Cour d'appel de Bordeaux, 17 septembre 2015, n° 13/03758

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 17 sept. 2015, n° 13/03758
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 13/03758
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 13 mai 2013, N° 11/01142

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2015

(Rédacteur : Madame Catherine FOURNIEL, Président)

N° de rôle : 13/03758

LA S.A.S. GROUPE AD SUD OUEST

c/

LA S.A.R.L. MOCA ATELIER D’Y

LA S.A. M. A.A.F. ASSURANCES

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

LA S.C.P. A B

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mai 2013 (R.G. 11/01142 – 7e chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 19 juin 2013,

APPELANTE :

LA S.A.S. GROUPE AD SUD OUEST, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, XXX

Représentée par Maître Philippe SOL, membre de la S.E.L.A.R.L. Philippe SOL – Laétitia GARNAUD, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Maître Philippe LANGLOIS, Avocat au barreau d’ANGERS,

INTIMÉES :

1°/ LA S.A.R.L. MOCA ATELIER D’Y, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Jacques CAVALIE, membre de la S.C.P. AVOCAGIR, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

2°/ LA S.A. M. A.A.F. ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX

Représentée par Maître Julie JULES, membre de la S.C.P. Benoît DEFFIEUX- Marie-Cécile GARRAUD – Julie JULES, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

3°/ LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Marie-Lucile HARMAND-DURON, membre de la S.C.P. ROUXEL – HARMAND-DURON, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

PARTIE INTERVENANTE :

LA S.C.P. A B, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, agissant en qualité d’administrateur ad’hoc de S.A.R.L. CO-BAT,

Représentée par Maître Alexandra DECLERCQ, membre de la S.E.L.A.R.L. AEQUO, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 2 juin 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Groupe Autodistribution Sud Ouest (Gadso) a, selon contrat d’architecte du 3 mars 2008, confié à la Sarl Moca Atelier d’Y, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la rénovation d’un bâtiment d’exploitation sis XXX à Bègles avec création d’un banc de freinage.

La société Co-Bat, assurée auprès de la Maaf Assurances, et attributaire du lot démolition, gros oeuvre, plâtrerie, carrelage, faïence, menuiserie et peinture, selon marché du 28 mai 2008 et devis du 3 juin suivant, a de sa propre initiative arrêté les travaux le 16 septembre 2008 et a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de La Rochelle du 1er décembre 2009, Me E-F étant désignée comme mandataire liquidateur.

Se plaignant de cet abandon de chantier et de graves malfaçons affectant la fosse ayant entraîné un important préjudice financier, la société Groupe Autodistribution Sud Ouest a sollicité et obtenu en référé la désignation d’un expert judiciaire, M. Z, qui a déposé son rapport le 2 octobre 2010 après avoir eu recours à un sapiteur, M. X, expert comptable.

Par actes d’huissier des 18, 19 et 26 janvier 2011, la société Groupe Autodistribution Sud Ouest a fait assigner au fond en paiement de dommages et intérêts la Sarl Moca Atelier d’Y, la MAF, la SCP E-F en qualité de mandataire liquidateur de la société Co-Bat et la Maaf Assurances.

Suivant jugement en date du 14 mai 2013, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— fixé aux sommes de 122.172,59 euros HT au titre des travaux de reprise et de 218.277 euros au titre du préjudice lié à la perte d’exploitation, la créance de dommages et intérêts de la société Groupe Autodistribution Sud Ouest au passif de la liquidation judiciaire de la société Co-Bat ;

— dit que ces sommes ne porteraient pas intérêt ;

— débouté la société Groupe Autodistribution Sud Ouest de ses demandes dirigées contre le Sarl Moca Atelier d’Y et la compagnie d’assurances MAF Assurance et la SA Maaf Assurance ;

— rejeté comme irrecevables les demandes de la SCP P. E-G E-F ès qualités de liquidateur de la société Co-Bat et de la société Groupe Autodistribution Sud Ouest dirigées contre la SA Maaf Assurance au titre de la garantie Effondrement et débouté les mêmes parties du surplus de leurs demandes dirigées contre cet assureur;

— fixé à la somme de 4000 euros la créance de la société Groupe Autodistribution Sud Ouest au passif de la liquidation judiciaire de la société Co-Bat au titre des frais irrépétibles ;

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;

— ordonné l’emploi des dépens, y compris de référé et d’expertise, en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société Co-bat.

