Cour d'appel de Bordeaux, 17 février 2009, n° 06/02180

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 17 févr. 2009, n° 06/02180
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 06/02180
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 13 mars 2006

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 17 FEVRIER 2009

(Rédacteur : Monsieur Michel Barrailla, conseiller,)

N° de rôle : 06/02180

LA S.A.R.L. CALANDRE

c/

Madame Z A épouse X

LA S.A. ACN ALLRAD AUTO C MBH

LA S.A. GAN EUROCOURTAGE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 mars 2006 (R.G. 03/10050 – 7e chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 25 avril 2006

APPELANTE :

LA S.A.R.L. CALANDRE, (venant aux droits de la S.C.S. CAZAUVIEILH), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 151, boulevard de l’Industrie XXX,

Représentée par la S.C.P. FOURNIER, Avoués à la Cour, et assistée de Maître Laurent SUSSAT, membre de la S.C.P. LAPORTE,-SZEWCZYK- SUSSAT, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉES :

1°/ Madame Z A épouse X, née le XXX à XXX

Représentée par la S.C.P. Marc-Jean GAUTIER et Pierre FONROUGE, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Serge TEILLOT, membre de la S.C.P. TEILLOT et Associés, Avocats au barreau de CLERMONT- FERRAND,

2°/ LA S.A. ACN-Gmbh, société en liquidation, dont le siège social était Blumgasse 3, XXX), agissant par son liquidateur, Monsieur B C, demeurant en cette qualité XXX

Représentée par la S.C.P. Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Jutta LAURICH, Avocat au barreau de BORDEAUX,

3°/ LA S.A. COMPAGNIE GAN EUROCOURTAGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

XXX,

Représentée par la S.C.P. Michel PUYBARAUD, Avoués à la Cour, et assistée de Maître Fabrice DANTHEZ, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 octobre 2008 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,

Madame Marie-José GRAVIE-PLANDE, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame D E

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Le 17 novembre 1999, Mme Z A épouse X a acheté auprès de la SCS Cazauvieilh, aux droits de laquelle est ensuite venue la SARL Calandre, un véhicule 4x4 d’occasion Nissan Patrol immatriculé 1971 TV 93, au prix de 26 678,58 € dont une partie a été payée par la reprise d’un véhicule Renault Espace pour un montant de 23 172,25 €.

Un refus d’immatriculation du véhicule a été opposé à Mme X, en raison d’une irrégularité dans la chaîne des transactions ayant précédé son acquisition auprès de la société Calandre.

La reconstitution du parcours de ce véhicule a permis d’établir que ce dernier, initialement immatriculé 514 SH 94, avait été volé le 23 septembre 1999, qu’une fausse carte grise avait été établie, que le véhicule avait été vendu à une personne résidant en Suisse puis revendu à une autre résidant en Allemagne, avant d’être cédé à la société ACN-Gmbh, société de droit allemand qui l’avait revendu à son tour à la société Calandre.

Le propriétaire initial du véhicule Nissan a été indemnisé par son assureur, la compagnie Gan Eurocourtage, laquelle a obtenu du tribunal correctionnel de Paris appelé à juger deux personnes poursuivies pour recel du vol, et devant lequel elle s’était portée partie civile, la restitution du Nissan Patrol qui avait été antérieurement saisi pour les besoins de l’enquête.

La réformation ultérieure de ce jugement par la cour d’appel de Paris n’en a pas affecté la disposition relative à la restitution.

Après avoir été condamnée par ordonnance du 16 décembre 2002 du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux à payer à Mme X une provision du montant du prix de vente, la société Calandre a assigné devant le juge du fond Mme X, la société ACN-Gmbh et la compagnie Gan Eurocourtage, aux fins de voir condamner l’acquéreur, dans l’incapacité de lui restituer le véhicule, à lui en rembourser le prix, subsidiairement se voir subroger dans les droits de Mme X et condamner dans cette hypothèse la compagnie Gan Eurocourtage à lui rembourser les sommes allouées en vertu de l’ordonnance de référé, enfin plus subsidiairement, dans le cas où la demande de Mme X en résolution du contrat serait accueillie, prononcer la résolution de la vente conclue entre la société Calandre et la société ACN-Gmbh et condamner en toute hypothèse cette dernière à la relever indemne des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

