Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 28 mars 2017, n° 11/00498

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 28 mars 2017, n° 11/00498
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 11/00498
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Angers, 6 décembre 2010, N° 98/00756
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ANGERS CHAMBRE A – CIVILE MR/SC

ARRÊT N°:

AFFAIRE N° : 11/00498

Jugement du 07 Décembre 2010

Tribunal de Grande Instance d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 98/00756

ARRET DU 28 MARS 2017

APPELANTE :

SAS TRAVAUX PUBLICS DES PAYS DE LOIRE (E)

XXX

XXX

Représentée par Me Daniel CHATTELEYN de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 33870 et Me de MASCUREAU, avocat plaidant au barreau d’ANGERS

INTIMES :

Madame H I épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Monsieur J X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentés par Me MAUDEMAIN substituant Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE BOUCHERON ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 110056 COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 31 Janvier 2017 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame ROEHRICH, Président de chambre, entendue en son rapport et Madame PORTMANN, Conseiller qui ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame ROEHRICH, Président de chambre

Madame MONGE, Conseiller

Madame PORTMANN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement le 28 mars 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monique ROEHRICH, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

M. et Mme X ont acquis un terrain à bâtir en 1972 au lieu-dit

'XXX’ en la commune de Mozé sur Louet (Maine et Loire) et y ont fait édifier une maison à usage d’habitation.

A proximité du bourg est exploitée depuis l’année 1935 une carrière à ciel ouvert.

Le 21 février 1975, la société E a été autorisée par arrêté préfectoral à poursuivre l’exploitation de la carrière sur une surface de 12 ha et pour une durée de trente ans et à extraire au maximum 250.000 tonnes de produits marchands.

Selon arrêté préfectoral du 4 janvier 2000, a été autorisée une nouvelle extension de la carrière sur 7ha 22a et 50ca avec obligation de mettre en oeuvre les moyens appropriés pour protéger l’environnement.

Les riverains dont les époux X se plaignant de troubles et dégradations qu’ils attribuent à l’activité de la carrière, la juridiction administrative a ordonné une expertise confiée à M. Z.

A la demande de la commune, il a été ordonné toujours par la juridiction administrative une deuxième expertise portant sur l’impact de la carrière sur l’environnement, confiée à Mme A.

Par jugement du 21 janvier 2003 confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Angers, le tribunal de grande instance saisi d’une action présentée par l’association de riverains et dix neuf riverains a débouté les demandeurs de leur action à l’exception de M. et Mme X en raison de l’antériorité de leur installation à proximité de la carrière.

Avant dire droit sur la réparation des désordres résultant des fissurations affectant l’immeuble des époux X, il a ordonné une expertise confiée à M. B avec pour mission de dire si les désordres allégués étaient en relation causale directe et certaine avec les vibrations provoquées par les tirs de mines, dire s’ils sont réparables et pour quel coût, et s’ils affectent la valeur vénale de l’immeuble et dans quelles proportions.

Les époux X ont été déboutés de leurs demandes portant sur tous les autres troubles de voisinage comme non prouvés ou n’excédant pas les inconvénients normaux de voisinage.

La mission de l’expert a été étendue à l’examen des préjudices subis par M. et Mme X par ordonnance du 10 janvier 2007.

Au vu de cette expertise et, par jugement du 7 décembre 2010, le tribunal de grande instance d’Angers a :

— déclaré la société E responsable du trouble excessif de voisinage subi par M. et Mme X ;

— l’a condamnée à leur verser la somme de 380.000,00 € au titre du préjudice matériel, 6 000 € à titre d’indemnisation du déménagement à venir, 8 400 € à titre de préjudice de jouissance et 2 000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens incluant les frais d’expertise judiciaire et de deux constats d’huissier.

Le tribunal a considéré au vu de l’expertise que les vibrations provoquées par les tirs de mines étaient la cause unique et directe des désordres subis par l’immeuble, que la maison n’était pas réparable et que les nuisances consistant dans les dégradations graves de l’ouvrage excédaient les inconvénients normaux de voisinage, ce même si les mesures de ces vibrations entrent dans les normes édictées par la réglementation administrative.

Par déclaration du 18 février 2011, la société E a relevé appel de cette décision.

Les époux X ont formé appel incident.

