Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 7 janvier 2021, n° 18/00744

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 7 janv. 2021, n° 18/00744
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00744
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Mayenne, 9 septembre 2018, N° 17010
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N° 19

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00744 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENGI.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAYENNE, décision attaquée en date du 10 Septembre 2018, enregistrée sous le n° 17010

ARRÊT DU 07 Janvier 2021

APPELANTE :

La société COMPAGNIE DES FROMAGES ET RICHEMONTS

[…]

[…]

représentée par Maître KERAVAL, avocat au barreau de LAVAL, substituant Maître PEROTTO, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur B Y

La Favrie

[…]

représenté par Maître Xavier CORNUT, avocat au barreau de NANTES

LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA MAYENNE-ORNE-SARTHE

[…]

[…]

représentée par Monsieur X des DESERTS, muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Novembre 2020 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame G, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame F G

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Greffier lors des débats : Madame D E

ARRÊT :

prononcé le 07 Janvier 2021, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame G, conseiller faisant fonction de président, et par Madame D E, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE

Le 3 juillet 2014, M. B Y, salarié de la SCA Compagnie des fromages et Richesmonts, a été victime d’un accident de travail décrit de la manière suivante dans la déclaration en date du 7 octobre 2014 remplie par l’employeur : « M. Y, pour réaliser une activité de maintenance a utilisé une échelle. En montant sur une échelle au niveau de la 3e marche, le pied de l’échelle a cassée ». Le certificat médical initial établi le 4 novembre 2014 décrit la pathologie suivante : « initialement rachialgie cervicale avec apparition ultérieure d’une simple traumatologie évocatrice d’une lombosciatalgie L5'S1 gauche ».

Par décision en date du 5 décembre 2014, la mutualité sociale agricole Mayenne Orne Sarthe (MSA) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

M. Y a été déclaré consolidé le 6 janvier 2017 avec un taux d’IPP de 35 %. Il a été déclaré inapte par le médecin du travail et a été reclassé à un poste de laborantin.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2017, M. Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 10 septembre 2018, le tribunal a notamment :

— retenu l’existence d’une faute inexcusable à l’encontre de la Compagnie des fromages et Richesmonts dans la survenance de l’accident du travail dont a été victime M. Y le 3 juillet 2014 ;

— fixé au maximum la majoration de la rente ;

— octroyé à M. Y une provision de 3000 euros et condamné la MSA à lui régler cette provision ;

— ordonné avant dire droit l’organisation d’une expertise médicale judiciaire pour évaluer les préjudices de M. Y ;

— condamné la SCA Compagnie des fromages et Richesmonts à verser à M. Y la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 23 novembre 2018, la Compagnie des fromages et Richesmonts a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 31 octobre 2018.

Ce dossier a initialement été convoqué à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 13 février 2020. Ce dossier a été renvoyé à l’audience du 3 novembre 2020. À cette audience, toutes les parties sont présentes ou représentées.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions reçues au greffe le 3 février 2020, régulièrement soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la Compagnie des fromages et Richesmonts demande à la cour de :

— déclarer recevable et fondé son appel ;

— infirmer le jugement de première instance ;

à titre liminaire :

— juger que les faits survenus le 3 juillet 2014 n’ont pas un caractère professionnel et rejeter l’intégralité des demandes visant à la mise en cause de sa responsabilité sur le fondement de la faute inexcusable ;

à titre principal :

— juger qu’elle a pris les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de M. Y et rejeter l’intégralité des demandes au titre de la prétendue faute inexcusable ;

— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner M. Y à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses intérêts, la Compagnie des fromages et Richesmonts fait valoir que :

— l’incident survenu le 3 juillet au matin n’a eu aucune incidence sur l’état de santé de M. Y puisque celui-ci a repris normalement son travail, n’a pas été placé en arrêt de travail et n’a pas déclaré avoir été victime d’un accident du travail ;

— à la demande exclusive du coordinateur sécurité de l’usine, M. Z, M. Y a accepté de consigner cet incident dans le registre des accidents bénins ;

— elle a établi une déclaration d’accident du travail à la demande de M. Y auprès du comité d’entreprise ;

— ce n’est qu’à compter du mois de janvier 2015 que M. Y a été placé pour la première fois en arrêt de travail ;

— M. Y a perdu l’équilibre alors qu’il se trouvait sur une échelle à moins d’un mètre du sol et n’a déclaré aucun problème de santé immédiatement après cet incident ;

— il n’existe aucun lien entre les faits du 3 juillet 2014 et les problèmes de dos de M. Y apparus au cours de l’automne suivant, compte tenu du délai écoulé avant l’apparition des premiers symptômes ;

— le pied de l’échelle n’a pas pu plier ou fléchir s’agissant d’une structure en aluminium;

— elle est très soucieuse des problématiques de sécurité depuis de nombreuses années, notamment en raison des règles d’hygiène très strictes qui lui sont imposées ;

— l’échelle était appuyée contre les machines à laver les claies qui est effectivement un support stable, résistant et de dimension adéquate ainsi qu’il ressort du compte rendu d’analyse d’accident réalisé par le CHSCT le 23 septembre 2016.

