau du Mans

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2011 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur VALLEE, Président, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur VALLEE, Président de chambre

Monsieur TRAVERS, Conseiller

Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur X

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 06 décembre 2011 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur VALLEE, Président et par Monsieur X, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

Le 23 février 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine a consenti à la société Borel un prêt n°00046942852 d’un montant de 30 000 euros au taux de 5,30%, remboursable en 60 mensualités, avec le cautionnement solidaire de Monsieur et Madame Y, chacun à concurrence de 39 000 euros.

Au titre d’un acte sous seing privé du 29 janvier 2008, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a accepté de se porter garante à première demande au profit de la société Borel et à l’égard de son franchiseur, la société Poltronesofa, pour un montant de 60 000 euros, chacun des époux Y s’étant porté caution à concurrence de 78 000 euros suivant acte sous seing privé du 22 janvier 2008.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 août 2008, la société Poltronesofa a sollicité du Crédit Agricole le règlement de la somme de 57 610, 73 euros au titre de la garantie bancaire à première demande. Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 novembre 2008 la société Poltronesofa a réclamé à la banque à ce même titre le paiement d’une somme de 1 176, 90 euros.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a réglé ces deux montants.

La société Borel ayant cessé de rembourser le prêt susvisé, la banque a adressé une première mise en demeure à cette société et aux époux Y en leur qualité de cautions le 16 décembre 2008, au titre du retard du retard constaté pour le prêt et de la mise en jeu de garantie à première demande à hauteur de 57 610, 73 euros, et ce sans effet.

La déchéance du terme a été prononcée le 19 janvier 2009.

Le 27 mars 2009, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine a mis en demeure la société Borel et les époux Y de régler la somme de 1 176, 90 euros au titre de la mise en jeu complémentaire de la garantie à première demande, et ce sans effet.

Par acte du 8 juin 2010, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a fait assigner devant le tribunal de commerce du Mans la société Borel et les époux Y aux fins de les voir condamner conjointement et solidairement à lui payer les sommes de 31 226, 31 euros outre intérêts conventionnels au taux de 8,30% à compter du 10 avril 2009 au titre du prêt et la somme de 58 303, 71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009 au titre du contrat n°51827557 et la somme de 1 178, 61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009 au titre du contrat n°54387201.

La société Borel et les époux Y se sont opposés à ces demandes et ont sollicité la condamnation de la banque au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages- intérêts pour rupture abusive de concours bancaire à la société Borel et l’octroi à celle-ci de délais de paiement. Ils ont également demandé au tribunal de dire que le paiement de la garantie à première demande effectué par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel ne pouvait être opposable à la SARL Borel du fait d’un abus manifeste dont la demanderesse avait connaissance.

Par jugement du 13 septembre 2010, le tribunal de commerce du Mans a condamné la société Borel et les époux Y conjointement et solidairement à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel au titre du prêt n°0046942852 la somme de 31 226, 31 euros outre intérêts conventionnels de 8,30% depuis le 10 avril 2009 avec anatocisme, au titre du contrat n°51827557 la somme de 58 303, 71 euros outre intérêts au taux légal depuis le 10 avril 2009 avec anatocisme, au titre du contrat n° 54387201 la somme de 1 178, 61 euros outre intérêts au taux légal depuis le 10 avril 2009 avec anatocisme, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamné les défendeurs aux dépens, rejeté les autres demandes, et ce avec exécution provisoire.

LA COUR

Vu l’appel formé contre ce jugement par la société Borel et les époux Y ;

Vu les dernières conclusions du 9 septembre 2011 aux termes desquelles la société Borel et les époux Y, appelants, demandent à la cour, avec une indemnité de procédure, poursuivant l’infirmation du jugement, de condamner le Crédit Agricole à leur verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages- intérêts, et à défaut par le Crédit Agricole de justifier avoir satisfait à ses obligations, le renvoyer à rétablir son compte en excluant de celui-ci tous intérêts et en procédant à l’imputation sur le capital de tous règlements reçus, dire n’y avoir lieu à clause pénale sauf à réduire celle-ci dans les plus considérables proportions et leur accorder au besoin délai de grâce de deux années à compter de la signification de l’arrêt à intervenir pour le règlement de toutes condamnations susceptibles d’être mises à leur charge et rejeter toutes prétentions contraires ;

Vu les dernières conclusions du 26 septembre 2011 aux termes desquelles la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel, intimée, sollicite, avec une indemnité de procédure, la confirmation du jugement déféré sauf à y rajouter la capitalisation des intérêts échus ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie à première demande