Faute de disposer d’éléments suffisants pour statuer, au vu d’avis techniques reposant sur des divergences relatives notamment à la géologie des lieux remettant en cause les conclusions de l’expert judiciaire et relevant que l’expert n’avait pas établi objectivement de lien de causalité entre les tirs de mines et les désordres et avait conclu à l’existence d’un lien entre la fissuration et les tirs de mines en se fondant sur le constat d’une prétendue aggravation des fissures constatée par huissier, la cour par arrêt avant dire droit du 22 mai 2012 a ordonné une expertise de la structure de l’immeuble portant notamment sur la nature du sol d’assiette de la maison et du sous-sol de la carrière afin de vérifier si ces sols sont favorables ou non à la transmission des vibrations.

L’expert judiciaire C a déposé son rapport le 1er février 2016.

Sur la durée de ses observations, il n’a pas constaté d’évolution des désordres et il estime ne pas être en mesure d’établir une relation causale entre les désordres affectant la maison et les tirs de mines.

Il évoque différentes causes cumulatives à la fois géotechniques et constructives. Il vise à la fois une perte de consistance des assises argileuses par imbibition excessive aggravée par un drainage dysfonctionnel, des regards fuyards, des effets cycliques gel et dégel et des systèmes racinaires avides d’eau.

Il conclut enfin qu’en raison du décalage dans le temps entre l’achèvement de la construction en 1972 et l’apparition des désordres en 1983, on ne peut exclure des pertes de consistance localisées du sol par apports anarchiques d’eau au niveau des fondations et ce d’autant plus que les terrains d’assise sont sollicités au niveau de la contrainte admissible. Il constate la nature et l’importance des désordres se manifestant par des fissures horizontales traversantes affectant les façades Nord-Est et Nord-Ouest, compromettant la solidité de l’ouvrage et le rendant impropre à sa destination.

Il estime toutefois que l’immeuble est réparable et préconise des réparations à hauteur de 30.000 € correspondant essentiellement en la construction d’un drainage distant en amont de l’immeuble, en un réaménagement des réseaux d’eaux pluviales et leur exutoire, un terrassement complémentaire pour mise hors gel des fondations, la suppression de plantes et arbustes à proximité des fondations, reconstruction de la terrasse et réfection des fissures structurelles au mortier de résine puis des enduits de ravalement.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

— E 19 janvier 2017,

— époux X XXX,

qui peuvent se résumer comme suit.

La société E – Travaux Publics des Pays de Loire conclut à l’infirmation du jugement rendu le 7 décembre 2010 par le tribunal de grande instance d’Angers en toutes ses dispositions. Elle conclut au débouté de l’ensemble des demandes, fins et conclusions des époux X et à leur condamnation in solidum à restituer l’intégralité des sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire augmentées des intérêts de droit.

Elle sollicite également leur condamnation au paiement de la somme de

20.000 € pour procédure abusive, 30.000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens, y compris les frais d’expertise.

Dans le dernier état de ses écritures, elle relève que l’expert a relevé que la gène d’ordre sensoriel ressentie lors des tirs de mines ne se confond en aucune manière avec le seuil de préjudice pour la construction.

Elle soutient qu’il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir fait diligenter un référé préventif avant de débuter l’exploitation dans la mesure où cette procédure n’existait pas encore et qu’en toute hypothèse cette vérification aurait été totalement inutile puisque l’antériorité des fissures n’est pas alléguée et qu’il n’y avait rien à constater.

Elle se réfère aux constats de l’expert C lequel a relevé que l’évolution des fissurations et des affaissements n’avait jamais été mesurée par le précédent expert et que l’huissier avait simplement dans son constat du 31 août 2000 relevé l’accroissement de 10 cm d’une fissure localisée côté plâtrière.

Elle souligne que l’expert judiciaire a effectué un relevé complet des fissures et a vérifié pendant une année impliquant une cinquantaine de tirs de mines leur évolution pour conclure au caractère pas ou peu évolutif de ces fissures et relever qu’en l’absence de cause, les dommages ne se poursuivent pas et inversement.

Elle se réfère également aux données recueillies par le laboratoire spécialisé à l’occasion de tirs en mine afin d’en mesurer les fréquences sachant que les fréquences les plus énergétiques correspondant à des fréquences très basses inférieures ou égales à 5 Hz. Elle relève que les fréquences sont de 11 Hz à

20 Hz et que les vitesses de propagation ne dépassent jamais le seuil réglementaire des 10 mm/s.

Le coefficient de retransmission et d’amortissement des vibrations est de 1095 soit un niveau médiocrement conducteur.

