Cour d'appel de Besançon, 26 novembre 2013, n° 10/01019

  • Contrefaçon·
  • Marque·
  • Vente·
  • Expert·
  • Stock·
  • Clientèle·
  • Sociétés·
  • Vin·
  • Préjudice·
  • Chiffre d'affaires

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 26 nov. 2013, n° 10/01019
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 10/01019

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

XXX

COUR D’APPEL DE BESANCON

— XXX

ARRET DU VINGT DEUX JANVIER 2014

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

Contradictoire

Audience publique

du 26 novembre 2013

N° de rôle : 10/01019

S/Saisine suite à l’arrêt de la COUR DE CASSATION du 23 mars 2010 n° 349 F-D

cassant l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de DIJON du 24 février 2009 N°107B

suite au jugement du Tribunal de Grande Instance de DIJON du 01/10/2007

code affaire : 39C

Demande en contrefaçon et/ou en nullité de marque

EURL B C C/ SA I M FILS, D E I M

PARTIES EN CAUSE :

EURL B C, ayant son siège, XXX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,

APPELANTE

Ayant pour postulant Me Bruno GRACIANO, avocat au barreau de BESANCON

et pour plaidant Me Sophie BOUCHARD-STECH, avocat au barreau de DIJON

ET :

SA I M FILS, ayant son siège, 13 rue de Beaume – 21220 GEVREY Y, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,

D E I M, ayant son siège, 11 rue de Beaume – 21220 GEVREY Y, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,

INTIMEES ET APPELANTES INCIDENTES

Ayant pour postulant Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de Besançon

et pour plaidant Me Gilles GRAMMONT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre,

C. THEUREY-PARISOT et R. HUA, Conseillers,

GREFFIER : N. JACQUES, Greffier,

Lors du délibéré :

M. SANVIDO, Président de Chambre,

C. THEUREY-PARISOT et R. HUA, Conseillers,

L’affaire plaidée à l’audience du 26 novembre 2013 a été mise en délibéré au 15 janvier 2014 puis à cette date prorogée au 22 janvier 2014. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte délivré le 26 Avril 2006, la SA I M FILS, entreprise viticole, et le D E F M, propriétaire d’une parcelle de vignes AOC sise à Gevrey-Y (21) lieu-dit La Justice et donnée à bail à la société précitée, ont assigné devant le TGI de Dijon l’EURL B C, négociant vinificateur éleveur de vins de Bourgogne, aux fins de :

— faire dire et juger qu’en commercialisant des vins sous la dénomination Clos de la Justice, la défenderesse avait commis des actes de parasitisme commercial, constituant au surplus depuis le 19 mars 2002, date du dépôt par la SA I M FILS de la marque Clos de la Justice, une contrefaçon de marque,

— condamner la défenderesse, en application des articles 1382 du code civil et L711-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, au paiement des sommes de 150.000 € au titre de l’atteinte au bénéfice exclusif de la marque et 158.268,11 € au titre de la perte de clientèle, outre la destruction des bouteilles litigieuses et la publication du jugement à intervenir .

Par jugement du 1er octobre 2007, la juridiction saisie, retenant les deux fondements invoqués mais considérant d’une part que la SA I M FILS ne justifiait pas du préjudice financier allégué, d’autre part que le D E F M ne démontrait pas avoir subi un préjudice personnel et direct en lien avec les agissements de L’EURL B C, a condamné cette société à verser à la SA I M FILS la somme de 40000 euros à titre de dommages-intérêts ; débouté le D E F M de ses prétentions et la SA I M FILS de sa demande de publication ; dit que la totalité des étiquettes portant la mention Clos de la Justice détenues ou commercialisées par L’EURL B C devait être détruite sous contrôle d’huissier de justice et en présence des représentants légaux de la SA I M FILS ; condamné L’EURL B C aux dépens assortis d’une indemnité de procédure de 1500 € au profit de la SA I M FILS.

Statuant par arrêt du 24 février 2009 sur l’appel interjeté par L’EURL B C, la Cour d’Appel de Dijon a confirmé ce jugement en portant à 100.000 € les dommages-intérêts alloués à la SA I BOURRE FILS et ordonnant la destruction des étiquettes litigieuses sous astreinte .

Par arrêt du 23 mars 2010, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a cassé et annulé ledit arrêt, aux motifs qu’à l’égard de la contrefaçon, la Cour d’Appel de Dijon n’avait pas fait une analyse comparative de la marque et de l’étiquette dite contrefaisante, ni recherché si l’impression d’ensemble produite par les signes en présence était susceptible de générer, pour le consommateur d’attention moyenne, un risque de confusion quant à l’origine des produits ; et qu’à l’égard de la concurrence déloyale, cette Cour n’avait pas caractérisé des faits différents de ceux à raison desquels elle prononçait condamnation au titre de la contrefaçon.