Les appelants font valoir que la garantie à première demande consentie par le Crédit Agricole bénéficiait à la société Poltronesofa France 'connaissance prise du contrat de franchise’ liant celle-ci à la SARL Borel en vue 'du paiement de toutes les sommes pouvant être dues au titre du contrat susvisé’ alors que la créance réglée par le Crédit Agricole était celle de la société SPA Poltronesofa Italie. Ils ajoutent que la cession de créance qu’aurait consentie la société italienne à la société française dont se prévaut la banque n’est pas établie. La société Borel et les époux Y ajoutent qu’en toute hypothèse la créance en cause était celle de la société Poltronesofa Italie alors que la garantie à première demande du Crédit Agricole portait exclusivement sur les créances de la société Poltronesofa France et sur les créances résultant du contrat de franchise la liant à la société Borel.

Les appelants indiquent avoir enjoint à Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de ne pas faire droit à l’appel de fonds de la société Poltronesofa France et que la banque ainsi avisée a fait le choix de passer outre et de payer ce pourquoi elle n’avait aucune obligation. Ils estiment que la banque renverse la charge de la preuve en exigeant que la société Borel démontre que le Crédit Agricole n’était pas tenu par cette créance alors qu’il lui suffisait de constater que les conditions n’étaient pas remplies. Ils réfutent avoir avoué le bien-fondé du règlement ainsi opéré en réclamant le remboursement des sommes ainsi versées auprès de la société Poltronesofa France, observation faite que les époux Y ne seraient pas tenus par les termes d’une assignation délivrée à cette fin par la seule société Borel, la renonciation à un droit ne pouvant se présumer. En résumé, les appelants soutiennent que le Crédit Agricole est irrecevable à les rechercher à ce titre alors qu’il n’y avait ni créance de la société Poltronesofa France ni créance issue du contrat de franchise liant les parties.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel estime au contraire qu’après vérifications par elle opérée tant auprès de la société Borel et des époux Y qu’auprès de la société Poltronesofa France notamment s’agissant des cessions de créance qu’ils jugent parfaitement régulières, elle a été contrainte de s’exécuter au titre de la garantie à première demande, ce dont la société Borel et les époux Y conviennent puisqu’ils ont assigné cette société en restitution de cette somme. L’intimée ajoute que les appelants ne peuvent arguer de faux les documents de cession de créance alors qu’ils ne justifient pas avoir déposé une plainte de ce chef.

La banque souligne encore que si cette cession de créance n’a pas été notifiée dans les formes légales au débiteur la société Borel, cela relève des liens entre celle-ci et la société Poltronesofa qui sont indépendants de l’engagement du Crédit Agricole.

XXX

Il est versé aux débats un contrat de franchise passé entre la société Poltronesofa France et Madame Y agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités de représentant d’une société en constitution le 23 décembre 2003. Il est également produit l’acte de garantie bancaire à première demande du 29 janvier 2008 visant le contrat de franchise précité par lequel la banque déclare se constituer, par la présente, garante de la SARL Borel, vis à vis de la société Poltronesofa France dans des limites fixées par cet acte du paiement de toutes les sommes pouvant être dues au titre de ce contrat. Ainsi, la garantie à première demande est expressément liée au contrat de franchise passé avec la société Poltronesofa France. Il est enfin produit les deux actes de cautionnement solidaire de personne physique à titre de contre garantie aux termes desquels les époux Y se sont engagés chacun à concurrence de 78 000 euros.

Il est constant que la société Poltronesofa France a mis en oeuvre la garantie à première demande le 5 août 2008 à concurrence de la somme de 57 610, 73 euros. Le numéro de l’acte du 29 janvier 2008 est bien visé de sorte qu’il est indiscutable que cette garantie est bien actionnée par cette société dans le cadre du contrat de franchise la liant avec la société Borel. Il est indiqué dans ce courrier qu’il y est joint une mise en demeure adressée par la société bénéficiaire à la SARL Borel (tiers débiteur garanti) à la suite de laquelle la société Poltronesofa précise avoir été partiellement réglée par celle-ci à hauteur de 12 069 euros ramenant le solde exigible au montant de 57 610, 73 euros. Bien que cette mise en demeure ne soit pas versée aux débats, les appelants n’en contestent ni la réalité ni avoir effectivement opéré ce règlement.