Par conclusions reçues au greffe le 14 janvier 2020, régulièrement soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la MSA Mayenne Orne Sarthe demande à la cour de :

— confirmer le caractère professionnel de l’accident dont a été victime M. Y le 3 juillet 2014 et des lésions qui ont suivi ledit accident ;

— sous cette réserve, lui décerner acte de ce qu’elle entend s’en remettre à justice en ce qui concerne la reconnaissance de la faute inexcusable de la Compagnie des fromages et Richesmonts dans la survenance de l’accident du travail.

Au soutien de ses intérêts, la MSA fait valoir que :

— l’employeur n’a émis aucune réserve lors de la déclaration d’accident du travail alors que le document a été établi le 7 octobre 2014 pour relater des faits survenus le 3 juillet précédent ;

— la société n’a pas demandé à consulter le dossier d’instruction qu’elle avait constitué et n’a pas contesté la décision de prise en charge lorsque celle-ci lui a été notifiée ;

— l’imputation à cet accident de la lésion prise en charge à titre professionnel résulte de diagnostics médicaux d’origines diverses mais unanimement convergents ;

— l’expert désigné par les premiers juges aux fins d’expertise de la victime confirme un « continuum temporel entre cet accident et l’apparition de la symptomatologie lombaire ».

Par conclusions reçues au greffe le 16 décembre 2019, régulièrement soutenues à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. Y demande à la cour de :

— dire que l’accident du 3 juillet 2014 dont il a été victime constitue indiscutablement un accident du travail au sens de l’article L. 411'1 du code du travail ;

— dire que l’accident du travail du 3 juillet 2014 dont il a été victime doit être imputé à la faute inexcusable de la société Compagnie des fromages et Richesmonts ;

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance ;

— condamner l’employeur à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;

— débouter l’employeur de toutes ses demandes.

Au soutien de ses intérêts, M. Y fait valoir que :

— il a fait une chute d’une hauteur d’un mètre environ, sur ses appuis et a ressenti quelques douleurs dorsales, tout en reprenant son activité professionnelle ;

— les douleurs lombaires se sont intensifiées dans les semaines suivantes, de sorte qu’au mois de janvier 2015 il n’a plus été en mesure d’exercer sa profession ;

— son médecin traitant a dit que les douleurs sont survenues dès le lundi 7 juillet 2014, soit 4 jours après la chute ;

— il a passé une IRM ainsi que divers examens au cours des mois de septembre et octobre et a demandé à ce qu’une déclaration d’accident du travail soit régularisée ;

— le compte rendu du CHSCT établit de manière non équivoque qu’il a procédé de manière habituelle pour mener cette intervention ;

— depuis le 22 mars 2016, l’échelle est désormais fixée sur un support mural propre à assurer son intégrité ;

— la chute de l’échelle a été inscrite sur le registre des accidents bénins ;

— il ne s’est pas écoulé 5 mois entre l’accident et l’apparition des lésions ;

— l’employeur n’a pas contesté la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle ;

— le lien entre les lésions et l’accident du travail a été établi par le médecin expert désigné par le tribunal ;

— la Compagnie des fromages et Richesmonts est une entreprise de taille extrêmement importante, disposant d’un CHSCT et ne pouvait ignorer le risque de stationner une échelle dans une allée bordant une ligne de machine à laver les claies ;

— il n’existait aucun point d’ancrage et aucune méthode de stationnement de l’échelle, laquelle pouvait être l’objet de chocs répétés ou de chutes compte tenu du passage dans le couloir de machines imposantes ;

— l’employeur n’a pas respecté les dispositions des articles R. 4321'81 et suivants du code du travail sur l’utilisation des échelles portables.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’accident du travail

Aux termes des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, 'est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.'

Il résulte de cette présomption d’imputabilité qu’une lésion qui se produit par le fait ou à l’occasion du travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultant de cet accident.