La SAS Groupe Autodistribution Sud Ouest a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 19 juin 2013 dont la régularité et la recevabilité n’ont pas été discutées.

Dans ses dernières conclusions notifiées et remises par voie électronique le 5 mai 2015, elle demande à la cour de :

— constater la réception tacite, à défaut prononcer la réception des travaux confiés à la société Co-Bat sous la maîtrise d’oeuvre de la société Moca Ateliers d’Y à la prise de possession des locaux par elle le 1er juillet 2008 ;

— au besoin sur le fondement de la garantie effondrement par le biais de l’action oblique ou au titre de la garantie responsabilité multirisques professionnelle contrat multipro, condamner solidairement la société d’Y, la compagnie Maf et la compagnie Maaf à réparer son entier préjudice ;

— en conséquence, les condamner solidairement à lui payer les sommes de 122.172,59 euros HT au titre des travaux de remise en état et la somme de 218.277 euros au titre du préjudice lié à la perte d’exploitation ;

— ordonner l’indexation de ces indemnités sur l’indice de base de construction avec pour indice de référence celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d’expertise judiciaire;

— confirmer le jugement en ce qu’il a fixé son préjudice aux sommes susvisées, et fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Co-Bat pour ces montants;

— dire que les intérêts échus des sommes allouées porteront eux mêmes intérêts ;

— condamner solidairement Moca Atelier d’Y et la Maf et la Maaf à lui verser 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile , ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’appelante fait notamment valoir que la réception tacite des travaux est bien intervenue à la prise de possession des locaux d’exploitation le 1er juillet 2008, que la société Moca a elle même admis qu’il y avait eu réception tacite, et que l’architecte est tenu non seulement au titre de la garantie décennale mais aussi au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, pour avoir manqué à son obligation de conseil et d’information envers elle.

La société Moca Atelier d’Y conclut suivant écritures notifiées et remises par voie électronique le 11 août 2014 à la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause, très subsidiairement demande à la juridiction de constater que la Maf la garantit et devra par voie de conséquence prendre en charge la totalité de toutes éventuelles condamnations susceptibles d’être mises à sa charge, plus subsidiairement encore de viser la clause d’exclusion de solidarité et d’obligation in solidum contenue dans le contrat d’architecte, et dire et juger que ne peut être mis à sa charge que le préjudice résultant exclusivement de la faute qu’elle serait susceptible d’avoir commise et qui reste à démontrer.

Elle sollicite la condamnation de la société Gadso aux entiers dépens, et au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Mutuelle des Architectes Français demande à la cour par conclusions notifiées et remises par voie électronique le 26 novembre 2014 de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la société Moca Atelier d’Y et à son assureur, de condamner la société Gadso au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de débouter la Maaf de ses demandes à leur encontre.

Très subsidiairement, elle demande au visa de la clause d’exclusion de solidarité et d’obligation in solidum contenue au contrat d’architecte, de réduire le montant des condamnations dirigées à son encontre au préjudice qui résulterait exclusivement de la faute commise par l’architecte.

En toute hypothèse, elle demande de dire et juger que la franchise prévue au contrat sera opposable au bénéficiaire des indemnités, de dire n’y avoir lieu à homologuer les conclusions du sapiteur de l’expert M. X, et de réduire le montant des préjudices financiers invoqués par la société Gadso à la somme de 119.168,40 euros.

La SA Maaf Assurances conclut selon écritures notifiées et remises par voie électronique le 10 novembre 2014 à titre principal à la confirmation du jugement, et à la condamnation de la société Gadso à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande de dire et juger que le montant maximal susceptible d’être garanti par elle au titre de la garantie effondrement s’élève à 16.470,17 euros HT, et limiter à de plus justes proportions l’indemnité sollicitée par la société Gadso au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la condamnation in solidum de la société Moca Atelier d’Y et de son assureur à la relever indemne à hauteur de 50 % de toutes les condamnations susceptibles d’être mises à sa charge au bénéfice de la société Gadso.

Aux termes de conclusions notifiées et remises par voie électronique le17 juillet 2014, la SCP A B, en qualité d’administrateur ad hoc de la Sarl Co-Bat , demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de déclarer irrecevables et mal fondées toutes demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société Co-Bat, et à titre subsidiaire de condamner la Maaf Assurances à garantir le paiement de toutes les sommes qui pourraient être inscrites au passif de cette liquidation au titre de la responsabilité de la société Co-Bat dans le préjudice de la société Gadso.

* * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES RESPONSABILITÉS DE LA SARL MOCA ATELIER D’Y ET DE LA SOCIÉTÉ CO-BAT

Il est constant qu’aucun procès verbal de réception tel que prévu par l’article 1792-6 du code civil, n’a été établi.

La réception tacite, dont l’article précité n’exclut pas la possibilité, suppose une prise de possession accompagné d’une volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage.

En l’espèce les pièces produites font apparaître que la société Co-bat était titulaire d’un seul marché concernant la création du banc de freinage et la modification de la façade du bâtiment d’activité.

S’il n’est pas contesté que la rénovation du bâtiment administratif était terminée le 1er juillet 2008 lorsque le maître de l’ouvrage en a pris possession, il est acquis que les travaux de mise en place de la fosse destinée à recevoir le banc de freinage n’étaient pas achevés à cette date, et que le chantier a été abandonné le 16 septembre 2008 sans que ce travail ne soit fini.

L’expert judiciaire M. Z a relevé cet inachèvement et a constaté que les travaux litigieux étaient affectés de malfaçons graves au point de nécessiter une démolition et une reconstruction après un effondrement partiel constaté par le compte rendu de chantier du 31 juillet 2008, de sorte qu’ils n’étaient pas réceptionnables.

Par ailleurs dans un courrier du 17 septembre 2008, la société Co-Bat a justifié son refus de poursuivre son marché en raison d’un impayé sur sa facturation.

Ces circonstances, suivies de la mise en oeuvre par la société Groupe Autodistribution du Sud Ouest d’un constat d’huissier du 15 décembre 2008 aux fins d’ établir la réalité des désordres et malfaçons, excluent toute manifestation de volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux réalisés.

Une telle volonté ne peut être déduite de l’établissement par l’architecte lors d’une visite le 16 décembre 2008 au sein des locaux d’une liste de réserves non levées , ni d’un courrier de la société Moca Atelier d’Y en date du 30 septembre 2010, évoquant une réception tacite pour les travaux intérieurs après deux ans d’exploitation, au demeurant sans aucune précision de date, et ne concernant que les travaux de rénovation du bâtiment d’activité.

La demande de constatation d’une réception au 1er juillet 2008 a été justement rejetée, et le tribunal a donc estimé à bon droit que la responsabilité de plein droit de l’entrepreneur et de l’architecte ne pouvait être envisagée en l’absence de réception.

La responsabilité de la société Co-bat et de l’architecte ne peut en conséquence être recherchée que sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire que la dalle du local destiné au banc de freinage était fissurée à de nombreux endroits, que la nappe de treillis ST 60 prévue a été posée directement sur le sol, sans respecter l’enrobage de 3 cm, ce qui rend le treillis totalement inefficace, et que les aciers HA 10 espacés de 25 mm qui devaient être posés n’ont pas été mis en oeuvre, de sorte que la dalle est à reprendre complètement ;

que les investigations destructives réalisées ont mis en évidence que les aciers tant pour le voile Lg3 que pour les longrines Lg5 et la liaison avec la dalle n’étaient pas conformes aux plans du bureau d’études Kheops.

Ces malfaçons dues à un non respect des plans , engagent la responsabilité contractuelle de la société Co-Bat qui a failli à son obligation de résultat lui imposant de livrer à son cocontractant un ouvrage exempt de vices.

La Sarl Moca Atelier d’Y avait une mission de maîtrise d’oeuvre comprenant la direction de l’exécution des travaux, et à ce titre devait vérifier la conformité des travaux exécutés aux documents contractuels, à savoir les CCTP et les plans du permis de construire.

Il ressort des pièces produites que l’architecte a vainement conseillé au maître de l’ouvrage la souscription d’une assurance dommages ouvrage et la conclusion d’un contrat de mission auprès d’un coordinateur OPC et d’un bureau de contrôle.

L’expert judiciaire souligne qu’il n’appartient pas à l’architecte de vérifier les différents diamètres des aciers mis en oeuvre dans une construction courante, mais ajoute que sur cette opération le manque important d’acier et les mauvaises positions pouvaient être vérifiés par le maître d’oeuvre avant coulage, ou ce dernier aurait dû exiger une vérification soit par un bureau de contrôle (non pris en compte par le maître de l’ouvrage), soit plus simplement par le bureau d’études qui avait effectué les plans: exiger un bon à couler, compte tenu des travaux faits dans la précipitation.

