Cour d'appel de Bordeaux, 12 mai 2016, n° 15/00734

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 12 mai 2016, n° 15/00734
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 15/00734
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 29 janvier 2015, N° F12/880

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B


ARRÊT DU : 12 MAI 2016

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 15/00734

Madame H M épouse X

c/

SAS BULLE DE LINGE AQUITAINE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 janvier 2015 (R.G. n° F 12/880) par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 05 février 2015,

APPELANTE :

Madame H M épouse X

née le XXX à XXX

de nationalité Française

Profession : Chef d’équipe,

XXX

représentée par Me Monique GUEDON de la SCP GUEDON – MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS BULLE DE LINGE AQUITAINE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

XXX

N° SIRET : 503 008 617 00022

représentée par Me Jérôme VERMONT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 mars 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur S SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame N O, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : C Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme H I épouse X a été engagée par la société Bulle de

Linge suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 septembre 2007 en qualité d’agent de production au sein de l’usine située à F G (Normandie). Lors de la relation contractuelle, elle usait du patronyme 'Z’ de son premier époux.

Son contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de 20 heures du lundi au samedi et sa rémunération était fixée à 8,52 €/heure selon la convention collective inter-régionale de blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing, teinturerie.

À compter du 1er janvier 2008, le contrat de travail de Mme X a été modifié pour passer en temps plein.

Mme X a fait l’objet d’une mutation en Gironde en 2009 avec promotion en qualité de chef d’équipe.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mai 2011, Mme X a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 mai 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2011, Mme X a été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant d’avoir tenu des propos houleux à l’encontre de l’entreprise avec refus absolu d’exécuter les missions confiées et de respecter les obligations contractuelles.

Le 21 juin 2011, une transaction a été conclue entre les parties, l’article 1 prévoyant :

'Le licenciement de Mme X intervenu par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2011 ne sera pas remis en cause dans son principe.

Sans renoncer à se prévaloir de son licenciement, la société Bulle de Linge Aquitaine accepte de verser à Mme X la somme de 1.200 € à titre de dommages et intérêts transactionnels, globaux, forfaitaires et définitifs'.

Mme X a saisi le conseil de Prud’hommes de Bordeaux (section commerce) le 3 avril 2012 aux fins d’annuler la transaction du 21 juin 2011, de dire qu’elle a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris et des dommages et intérêts pour non-information du droit individuel à la formation.

Par jugement de départage en date du 30 janvier 2015, le conseil de Prud’hommes de Bordeaux, a :

dit valable la transaction conclue entre Mme X et la société Bulle de Linge le 21 juin 2011,

dit que la rupture conventionnelle doit trouver application,

débouté Mme X de ses demandes,

rejeté la demande d’exécution provisoire,

débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme X aux entiers dépens.

Mme X a régulièrement interjeté appel de ce jugement selon déclaration au greffe de son avocat le 5 février 2015.

Par conclusions déposées au greffe le 7 janvier 2016, 7 mars et 15 mars 2016, développées oralement à l’audience, Mme X sollicite de la Cour qu’elle :

réforme l’intégralité du jugement du conseil de Prud’hommes,

prononce l’annulation de la transaction en date du 21 juin 2011,

juge qu’elle a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamne la SAS Bulle de Linge Aquitaine à lui verser les sommes suivantes :

3.480 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

348 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

1.365 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

31.320 € net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.298,55 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris, nets de CSG-CRDS

5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-information du droit individuel à la formation, nets de CSG-CRDS

3.000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

déboute la SAS Bulle de Linge Aquitaine de ses demandes,

dise que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080 tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne la SAS Bulle de Linge Aquitaine au paiement des entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 7 mars 2016 et développées oralement à l’audience, la SAS Bulle de Linge Aquitaine sollicite de la Cour qu’elle :

confirme le jugement rendu par le conseil de Prud’hommes de Bordeaux,

déboute Mme X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

juge valable la transaction conclue avec Mme X et déclare les demandes de celle-ci irrecevables,

juge bien fondé le licenciement prononcé à l’encontre de Mme X,

déclare irrecevable la demande formée par Mme X à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris et la déboute de sa demande au titre du droit individuel à la formation,

condamne Mme X à verser à la société Bulle de Linge la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* Sur la transaction :