Il est également produit un courrier du 12 août 2008 par lequel le Crédit Agricole a avisé la SARL Borel de la mise en oeuvre de cette garantie en demandant au donneur d’ordre de justifier de la régularisation de cette situation ou de faire part de leurs observations. Contrairement à ce qu’écrit le Crédit Agricole dans ses conclusions, la contestation de la société Borel n’a donc pas été formulée au motif que la garantie à première demande a avait été donnée à la société Poltronesofa Italie alors que c’est une société Poltronesofa France qui sollicitait le paiement.

En effet, la réponse de la SARL Borel est datée du 6 septembre 2008 et, faisant allusion à un entretien téléphonique avec Monsieur A du service du recouvrement du Crédit Agricole (auteur du courrier du 12 août précité) qui aurait confié la société Borel que c’était en réalité la société Poltronesofa Italie qui aurait 'actionné cette caution', la société Borel s’est opposée à cette demande, rappelant ce qu’elle aurait déjà affirmé dans un courrier du 14 août non versé aux débats, en précisant que si elle devait être exécutée, seul le Crédit Agricole en serait responsable.

Le 12 septembre 2008, le Conseil de la société Borel a, avec les mêmes motifs, enjoint au Crédit Agricole de ne pas faire droit à cet appel de fonds 'constitutif d’un abus manifeste’ en faisant valoir que cet appel en garantie ne reposait sur aucune créance entres les parties.

A ce stade de l’analyse des faits, il convient d’observer que quels qu’aient été les propos tenus par Monsieur A et l’interprétation de la contestation de la société Borel par le Crédit Agricole, il demeure constant que la mise en oeuvre de la garantie à première demande a bien été opérée par la société Poltronesofa France au visa explicite du contrat de franchise.

L’article 2321 du code civil dispose que la garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie.

Le régime juridique de la garantie à première demande imposait donc à celle-ci d’exécuter son obligation sauf à constater que l’appel était manifestement abusif ou frauduleux. Or, la défense de payer qui lui a été faite par la société Borel n’était pas motivée par le fait que celle-ci prétendait avoir rempli ses obligations vis à vis du bénéficiaire mais par le fait qu’elle exposait que la mise en oeuvre de la garantie était constitutive d’un abus manifeste comme ne reposant sur aucune créance existante entre les parties.

Or, les six factures litigieuses d’un montant total de 57 610, 73 euros ont certes été émises par la société Poltronesofa Italie. Cependant les vérifications opérées par le garant auprès du bénéficiaire ont permis de révéler l’existence d’une cession de créance de la société italienne à la société française. Il est en effet produit par la banque une pièce 27 récapitulant ces factures et mentionnant une cession de créance de la société italienne à la société française dans les termes suivants : 'ref : votre contrat de franchise SARL Borel / Poltronesofa France SAS. Cession de créance pour factures émises sur livraisons pour votre compte à votre franchisé Borel SARL. Cette cession de créance porte le cachet d’une société d’expertise comptable et la mention 'comptabilisé 4/8/2008'.

Ainsi avisée d’une cession de créance qui n’exige aucun formalisme pour être valable, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel se devait, en dehors du caractère manifeste de la supposée fraude dénoncée par la société Borel sans justification d’une plainte déposée de ce chef, de régler la somme de 57 610, 73 euros le 1er décembre 2008, obligation que lui a d’ailleurs indirectement concédée le Conseil de la société Borel et des époux Y lorsqu’ils ont le 12 décembre 2008 mis en demeure la société Poltronesofa France de restituer cette somme, avant que la société Borel assigne la société Poltronesofa France les 10 et 12 janvier 2010 devant le tribunal de commerce de Paris en restitution d’une somme globale de 59 482, 32 euros incluant cette créance cédée le 4 août 2008.

La garantie à première demande portait donc sur les créances de la société Poltronesofa France résultant du contrat de franchise. La pièce 27 précitée vise justement le contrat de franchise en précisant, comme il a été dit ci-dessus, qu’il s’agit de factures émises sur livraison pour le compte de Poltronesofa France à son franchisé. Il est donc incontestable que la garantie à première demande a été mise en oeuvre par la société Poltronesofa France sur le fondement de créances à elles cédées relatives à des factures concernant des prestations exécutées pour son compte par la société Poltronesofa Italie et que, le Crédit Agricole ne pouvait ni juridiquement ni contractuellement s’y opposer, alors qu’il s’était engagé à effectuer ce paiement en renonçant à discuter ou à différer l’exécution de cet engagement pour quelque motif que ce soit et notamment dans l’hypothèse où la SARL Borel contesterait tout ou partie des sommes dues.

