Cour d'appel de Bordeaux, 7 janvier 2016, n° 14/03340

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 7 janv. 2016, n° 14/03340
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/03340
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Libourne, 24 avril 2014, N° 13/00308

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 7 JANVIER 2016

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° de rôle : 14/03340

Madame Z X

c/

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 avril 2014 (R.G. 13/00308) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 10 juin 2014,

APPELANTE :

Madame Z X, de nationalité française, demeurant 1, le XXX,

Représentée par Maître Anthony BABILLON, substituant Maître Béatrice DEL CORTE, Avocats au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

XXX, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, XXX, XXX,

Représenté par Maître Alexis GARAT, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 3 novembre 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Z C épouse X, de nationalité française, a vécu à Abidjan de 1967 à novembre 2004, date à laquelle elle a quitté la Côte d’Ivoire avec ses enfants. Seul son époux est resté sur place.

La famille s’est installée dans une maison située à XXX, achetée en septembre 2002.

A son arrivée en France, Z X s’est inscrite à Pole Emploi et a vainement cherché du travail. Elle a été placée sous le régime de préretraite à compter de juillet 2006, et maintenue sous le régime des Assedic en attendant le 1er août 2011, date à laquelle elle pouvait prétendre à la liquidation de ses droits.

Z X a reçu le 30 avril 2012 de Pôle Emploi une notification de trop perçu et une demande de remboursement d’une somme de 20.678,06 € correspondant à des indemnités perçues entre novembre 2008 et décembre 2009.

Par exploit d’huissier en date du 04 février 2013, Pôle Emploi a fait assigner Z X devant le tribunal de grande instance de Libourne afin de la voir condamner au paiement de la somme de 20.678,06 €.

Par jugement contradictoire en date du 25 avril 2014, le tribunal de grande instance de Libourne a :

— condamné Z X å payer à Pôle Emploi la somme de 20.678,06 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2012 :

— débouté Z X de sa demande de délais de paiement ;

— condamné Z X å payer å Pôle Emploi une indemnité de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Z X a relevé appel du jugement par déclaration en date du 10 juin 2014,

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 04 novembre 2014, elle demande à la cour :

— déclarer son appel recevable et fondé ;

— réformer la décision entreprise en l’ensemble de ses dispositions ;

— à titre principal,

— dire et juger que l’action en répétition de l’indu engagée par Pôle Emploi est prescrite pour toutes les demandes de remboursement de prestations versées antérieurement au 08 mars 2010 ;

— en conséquence, dire et juger Pôle Emploi est irrecevable à agir à son encontre et le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— à titre subsidiaire,

— dire et juger que l’action en répétition de l’indu est prescrite pour toutes les demandes de remboursement de prestations versées antérieurement au mois d’août 2009 ;

— en conséquence,

— cantonner le débat aux seules prestations versées entre le mois de septembre 2009 et décembre 2009, soit sur la somme de 2.277,12 € ;

— constater que le Pôle Emploi n’apporte nullement la preuve de ce qu’elle n’était pas éligible aux allocations qu’il a versées entre ses mains ;

— le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— à titre infiniment subsidiaire,

— dire et juger qu’elle pourra s’acquitter du remboursement de la dette par 24 pactes mensuels égaux qui ne porteront intérêt qu’au taux légal ;

— en tout état de cause,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu de la condamner sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ni aux entiers dépens d’instance ;

— condamner Pôle Emploi à lui payer la somme de 2.400 € par application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle fait grief au jugement de l’avoir condamnée au paiement au terme d’une motivation qui relève selon elle à la fois d’une interprétation erronée des faits qui lui étaient soumis et d’une application erronée de la règle de droit ; qu’alors que Pôle Emploi fondait ses poursuites sur les articles 34 de la convention Unedic du 18 janvier 2006, et 26 du règlement général annexé à la convention du 19 février 2009, le tribunal a remplacé purement et simplement ces articles par l’article 1376 du code civil, et ce au mépris de l’article 12 du code de procédure civile ; qu’il a considéré que l’action n’était pas prescrite alors que les seules causes d’interruption de la prescription sont la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit et la demande en justice, y compris en référé ; qu’en l’espèce, la demande en justice, qui portait sur des sommes versées entre novembre 2008 et décembre 2009, a été formée le 08 mars 2013 ; que les allégations de Pôle Emploi, faisant état d’un courrier par lequel elle aurait sollicité une remise de dette, sont inopérantes, la seule lettre versée aux débats, datée du 14 août 2012, ne comportant pas de reconnaissance expresse de la dette.

Elle soutient à titre subsidiaire que si le raisonnement du tribunal devait être suivi, et ce courrier assimilé à une reconnaissance de dette, la période de recouvrement devrait commencer à courir à compter d’août 2009, de sorte que le dette ne pourrait dépasser 2.286,12 €.

Pour s’opposer à l’argumentation développée pour la première fois en cause d’appel par Pôle Emploi, elle conteste toute fraude en faisant valoir que l’omission de déclaration (élément matériel) ne saurait être assimilée à une fraude (élément intentionnel) dont l’intimé ne rapporte pas la preuve, de sorte que la prescription décennale ne peut être invoquée.