Par ailleurs la charge maximale d’explosifs n’a jamais dépassé 60 kg au terme des archives allant de 2006 à 2012.

Elle réfute les arguments reprochant à l’expert de ne pas avoir étudié l’ensemble des tirs depuis 1975 alors que les archives les plus anciennes ne sont pas conservées et que les vérifications opérées sont suffisamment significatives. Elle ajoute que si des tirs d’une puissance supérieure calculée à 217 kg tirée en une seule fois nécessaire pour atteindre l’ouvrage des intimés, avaient été opérés, tous les immeubles du bourg auraient été concernés et des dommages auraient été constatés sur les vitres, crépis, cheminée.

Elle se fonde sur la nature du sol d’assise de la maison X implantée sur des placages argileux issus de formation schisto argileuse (de faible transmission vibratoire) et non sur un filon rocheux du même type que socle rocheux que la carrière. Elle relève que la maison est implantée sur un bassin versant et que le sous-sol est constitué de schistes décomposés de classe A 1, c’est à dire de sols genre limons peu plastiques rendant possible une perte de consistance des assises argileuses par imbibition excessive.

Elle relève par ailleurs les vices de construction et d’entretien de l’immeuble concernant le drainage périphérique et les systèmes d’évacuation des eaux de pluie, le non fonctionnement du drain qui capte les eaux sans pour autant les éloigner.

Se référant à l’ensemble de ces éléments techniques qu’elle estime argumentés, elle conclut au débouté des demandes faute de lien de causalité.

Elle relève enfin le caractère déraisonnable des prétentions au regard du coût de reprise des désordres tels que fixé par l’expert.

M. et Mme X concluent à la confirmation du jugement :

— en ce qu’il a déclaré la société E responsable du trouble excessif de voisinage subi par les époux X sur le fondement des dispositions de l’article 544 du code civil ;

Elle demande à la cour de dire et juger au besoin que la société E a commis une faute délictuelle qui la prive de la possibilité de contester le lien de causalité entre ses tirs de mines et les dommages invoqués en omettant de diligenter un référé préventif.

Ils sollicitent la réformation du jugement en ce qu’il a évalué les préjudices et conclut à titre principal à la condamnation de l’appelante à lui verser une indemnité forfaitaire de 560.000 € au titre du coût de la déconstruction-reconstruction de leur maison outre 25.200 € pour frais de déménagement et relogement et 100.000 € au titre du préjudice de jouissance et des troubles dans les conditions d’occupation de leur immeuble.

A titre subsidiaire, ils demandent 1.380.000 € pour frais de réinstallation sur un autre site, 10.200 € pour frais de déménagement et 100.000 € pour troubles de jouissance.

Ils demandent en outre confirmation de l’indemnité allouée en première instance au titre des frais irrépétibles et une nouvelle indemnité de 20.000 € pour les frais exposés en appel. Ils concluent enfin à la condamnation des appelants aux dépens incluant le coût des deux expertises.

Ils relèvent que le sous-sol de leur maison ne présente aucun désordre et que les suppositions de M. C sur la structure de ce sous-sol et un phénomène d’un enfoncement brutal de son angle Est par perte de consistance des assises argileuses du sol pour expliquer les fissures horizontales des murs en élévation ne reposent sur aucune données rationnelles.

Ils soulignent que la société Ginger CEBTP sapiteur, a relevé que le sol d’assise des fondations est constitué de schistes altérés et d’argiles molles peu sensibles au phénomène de retrait-gonflement et que contrairement à ce que retient l’expert, les terrains d’assise sont sollicités en deçà de la contrainte admissible.

Ils versent aux débats un constat d’huissier du 13 juillet 2016 établissant l’absence de fissures et d’humidité dans le sous-sol de leur immeuble, le bon fonctionnement des ouvertures, des dispositifs d’évacuation des eaux pluviales et du drainage ainsi que de l’absence d’arbres à proximité de l’immeuble.

Ils mettent en cause la pertinence des mesures effectuées par la société Ginger CEBTP lors d’une campagne de tirs d’essais à faible charge d’explosifs lesquels ne correspondent pas aux tirs réels.

