Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 15 décembre 2020, n° 19/01414

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 15 déc. 2020, n° 19/01414
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 19/01414
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vesoul, 16 juin 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

CKD/CM

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2020

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 10 novembre 2020

N° de rôle : N° RG 19/01414 – N° Portalis DBVG-V-B7D-EEKS

S/appel d’une décision

du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VESOUL

en date du 17 juin 2019

Code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

[…], sise […]

Représentée par Me Marie-Josèphe LASSUS-PHILIPPE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE,

INTIMÉE

Madame G X, demeurant […]

Représentée par Me Julie DUFOUR, avocat au barreau de BESANÇON,

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 10 Novembre 2020 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER , Greffière lors des débats et Mme Cécile MARTIN, greffier lors de la mise à disposition

En présence de M. Patrick CHEN-CHIT-SANG, greffier stagiaire

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 15 Décembre 2020 par mise à disposition au greffe.

**************

EXPOSE DU LITIGE

Madame G X a été engagée par l’Association Maison Familiale et Rurale de Montbozon (MFR) le 25 août 2009 en qualité de surveillante de nuit et animatrice d’internat à temps complet.

Par lettre du 13 novembre 2017 elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 23 novembre 2017 avec mise à pied conservatoire.

Elle a, par lettre du 27 novembre 2017, été licenciée pour faute grave pour avoir le 8 novembre 2017 porté gravement atteinte à l’intégrité de trois jeunes placés sous sa responsabilité directe en pulvérisant de l’eau de Javel sur deux d’entre eux, et en donnant une claque au troisième.

Le 27 novembre 2018, Madame G X, contestant le licenciement et affirmant avoir été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination salariale, a saisi le conseil des prud’hommes de Vesoul d’une demande à l’encontre de l’association MRF afin de la voir prononcer la nullité du licenciement subsidiairement qu’il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, et que l’association soit condamnée aux paiement de différentes indemnités de rupture, dont 29'326,50 € à titre de dommages et intérêts, et 2.000 € pour procédure vexatoire et abusive.

Par jugement du 17 juin 2019 le conseil des prud’hommes de Vesoul a jugé que le licenciement n’est pas nul, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné l’association à payer à la salariée les sommes de':

—  17'283,68 € à titre de dommages et intérêts,

—  4.455,95 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  4.753,01 € à titre de l’indemnité de préavis, congés payés inclus,

—  977,55 € au titre du salaire de la mise à pied conservatoire,

—  1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée a été déboutée du surplus de ses demandes. Le conseil a en outre débouté l’employeur de sa demande de frais irrépétibles, l’a condamné à remettre une attestation pôle emploi et un bulletin de paye conformes à la présente décision et l’a condamné aux entiers dépens. Le conseil des prud’hommes a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée le 5 juillet 2019, l’association MRF a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives N°1 visées le 05 mars 2020 elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il requalifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse, et la condamne au paiement de divers montants ainsi que à la remise des

documents de fin de contrat. Elle demande à la cour de':

— Dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,

— Débouter Madame X de l’intégralité de ses demandes,

— Condamner Madame X à lui payer 3.000 € au titre de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure prud’homale, et 3000 € pour la procédure d’appel,

— La condamner aux entiers dépens.

Elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et demande à la cour de débouter Madame X de son appel incident.

Par conclusions visées le 31 décembre 2019 Madame G X conclut à la confirmation partielle du jugement du jugement et demande à la cour sur appel incident de':

— Constater l’existence de harcèlement moral et de discrimination salariale,

— Annuler le licenciement pour faute grave du 27 novembre 2017,

— À tout le moins ordonner la requalification en licenciement abusif,

— Condamner la MFR à lui payer les sommes de':

-29.326,50 € à titre de dommages et intérêts,

-4.455,95 € à titre d’indemnité de licenciement, et remise d’une attestation ASSEDIC et d’un bulletin de salaire rectifiés,

-7.129,52 € bruts à titre d’indemnité de préavis, y inclus les CP,

—  977,55 € bruts à titre de rappels de salaire pour la mise à pied,

-2.160,46 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

-2.000 € de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et abusive,

-14.553 € bruts pour rappel de salaire et CP inclus,

-1.500 € de dommages et intérêts pour discrimination salariale,

-4.500 € pour l’article 700 du CPC en première instance et en appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2020.