Par jugement du 14 mars 2006 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— constaté le défaut de délivrance du véhicule vendu par la société Calandre à Mme X en raison de la remise de documents falsifiés,

— constaté que la compagnie Gan Eurocourtage a actuellement renoncé à revendiquer le véhicule,

— donné acte à Mme X de son offre de restitution du véhicule sous scellés,

— dit n’y avoir lieu à subrogation à l’encontre de la compagnie Gan Eurocourtage,

— prononcé la résolution de la vente du véhicule Nissan Patrol par la société Calandre à Mme X suivant facture du 4 décembre 1999,

— condamné la société Calandre à restituer à Mme X au titre du prix de vente la somme de 26 410,74 € en deniers ou quittances, provision allouée en référé à déduire,

— ordonné la restitution par Mme X à la société Calandre du véhicule actuellement sous scellés,

— dit que les éventuels frais de garage, dans les relations entre la société Calandre et Mme X, seraient supportés à titre définitif par Mme X pour la période antérieure au 1er février 2002, et par la société Calandre pour la période postérieure,

— condamné la société Calandre à verser à Mme X, au titre de son préjudice complémentaire :

* les intérêts au taux légal de la somme de 26 410,74 € depuis le 1er février 2002 jusqu’à la date de versement de la provision allouée en référé,

* la somme de 2 407,69 € en deniers ou quittances (le solde de la provision allouée en référé étant à déduire),

— débouté la société Calandre de sa demande de restitution de la provision allouée en référé,

— rejeté toutes autres demandes de dommages et intérêts,

— condamné la société Calandre à verser à Mme X la somme de 1 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

— débouté la société Calandre de son appel en garantie à l’encontre de la société ACN- Gmbh,

— débouté la société Calandre de ses demandes à l’encontre de la compagnie Gan Eurocourtage,

— rejeté toutes autres demandes,

— condamné la société Calandre aux dépens.

La SARL Calandre a relevé appel de ce jugement, dans des conditions de régularité non contestées, par déclaration remise au greffe de la cour d’appel le 25 avril 2006.

Par conclusions déposées le 28 mai 2008, elle demande à la cour de :

— constater l’attribution du véhicule litigieux à la compagnie Gan Eurocourtage,

— constater l’impossibilité dans laquelle se trouve Mme X de restituer ledit véhicule,

— déclarer en conséquence irrecevable l’action en résolution de Mme X,

— dire et juger qu’aucun manquement contractuel n’est imputable à la société Calandre,

— débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

— renvoyer celle-ci à se pourvoir à l’égard de la compagnie Gan Eurocourtage, attributaire du véhicule litigieux,

— condamner Mme X à rembourser à la société Calandre l’intégralité des sommes qui lui ont été alloués en vertu de l’ordonnance de référé du 16 décembre 2002 et du jugement entrepris, soit au total la somme de 39 497,92 € augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation du 15 septembre 2003,

— dire et juger irrecevables les prétentions de la compagnie Gan Eurocourtage à l’encontre de la société Calandre conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile,

— en toute hypothèse, débouter la compagnie Gan Eurocourtage de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la société Calandre,

— condamner Mme X et la compagnie Gan Eurocourtage chacune au paiement d’une indemnité de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

— à titre subsidiaire, dire et juger que l’indemnisation versée au titre du remboursement du véhicule devra au minimum être diminuée de 60% par rapport au prix de vente,

— débouter Mme X des demandes formulées au titre du trouble de jouissance, des frais de passage aux mines, des frais d’assurance, des factures d’équipement et d’entretien, du prêt et de l’assurance, et enfin des frais de garage,

— dire et juger que la société Calandre est subrogée dans les droits de Mme X,

— condamner en conséquence la compagnie Gan Eurocourtage, sur le fondement de l’article 2280 du code civil, à rembourser à la société Calandre l’intégralité des sommes qui ont été allouées à Mme X en vertu de l’ordonnance du 16 décembre 2002 et du jugement du 14 mars 2006, soit 39 497,92 € augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation du 15 septembre 2003, ainsi que des sommes le cas échéant alloués en vertu de la décision de la cour,

— vu la convention de Vienne et notamment ses articles 41, 43, 44 et 74, déclarer recevable et bien fondé l’appel en garantie de la société Calandre à l’encontre de la société ACN-Gmbh,