Le même raisonnement doit être tenu pour la mise en oeuvre de la garantie à première demande du 27 novembre 2008 pour un montant de 1 176, 90 euros. En effet, il s’agit d’une facture d’un montant total de 4 380, 17 euros pour laquelle la société Poltronesofa Italie a réceptionné un règlement partiel de 3 203, 27 euros ramenant le solde à cette somme de 1 176, 90 euros. Le courrier du 27 novembre de la société Poltronesofa France vise bien le numéro de l’acte du 29 janvier 2008, de sorte qu’il est indiscutable que cette garantie est bien actionnée par cette société dans le cadre du contrat de franchise la liant avec la société Borel. La pièce 28 versée aux débats vise bien 'ref : votre contrat de franchise SARL Borel / Poltronesofa France SAS. Cession de créance pour factures émises sur livraisons pour votre compte à votre franchisé Borel SARL et une facture délivrée le 31 juillet 2008. Cette cession de créance porte le cachet d’une société d’expertise comptable et la mention 'comptabilisé 27/11/08'. Après avoir effectué les même vérifications que celles ci-dessus exposées, le Crédit Agricole ne pouvait que s’exécuter.

En conséquence de ce qui précède, la banque est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Borel, donneur d’ordre, et des époux Y, en leur qualité de cautions solidaires à titre de contre garantie, le remboursement des sommes payées au titre de la garantie à première demande soit la somme de 59 482, 32 euros au total, outre intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le prêt

Il n’existe aucune contestation sur le montant réclamé au titre du prêt sauf en ce qui concerne l’information des cautions qui sera examinée ci après. La somme de 31 226, 31 euros outre les intérêts conventionnels au taux de 8,30% l’an à compter du 10 avril 2009 doit donc être retenue à la charge de la SARL Borel. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la banque ne demande pas l’application d’une clause pénale mais d’une indemnité de recouvrement destinée à couvrir le prêteur des frais nécessaires à l’engagement des poursuites qui n’a pas à être réduite et qui a d’ailleurs fondé le tribunal à ne pas accorder d’indemnité à la banque au titre de ses frais non répétibles de première instance.

Sur l’information des cautions

Les époux Y évoquent les dispositions de l’article L313-22 du code monétaire et financier en faisant valoir que celles-ci n’ont pas été respectées et qu’au titre des années 2010 et 2011 ils n’ont reçu aucune lettre d’information. La banque soutient au contraire avoir parfaitement respecté les dispositions légales.

XXX

Il résulte de l’article L313-22 du code monétaire et financier que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Le prêt est du 23 février 2008. La banque justifie de l’envoi des lettres d’information au titre de l’année 2008, le 20 janvier 2009 puis au titre de l’année 2009, le 24 février 2010 et au titre de l’année 2010, le 17 janvier 2011. L’examen de ces documents permet de vérifier que les exigences légales y sont rapportées, sauf en ce qui concerne un des manquements allégué par les époux Y relatif à la durée de leur engagement qui n’a pas été rappelée dans ces lettres.

La durée du cautionnement est très précisément prévue dans les mentions manuscrites de chacune des cautions, Monsieur et Madame Y, qui s’agissant du prêt litigieux ont très exactement écrit 'en me portant caution de la SARL Borel dans la limite de 39 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 84 mois….'. Force est de constater que la banque n’a pas rappelé dans ses lettres d’information aux cautions la durée de leur engagement. Elle encourt de ce chef la déchéance de la totalité des intérêts échus de la dette garantie puisqu’aucune information régulière n’a en réalité été donnée aux cautions, les paiements effectués par le débiteur principal devant être affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il résulte de la première lettre d’information du 20 janvier 2009 que le capital restant dû était de 28 008, 51 euros et les intérêts normaux de 559, 44 euros. Si on se reporte au tableau d’amortissement, il apparaît que le débiteur principal aurait dû avoir payé à cette date la somme de 4 465, 73 euros en capital et celle de 1 236, 95 en intérêts sur les dix premiers mois. Or, le débiteur principal a payé 1 991, 49 euros sur le capital (30 000 -28 008, 51) et 677, 51 sur les intérêts (1 236,95- 559, 44), soit une somme totale de 2 669 euros. Après imputation de ces paiements au règlement du principal de la dette, les cautions restent tenues du paiement de la somme de 30 000 – 2 669 = 27 331 euros en capital avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Cependant, il convient pour ne pas statuer au-delà de la demande de tenir compte de la date postérieure du 10 avril 2009 qui est celle-ci retenue par la banque comme point de départ des intérêts.