Par arrêt définitif du 30 novembre 2011, cette Cour, désignée comme Cour de renvoi a :

— déclaré l’appel recevable,

— confirmé le jugement prononcé par le Tribunal de Grande Instance de Dijon le 1 octobre 2007 en ce qu’il a :

— fait droit en son principe à la demande introduite par la SA I à l’encontre de L’EURL B C sur le fondement de la contrefaçon de marque,

— débouté le D E F M de ses prétentions,

— débouté L’EURL B C de sa demande reconventionnelle,

REFORMANT le dit jugement pour le surplus,

— dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de la concurrence déloyale à défaut d’actes distincts de la contrefaçon,

— dit que L’EURL B C devra utiliser tous les moyens utiles pour avertir la clientèle, en particulier son réseau de revendeurs professionnels, ainsi que les grossistes et détaillants en France et à l’international :

* de l’obligation de réétiqueter sans délais toute bouteille provenant de la Société B C dont l’étiquette contient la dénomination 'CLOS DE LA JUSTICE',

* de l’obligation de modifier, en conséquence, tout document, en particulier commercial, ainsi que tout site internet, afin de faire disparaître sans délai toute référence au CLOS DE LA JUSTICE concernant les produits en provenance de la société B C,

* de l’obligation de communiquer à la société B C le nombre de bouteilles concernées restant dans ses stocks, et l’identité des clients professionnels en ayant acheté,

— Dit que la société B C sera tenue, dans les trois mois à compter de la signification du présent arrêt, en présence d’un huissier de justice payé par ses soins et en présence du représentant légal de la société I M FILS convoqué par ledit huissier de justice, éventuellement accompagné par une personne de son choix,

* de détruire toutes les étiquettes qu’elle détient, qu’elles soient apposées ou non sur des bouteilles, reproduisant la dénomination 'CLOS DE LA JUSTICE', y compris les étiquettes qui auront été retournées par sa clientèle,

* de justifier de l’exhaustivité des étiquettes détruites, en fournissant toutes les pièces justificatives du stock de bouteilles vendues sous de telles étiquettes et du stock éventuellement en possession de la société B C, certifiée conformes par l’expert comptable de la société B C et faisant apparaître, par millésime (de 2000 à 2005 inclus) le détail des ventes,

* de justifier de l’information de sa clientèle, en communiquant une attestation de chaque revendeur reconnaissant avoir été informé des quatre obligations ci-dessus, et précisant le nombre de bouteilles concernées restant dans les stocks, ainsi que l’identité des clients professionnels qui ont acheté des bouteilles litigieuses,

le tout à peine d’une astreinte non définitive de 100 euros par jour de retard,

— autorisé la société I M FILS à faire procéder à la publication de l’arrêt à intervenir dans LE BIEN PUBLIC, le bulletin trimestriel 'L’ECHO DU TOURISME’ de GEVREY-Y, dans deux revues nationales spécialisées de son choix, et, après traduction en langue anglaise certifiée conforme par un traducteur agréé près une Cour d’Appel française, dans les revues américaines Z ADVOCAT et Z A, le tout aux frais de la société B C, à titre de dommages-intérêts, dans la limite de CINQ MILLE EUROS (5.000 €),

— réservé à statuer sur le surplus,

— ordonné une expertise avec pour mission :

— d’examiner les comptes des deux parties et tous documents qui lui paraîtront utiles au sein de ces sociétés, aux fins :

— de déterminer le chiffre d’affaires réalisé par L’EURL B C au titre des vins vendus en France et à l’étranger sous la dénomination CLOS DE LA JUSTICE à partir de 2002, et la marge brute dégagée par ces ventes,

— de faire de même en ce qui concerne les ventes de la SA I M ET FILS pour la même période,

— de mettre en évidence le cas échéant la diminution du chiffre d’affaires et la perte de marge brute subie par la SA I M FILS, par rapport aux 3 exercices précédents ou plus si cela lui paraît pertinent,

— de faire toutes observations utiles sur l’évolution du chiffre d’affaires et des résultats de chacune des parties, au regard également de la situation du secteur d’activité considéré,

— de chiffrer le cas échéant tous chefs de préjudice tels que frais de stockage, invendus et autres.

Monsieur X, expert commis, a déposé son rapport le 12 mars 2013.

Les parties ont conclu en dernier lieu par mémoires déposés au RPVA le 19 juin 2013 (pour la SA I M ET FILS et le D E I M, intimés et appelants incidents) et le 23 septembre 2013 (pour l’EURL B C, appelante) auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile pour l’exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;

La clôture a été prononcée le 9 octobre 2013.

SUR CE

Vu les pièces régulièrement produites ;

Il convient de rappeler que, compte tenu des dispositions du jugement entrepris confirmées par l’arrêt précité du 30 novembre 2011, la Cour n’est plus saisie, à l’égard du D E I M, que de la question des frais répétibles ou non.

Il sera sur ce point immédiatement indiqué que cette partie, ayant été déboutée, y compris sur appel incident, ne peut prétendre au paiement de l’indemnité de procédure qu’elle réclame à hauteur de 5.000 € ; quant aux dépens, l’équité commande, dans les rapports entre le D E I M et L’EURL B C, de laisser à chacune de ces parties la charge de leurs frais.

A ce stade de la procédure, le litige est circonscrit à l’appréciation du préjudice né, pour la SA I M ET FILS, des actes de contrefaçon commis par L’EURL B C.