Ils soutiennent que l’expert n’a pas exclu page 39 de son rapport qu’à certaines périodes plus ou moins anciennes, des tirs ont pu engendrer des désordres et ils lui reprochent de ne pas s’être intéressé à l’historique des tirs depuis 1975, en se contentant de l’examen de la période 2003/2012 par son sapiteur lequel aurait par ailleurs communiqué des indications inexactes sur la puissance de certains tirs.

Relevant le caractère interrogatif du rapport d’expertise, en l’absence de vices de construction susceptibles d’expliquer les désordres, des prétendues assises argileuses du terrain alors que le terrain des époux X et celui de la carrière s’inscrivent de toute évidence dans la même configuration géologique, ils soutiennent que la cause sismique résultant des tirs de mine est la seule cause plausible des dommages.

Ils font enfin grief à la société E de n’avoir pas diligenté de référé préventif ce qui est de nature à la priver de la possibilité de contester la causalité des dommages invoqués et ils concluent qu’à défaut de pouvoir retenir un lien de causalité entre les tirs de mines et les désordres, il convient de retenir cette faute pour condamner la société E à indemnisation des dommages.

A titre subsidiaire, et pour le cas où la cour considérerait que les tirs de mines sont sans relation avec les désordres et que la société E n’a pas commis de faute en omettant de solliciter une expertise préventive, ils sollicitent 100.000 € pour trouble anormal de voisinage.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour dispose pour statuer de l’avis de quatre experts désignés soit par la juridiction administrative, soit par les juridictions judiciaires :

— le rapport de M. Z du 19 avril 1996,

— le rapport de Mme A du 18 décembre 2000,

— le rapport de M. B du 10 juin 2009,

— le rapport de M. C ordonné par notre cour. Les parties produisent en outre les avis techniques d’expert qu’elles ont consultés.

Sur la cause des désordres

Les roches extraites de la carrière sont des granites ou rhyolites.

Les experts successivement désignés se sont interrogés sur la nature du sol de la propriété X, voisine de cette carrière.

Mme A observait que la maison des époux X était placée sur le même sous-sol de roches dures que celui exploité dans la carrière et subissait de ce fait directement les vibrations lors des tirs de mine. Elle a fait réaliser des mesures par l’APAVE sous la direction d’un ingénieur. Il a été noté que les amplitudes les plus élevées, toutefois inférieures aux seuils autorisés, étaient observées dans la maison des époux X. Elle note ainsi qu’un tir en milieu de carrière donc relativement éloigné de leur maison a tout de même été le plus fortement ressenti chez eux.

M. B avait sollicité l’avis d’un sapiteur M. J D lequel disait ne pas avoir obtenu d’étude de sol mais avoir constaté que la construction reposait sur un sol particulièrement rocailleux formé de gros blocs de granit mélangés à du gravier et du sable. M. D relevait que la carte géologique indiquait les lignes de force de la carrière lesquelles transmettent les secousses dues aux tirs de mine. Cet expert indiquait qu’il serait judicieux de faire apparaître les filons de granit et leurs directions, ceux-ci servant en priorité de transmetteurs d’impact pour les vibrations de la carrière en direction de la maison.

Ce document n’a pas été fourni.

La cour, au vu de l’avis d’Yso Consultants produit par E et relevant que la maison X était située sur une structure différente du gisement de rhyolite ou microgranite exploité par la carrière, a ordonné une nouvelle expertise.

L’expert C soutient au regard de la carte du BRGM de la région de Thouarcé et des résultats de l’étude confiée à Ginger CEBTP qu’il convient de distinguer clairement la nature géologique des sols exploités par la carrière qui correspondent à des rhyolites ou des microgranites dans un filon granitique et les formations schistogréseuses de nature argileuse qui composent le sous-sol de la commune de Mozé sur Louet et notamment le secteur de Fontenelle où la maison de M. et Mme X est implantée.

Il écrit que contrairement à ce qui fut allégué dans plusieurs rapports auparavant, la maison des époux X n’a jamais été fondée sur le rocher mais sur des placages argileux.

Le rapport géotechnique du laboratoire Ginger CEBTP permet de déterminer précisément la composition géologique du terrain sur lequel est implantée la maison X.