S’agissant des cautionnements relatifs à la garantie à première demande du contrat de franchise, les lettres d’information qui sont les mêmes que celles relatives au prêt ne rappellent pas aux cautions, alors que leur engagement est également, selon leurs mentions manuscrites, pour une durée concomitante à celle de l’engagement souscrit (6 ans selon l’article 13 du contrat de franchise) la durée de cet engagement. Ce manquement n’a cependant aucune incidence puisque les seuls intérêts demandés aux époux Y sur les sommes correspondant aux créances de la société Poltronesofa objets du paiement au titre de la garantie à première demande de la banque sont les intérêts au taux légal à compter d’un décompte du 10 avril 2009 alors que les cautions sont tenues du paiement de ces intérêts à compter de leur mise en demeure qui est intervenue pour chacun d’entre eux le 16 décembre 2008.

Sur la responsabilité de la banque

Cette responsabilité est recherchée par la société Borel qui prétend que s’étant trouvée en difficulté avec son franchiseur et en rupture de trésorerie sans que la résiliation du contrat ne lui permettant pas de régler cette difficulté, elle aurait vainement demandé au Crédit Agricole de lui consentir un crédit complémentaire qui le lui a refusé et a préféré prononcer la déchéance du terme, aggravant le sort de la société qui a dû suspendre son activité.

La banque rétorque qu’un organisme financier n’est jamais obligé d’accepter une demande de financement et que ce n’est pas la société Borel qui a sollicité cet octroi de crédit mais une société AMR Styles de France, de sorte que cette société ne justifie d’aucune rupture abusive de crédit.

XXX

Il n’est pas démontré par la société Borel que la banque aurait de manière fautive refusé à celle-ci un nouveau financement. En, effet, alors que le Crédit Agricole avait dû s’acquitter de son obligation à paiement au titre de la garantie à première demande faute d’appel manifestement abusif ou frauduleux du bénéficiaire d’une somme relativement importante et que, dans le même temps au mois de décembre 2008, elle constatait que le prêt consenti à cette société présentait un retard de 2 530, 95 euros, il ne peut être reproché à cet établissement de crédit d’avoir refusé d’octroyer un nouveau concours à cette société qui n’honorait plus ses précédents engagements. En outre le courrier du 11 novembre 2008 par lequel Monsieur et Madame Y présentent une nouvelle demande de prêt au Crédit Agricole est à en tête de la SARL AMR et non de la SARL Borel et fait état de leur souhait de se concentrer sur le magasin Styles de France sur lequel ils fournissent des éléments chiffrés, de sorte qu’il apparaît que, comme le soutient la banque, la société Borel était mise en sommeil, ce que les appelants ne nient pas, et qu’il existait pour le moins une ambiguïté sur la société au nom de laquelle ce nouveau concours bancaire était sollicité. Dans ces conditions, c’est à juste titre que le tribunal n’a pas retenu la faute de la banque.

Sur les autres demandes

Le bénéfice de l’article 1244-1 du code civil ne saurait être accordé aux appelants qui ne proposent aucun plan d’apurement de leurs dettes. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

L’anatocisme a déjà été accordé par le tribunal et n’a donc pas à être rajouté.

L’équité impose de faire supporter par les appelants les frais irrépétibles d’appel exposés par le Crédit Agricole.

La partie qui succombe doit les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la condamnation des époux Y au titre du prêt n°469 428 52 euros en leur qualité de caution,

Statuant à nouveau de ce chef,

Constate que le Crédit Agricole n’a pas respecté les dispositions de l’article L313-22 du code monétaire et financier relatives à la durée de l’engagement des cautions,

Prononce à l’égard des cautions la déchéance de la totalité des intérêts échus de la dette garantie,

Dit que les paiements effectués par le débiteur principal doivent être affectés prioritairement au règlement du principal de la dette,

Dit que la condamnation solidaire de Monsieur et Madame Y à payer avec la société Borel à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel est cantonnée à la somme de 27 331 euros en capital avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2009, capitalisés par application de l’article 1154 du code civil,

Condamne Monsieur et Madame Y et la société Borel à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles d’appel,

Condamne Monsieur et Madame Y et la société Borel aux dépens d’appel recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. X P. VALLEE

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