Il est en application de l’article 455 du code de procédure civile renvoyé aux conclusions des parties ci-dessus visées pour plus ample exposé des faits, moyens, et prétentions.

MOTIFS DE L’ARRET

I. Sur le harcèlement moral

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';

Que l’article L1154-1 du code du travail précise qu’en cas de litige relatif à l’application notamment de l’article L1152-1 précité, le salarié établit des faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement';

Qu’il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement';

*

Attendu que Madame X se prévaut de deux attestations de collègues Messieurs Y et Z, ainsi que d’un compte rendu des délégués du personnel du 07 février 2017';

Attendu que Monsieur Y explique qu’il a été le binôme de Madame X jusqu’en avril 2012 et rapporte des critiques dont elle a fait l’objet durant cette période';

Mais que cette attestation relatant des faits particulièrement anciens, au demeurant sans aucune précision n’est pas de nature à étayer une demande d’indemnisation d’un harcèlement moral formulée la première fois le 27 novembre 2018 (date de saisine du conseil des prud’hommes )';

Attendu que Monsieur Z a rédigé une très longue attestation comportant 9 pages de récriminations à l’encontre de divers membres de l’association sans rapporter de faits précis concernant des actes de harcèlement moral dont aurait été victime Madame X, avec laquelle au demeurant il ne travaillait pas directement, mais avec laquelle il covoiturait ;

Que dans une seconde attestation produite à hauteur de cour (pièce 37), le témoin déclare qu’il faisait du covoiturage avec Madame X et qu’il a appris fortuitement que Monsieur A directeur et Madame B sont absents pour raisons médicales depuis le milieu du 2e semestre 2018/2019';

Attendu que le compte rendu pièce 32, est un écrit manuscrit de trois pages intitulé «'Réunion d’équipe de direction du 10/02/2017'», puis «'I. Réunion des délégués du personnel du 07/02/2017'»';

Que ce document est partiel, ne comporte aucune signature, et ne mentionne même pas son auteur';

Qu’il est écrit : « les délégués du personnel m’ont révélé la souffrance au travail de deux de nos collaborateurs (') j’ai rencontré successivement les deux salariés en souffrance (') Je leur ai par ailleurs proposé un rendez-vous auprès de la médecine du travail. Ils ont refusé. Chacun d’eux m’a simplement demandé de faire cesser le trouble et de demander aux salariés qui les faisaient souffrir d’arrêter leurs agissements. Je suis intervenu ce jour auprès des personnes concernées pour leur demander d’arrêter toute démarche qui porterait atteinte à l’intégrité physique et mentale des uns et des autres(').

Je constate tout de même que je ne dispose que d’éléments déclaratifs, mais à l’heure actuelle d’aucun élément apportant preuve de tels agissements.'»';

Attendu qu’outre les problèmes de forme que revêt cette pièce, il apparaît que ce compte rendu ne mentionne à aucun moment Madame X, n’apporte aucune précision sur les actes de harcèlement, rapporte que les deux intéressés ont refusé de se rendre auprès de la médecine du travail, et que finalement l’auteur conclut qu’il ne s’agit que d’éléments déclaratifs et qu’il ne détient aucun élément apportant la preuve de ces agissements';

Attendu que ce compte rendu, pas davantage que les deux précédentes attestations n’est de nature à étayer le harcèlement moral allégué par Madame X';

Attendu que les attestations produites en pièce 19, 20, et 21 émanent de deux amies de Madame X et de sa mère qui n’ont personnellement assisté à aucun fait';

Attendu que le docteur C psychiatre dans son certificat du 02 novembre 2018 (pièce 22) atteste «'suivre régulièrement en consultation depuis le 24 septembre 2018, pour un état anxieux secondaire à son licenciement survenu le 27 novembre 2017'»';