Mme X qui conteste le jugement entrepris en faisant valoir qu’il a confondu les deux notions de transaction et de rupture conventionnelle, soutient que son licenciement a été monté de toutes pièces par l’employeur qui n’a pas supporté que M. X, directeur de l’unité de Saint Mariens se mette en ménage avec une de ses chefs d’équipe, à savoir elle-même et que c’est dans ces conditions que M. Y, directeur des opérations, a adressé à M. X par deux mails du 23 mai 2011 une lettre de convocation à l’entretien préalable anti-datée au 6 mai 2011 ainsi qu’une lettre datée du 8 juin 2011 aux termes de laquelle elle contesterait son licenciement. Elle soutient que l’entretien préalable n’a jamais eu lieu, que ce soit le 6 ou le 13 mai 2011, qu’elle était alors en congé payé, qu’elle n’a pas signé la lettre de contestation du 8 juin 2011 et que la réunion du 3 mai 2011 dont il est fait état dans la lettre de licenciement n’a jamais eu lieu, qu’elle était alors en congés payés.

Elle soutient que la transaction est viciée par les pressions morales et manoeuvres dolosives dont elle a été victime, qu’ainsi elle a signé la transaction sous la pression de l’employeur qui l’a menacée de licencier M. X, en portant atteinte à sa vie privée et qu’au moment de sa signature, elle était dans un état dépressif aigu. Elle précise qu’en définitive son conjoint a également été licencié, pour insuffisance professionnelle le 4 octobre 2011.

Elle soutient également que la transaction est nulle à raison de l’absence de concessions réciproques, la concession de l’employeur étant dérisoire au regard des indemnités de rupture qu’elle aurait dû recevoir, dès lors qu’elle rapporte la preuve que les griefs reprochés ont été inventés de toute pièce et que la SAS Bulle de Linge Aquitaine était dans l’incapacité de rapporter la preuve de l’existence même de la faute grave reprochée.

La SAS Bulle de Linge fait valoir que Mme Z ne fournit aucun élément à la Cour pouvant justifier d’un quelconque vice du consentement lors de la signature de la transaction. Elle soutient que la salariée a signé la lettre de convocation à l’entretien préalable qui lui a été remise en mains propres et ne saurait tirer argument de son envoi postérieur pour simple information à M. X. De plus, c’est à son initiative qu’une transaction a été mise en place pour qu’elle puisse bénéficier d’une somme à la suite de son licenciement.

La société soutient que c’est à la lumière d’un licenciement prononcé pour faute grave que la cour devra apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si elles ne sont pas dérisoires.

* Sur le licenciement :

Mme X fait valoir en suite de l’annulation de la transaction, que les griefs évoqués dans la lettre de licenciement sont inexistants et inventés par l’employeur, les motifs allégués ne pouvant constituer une faute grave, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’il convient en conséquence de lui allouer les indemnités de ruptures, et indemnité de pour licenciement abusif.

La SAS Bulle de Linge soutient rapporter la preuve de la faute grave de Mme X.

* Sur les repos compensateurs :

Mme X soutient qu’en application de la convention collective nationale, le contingent annuel d’heures supplémentaires est de 130 heures et que dès lors qu’elle a effectué 222,86 heures, elle avait droit à des repos compensateurs et qu’à défaut d’avoir été mise en mesure de les prendre par son employeur, elle peut prétendre à des dommages et intérêts.