— débouter la société ACN-Gmbh de l’ensemble de ses demandes,

— dans l’hypothèse où la résolution du contrat de vente conclu entre la société Calandre et Mme X serait prononcée, prononcer la résolution du contrat de vente conclu entre la société Calandre et la société ACN-Gmbh,

— condamner la société de droit allemand ACN-Gmbh à garantir et à relever indemne la société Calandre de l’ensemble des condamnations bénéficiant à Mme X résultant de l’ordonnance du 16 décembre 2002, du jugement entrepris et le cas échéant de l’arrêt à intervenir, y compris les frais de procédure, dépens et intérêts légaux,

— condamner la société ACN-Gmbh et la compagnie Gan Eurocourtage au paiement chacune d’une somme de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2008, Mme X demande à la cour de :

— confirmer le jugement du 14 mars 2006 en ce qu’il a prononcé la résolution judiciaire de la vente

— rejeter les prétentions de la société Calandre,

— constater que le véhicule litigieux a été restitué et accepté sans réserves par la société Calandre le 16 novembre 2007,

— condamner en conséquence la société Calandre à payer et porter à Mme X les sommes de :

* 26 678,58 € en deniers ou quittances en remboursement du prix de vente, outre les intérêts du 1er février 2002 jusqu’à la date de versement de la provision allouée en référé,

* 60 522,74 € au titre du préjudice complémentaire outre intérêts au taux légal,

* 3 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— statuer ce que de droit sur l’application de la convention de Vienne,

— condamner la société Calandre aux dépens.

Par conclusions déposées le 20 février 2007, la compagnie Gan Eurocourtage demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* constaté que la compagnie Gan Eurocourtage avait renoncé à revendiquer le véhicule et qu’il ne pouvait y avoir lieu à subrogation dans l’intérêt de la société Calandre à l’encontre de la compagnie Gan Eurocourtage sur le fondement des dispositions de l’article 2280 du code civil,

* débouté la société Calandre de toutes ses demandes à l’encontre de la compagnie Gan Eurocourtage,

— faisant droit à l’appel incident de la compagnie Gan Eurocourtage condamner la société Calandre à lui payer la somme de 25 007,81 € à titre de dommages et intérêts en représentation de l’indemnité vol qu’elle a payée à son assuré,

— condamner la société Calandre au paiement de la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2008, la société ACN-Gmbh demande à la cour de :

— à titre principal,

* condamner Mme X à rembourser à la société Calandre la somme de 26 678,58 €,

* rejeter toute demande de dommages et intérêts tant de Mme X que de la compagnie Gan Eurocourtage,

— à titre subsidiaire, faire droit à la demande de la société Calandre tendant à être subrogée dans les droits de Mme X à l’égard de la compagnie Gan Eurocourtage, et condamner en conséquence la compagnie Gan Eurocourtage à payer à la société Calandre la somme de 26 678,58 €,

— à titre plus subsidiaire,

* constater que les relations contractuelles entre la société ACN- Gmbh et la société Calandre sont régies par la convention de Vienne sur la vente des marchandises,

* constater que la société Calandre n’a fait valoir aucun droit précis découlant de cette convention, et n’a pas déclaré la résolution de la vente,

* déclarer en conséquence l’action de la société Calandre irrecevable pour cause de prescription ou déchéance du droit (articles 39 et 43),

* déclarer l’action de la société Calandre mal fondée (article 77),

— en tout état de cause, condamner la société Calandre au paiement de la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 octobre 2008.

MOTIFS :

— Sur la demande en résolution de la vente conclue entre Mme X et la société Calandre :

Mme X invoque le défaut de délivrance du véhicule vendu au motif que celui-ci, qui s’est révélé par la suite avoir été volé, lui a été remis accompagné de documents administratifs, en particulier une carte grise falsifiée, qui ne lui ont pas permis de le faire immatriculer.

Aux termes de l’article 1615 du code civil, « l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel. »

La remise à l’acheteur d’une carte grise constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur; en l’espèce, la vente d’un véhicule volé, accompagnée de la remise d’une carte grise falsifiée, constitue un défaut de délivrance de la chose vendue, en présence duquel l’acquéreur est en droit de demander la résolution de la vente conformément au choix que lui offre l’article 1610 du code civil.