Que si le médecin ne précise pas que sa patiente est Madame X, cela ne fait guère de doute compte tenu de la date notée du licenciement, mais qu’en revanche il y a lieu de relever que Madame X a consulté ce médecin plus de 10 mois après son licenciement, et au demeurant juste avant la saisine du conseil des prud’hommes, et que son état anxieux résulte selon le médecin du licenciement, et non pas d’actes de harcèlement antérieurs';

Qu’à hauteur de cour Madame X produit un second certificat médical du docteur C adressé le 22 novembre 2018 à un confrère, et qui évoque une chirurgie bariatique pour obésité morbide subie par Madame X en 2012, et concerne plus particulièrement le bénéfice d’une chirurgie réparatrice pour un équilibre psychique et thymique';

Attendu que ces deux certificats médicaux ne sont par conséquent pas de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral';

Attendu qu’il résulte par ailleurs de la procédure que Madame X rencontrait par ailleurs dans sa vie personnelle des difficultés, notamment financières, entraînant des demandes d’acomptes auprès de son employeur, ainsi que des saisies sur sa rémunération justifiées en annexe';

Attendu qu’en synthèse il apparait que les éléments rapportés par la salariée ne sont pas de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement’moral, qu’il n’y aura donc pas lieu d’examiner les justificatifs produits par l’employeur';

Que c’est donc à juste titre que le conseil des prud’hommes, bien qu’il n’ait pas examiné la question au fond, a rejeté ce chef de demande ;

II. Sur la discrimination salariale

Attendu qu’en application de l’article L. 1132-1du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure de discrimination directe ou indirecte en matière de rémunération, notamment en raison de son sexe ;

Qu=en cas de litige, l’article L. 1134-1 du Code du travail prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa

décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;

* * *

Attendu que Madame X réclame un rappel de salaire, congés payés inclus, de 14'553 € au titre d’une différence de 367,50 € bruts par mois avec le salaire de Monsieur D et ce durant trois ans, ainsi que 1500 € de dommages et intérêts réparant le préjudice distinct causé par cette discrimination';

Qu’elle affirme que ce collègue percevait un salaire supérieur via une majoration de 50 points dès son embauche, alors qu’il n’avait pas spécialement d’expérience, et que sa propre expérience n’a jamais conduit à la revalorisation de son salaire';

Qu’elle explique qu’il résulte de la pièce 17 de l’employeur (bulletins de salaire de Messieurs Z, D et d’elle-même d’août à octobre 2017), que les salariés masculins bénéficiaient d’un double avantage : une majoration de leur rémunération sous l’appellation «'autres points'», et le règlement de certaines heures à un taux de 150 % alors qu’ils réalisaient les mêmes tâches qu’elle, et n’effectuaient pas d’avantage d’heures’qu’elle ;

Attendu que ces éléments présentés par la salariée peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination liée au sexe';

Mais Attendu qu’il résulte de la comparaison des bulletins de paie des trois salariés qu’en août 2017 ils percevaient tous trois un salaire de base identique calculé sur 270 points, et qu’en septembre et octobre 2017 Messieurs Z, et D ont vu le salaire de base augmenter à 290 points, alors que Madame X restait à 270';

Que cependant cette différence s’explique par une ancienneté plus grande des deux salariés hommes dont l’augmentation traduit une ancienneté passée de 9 à 10 ans, alors que Madame X n’avait qu’une ancienneté de 8 ans';

Que s’agissant des «'autres points'» attribués selon la convention collective pour l’exercice d’une activité professionnelle antérieure ou des «'points enfant'», il apparaît que si Monsieur D bénéficie de 58 points, et Madame X de 15 points, Monsieur Z ne bénéficie lui que de 4 points';

Attendu que s’agissant des heures supplémentaires la cour relève que Madame X a tout comme ses deux collègues hommes perçu le paiement de 9,5 heures supplémentaires majorées à 150 % au mois d’août 2017, Monsieur D n’ayant même perçu que le paiement de 8 heures';

Qu’en septembre aucun des trois salariés n’a effectué d’heures supplémentaires';