Les termes 'pouvaient être vérifiés’ renvoyant à une simple possibilité et non à une obligation doivent être confrontés au contenu de la mission de l’architecte qui n’avait pas la charge de cette vérification, de sorte qu’aucune faute ne peut être retenue à son encontre de ce chef.

En ce qui concerne l’intervention d’un bureau de contrôle, il convient d’observer qu’elle avait été prévue par l’architecte mais que le maître de l’ouvrage n’ a pas donné suite à cette proposition.

En toute hypothèse l’expert ne tire aucune conséquence d’un éventuel manquement du maître d’oeuvre à une exigence de vérification par un autre professionnel puisqu’il exclut expressément toute responsabilité de la société Moca dans les désordres affectant la structure maçonnée.

M. Z relève simplement à l’encontre du maître d’oeuvre un manque d’insistance auprès du maître de l’ouvrage pour qu’une décision drastique soit prise envers la société Co-Bat, tout en mentionnant qu’il a présenté un devis d’une autre entreprise le 28 octobre 2008.

Il ne peut être fait grief à la société Moca Atelier d’Y de n’avoir pas suffisamment alerté le maître de l’ouvrage sur la nécessité de recourir à une autre entreprise après l’abandon du chantier par la société Co-Bat le 16 septembre 2008, dès lors qu’elle a adressé le 18 septembre 2008 à celle-ci avec copie au maître de l’ouvrage une lettre recommandée la mettant en demeure de reprendre le chantier sous 48 h, en démolissant l’ensemble de la fosse et en reconstruisant l’ouvrage suivant l’étude béton armé et les règles de l’art, et à transmettre un planning journalier détaillé sous 48 h, lui précisant que dans la mesure il ne serait pas satisfait à ces demandes dans le délai imparti : 'le maître de l’ouvrage mandaterait une autre entreprise pour reprendre l’intégralité des prestations restantes à vos frais risques et sous votre responsabilité.'

La société Groupe Autodistribution Sud Ouest, qui ne conteste pas avoir été destinataire de la copie de ce courrier, était ainsi clairement informée par l’architecte des mesures qu’il lui appartenait de prendre en cas de carence de la société Co-Bat.

Ayant reçu le devis de la société Egca relatif aux travaux de reprise et interrogée par l’architecte sur une poursuite du chantier, elle n’y a pas donné suite et a préféré diligenter une expertise judiciaire.

Le tribunal a justement estimé que le maître de l’ouvrage ne pouvait valablement soutenir qu’il n’aurait pas disposé de la part de son cocontractant d’une information adaptée et de conseils suffisants pour assurer la poursuite du chantier malgré la défaillance de la société Co-Bat vis à vis de laquelle l’architecte ne disposait d’aucun pouvoir coercitif.

La société appelante ne peut utilement reprocher à titre subsidiaire à l’architecte de ne pas l’avoir avisée suffisamment de la nécessité absolue de voir prononcer la réception des travaux, même si ces derniers n’étaient pas terminés ou affectés de vices, et ce afin de lui permettre de bénéficier de la garantie décennale, dès lors qu’il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d’expertise judiciaire que les travaux en cause n’étaient pas en état d’être réceptionnés.

En conséquence le rejet des demandes formées à l’encontre de la société Moca Atelier d’Y et de son assureur la Mutuelle des Architectes Français sera confirmé.

SUR L’INDEMNISATION DUE AU MAÎTRE DE L’OUVRAGE

L’expert judiciaire indique que les travaux ont été refaits entièrement aux frais de la société Autodistribution, et ont été terminés le 23 mars 2010.

Il en évalue le coût à la somme de 122.172,59 euros HT, montant qui ne fait pas l’objet de contestation.

Le préjudice financier subi par le maître de l’ouvrage du fait des malfaçons est estimé par l’expert, conformément au rapport du sapiteur M. X, à la somme totale de 218.277 euros comprenant un surcoût de sous-traitance en matière de freinage pour 6.188 euros, et en matière de lavage pour 13.768 euros, un surcoût en termes de loyers de 36.000 euros, et une perte de marge sur coût variable de 162.671 euros.

La Mutuelle des Architectes Français critique en vain cette évaluation sur la base d’ un rapport amiable établi un an après le dépôt de l’expertise judiciaire et non soumis à une discussion contradictoire.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé aux sommes de 122.277,59 euros HT au titre des travaux de reprise et 218.277 euros au titre du préjudice lié à la perte d’exploitation, la créance de dommages et intérêts de la société Groupe Autodistribution Sud Ouest au passif de la liquidation judiciaire de la société Co-Bat.