La présomption d’imputabilité s’applique aux soins et arrêts de travail prescrits sans interruption à la suite de l’accident du travail jusqu’à la date de consolidation ou de guérison complète, la caisse devant rapporter la preuve de cette continuité d’arrêts et à défaut de soins et de symptômes dans ses rapports avec l’employeur. Elle s’applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident ou la maladie. Elle s’applique également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident dès lors qu’il existe une continuité de soins et de

symptômes.

La présomption d’imputabilité ne peut être combattue que par la preuve de l’existence d’un état pathologique évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause postérieure complètement étrangère auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

En l’espèce, la matérialité du fait accidentel survenu aux temps et lieu du travail, dans les conditions décrites par le salarié n’est pas contestée. L’accident a été porté le jour même sur le registre des incidents bénins. Il a également été analysé par le CHSCT. La déclaration d’accident du travail n’a été accompagnée d’aucune réserve.

Dès lors, M. Y a bien été victime d’un accident du travail le 3 juillet 2014.

En revanche, il est contesté l’imputabilité à l’accident survenu le 3 juillet 2014, des arrêts et des soins dont a bénéficié M. Y.

Il apparaît que M. Y n’a pas ressenti de douleurs immédiatement et a terminé sa journée de travail. Il a consulté son médecin traitant le 7 juillet 2014, le Docteur Sommet, lequel précise dans un courrier à cette même date adresser à un confrère M. Y pour la réalisation d’un scanner du rachis cervical au motif d’une « cervicalgie et scapulalgie G depuis 4 jours ». Il est noté dans ce courrier que M. Y ne souhaite pas déclarer d’accident du travail.

Ce courrier fait donc le lien entre une première constatation médicale des lésions au 7 juillet 2014 et l’accident survenu le 3 juillet précédent.

La déclaration d’accident du travail par l’employeur est intervenue le 7 octobre 2014 et le premier arrêt de travail date du 4 novembre 2014, date du certificat médical initial dans lequel il est fait expressément référence à l’accident du 3 juillet 2014. M. Y a bénéficié d’un arrêt de travail en continu du 4 novembre 2014 au 2 octobre 2015. Du 2 octobre 2015 au 14 mars 2016, il a été placé en mi-temps thérapeutique. Il a été hospitalisé du 15 mars 2016 au 10 mai 2016, puis a alterné une période d’arrêt de travail à temps complet et à temps partiel. Il a été déclaré consolidé au 6 janvier 2017 avec séquelles.

Si la présomption d’imputabilité des lésions au travail ne peut s’appliquer car il existe un décalage dans le temps entre la date de l’accident, la date de la déclaration d’accident du travail, et celle du premier arrêt de travail, en revanche, il est justifié d’un lien entre les lésions invoquées (lombosciatique gauche) et qui ont été précisées au fur et à mesure du temps par différents examens et l’accident du travail du 3 juillet 2014.

Dans les divers documents médicaux versés au débat, il n’est question d’aucune pathologie liée à l’existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte. Le siège des lésions a évolué des douleurs cervicales initialement constatées vers des douleurs lombaires. Les différents comptes-rendus médicaux font référence à l’accident survenu le 3 juillet 2014 (celui non daté du Docteur Janvier, celui du masseur kinésithérapeute du 31 octobre 2014, celui du Docteur Ramaré du 3 février 2015, celui du médecin du travail du 23 septembre 2015, celui du Docteur Courtheoux du 3 juin 2016). De plus, le médecin expert désigné par le tribunal des affaires de sécurité sociale, le Docteur A, a conclu, après avoir consulté l’entier dossier médical de M. Y, qu’il 'existe un lien de causalité direct et certain entre cette pathologie discale L5-S1 responsable d’une sciatique gauche ayant nécessité une prise en charge chirurgicale et l’accident du travail du 3 juillet 2014'.

L’employeur n’apporte aux débats aucun élément de nature à remettre en cause l’existence de ce lien.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que l’intégralité des soins et

arrêts de travail dont a bénéficié M. Y depuis le 7 juillet 2014 jusqu’à la date de consolidation au 6 janvier 2017, sont imputables à l’accident du travail du 3 juillet 2014.

Cette imputabilité est parfaitement opposable à l’employeur, la Compagnie des fromages et Richesmonts.