La SAS Bulle de Linge Aquitaine fait valoir que l’accord de branche qui fixe le contingent d’heures supplémentaires à 130 heures ne s’applique pas, mais que c’est le contingent légal de 220 heures qui s’applique, car au cours de l’année 2008 qui sert de base pour les règles applicables en 2009, l’effectif moyen de Bulle Linge Normandie était inférieur à 20 salariés en sorte qu’elle n’avait aucune obligation d’appliquer l’accord de branche.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la transaction

En application des dispositions de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Il n’y a pas de transaction lorsqu’une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu’elle est pratiquement inexistante.

L’existence de concessions réciproques qui conditionne la validité d’une transaction doit s’apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l’acte. S’il en résulte que le juge ne peut pour se prononcer sur la validité d’une transaction, rechercher, en se livrant à l’examen des preuves, si ces prétentions étaient justifiées, il peut néanmoins se fonder sur les faits invoqués lors de la signature de l’acte, indépendamment de la qualification juridique qui leur a été donnée. Pour apprécier si des concessions réciproques ont été faites et si celle de l’employeur ne sont pas dérisoires, le juge doit vérifier que la lettre de licenciement est motivée conformément aux exigences légales.

La transaction signée le 21 juin 2011 fait état notamment de ce que :

— par lettre remise en main propre en date du 6 mai 2011, la société a mis en oeuvre à l’égard de la salariée une procédure de licenciement en convoquant Mme H Z à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour le 13 mai 2011,

— à la suite de cet entretien préalable, la salariée n’a pas été en mesure d’apporter des éléments de réponse de nature à justifier les griefs retenus, celle-ci a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 mai 2011;

— pour motiver ce licenciement, la société fait état dans son courrier de faits constitutifs d’une faute grave, à savoir qu’il est reproché à Mme X d’avoir le 3 mai 2011 lors de la venue sur le site de M. Y, directeur des opérations, à l’occasion d’une réunion, tenu des propos véhéments voire outranciers à l’encontre de l’entreprise et à l’encontre du directeur des opérations et d’avoir manifesté son refus absolu de mettre en oeuvre les objectifs de l’entreprise, d’exécuter les missions confiées et de respecter ses obligations contractuelles dans le cadre de son rôle de chef d’équipe de production ;

— dès la réception de son courrier de licenciement, Mme X a fait savoir par courrier du 8 juin qu’elle reconnaissait les faits mais qu’elle considérait la sanction comme disproportionnée eu-égard au travail accompli, qu’elle entendait saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir réparation du préjudice causé par le licenciement.

Il ressort du bulletin de salaire de Mme X du mois de mai 2011 qu’elle était absente du 26 avril 2011 au 4 mai 2011, du 9 mai au 14 mai 2011 et du 23 mai au 26 mai 2011. Ce bulletin de salaire, contemporain des faits, très précis quant aux dates d’absences de la salariée, n’est pas utilement contredit par les attestations de deux autres salariées (Mme E et Mme A Santos) établies environ cinq ans après les faits mentionnant que leur collègue était à son poste durant la première semaine du mois de mai 2011. Il s’en infère que Mme X n’a jamais été présente lors de la réunion du 3 mai 2011 et qu’elle était en congés lors de l’entretien préalable le 13 mai 2011.

Certes, la lettre de contestation du licenciement du 8 juin 2011 est contrairement à ce que Mme X prétend, signée de sa main.

Par ailleurs, la lettre de convocation à l’entretien préalable du 6 mai 2011 porte la mention manuscrite de Mme X 'remise en mains propres’ et est signée de sa main.

Néanmoins, il ressort du courriel de M. Y à M. X le 23 mai 2011 à 17h29 que le directeur des opérations a transmis à ce dernier la lettre de convocation de Mme X à l’entretien préalable. Il est inexact de prétendre que la pièce jointe aurait été annexée pour information, dès lors que c’est M. X lui-même qui l’a signée. Par ailleurs, Mme X qui a signé la réception de la lettre de convocation, n’a pas mentionné la date de cette remise.