Qu’enfin en octobre Madame X n’a perçu aucune heure supplémentaire alors que ses deux collègues se voient rémunérer 8, et 8,5 heures à 125 %, et non pas à 150 % comme elle l’écrit dans ses conclusions ;

Attendu que l’employeur explique que les heures majorées à 125 % et 150 % sont des heures réalisées à l’occasion de deux manifestations organisées un dimanche d’aout 2017, et l’autre un samedi d’octobre 2017 ; et que les salariés volontaires pour ce service ont perçu une rémunération complémentaire';

Attendu que les explications de l’employeur sont parfaitement cohérentes avec les mentions figurant aux bulletins de salaire, que Madame X a bien été rémunérée au même titre

que ses collègues hommes des heures supplémentaires effectuées durant la manifestation d’aout, et que visiblement elle n’a pas participé à celle d’octobre 2017 de sorte qu’elle est illégitime à solliciter un paiement quelconque à ce titre';

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les demandes de rattrapage de salaires, et congés payés, et de dommages et intérêts, appuyées sur une prétendue discrimination salariale sont particulièrement mal fondées, et que c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a rejeté ses demandes';

III. Sur le licenciement nul

Attendu que la salariée a été déboutée de ses demandes relatives au harcèlement moral et à la discrimination salariale de sorte que sa demande de nullité du licenciement doit nécessairement être rejetée';

IV. Sur le licenciement pour faute grave

Attendu que Madame G X a été licenciée par lettre du 27 novembre 2017 pour faute grave dans les termes suivants':

«'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave dans le cadre de l’exécution de votre contrat de travail («'animatrice surveillante d’internat'» avec mission principale exemplarité éducative). En effet, le mercredi 8 novembre 2017 vous avez porté gravement atteint à l’intégrité physique de trois jeunes qui étaient alors sous votre responsabilité et directe (vous avez pulvérisé de l’eau de Javel sur de jeunes et donner une claque au troisième d’entre).

Votre conduite met en cause la bonne marche de la maison familiale (')

Compte-tenu de la gravité des agissements fautifs qui vous sont reprochés, votre maintien comme salarié de l’association s’avère impossible (')

Attendu que le conseil des prud’hommes a jugé que l’employeur ne rapporte pas la preuve que Madame X serait responsable de la dégradation des vêtements de deux jeunes, a rappelé qu’il n’existe aucun témoin direct des faits, et conclut à un doute sérieux qui doit profiter à la salariée';

* * *

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise';

Que l’employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et son imputation certaine au salarié';

1- Sur la projection d’eau de Javel

Attendu qu’à l’appui de ses affirmations l’employeur produit les éléments suivants :

— L’attestation de K L qui déclare que lorsqu’il était au dortoir et parlait un peu fort, et chahutait avec les autres étudiants, tout d’un coup Madame X est venue avec un vaporisateur d’eau de Javel et a aspergé le blouson et le pull de deux des étudiants';

— Les attestations de Mesdames E et M N et aide N qui déclare que l’élève dont le blouson avait été aspergé d’eau de Javel est venu en cuisine en hurlant, et qu’elles ont constaté que le vêtement était rempli de points blancs dus à la Javel';

— Les photographies des vêtements illustrant leur détérioration, ainsi que les factures d’achat d’un pull le 18 novembre 2017, et d’un blouson le 1er décembre 2017, et le remboursement par chèques par l’association des deux montants';

— Le courrier du 10 novembre 2017 de la mère du jeune K L qui se plaint du comportement de Madame X qui a aspergé de l’eau de Javel sur son fils dans la soirée du 08 novembre 2017 précisant que seul le blouson présente des tâches de brûlures, mais qu’elle n’ose imaginer si cela avait touché son visage, et qualifie cet acte d’inadmissible';

— Une attestation de Madame F, la mère d’O P qui déclare que son fils se trouvait dans les couloirs avec un copain à discuter, lorsque la surveillance les a aspergés d’eau de Javel et que leurs vêtements ont été tachés, et souligne que les conséquences auraient été dramatiques, et si l''il avait été atteint';