Le jugement de première instance doit être confirmé de ce chef.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de la faute inexcusable incombe à la victime ou à ses ayants droit.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

En l’espèce, les circonstances de l’accident du travail du 3 juillet 2014 sont parfaitement établies : M. Y a grimpé sur une échelle appuyée contre la machine à laver les claies et a chuté depuis la 3e marche, s’est réceptionné sur ses deux pieds alors que l’échelle a basculé sur le côté gauche. Contrairement aux allégations de l’employeur, le compte rendu du CHSCT du 23 septembre 2016 fait bien mention que « le coordinateur de sécurité a constaté que l’échelle avec le pied tordu était toujours dans la zone ». Il est bien noté également que « le coordinateur sécurité a retiré l’échelle de l’atelier afin de l’isoler, pour qu’elle ne soit pas réutilisée et pour la réformer ». Le CHSCT a bien identifié l’origine de l’accident par le pied de l’échelle qui s’est plié et par le fait que l’échelle n’était pas fixée à la machine à laver les claies. Par ailleurs, même si M. Y a chuté d’une hauteur inférieure à 1 m, il est parfaitement établi qu’il devait intervenir à 3,5 m de hauteur par le biais de cette échelle portable et que ce type d’intervention était régulier sur les machines à laver les claies.

S’agissant d’un travail en hauteur au moyen d’une échelle portable, l’employeur est évidemment parfaitement informé des risques de chute encourus par le salarié. En effet, l’employeur doit respecter les dispositions de l’article R. 4323'84 du code du travail qui prévoient que : « les échelles portables sont appuyées et reposent sur des supports stables, résistants et de dimensions adéquates notamment afin de demeurer immobiles. Afin qu’elles ne puissent ni glisser ni basculer pendant leur utilisation, les échelles portables sont soient fixées dans la partie supérieure ou inférieure de leurs montants, soit maintenues en place au moyen de tout dispositif antidérapant ou par toute autre solution d’efficacité équivalente ».

La Compagnie des fromages et Richesmonts a ainsi inséré une rubrique « travaux en hauteur » dans le livret des « bonnes pratiques » de sécurité, d’hygiène et d’environnement au service maintenance. Il apparaît néanmoins que les préconisations sont des plus succinctes, le salarié devant s’assurer du bon état de l’échelle, « bien la caler, l’attacher (si possible en deux points) pour éviter tout glissement ».

Or, il apparaît qu’il n’existait, au moment de l’accident, aucun point d’ancrage ni de fixation sur la machine à laver les claies pour appuyer en toute sécurité l’échelle portable, ce qui aurait pu éviter que celle-ci ne bascule sur le côté et n’entraîne la chute du salarié.

À l’évidence, la Compagnie des fromages et Richesmonts n’a pas respecté les dispositions précitées de l’article R. 4323'84 du code du travail.

Par ailleurs, il apparaît que cette échelle portable était entreposée entre deux interventions dans un couloir étroit proche de la machine à laver les claies, emprunté régulièrement par un chariot autoporté BT, alors que normalement le lieu de stockage de l’échelle était défini au niveau du convoyeur aérien en salle grise. Il apparaît ainsi probable que cette échelle a été heurtée par une des machines empruntant le couloir, ce qui explique que le pied se soit plié sous le poids de M. Y. Il appartenait alors à l’employeur de s’assurer que ses consignes étaient bien respectées et ce d’autant qu’il pouvait s’appuyer pour cela sur l’intervention d’un coordinateur sécurité.

Ainsi, il apparaît qu’à la suite de l’enquête du CHSCT, il a été installé un point d’ancrage sur la machine à laver les claies pour l’utilisation de l’échelle en toute sécurité. Cette modification a d’ailleurs été demandée par le CHSCT parmi les actions correctives à mettre en 'uvre.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité alors qu’il avait conscience du danger lié aux travaux en hauteur au moyen d’une échelle mais que les mesures prises pour en préserver le salarié avant l’accident ont été insuffisantes. L’accident du travail survenu le 3 juillet 2014 a donc pour origine sa faute inexcusable.

Il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance et de renvoyer le dossier devant le pôle social du tribunal judiciaire de Laval pour la liquidation des préjudices de M. Y.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Compagnie des fromages et Richesmonts est condamnée au paiement des dépens d’appel.

Les dispositions du jugement de première instance sont confirmées s’agissant de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Compagnie des fromages et Richesmonts est condamnée à payer à M. Y la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande qu’elle a présentée sur ce même fondement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne du 10 septembre 2018 ;

Y ajoutant ;

Renvoie le dossier au pôle social du tribunal judiciaire de Laval pour la liquidation des préjudices de M. Y ;

Condamne la Compagnie des fromages et Richesmonts à payer à M. Y la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande présentée par la Compagnie des fromages et Richesmonts sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Compagnie des fromages et Richesmonts au paiement des dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D E F G

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