Les sondages ont montré :

— (horizon 1) à partir de la surface jusqu’à 0,5 à 1,05 m de profondeur environ un sol de remblais argilo-sableux en comblement périphérique de la construction et mise à niveau du terrain en façade arrière ;

— (horizon 2) à partir de 0,5 à 1,05 m jusqu’à 1,5 m à 3,8 m des argiles molles classifiées A² de faibles caractéristiques mécaniques, sol classé moyennement sensible au phénomène de retrait-gonflement ;

— (horizon 3) à partir de 1,5 m à 3,8 m jusqu’à la base des sondages supérieurs à 9 m : des schistes décomposés jusqu’à 3,3 m à l’Est et 9,5 m à l’ouest se présentant sous l’aspect d’un limon d’altération ultime du substratum schisteux, moyennement consistant classifiés A1, et des schistes altérés après 3,3 m et jusqu’à 7,5 m de profondeur environ à l’Est. Ces sols sont composés de matériaux de sensibilité faible vis à vis du phénomène de retrait-gonflement.

Le substratum rocheux, compact a été atteint en fin de sondages entre les cotes de + 90,35 et + 90,10 et a occasionné le refus des deux forages à la tarière

(à 9,5 m à l’ouest et à 7,5 m à l’Est). Il s’agit d’un substratum compact caractéristique d’une roche peu altérée.

L’expert C tire une double conclusion de ces éléments.

Il en déduit d’une part que les transmissions vibratoires lors des tirs sont de qualité médiocre. En quelque sorte, le choc provoqué par les tirs d’explosif serait amorti par la nature du sol.

Il trouve en outre dans la présence des argiles et schistes décomposés une explication à la fissuration de l’immeuble X et ce d’autant plus qu’il a repéré en outre des défauts de construction.

Les sols argileux sont en effet sensibles aux phénomènes de retrait-gonflement lors des variations en teneur d’eau.

La commune de Mozé sur Louet est en zonage 'moyennement sensible'.

Les sols argileux sont classés selon leur sensibilité : la sous-classe A1 comprend les limons peu plastiques, la sous-classe A2 comprend les sables fins argileux et marnes peu plastiques et la classe A3 comprend les argiles très plastiques.

L’expert relève que si le sol situé à hauteur des fondations soit à 2,70 m de profondeur correspond à la couche d’argile molle (A2) moyennement sensible aux phénomènes de retrait-gonflement puis 60 cm en dessous des semelles de fondation à une couche classée en type A1 de sensibilité faible au retrait-gonflement, cela ne signifie pas que ces sols sont insensibles pour autant.

Il fait état d’une possible perte des assises argileuses par imbibition excessive des sols.

L’expert relève page 29 de l’expertise que le puits implanté sur le terrain a été à sec de 1980 à 1990/95. Cela implique que l’assiette de fondation de la maison construite sur un terrain humide ainsi qu’en attestent la présence du drainage et des caractéristiques particulières des semelles et des murs du sous-sol enterré, sur-dimensionnés par le maître d’oeuvre pour en améliorer la portance, est devenue sèche pareillement durant cette même période pour redevenir ensuite humide voire imbibée.

L’expert relève par ailleurs que les fondations à l’Est situées à 30 cm sous le terrain naturel sont insuffisamment encastrées dans le sol pour être hors gel, que le drainage est insuffisant, le réseau d’eaux pluviales et ses exutoires mal conçus et qu’il est implanté à proximité de la maison un massif de bambous particulièrement gourmands en eau.

Il note par ailleurs que le sous-sol très rigide de part les caractéristiques de la construction a dû s’adapter et répondre aux différentes sollicitations engendrées par le sol susceptible de modifier son comportement par effet du gel/dégel, humidification, assèchement, retrait ou gonflement. La première zone déformable étant située au niveau du chaînage horizontal à la jonction du plancher, c’est à cet endroit, zone de juxtaposition des matériaux, que seraient apparues les fissures horizontales traversantes des façades nord-ouest et nord-est.

L’expert qui attribue le sinistre à l’imbibition des sols n’explique pas les motifs pour lesquels les premiers désordres ont mis plus de dix années à apparaître après la construction de l’immeuble si le drain et les exutoires d’eaux pluviales étaient mal conçus et inadaptés.

En effet, à l’origine, le terrain d’assise de la construction n’était pas un sol sec puisque ce n’est qu’après plusieurs années que les époux X ont fait état de l’assèchement de leur puits.

L’expert C s’en tient à cette explication et conclut qu’il n’a pas relevé de relation causale entre les tirs de mine et les désordres affectant la maison après une année d’observation et une campagne de tirs d’essai.