D’autre part, le 23 mai 2011 à 19h24, M. Y a envoyé un second courriel à M. X ayant pour objet ' contestation licenciement H Z’ et mentionnant au titre des pièces jointes : ' contestation licenciement H Z.pdf', alors même que la lettre de contestation est datée du 8 juin 2011.

Enfin, le mail de M. X à M. Y du 6 mai 2011 à 9h35 éclaire la situation puisqu’il l’informe de ce qu’il a demandé à 'H’ de quitter l’entreprise, précisant : 'je base cette décision sur la discussion que nous avons eue et la base d’un avenir de l’unité plus serein. Naturellement, pour H, c’est très dur. Elle a pris en CP la semaine prochaine pour se consacrer à la recherche d’un nouveau travail…'

Il s’induit de ces éléments qui sont corroborés par l’attestation de M. X (aux termes de laquelle il indique que l’entretien préalable du 13 mai 2011 n’a jamais eu lieu, que la réunion du 3 mai n’a pas eu lieu, que les griefs retenus pour le licenciement n’existent pas, que c’est lui qui a reçu de M. Y par mail la lettre de contestation à faire signer à H Z) que la procédure de licenciement de Mme X a été artificiellement montée par la SAS Bulle de Linge Aquitaine sur des faits inexistants et que la contestation de cette dernière a été orchestrée par l’employeur.

L’attestation de M. P-Q qui n’indique pas quels sont ses liens avec les parties au procès, qui demeure dans le Var, loin de Saint Mariens et de F G et qui ne précise pas dans quel cadre il aurait reçu les déclarations de M. Y ne présente aucun caractère probant sur les faits qu’il y énonce (à savoir que Martin Y lui a clairement dit ne pas apprécier la relation de H Z avec R- S X dans la même unité et ne pas pouvoir laisser cette situation telle quelle).

L’attestation de M. X aux termes de laquelle il indique que Mme X a signé la transaction car la SAS Bulle de Linge Aquitaine menaçait de le licencier également est, au regard du licenciement postérieur de ce dernier et de sa contestation en justice, insuffisante pour établir qu’il y a eu des pressions ou menaces de nature à justifier un vice du consentement de Mme X, alors même que l’explication donnée par la révélation de leur relation n’est pas crédible au regard de sa mutation sur le site de Saint Mariens situé à 600 km de sa Normandie natale (Eure).

Par ailleurs, l’attestation du médecin traitant de Mme X qui indique l’avoir reçue fin mai 2011 en état de stress extrême dans un contexte dépressif prononcé est insuffisamment précise sur l’état de la salariée lors de la signature de la transaction le 21 juin 2011 pour en induire un vice du consentement.

Ainsi le moyen tiré du vice du consentement affectant la transaction sera rejeté.

Pour autant, la contrepartie de 1.200 euros correspondant à 76 % de son salaire brut mensuel moyen est dérisoire au regard de la somme que Mme X aurait pu prétendre sur les seules indemnités de rupture, dès lors que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement et repris dans la transaction, sont inexistants.

Il s’ensuit que la transaction est nulle.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit valable la transaction.

Sur la rupture du contrat de travail

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

La SAS Bulle de Linge Aquitaine n’apporte aucune pièce prouvant la réalité des griefs reprochés à Mme X au sein de la lettre de licenciement alors même qu’il a été ci-dessus démontré que Mme X était absente de l’entreprise le 3 mai 2011 et qu’elle ne pouvait donc pas être présente lors de cette réunion. Les termes contenus dans la lettre de contestation du 8 juin 2011 alors qu’il est établi qu’elle a été préparée par l’employeur ne sauraient valoir reconnaissance par Mme X des griefs invoqués.

Le licenciement de Mme X est en conséquence dénué de cause réelle et sérieuse.