Il ne peut se déduire de la circonstance selon laquelle la société Calandre ignorait le contexte de la vente, et en particulier que cette dernière portait sur un véhicule volé, la conséquence qu’aucune faute contractuelle ne saurait lui être reprochée, le manquement à l’obligation de délivrance constituant indépendamment de la bonne foi du vendeur une défaillance contractuelle de nature à justifier la résolution de la convention à la demande de l’acquéreur.

La société Calandre prétend que la résolution du contrat est impossible dans la mesure où par l’effet du jugement du tribunal correctionnel qui a ordonné la restitution du véhicule volé à la compagnie Gan Eurocourtage, assureur du propriétaire originaire, Mme X se trouve privée du droit d’opérer cette restitution au profit de son propre vendeur.

Contrairement cependant à ce que soutient la société Calandre, la restitution ordonnée au profit de la compagnie Gan Eurocourtage, fût-ce par une décision de justice devenue irrévocable sur ce point, n’est susceptible d’entraîner la dépossession de Mme X que dans l’hypothèse d’une revendication formée par l’assureur, créancier de l’obligation de restituer en vertu du jugement susvisé.

Or non seulement il est constant que la compagnie Gan Eurocourtage n’a pas demandé à ce jour la restitution du véhicule Nissan, mais il résulte encore de ses propres écritures déposées devant la cour qu’elle n’entend pas user de ce droit, dont l’article 2280 du code civil conditionne au demeurant l’exercice au remboursement préalable au possesseur évincé du prix qu’il a payé à son propre vendeur, s’agissant d’un véhicule acheté auprès d’un vendeur professionnel (« un marchand vendant des choses pareilles » au sens de l’article susvisé).

En conséquence, et alors que la dépossession ne saurait résulter de la saisie du véhicule pour les besoins de l’enquête de police, celui-ci est demeuré en possession de Mme X, qui l’a du reste matériellement restitué dès le 16 novembre 2007au titre de l’exécution provisoire ordonnée par le jugement déféré.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résolution de la vente avec pour corollaire l’obligation pour Mme X de restituer le véhicule à la société Calandre et l’obligation pour cette dernière de rembourser le prix d’acquisition.

Le jugement sera en revanche réformé en ce qu’il a appliqué sur le montant du prix une réfaction pour tenir compte de la durée pendant laquelle Mme X a eu eu l’usage du véhicule, l’anéantissement de la convention opérant ab initio et entraînant dès lors la restitution des fournitures réciproques, et par suite de la totalité du prix payé par l’acquéreur.

Il convient en conséquence de condamner la société Calandre à rembourser à Mme X la somme de 26 678,58 €, montant du prix de vente, lequel, s’agissant d’un remboursement consécutif à la résolution d’un contrat, portera intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2002, date de l’assignation devant le juge des référés valant sommation de restituer.

Les intérêts seront dus, ainsi que l’a jugé à bon droit le tribunal, jusqu’au jour du versement de la provision allouée par le juge des référés, dont le montant équivaut exactement au prix de vente.

— Sur la demande de la société Calandre tendant à se voir subroger dans les droits de Mme X pour obtenir le remboursement du prix par la compagnie Gan Eurocourtage sur le fondement de l’article 2280 du code civil :

C’est à tort que la société Calandre invoque la subrogation légale pour fonder son recours contre la compagnie Gan Eurocourtage; en effet, le paiement du prix de vente entre les mains de Mme X ne fait pas appel à un mécanisme de subrogation qui suppose un paiement fait par un créancier à un autre créancier qui le subroge dans ses droits contre le débiteur, mais procède de la résolution du contrat de vente qui a pour effet de remettre les parties dans la situation antérieure à la convention.

Il demeure que par l’effet de cette résolution, la société Calandre retrouve rétroactivement la qualité de propriétaire du véhicule.

Dès lors qu’il a été établi par la suite que ce véhicule avait été volé, les dispositions de l’ancien article 2280 du code civil relatives à la situation du possesseur d’un bien acheté auprès d’un vendeur professionnel, sur lesquelles la société Calandre s’appuie pour solliciter le paiement du prix par la compagnie Gan Eurocourtage, sont effectivement susceptibles de recevoir application pour autant que la société Calandre justifie de la réunion des conditions de leur mise en oeuvre en l’espèce.