Attendu qu’il apparaît par conséquent que l’un des jeunes, témoin direct a attesté de manière circonstanciée, que les deux parents ont porté plainte auprès de la direction, que les deux cuisinières attestent que l’un des jeunes est arrivé en hurlant dans la cuisine et que son blouson était dégradé, et qu’enfin les photographies attestent de cette dégradation visiblement due à des projections d’un produit tel que l’eau de Javel enlevant la couleur, ainsi que les factures d’achat et de remboursement par l’association';

Qu’il s’agit par conséquent de témoignages et d’éléments parfaitement concordants qui ne laissent pas subsister de doute, et que le grief est bien caractérisé en ce qu’un tel comportement émanant d’une surveillante de nuit constitue bien une faute';

2- Sur la claque administrée à un jeune

Attendu que là encore l’employeur produit :

L’attestation de Q R qui explique de manière circonstanciée avoir reçu une claque à la joue de la part de Madame X la surveillante de nuit dans les circonstances suivantes : « après avoir fini mon service de réfectoire et après que Madame X ait vérifié mon travail, je suis sorti de la salle. Madame X m’a mis une claque quand je suis monté au dortoir. Elle m’a dit que j’aurais dû attendre avant de sortir'»';

L’attestation de Monsieur S R père du jeune qui dénonce le comportement «'inadmissible, intolérable, inexcusable'» de la surveillante de nuit Madame X déclarant qu’il s’agit d’actes de violence sur des jeunes, et expliquant que «'cette personne a mis une claque à la joue de mon fils car après son service, il est sorti de la salle. C’est en montant au dortoir qu’elle lui a mis la claque en lui disant qu’il aurait dû attendre avant de sortir. Ceci ne peut en aucun cas mériter cet acte »';

Attendu que la preuve du grief repose sur le témoignage du jeune Q R, alors que Madame X conteste les faits';

Mais attendu que l’employeur reproduit également de nombreux autres éléments de contexte et qui rendent tout à fait crédible le témoignage du jeune, tout comme celui du jeune K L';

Attendu en effet que l’employeur produit ainsi en pièce 41 la copie d’un carnet de liaison

dans lequel il est notamment écrit':

-« cette semaine s’est bien passée mise à part avec G'»

-«'cette semaine à la MFR était pas géniale à cause de Madame X. D’abord elle nous oblige à faire des massages, mais en plus elle nous a tous réunis pour rien. Sinon les maîtresses de maison toujours aussi gentils et les repas toujours aussi bons'»,

-«'dans le dortoir Madame X nous interdisait d’ouvrir les fenêtres il faisait trop chaud »,

-«'avec les moniteurs ça était sauf avec Madame X qui ne voulait pas qu’on ouvre les fenêtres'»,

-«'une bonne semaine à MFR mis à part hier soir avec Madame X'»

-«'cette semaine était bien sauf G n’était pas sympa avec nous'»,

-«'Madame X nous dispute pour un rien'»

-«'Madame X faudrait qu’elle arrête de nous prendre pour des’ on est pas à l’armée, avec elle le soir il faudrait pas un bruit'»

-«'Madame X saoule un peu le soir à nous garder 30 minutes après le repas a parlé des autres classes alors qu’on a rien à voir'»

-«'les débuts de soirée et de matinée sont chiants car Madame X fait tout le temps un discours de 15 à 30 minutes après le repas'»';

Que ce cahier de liaison est remplit chaque semaine par un autre jeune compte-tenu des écritures toutes différentes, et qu’il rapporte une insatisfaction constante des étudiants concernant les interventions de Madame X, alors qu’ils sont plutôt bienveillants concernant les autres intervenants';

Attendu que des intervenants adultes eux aussi rapportent un comportement inadapté de la salariée';

Que Monsieur H un moniteur atteste avoir constaté à de nombreuses reprises que malgré les différentes réunions d’équipe, Madame X restait en décalage du fonctionnement de la structure';

Que Monsieur T U de nuit déclare avoir remarqué un comportement «'excessif et lunatique'» de Madame X à l’égard des jeunes, des contacts physiques avec des demandes de massages, et dit qu’il ressentait une incohérence dans sa façon de faire avec les élèves, qui eux-mêmes ne savaient pas comment se comporter avec elle';