SUR LES DEMANDES DIRIGÉES A L’ENCONTRE DE LA MAAF ASSURANCES

Le tribunal a écarté à juste titre la garantie obligatoire issue du contrat assurance construction souscrit par la société Co-Bat, les dispositions de l’article 1792 du code civil régissant la responsabilité décennale des constructeurs n’étant pas applicables au litige.

L’article 2.1 des conventions spéciales n°5 B de ce contrat , prévoit la garantie avant réception des dommages matériels résultant de l’effondrement total ou partiel d’un ouvrage de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert causés aux travaux neufs réalisés par l’assuré dans le cadre des activités déclarées aux conditions particulières.

Cette garantie, portant sur la perte de la main d’oeuvre et des matériaux mis en oeuvre par l’assuré à raison d’un sinistre survenu avant réception, est une assurance de chose et non de responsabilité, et à ce titre elle ne peut bénéficier qu’à l’assuré.

Selon l’article L 114-1 du code des assurances : 'Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Toutefois ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour ou les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque là.

Quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.'

Ce délai de prescription est expressément rappelé en page 43 des dispositions réglementaires et d’ordre général du contrat Multipro également souscrit par la société Co-bat, auxquelles renvoie le préambule des conventions spéciales du contrat Assurance Construction.

En l’espèce il ressort des pièces produites qu’un effondrement partiel de la fosse a été constaté par le compte rendu de chantier du 31 juillet 2008, de sorte que l’assuré la société Co-Bat en a nécessairement eu connaissance au plus tard à cette date, alors que la SCP E-F, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Co-Bat, n’a présenté une réclamation pour la première fois à l’encontre de la Maaf Assurances que par conclusions du 6 février 2013.

En tout état de cause, une assignation en référé en vue de la désignation d’un expert constitue une action en justice au sens de l’article précité.

En l’espèce il ressort des pièces de procédure produites que la société Groupe Autodistribution Sud Ouest a fait assigner notamment la Sarl Co-Bat aux fins d’expertise judiciaire par acte d’huissier du 21 janvier 2009, date visée dans l’ordonnance de référé du 2 mars 2009.

L’assignation au fond engagée par le maître de l’ouvrage par acte d’huissier du 19 janvier 2011 à l’encontre du liquidateur judiciaire de la société Co-Bat et par acte du 18 janvier 2011 vis à vis de la Maaf Assurances, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, n’a pas eu d’effet interruptif de prescription au profit de l’assuré.

L’action du liquidateur de la société Co-Bat à l’encontre de l’assureur de celle-ci est donc prescrite.

Le maître de l’ouvrage, qui n’est pas titulaire d’une action directe contre l’assureur au titre de l’ assurance de chose que constitue la garantie effondrement, ne peut valablement agir sur le fondement de l’article 1166 du code civil dès lors que l’action de l’assuré est prescrite.

Les garanties prévues au contrat d’assurance Multipro ne peuvent être mobilisées du fait de l’exclusion de garantie prévue à l’article 5 des conventions spéciales n°5, concernant 'les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et / ou la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage , ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent.'

Cette exclusion claire, formelle et limitée, ne vide pas le contrat de sa portée, dès lors que demeurent dans le champ de la garantie les dommages causés aux tiers, et par suite elle doit recevoir application au cas d’espèce.

La garantie de la Maaf Assurances ne peut être retenue à aucun autre titre.

Le rejet des demandes formées à l’encontre de cette compagnie d’assurance sera donc confirmé.

SUR LES AUTRES DEMANDES

Les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile apparaissent équitables et seront en conséquence maintenues.

L’équité commande d’allouer à chacune des parties intimées qui en font la demande une somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la présente procédure, et de laisser à l’appelante la charge de ses propres frais.

SUR LES DÉPENS

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

La société Groupe Autodistribution Sud Ouest qui succombe en ses prétentions devant la cour sera condamnée aux dépens de la présente instance.

* * *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la société Groupe Autodistribution Sud Ouest à payer au titre des frais non compris dans les dépens de la présente instance :

— à la Sarl Moca Atelier d’Y la somme de 1.000 euros,

— à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 1.000 euros,

— à la Maaf Assurances la somme de 1.000 euros ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Groupe Autodistribution Sud Ouest aux dépens de la présente instance, et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Signé par Madame Catherine Fourniel, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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