L’article 2280 du code civil, alinéa 1er prévoit que « si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l’a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d’un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu’en remboursant au possesseur le prix qu’elle lui a coûté. »

La société Calandre considère que bien qu’il n’envisage que l’hypothèse où le propriétaire originaire de la chose prend l’initiative de sa restitution, ce texte n’interdit pas pour autant au possesseur d’exiger le remboursement du prix contre restitution, a fortiori lorsque cette dernière est ordonnée par une décision de justice devenue définitive.

La société Calandre cite à l’appui de cette affirmation une jurisprudence de la cour de cassation ayant jugé que le possesseur de bonne foi, en sa qualité d’acquéreur a non domino, bénéficie d’une action en remboursement sur le fondement de l’article 2280 du code civil lorsqu’il s’est trouvé dessaisi du bien suite à sa saisie.

Mais la société Calandre fait en cela une interprétation inexacte des dispositions qu’elle invoque, puisqu’il ressort de la lecture de l’article 2280 sus-énoncé que ce texte institue un droit de rétention au profit de l’acquéreur de bonne foi, garantie qui suppose qu’il ait été préalablement dessaisi du bien, ou qu’il fasse l’objet d’une action en revendication de la part de son propriétaire originaire.

Ce texte n’ouvre pas à l’acquéreur dont la possession n’est ni troublée, ni menacée, une action pour le remboursement contre restitution d’un bien qu’il a acquis régulièrement, le propriétaire originaire conservant la libre disposition de son droit et pouvant valablement renoncer à une restitution qui, en vertu de dispositions protectrices du tiers acquéreur de bonne foi, l’obligerait à payer le prix d’une chose qui lui appartient déjà.

La jurisprudence dont se prévaut la société Calandre ne vient en rien contredire cette analyse, puisqu’elle se rapporte à une espèce où l’acquéreur avait été préalablement dessaisi du bien, ce qui lui permettait effectivement d’agir pour obtenir la contrepartie prévue à son profit par l’article 2280 du code civil.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Calandre de sa demande à l’encontre de la compagnie Gan Eurocourtage.

— Sur les autres demandes indemnitaires :

Aux termes de l’article 1611 du code civil, « dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu. »

Bien que le défaut de délivrance ait été en l’espèce exclusif de toute faute commise par la société Calandre qui ne pouvait légitimement savoir que le véhicule, acquis dans des conditions régulières auprès d’un autre vendeur professionnel qui lui avait remis des documents dont rien ne permettait de douter de l’authenticité, avait été volé, le manquement à l’obligation de délivrance n’en constitue pas moins une défaillance contractuelle objective qui s’est trouvée à l’origine d’un trouble de jouissance pour Mme X, trouble dont le tribunal a correctement mesuré l’ampleur en le réparant par une indemnité de 1 500,00 €.

Les frais d’assurance, dont les premiers juges ont à juste titre ordonné le remboursement seulement à compter du 1er février 2002, date de notification par le conseil de Mme X de la demande de résolution de la vente à la société Calandre, doivent être réactualisés au 16 novembre 2007, date de restitution du véhicule; la société Calandre sera donc tenue, au titre de cette période, au remboursement d’une somme de 1 653,06 € selon les justificatifs produits.

Ces frais sont justifiés dans la mesure où ils ont été réellement exposés par l’acquéreur et où l’immobilisation temporaire du véhicule ne justifiait pas pour autant la résiliation du contrat d’assurance.

Les frais de location de garage, dont le tribunal a admis le principe à compter du 1er février 2002, seront liquidés pour la période du 1er février 2002 au 15 novembre 2007 à la somme de 3 127,50 € au vu de l’attestation du loueur.

Il convient d’ajouter les frais de restitution du véhicule, lesquels en l’état des justificatifs communiqués seront arbitrés à la somme de 500,00 €.

En revanche, le jugement sera réformé en ce qu’il a alloué des intérêts au taux légal sur la somme de 26 410,74 € depuis le 1er février 2002 au titre d’un prétendu préjudice financier, dont l’existence n’est pas démontrée en l’absence de preuve que le prêt de 27 135,93 € souscrit par Mme X a effectivement servi au financement partiel du véhicule, lequel a été assuré pour l’essentiel par la reprise du véhicule Renault Espace.

— Sur l’appel en garantie formé par la société Calandre à l’encontre de la société ACN-Gmbh :

Il n’est pas contesté que l’action récursoire exercée par la société Calandre, société de droit français, contre la société ACN-Gmbh, société de droit allemand, relève des dispositions de la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, dite convention de Vienne.

Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le présent litige n’est pas soumis à la prescription édictée par l’article 39 de ladite convention en ce qui concerne la dénonciation au vendeur d’un défaut de conformité affectant la chose vendue, mais à celle de l’article 41 selon lequel « le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d’ un tiers, à moins que l’acheteur n’accepte de prendre les marchandises dans ces conditions » , cette disposition particulière devant s’appliquer de préférence à la disposition plus générale du défaut de conformité dont, en l’espèce, seul le droit de propriété détenu par un tiers s’est trouvé à l’origine.

Aux termes de l’article 43 de la convention, « l’acheteur perd le droit de se prévaloir des dispositions des article 41 et 42 s’il ne dénonce pas au vendeur le droit ou la prétention du tiers, en précisant la nature de ce droit ou de cette prétention, dans un délai raisonnable à partir du moment où il en a eu connaissance ou aurait dû en avoir connaissance. »

Il ressort des pièces produites que la société Calandre n’a eu officiellement connaissance de ce que le véhicule était volé que par le courrier que lui a adressé le conseil de Mme X le 1er février 2002; que le 7 mars 2002, la société Calandre a envoyé à la société ACN-Gmbh un fax dans lequel elle lui demandait ce qu’il y avait lieu de faire avec le Patrol GR, et la conduite à tenir en ce qui concernait le remboursement, tout en signalant que les papiers avaient été saisis par la police française; que ce courrier ne peut s’entendre que d’une suite donnée à l’information reçue le 1er février, et vaut dénonciation de l’existence du droit d’un tiers sur le véhicule vendu, à supposer que l’information n’ait pas été donnée plus tôt à la société ACN-Gmbh, ce que la tournure du fax laisserait entendre; que la société ACN-Gmbh a répondu à cette télécopie par un courrier du 13 mars 2002 demandant des précisions sur les circonstances du vol, ce qui confirme que dès cette date, soit un mois et treize jours après que le vol a été porté à la connaissance de la société Calandre, elle en avait été à son tour avisée par les soins de cette dernière.

Il résulte des circonstances ci-dessus rapportées que la dénonciation au vendeur du droit d’un tiers a été faite dans un délai raisonnable au sens de l’article 43 de la convention de Vienne, et que la société ACN-Gmbh n’est pas fondée à opposer à l’appelante la déchéance prévue par ce texte.

La société ACN-Gmbh ne peut davantage se prévaloir, pour faire échec au recours dont elle est l’objet, des dispositions de l’article 49 de la convention selon lesquelles « lorsque le vendeur a livré les marchandises, l’acheteur est déchu du droit de déclarer le contrat résolu s’il ne l’a pas fait (…) dans un délai raisonnable. »

En effet, alors que le sort de la vente conclue avec la société ACN-Gmbh était conditionné par celui de la vente passée entre la société Calandre et Mme X, il ne peut être fait grief à l’appelante de ne pas avoir dénoncé la résolution de la transaction réalisée avec la société ACN- Gmbh avant de connaître l’issue de l’action en résolution exercée par Mme X.

Tant que cette dernière vente n’était pas résolue, la société Calandre était de surcroît dans l’impossibilité de restituer le véhicule acquis, ce qui eût constitué un obstacle à la résolution du contrat.

La résolution n’ayant été prononcée que par le jugement déféré et l’arrêt confirmatif de cette cour, il a été satisfait à l’exigence du délai raisonnable de l’article 49 de la convention de Vienne.

La société ACN-Gmbh oppose ensuite à la demande de la société Calandre les dispositions de l’article 77 de la convention selon lesquelles « la partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué, résultant de la contravention. Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages et intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû en être évitée. »

Mais aucun reproche ne peut là encore être fait à la société Calandre, qui a pris toutes les mesures propres à la sauvegarde de le ses droits dès qu’elle a été avisée par Mme X de la situation juridique du véhicule vendu, et qui n’avait d’autre choix que celui de défendre à une action en paiement d’une provision, puis en résolution de vente dont l’initiative ne pouvait appartenir qu’à l’acquéreur eu égard aux circonstances.