Que Madame I atteste que son fils a quitté l’internat le jour de ses 18 ans malgré les difficultés d’organisation car il ne supportait plus Madame X en exposant certains de ses comportements';

Que V W ancien élève expose que Madame X avait «'des réactions très virulentes et décalées'», «'qu’elle punissait les élèves à table pendant une heure ou leur faisait copier des heures sans raison'» et lorsqu’elle «'avait une personne dans le nez'«'elle le punissait sans aucune raison'» ajoutant «'j’étais content d’aller à l’Annexe car les règles étaient toujours les mêmes, sans changement d’humeur du moniteur'»';

Attendu que Madame X conteste les faits visés dans la lettre de licenciement et affirme qu’il s’agit de'«'motifs inventés par l’employeur pour les besoins de la cause'», «'qu’il n’y a jamais eu aucun comportement violent ou de mise en danger’ à ce stade les conséquences sont une tâche sur un vêtement tout au plus'», ou encore que les mentions sur le cahier de bilan sont des ressentis subjectifs sans valeur probante';

Attendu qu’il est exact comme l’écrit de Madame X que ces éléments ne sont pas visés dans la lettre de licenciement';

Mais qu’ils ne sont pas retenus au titre de griefs, mais illustrent le comportement général de la salariée relevé par de nombreux jeunes, ainsi que par des collègues, et relayés par des parents';

Que ces éléments permettent de resituer les deux griefs allégués dans la lettre de licenciement dans un contexte général et renforcent leur crédibilité';

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’employeur était bien fondé à prononcer un licenciement pour faute grave et que le jugement déféré, qui a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d’un doute, et a alloué à la salariée des différentes indemnités de rupture ainsi que le rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, ne peut-être qu’infirmé';

V. Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement

Attendu que l’article L 1232-4 du code du travail dispose que

«'Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.'»';

Attendu que l’appelante réclame un mois de salaire à titre de dommages et intérêts en exposant que la convocation à l’entretien préalable ne mentionnait pas la possibilité de se faire assister par un conseiller extérieur inscrit sur la liste spéciale';

Qu’elle allègue d’une'«'perte de chance d’être réellement défendue et soutenue'» en se faisant assister par un conseiller plus chevronné que le salarié de l’association qui l’a assistée ;

Attendu qu’en effet Madame X a été privée de l’information lui donnant la possibilité de se faire défendre par un conseiller extérieur à l’entreprise, et a ainsi perdu une chance d’être assistée par un conseiller extérieur et rompu à l’assistance des salariés';

Que cette perte de chance entraîne à son détriment un préjudice qu’il y a lieu d’évaluer à la somme de 1000 €';

Que le jugement qui a rejeté ce chef de demande est infirmé sur ce point';

VI. Sur les demandes annexes

Attendu que compte tenu du vice de procédure la société AVS Montbéliard doit en application de l’article 696 du code de procédure civile être condamnée aux dépens de 1re instance et d’appel';

Attendu que le jugement déféré est confirmé s’agissant des frais irrépétibles, et qu’à hauteur de cour l’équité commande d’allouer à Madame X une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement et contradictoirement

INFIRME le jugement rendu le 17 juin 2019 par le conseil des prud’hommes de Vesoul en toutes ses dispositions sauf s’agissant des frais irrépétibles et des dépens;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Dit et juge que le licenciement de Madame G X repose sur une faute grave';

Déboute Madame G X de ses demandes d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, et des congés payés afférents, de dommages et intérêts, de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et de remise des documents de fin de contrat';

Condamne l’Association Maison Familiale et Rurale de Montbozon à payer à Madame G X la somme de 1.000 € au titre de l’indemnité pour vice de procédure';

Y ajoutant

Condamne l’Association Maison Familiale et Rurale de Montbozon à supporter les entiers frais et dépens de la procédure d’appel';

Condamne l’Association Maison Familiale et Rurale de Montbozon à payer à Madame G X la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020, signé par Mme Christine DORSCH, Président de chambre et Mme Cécile MARTIN Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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