Son sapiteur Ginger CEBTP concluait dans son rapport relatif aux tirs d’essai page 11 que les mesures et résultats issus des tirs d’essais montrent que les vibrations inhérentes aux tirs de mine ne sont pas de nature à générer des désordres structurels tels que visibles sur l’habitation dans les conditions étudiées.

La morphologie du site n’offre pas de transmission particulière aux phénomènes vibratoires, le coefficient de transmission est même assez faible. Cependant, il est à noter que nous n’avons pas eu communication de tous les plans de tirs réalisés depuis la construction de la maison X, ni des relevés vibratoires couvrant la même période.

Il n’est donc pas possible d’exclure qu’à certaines périodes plus ou moins anciennes, des valeurs de vitesses particulaires de vibrations de nature à engendrer des désordres sur la maison X aient pu être atteintes, en cas d’application de plans de tirs mal conçus ou mal réalisés.

Si l’étude géologique réalisée par le dernier expert a permis d’obtenir davantage de précisions sur la nature du sol de l’immeuble X et s’il est exact que la roche dure n’affleure pas, que la couche supérieure est constituée d’argiles et schistes, la roche se retrouve à moins de 10 mètres soit 7,50 m à 9,50 m selon les points de carottage.

Or, la carrière E exploite les minerais à des profondeurs largement supérieures.

L’existence d’un sol de surface plus souple n’est pas de nature à exclure les effets des vibrations sur l’immeuble.

M. F, expert consulté par les époux X fait état de l’existence d’un phénomène de propagation de l’énergie provoquée par les tirs : le massif de roches dures soumis à l’onde de chocs entre en vibrations de faible amplitude et de fortes fréquences. Puis l’énergie est transmise du massif de roches granitiques aux sols meubles et terres arables de surface et se manifeste par des vibrations de plus large amplitude et de plus faible fréquence.

Elle est transmise enfin aux constructions de surface lesquelles entrent en vibration et subiraient à son sens, des désordres progressifs.

La circulaire du préfet en date du 23 juillet 1986 demandant d’appliquer des dispositions pour les installations classées nouvelles ainsi que pour les modifications et extensions d’installations classées et définissant les méthodes de mesure pour évaluer notamment les effets des vibrations mécaniques touchant la sécurité des constructions, fait état des effets des vibrations mécaniques sur les constructions. Elle précise qu’ils comprennent les effets directs résultant de la mise en résonance par les vibrations mais aussi les effets indirects par densification du sol et elle mentionne des phénomènes de liquéfaction comportant une perte significative de résistance pouvant être observés sous l’effet de vibrations continues dans des sols tels que des limons sables, limons argileux, argiles sensibles.

Il résulte des différentes expertises que les fissures importantes horizontales cisaillant en deux endroits les murs de la maison sont apparues en 1983. L’expert judiciaire C a opéré ses déductions à partir d’une reconstitution par des tirs d’essai effectués à une distance correspondant celle qui résultait du plan d’exploitation des années considérées selon le positionnement des fronts de taille.

Ces essais ont été effectués avec des charges variables dont certaines (82 kg) excédaient la charge maximale autorisée par l’arrêté préfectoral.

Les vérifications sur les tirs réels effectués par E n’ont toutefois porté que sur la période de 2003 à 2012.

Il n’a pas eu communication de tous les plans de tirs réalisés depuis la construction de la maison X ni des relevés vibratoires couvrant la même période sachant que les mesures vibratoires opérées par l’exploitant se situent au niveau du champ de boules du village et non sur l’habitation X.

L’expert a relevé que E a déclaré qu’elle ne disposait plus d’archives antérieures. Cette absence de précaution peut apparaître surprenante alors que l’exploitant n’ignore pas l’existence de litiges persistants et anciens avec les riverains.

Il convient de se référer au jugement lequel rappelle que dans un courrier du

12 juin 1998, le maire de la commune de Mozé sur Louet rappelle avoir protesté avec force et à maintes reprises pour signaler des tirs de mine particulièrement violents, générant des secousses à la limite de l’acceptable.

Si le ressenti subjectif ne permet pas scientifiquement d’évaluer les caractéristiques du tir, il permet toutefois de repérer l’existence de tirs anormalement plus puissants et venir contredire les affirmations du sachant de l’exploitant E, M. G, selon lequel les vibrations liées aux tirs de mines sont d’ampleur comparable et sont de l’ordre de la simple gêne.