Il n’est pas sans intérêt de relever que, tandis que l’expert propose d’évaluer à 107.001 € l’ensemble de ce préjudice, la SA I M ET FILS, qui avait assigné L’EURL B C pour obtenir une indemnité de l’ordre de 300.000 € (cf jugement du 1er octobre 2007), aboutit aujourd’hui à une réclamation de l’ordre de 2.135.066 € – dont 240.000 € au titre de l’atteinte à son image et à sa notoriété, et 1.072.159 € au titre du trouble commercial.

En matière de contrefaçon, pour fixer des dommages et intérêts, il y a lieu de tenir compte des conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, des bénéfices réalisés par le contrefacteur et du préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.

L’expert s’est livré à des investigations suffisantes, étant observé que d’une part, si Monsieur X a déclaré tenir pour juste et sincère l’état des ventes établi par l’expert-comptable MOUGENOT, il a aussi disposé de tous les comptes sociaux et il a vérifié cet état (cf réponses aux dires) ; d’autre part que, si des ventes CLOS DE LA JUSTICE – C antérieures au dépôt de la marque résultent effectivement de la pièce n° 35 de l’appelante, ce qui réduit la masse contrefaisante de 29.000 € environ contrairement à l’avis de l’expert, la détermination de celle-ci n’a d’intérêt en définitive que pour l’appréciation du trouble commercial et n’en constitue qu’un des paramètres ; enfin que si, comme l’expert l’a bien constaté, L’EURL B C a continué à présenter les étiquettes contrefaisantes au public (internet – revues spécialisées) pour les millésimes 2001 à 2005, il n’est pas démontré que des ventes en ont résulté.

Les parties, pour conclure l’une à une réclamation plus élevée, l’autre au mal-fondé de celle-ci, développent les arguments débattus devant l’expert, auquel celui-ci a répondu de manière pertinente, par des constatations chiffrées et objectives que la Cour ne peut que reprendre.

Il en résulte en particulier que le préjudice proprement financier s’élève à 24.760 € (perte de marge lié à un prix de vente plus faible appliqué à des ventes retardées du fait de l’écoulement plus long du stock du millésime 2000) + 2.887 € (frais du stockage prolongé pour le même motif) + 37.541 € (perte de trésorerie en raison de la tardiveté des ventes).

En revanche Monsieur X a mis en évidence que la chute du chiffre d’affaires invoquée par la SA I M ET FILS, antérieure aux actes de contrefaçon, n’avait pas été déterminée par ceux-ci, les chiffres avancés par l’intimée comme constituant une perte de marge sur les ventes au Japon et aux Etats-Unis apparaissant au surplus sans commune mesure avec les constatations de l’expert.

Mais il n’est pas contestable que la manoeuvre agressive de L’EURL B C, notamment sur le marché export, n’a pu que causer à la SA I M ET FILS, attaquée dans l’utilisation d’une marque particulièrement flatteuse, un trouble commercial réel et a porté atteinte à son image auprès d’une clientèle notamment étrangère prompte à perdre confiance en constatant qu’une dénomination considérée comme exclusive, pouvait en apparence être utilisée par un tiers.

Pour autant ce préjudice est partiellement réparé par les mesures de publication et information précédemment ordonnées, et la SA I M ET FILS ne démontre en rien pour quel motif il lui faudrait encore 'des années’ pour rétablir la situation antérieure à la contrefaçon, la baisse des ventes CLOS DE LA JUSTICE à l’export ayant au demeurant été rattrapée puis dépassée dès l’exercice 2004-2005 selon l’expert.

Dans ces conditions la Cour, au vu des éléments de l’espèce, fixe l’indemnité due à la SA I M ET FILS à 200.000 €, tous chefs de préjudice confondus.

L’EURL B C, qui succombe, supporte les entiers dépens, ses propres frais et ceux que la SA I M ET FILS a engagés : le montant de 20.000 €, y compris tous frais d’huissier, apparaît satisfactoire compte tenu de la durée et de la complexité de la procédure, en sus du montant alloué en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

Vu l’arrêt partiel du 30 novembre 2011,

Statuant des chefs réservés,

INFIRME le jugement prononcé le 1er octobre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de Dijon en ce qu’il a fixé à QUARANTE MILLE EUROS (40.000 €) les dommages et intérêts dus à la SA I M ET FILS par L’EURL B C,

CONFIRME ledit jugement en ce qu’il a condamné L’EURL B C à payer à la SA I M ET FILS la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant du chef infirmé et ajoutant,

CONDAMNE L’EURL B C à payer à la SA I M ET FILS la somme de DEUX CENT MILLE EUROS (200.000 €) à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE L’EURL B C à payer à la SA I M ET FILS la somme de VINGT MILLE EUROS (20.000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE L’EURL B C et le D E I M de leurs prétentions de ce chef,

DIT que dans les rapports entre le D E I M et L’EURL B C, chacune des parties supportera ses frais,

CONDAMNE L’EURL B C aux dépens d’appel, y compris les frais d’expertise avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et N. JACQUES, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Besançon, 26 novembre 2013, n° 10/01019