Enfin les dispositions de l’article 82 de la convention, invoquées par la société ACN-Gmbh et selon lesquelles l’acheteur perd le droit de déclarer le contrat résolu s’il ne peut restituer les marchandises dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues, ne sont pas susceptibles de recevoir application dans la mesure où les faits de l’espèce répondent aux conditions de l’exception prévue à l’article 82, 2 c) selon laquelle la règle sus-énoncée ne s’applique pas si l’acheteur, avant le moment où il a constaté ou aurait dû constater le défaut de conformité, a vendu tout ou partie des marchandises dans le cadre d’une opération commerciale normale, ce qui est bien le cas de la revente du véhicule Nissan Patrol à Mme X par la société Calandre.

L’action de la société Calandre à l’encontre de la société ACN-Gmbh est par suite non seulement recevable, mais encore bien fondée en raison du défaut de délivrance de la chose vendue pour des motifs identiques à ceux qui ont été retenus pour entraîner la résolution de la vente intervenue entre la société Calandre et Mme X.

Il convient par suite de réformer le jugement et de faire droit à la demande de la société Calandre en prononçant la résolution de la vente conclue entre cette société et la société ACN-Gmbh, avec condamnation de la société ACN-Gmbh à relever indemne la société Calandre des condamnations bénéficiant à Mme X en vertu du présent arrêt.

— Sur la demande de la compagnie Gan Eurocourtage :

La compagnie Gan Eurocourtage, qui n’avait pas constitué avocat en première instance, sollicite la condamnation de la société Calandre à lui verser la somme de 25 007,81 € à titre de dommages et intérêts représentant l’indemnité qu’elle a réglée à son propre assuré à la suite du vol de la Nissan Patrol.

La société Calandre est toutefois bien fondée à soulever l’irrecevabilité d’une telle demande qui constitue une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, dès lors qu’elle n’a pas pour objet de faire écarter les prétentions adverses.

— Sur les autres demandes :

Il convient de prononcer les condamnations suivantes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

—  2 000,00 € par la société Calandre au profit de Mme X,

—  5 000,00 € par la société ACN-Gmbh au profit de la société Calandre,

—  1 000,00 € par la société Calandre au profit de la compagnie Gan Eurocourtage.

La société ACN- Gmbh, dont les prétentions sont rejetées, ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de ce texte.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit la société Calandre en son appel,

Réforme le jugement prononcé le 14 mars 2006 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’il a :

— opéré une réfaction sur le prix de vente dont la société Calandre est tenue à restitution envers Mme X,

— condamné la société Calandre à payer à Mme X la somme de 840,92 € au titre des frais d’assurance,

— reconnu le droit à Mme X d’être indemnisée d’un préjudice financier,

— débouté la société Calandre de son appel en garantie formé contre la société ACN- Gmbh,

Statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne la société Calandre à restituer à Mme X la somme de 26 678,58 €, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2002 et jusqu’au jour du versement de la provision allouée par le juge des référés,

Condamne la société Calandre à payer à Mme X la somme de 1 653,06 € au titre des frais d’assurance du véhicule,

Déboute Mme X de sa demande formée au titre du préjudice financier,

Déclare recevable et bien fondée l’action exercée par la société Calandre à l’encontre de la société ACN-Gmbh,

Prononce la résolution du contrat de vente portant sur le véhicule Nissan Patrol conclu entre la société ACN-Gmbh et la société Calandre, avec toutes ses conséquences de droit,

Condamne la société ACN-Gmbh à relever indemne la société Calandre de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme X par l’effet du présent arrêt autres que celles qui sont la conséquence de la résolution du contrat intervenu entre la société ACN-Gmbh et la société Calandre,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la société Calandre à payer à Mme X la somme de 3 127,50 € au titre des frais de location de garage,

Condamne la société Calandre à payer à Mme X la somme de 500,00 € au titre des frais de restitution du véhicule Nissan Patrol,

Déclare irrecevable la demande formée par la compagnie Gan Eurocourtage aux fins d’obtenir de la société Calandre le remboursement de l’indemnité qu’elle a versée à son assuré à la suite du vol du véhicule,

Condamne la société Calandre à payer à Mme X la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ACN-Gmbh à payer à la société Calandre la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Calandre à payer à la compagnie Gan Eurocourtage la somme de 1 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Calandre aux dépens de première instance et d’appel; dit qu’elle en sera relevée et garantie par la société ACN-Gmbh,

Dit qu’il pourra être fait application, pour le recouvrement des dépens, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, Président, et par Madame D E, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 17 février 2009, n° 06/02180