Mme X qui avait une ancienneté de trois ans et demi dans l’entreprise, occupant onze salariés et plus est en droit de bénéficier d’une indemnité au mois égale aux six derniers mois de salaire. Agée de 49 ans au moment de son licenciement, elle est restée sans emploi jusqu’en juillet 2013, soit pendant plus de deux ans. Elle a fini par créer sa propre société de blanchisserie-teinturerie de détail.

Ainsi il sera alloué à Mme X une indemnité de 10.000 euros nets pour licenciement abusif.

Il n’y a pas lieu de préciser que cette somme est fixée 'net de CSG et de CRDS', s’agissant d’une somme allouée à titre de dommages et intérêts soumise à l’impôt sur le revenu, sur l’assiette duquel qu’il n’appartient pas à la juridiction judiciaire de se prononcer.

Mme X est également en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire soit 3.480 €, l’indemnité de congés payés y afférent de 348 € outre l’indemnité de licenciement de 1.365 euros dont les modalités de calcul ne sont pas contestées.

La SAS Bulle de Linge Aquitaine sera donc condamnée à lui verser les dites sommes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris

Il est constant que Mme X a effectué 222,86 heures supplémentaires au cours de l’année 2009.

Selon les dispositions de l’article L. 3121-11 du code du travail, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement… fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L 3121-22… A défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

La convention collective inter-régionale de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997, étendue (IDCC 2002) prévoit que dans les entreprises occupant plus de dix salariés, ceux-ci bénéficient éventuellement d’un repos compensateur dans les conditions prévues par la loi.

Selon l’accord national du 29 juin 1999 relatif à la réduction et l’aménagement du temps de travail dans les professions des textiles, en vigueur étendu, le contingent annuel d’heures supplémentaires est porté à compter de la mise en oeuvre effective de l’accord à 130 heures par an et par salarié pour les entreprises ne pratiquant pas d’accord de modulation et à 110 heures par an et par salarié pour les entreprises pratiquant un accord de modulation.

Cet accord s’applique aux employeurs et aux salariés des entreprises et établissement exerçant sur le territoire français, ayant une activité de blanchisserie-teinturerie de gros, classée dans la nomenclature NAF sous le code 93.0.A et ou ayant une activité de blanchisserie-teinturerie de détail ou de laverie classée dans la nomenclature NAF sous le code 93.0.B.

Il est constant et reconnu par la SAS Bulle de Linge Aquitaine qu’elle relève du code NAF 93.0.A et B.

Il est également prévu que pour les entreprises de plus de vingt salariés, l’application de cet accord fera l’objet d’une négociation au sein des entreprises ou établissements qui en prendront l’initiative, dans les conditions prévues par la loi du 13 juin 1998 et que l’accord complémentaire d’entreprise ou d’établissement pourra appliquer les dispositions du présent accord, les adapter, ajouter d’autres dispositions.

Pour les entreprises employant vingt salariés et moins, les modalités de la réduction de la durée effective du travail, prévues par l’accord et l’annexe spécifique, s’appliquent en totalité, dans les entreprises qui en prendront l’initiative, après avis des représentants du personnel s’ils existent et ou des salariés.

Il ressort du courrier du 8 décembre 2011 de la SAS Bulle de Linge Aquitaine adressé à une autre salariée, Mme B et du bulletin de salaire de cette dernière de décembre 2009, qu’elle avait effectué 158,86 heures supplémentaires au cours de l’année 2009 et que la société l’avait informé qu’elle avait droit au titre de l’année 2009 à 28,86 heures de compensation obligatoire en repos, outre 49,35 heures au titre de l’année 2010. Cet élément permet d’établir que la SAS Bulle de Linge Aquitaine faisait application en son sein des dispositions de l’accord national du 29 juin 1999 fixant à 130 heures le contingent annuel des heures supplémentaires, les conditions relatives à l’effectif de plus ou moins vingt salariés permettant seulement aux entreprises de plus de vingt salariés d’adapter cet accord alors que celles de vingt salariés ou moins ne peuvent que l’appliquer en totalité, lorsqu’elles décident de l’appliquer.