Il résulte en outre des éléments collectés par l’expert que si le terrain X comprend des argiles, il est moyennement réceptif au phénomène de retrait-gonflement évoqué.

Il n’a pas été par ailleurs établi de liens particuliers entre une période de sécheresse identifiée puis de forte humidité dans le secteur et les communes proches pouvant coïncider et expliquer la genèse du sinistre.

L’expert Z a relevé qu’alors que le puits était à sec, ce qui atteste de l’assèchement du sol, il n’y avait pas de fissures importantes sur l’immeuble X mais de simples petites fissures comme on en constate fréquemment sur les maisons de ce type.

En conséquence et dès lors que E n’a pas fourni les relevés des tirs de mines entre 1983 et 2003, années au cours desquelles s’est révélé puis amplifié le sinistre ce qui n’a jamais permis aux experts successivement désignés de vérifier les effets directs des tirs réels sur l’habitation X à l’époque d’apparition des dommages, que le terrain n’est pas particulièrement sensible au phénomène de retrait-gonflement des sols, que par ailleurs ne doit pas être méconnu l’effet indirect des vibrations fortes et répétées sur la résistance des sols de surface de la nature de ceux qui caractérisent la propriété X, il convient de considérer que seule l’activité de la carrière peut expliquer le phénomène de fissurations constaté.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement du 7 décembre 2010 en ce qu’il a déclaré la socité E responsable du trouble excessif de voisinage subi par les époux X.

Sur le montant des indemnisations Les premiers désordres constatés en 1983 n’étaient que des désordres mineurs si l’on se réfère à l’expertise Z qui les qualifie de petits désordres et soutient qu’il ne lui a rien été montré de dramatique.

Le jugement du tribunal énonce page 11 l’ensemble des fissurations lesquelles atteignent des murs porteurs mais aussi des cloisons intérieures. L’expert C atteste de la multiplicité de ces fissures qu’il matérialise sur un schéma. Cependant, il n’a pas constaté une majoration de leur écartement ou l’apparition de nouvelles fissures et, au contraire, il a pu grâce à un étalonnage des fissures, repérer une absence d’évolution.

Il n’est pas démontré dans ces conditions que l’exploitation de la carrière telle qu’elle s’effectue actuellement dans le respect de la réglementation administrative, menace la pérennité de la construction X et est de nature à la conduire à une ruine inexorable.

Il n’est pas justifié d’admettre en conséquence que seule une construction obéissant aux normes antisismiques serait de nature à résister de sorte qu’il conviendrait de considérer la construction comme perdue et condamner la société E à assumer le coût d’une reconstruction.

Toutefois, eu égard au caractère généralisé des fissures qui concernent la totalité de la périphérie de la construction et nécessitent en plus de leur traitement, la réfection totale des enduits et s’agissant pour certaines de fissures traversantes imposant également la reprise des embellissements intérieurs, il convient d’évaluer le montant de l’indemnisation à la somme de 50.000 € afin de permettre aux époux X de remettre en état l’immeuble.

Il est réclamé en outre 100.000 € au titre du préjudice de jouissance et troubles dans les conditions d’existence depuis plusieurs années.

Compte tenu de l’ancienneté des désordres, de leur ampleur et des craintes qu’ils peuvent engendrer, il leur sera accordé en outre au titre des préjudices immatériels une somme de 40.000 €.

Au titre des frais irrépétibles et eu égard aux difficultés rencontrées à l’occasion du suivi de la procédure d’appel laquelle inclut une longue expertise, il leur sera alloué une somme complémentaire de 15.000 €.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement ;

CONFIRME le jugement du 7 décembre 2010 en ce qu’il a déclaré la société E responsable du trouble anormal de voisinage subi par les époux X et condamné la société E à leur verser une somme de 20.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

L’INFIRME sur l’évaluation des préjudices ;

et statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société E à verser aux époux X la somme de

50.000 € au titre du préjudice matériel, 40.000 € au titre du préjudice de jouissance et 15.000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux X in solidum à restituer à la société E la part des sommes versées au titre de la condamnation de première instance, excédant le montant alloué par le présent arrêt ;

DIT que les intérêts courront au taux légal sur lesdites sommes à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société E aux entiers dépens d’appel, frais d’expertise judiciaire inclus et dit qu’il sera fait application pour le recouvrement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

C. LEVEUF M. ROEHRICH

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 28 mars 2017, n° 11/00498