Elle allègue par ailleurs que les demandes sont mal fondées ; que contrairement aux assertions de Pôle Emploi, elle n’a pas travaillé pour les entreprises Axe Location et Y entre novembre 2008 et décembre 2009 ; que ces deux sociétés n’ont pas survécu aux évènements de 2004 ; que les deux séjours qu’elle a effectués en Côte d’Ivoire l’ont été pour des raisons exclusivement personnelles; que les anomalies invoquées par l’intimé (déclaration de revenus faite au service des impôts particuliers des non résidents à Noisy le Grand, demandes de remboursement à la CPAM de Vannes chargée du traitement des soins prodigués à l’étranger) s’expliquent par le fait que son époux est resté en Côte d’Ivoire, et que la déclaration d’imposition était commune ; que cependant il est établi qu’elle ne percevait quant à elle aucun revenu ; que le droit à l’allocation chômage s’apprécie au regard de la situation de l’allocataire seul ; que par ailleurs Pôle Emploi ne justifie pas de la date à laquelle elle a reçu des soins ; qu’il ne rapporte aucune preuve d’une quelconque reprise d’activité au cours de la période litigieuse.

L’appelante expose enfin qu’elle perçoit depuis juillet 2011 une pension de retraite mensuelle de 311,50 € ; que sa situation justifie l’octroi des plus larges délais de paiement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 septembre 2014, Pôle Emploi demande à la cour de :

— débouter Z X de son appel ;

— en conséquence, con’rmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— y ajoutant, condamner l’appelante à lui verser la somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Il fait valoir que l’appelante s’est inscrite comme demandeur d’emploi du 12 novembre 2004 au 07 octobre 2011 et a perçu les allocations chômage du 20 novembre 2004 au 31 juillet 2011 ; qu’elle n’a jamais déclaré de reprise d’activité ; que cependant, différentes opérations de contrôle ont révélé que Z X avait travaillé pour des entreprises basées en Côte d’Ivoire, Axe Location et Y, effectué deux longs séjours en Côte d’Ivoire, du 1er novembre 2008 au 19 juillet 2009, puis du 31 octobre 2009 au 1er décembre 2009 , déclaré ses revenus au Service des impôts particuliers des Non Résidents à Noisy le Grand et qu’elle avait en sa possession un passeport délivré par le Consulat Général de France à Abidjan (délivré le 17 mai 2001 et venant à expiration le 16 mai 2011) avec un domicile à Abidjan et une immatriculation au Consulat de France.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2015.

MOTIFS :

La demande en paiement de Pôle Emploi se fonde sur les articles 34 de la convention Unedic du 18 janvier 2006, et 26 du règlement général annexé à la convention du 19 février 2009.

Aux termes de ces articles, les personnes qui ont indûment perçu des allocations ou des prestations (…) doivent les rembourser, sans préjudice des sanctions pénales encourues en cas de déclarations inexactes ou d’attestations mensongères. Les intéressés peuvent solliciter une remise de dette. L’action en répétition des sommes indûment versées se prescrit, sauf cas de fraude ou de fausse déclaration, par trois ans et, en cas de fraude ou de fausse déclaration, par dix ans à compter du jour du versement de ces sommes. La prescription de l’action éteint la créance.

Les seules causes d’interruption de la prescription sont la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit (article 2240 du code civil) et la demande en justice, y compris en référé (article 2241 du code civil). En l’espèce, l’assignation a été délivrée le 04 février 2013.

Pôle Emploi soutient que la lettre adressée par l’appelante le 14 août 2012 vaut reconnaissance de dette, de sorte qu’elle a interrompu la prescription. Cependant, ce courrier, dans lequel Z X sollicite une remise et, à défaut, un échelonnement de la dette, ne porte mention expresse ni de la somme reçue ni de ce qu’il est destiné à suppléer le défaut de titre en faveur de Pôle Emploi, ainsi que l’exige l’article 1331 du code civil. Ce courrier ne constitue donc pas un acte interruptif de prescription.

En cause d’appel, l’intimé soutient par ailleurs que la prescription applicable en l’espèce n’est pas la prescription triennale mais la prescription décennale dès lors qu’en s’abstenant de déclarer ses séjours à Abidjan entre 2008 et 2009, en infraction avec les dispositions des articles L.5411-2 et R.5411-8 du code du travail (qui font obligation au demandeur d’emploi d’informer Pôle Emploi, dans un délai de 72 heures, de toute absence de sa résidence habituelle d’une durée supérieure à 7 jours et de tout changement de domicile ) et pour des périodes dont la durée excédait de surcroît les 35 jours calendaires par année civile autorisés, l’appelante a obtenu frauduleusement les allocations dont le remboursement est sollicité.

Les articles 34 de la convention Unedic du 18 janvier 2006, et 26 du règlement général annexé à la convention du 19 février 2009, stipulent que la prescription est de 10 ans en cas de fraude ou de fausse déclaration, constituées par le fait de faire sciemment des déclarations inexactes ou de présenter des attestations mensongères en vue d’obtenir le bénéfice de ces allocations.

En l’espèce, il n’est pas reproché à l’appelante d’avoir commis un acte positif tel qu’une déclaration inexacte ou une attestation mensongère, mais bien au contraire d’avoir omis d’informer Pôle emploi de ses absences. Ce dernier ne rapportant pas la preuve d’une fraude, l’action est donc soumise à la prescription de trois ans.

Plus de trois ans s’étant écoulés entre le jour du versement des sommes réclamées et l’assignation, l’action est prescrite, et la créance éteinte.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Z X les sommes exposées par elle en première instance et en appel et non comprises dans les dépens. Il y a lieu de condamner Pôle Emploi à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pôle Emploi qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Libourne en date du 25 avril 2014

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l’action en répétition de l’indû intentée par Pôle Emploi à l’encontre de Z X

En conséquence, déclare Pôle Emploi irrecevable en son action

Condamne Pôle Emploi à payer à Z X la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel

Condamne Pôle Emploi aux dépens de première instance et d’appel.

Signé par Monsieur Michel Barrailla, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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