L’accord du 28 janvier 2000 relatif à la durée du travail dans les professions de l’entretien et de la location textile, en vigueur étendu, prévoit que les partie signataires conviennent que dans les entreprises ou établissements de la profession, le contingent annuel d’heures supplémentaires sera maintenu à 130 heures par an et par salarié, ce contingent étant ramené à 90 heures dans les entreprises appliquant un accord de modulation pour le personnel concerné.

Or cet accord est applicable aux entreprises de la profession aux conditions d’effectifs prévus par la loi et dont l’activité principale relève du code NAF 71.4 A, location de linge.

La SAS Bulle de Linge Aquitaine relève d’un code NAF différent, 93.0. A et B, en sorte que cet accord de 2000 ne lui est pas applicable. Mme X n’apporte d’ailleurs aucune contradiction à cet argumentation et convient qu’il ne faut pas confondre ces deux accords.

Ainsi le contingent applicable est le contingent annuel de 130 heures issu de l’accord national du 29 juin 1999.

Mme X qui a effectué 222,86 heures supplémentaires au cours de l’année 2009, a donc dépassé de 92,86 heures le contingent annuel d’heures supplémentaires.

Selon la convention applicable le contingent annuel d’heure supplémentaire est fixé à 130 heures, mais aucune disposition conventionnelle n’est prévue concernant la contrepartie en repos compensateur. Ainsi les dispositions légales s’appliquent.

Selon les dispositions de l’article 18-IV de la loi sus visée, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.

À défaut pour la SAS Bulle de Linge Aquitaine de donner tout élément justifiant d’un effectif de vingt salariés ou moins en 2009, dès lors qu’elle a appliqué à Mme B une compensation de 100%, il sera fait application de la compensation de 100% des heures dépassant le contingent annuel applicable aux entreprises de plus de vingt salariés.

Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu’il ait pu bénéficier d’un repos compensateur reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis.

Ainsi, Mme X est en droit de bénéficier d’une indemnité pour repos compensateur non pris de 1.192,55 € ainsi calculée :

92,86 H x 9,34 € x 125/100 = 1.084,14

+ 10% 108,41

que la SAS Bulle de Linge Aquitaine sera condamnée à lui verser, sans qu’il y ait lieu de dire qu’elle sera nette de CSG-CRDS.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté Mme X de cette demande.

Sur le droit individuel à la formation

La lettre de licenciement ne mentionne pas l’information du salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation, en violation des dispositions de l’article L.6323-19 du code du travail. Ce manquement de l’employeur cause nécessairement un préjudice au salarié qui sera entièrement réparé par la somme de 300 euros de dommages et intérêts que la SAS Bulle de Linge Aquitaine sera condamnée à verser à Mme X, sans qu’il y ait lieu à dire qu’elle est nette de CSG-CRDS.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salarié de cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La SAS Bulle de Linge Aquitaine succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel. Elle sera déboutée de toute demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire bénéficier Mme X de ces mêmes dispositions et de condamner en conséquence la SAS Bulle de Linge Aquitaine à lui verser une indemnité de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Dit que la transaction est nulle ;

Dit que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Bulle de Linge Aquitaine à verser à Mme X les sommes suivantes :

10.000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.480 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 348 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

1.365 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,

1.192,55 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris,

300 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit individuel à la formation ;

Dit qu’il n’y a pas lieu de préciser que les dommages et intérêts sont nets de CSG-CRDS ;

Ordonne le remboursement par la SAS Bulle de Linge Aquitaine à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à Mme X du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la SAS Bulle de Linge Aquitaine à verser à Mme X une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la SAS Bulle de Linge Aquitaine aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’aux frais éventuels d’exécution en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996.

Signé par Monsieur S SAUVAGE, Président, et par C

XXX faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

C CHANVRIT S SAUVAGE

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Cour d'appel de Bordeaux, 12 mai 2016, n° 15/00734