Cour d'appel de Bordeaux, 8 juin 2016, n° 14/07031

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 8 juin 2016, n° 14/07031
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/07031
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 19 octobre 2014, N° 12/08190

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 08 JUIN 2016

(Rédacteur : Jean-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 14/07031

B Z

c/

SA A CENTRE ATLANTIQUE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 octobre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre : 6°, RG : 12/08190) suivant déclaration d’appel du 02 décembre 2014

APPELANT :

B Z

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

représenté par Maître BINZONI substituant Maître Laurence TASTE-DENISE de la SCP RMC ET ASSOCIES, avocats au X de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA A CENTRE ATLANTIQUE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître Charles DUFRANC substituant Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocats au X de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 avril 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Jean-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Catherine FOURNIEL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon police en date du 14 octobre 2011, ayant pris effet 6 octobre 2011, M. B Z, exploitant agricole, a souscrit auprès de la compagnie A Centre Atlantique un contrat d’assurance de personnes Prévoyance individuelle-capital santé, garantissant les risques arrêt de travail accident seul, rente d’invalidité accident seul, décès accident seul, et frais de recherche.

Le 11 novembre 2011, alors qu’il effectuait des travaux agricoles dans son exploitation, M. Z a été victime d’un accident vasculaire cérébral qui a nécessité son hospitalisation jusqu’au 5 décembre 2011, puis des soins de rééducation et de réadaptation jusqu’au 13 janvier 2012.

Le 15 décembre 2011, la MSA de la Gironde lui a notifié après avis du médecin conseil la prise en charge de ses soins à 100 % pour la période comprise entre le 11 novembre 2011 et le 11 novembre 2016.

Le 31 janvier 2012, l’association des assureurs AAEXA (assurance accidents du travail et maladies professionnelles des exploitants agricoles) lui a notifié son accord de prise en charge au titre de l’assurance accidents des exploitants agricoles.

À la suite de sa déclaration de sinistre, la compagnie A a fait diligenter une expertise, confiée au Docteur L M, puis par courrier en date du 20 février 2012, elle a refusé sa garantie, en soutenant que l’événement survenu le 11 novembre 2011 se rapportait à une pathologie de la vie privée, et ne constituait pas un accident.

Par acte d’huissier en date du 4 septembre 2012, M. Z a fait assigner la compagnie A Centre Atlantique devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation sous astreinte à appliquer les garanties prévues au contrat d’assurance, au besoin après expertise médicale préalable et au paiement de la somme de 5000 € en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ordonnance en date du 2 décembre 2012, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné une mesure d’expertise médicale sur la personne de M. Z et a désigné pour y procéder le Docteur Q-R qui a déposé son rapport le 24 mai 2013.

Par jugement en date du 20 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté M. Z de ses demandes en considérant que l’accident vasculaire hémorragique survenu le 11 novembre 2011 n’était pas une maladie professionnelle agricole répertoriée et ne constituait pas un accident tel que défini dans le contrat d’assurance, de sorte que la garantie n’était pas due.

M. Z a relevé appel de ce jugement le 2 décembre 2014 et dans dernières conclusions déposées et notifiées le 8 avril 2016, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, il demande à la cour :

— de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

— de dire que l’accident dont il a été victime le 11 novembre 2011 constitue bien un accident du travail relevant des risques accident et maladie professionnelle agricole prise en charge à ce titre par la MSA et l’AAEXA et couvert par le contrat souscrit le 6 octobre 2011,

— de dire en conséquence que la compagnie A Centre Atlantique doit sa garantie et ses assurances au titre du contrat,

— de dire qu’il sera procédé à une expertise tendant à déterminer le taux d’incapacité permanente dont il est affecté afin de permettre la mise en 'uvre de la garantie rente invalidité,

— de condamner en tant que de besoin A Centre Atlantique à accorder et appliquer ses garanties au titre de ce contrat sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

— de condamner A Centre Atlantique à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— d’infirmer en tout état de cause le jugement en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et mis à sa charge les dépens de l’instance,

— de condamner A Centre Atlantique à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 13 mars 2015, la compagnie A Centre Atlantique sollicite la confirmation du jugement ainsi que la condamnation de M. Z à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des faits de l’espèce, des prétentions et moyens des parties.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2016.

A la demande conjointe des parties, la clôture a été révoquée et une nouvelle ordonnance clôturant l’instruction a été prononcée le 28 avril 2016 avant les plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la garantie de A Centre-Atlantique :

Il ressort des conditions personnelles versées au débat que M. Z bénéficiait des garanties suivantes, au titre du contrat souscrit le 14 octobre 2011 :

— arrêt de travail accident seul,

— rente invalidité accident seul,

— décès accident seul,

— frais de recherche.

Il lui incombait donc de démontrer que l’événement survenu le 11 novembre 2011 constituait un accident, selon la définition de ce terme figurant en page 8 des conditions générales, à savoir «une atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l’assuré provenant d’un événement soudain, imprévu, extérieur à la victime et constituant la cause du dommage».

En page 10 de son rapport, Mme P Q R, expert judiciaire, indique que M. Z a été admis le 11 novembre 2011 à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, où a été diagnostiqué un accident vasculaire cérébral ayant entraîné un hématome intracérébral occipital gauche avec inondation ventriculaire.

Il s’agit bien d’une atteinte corporelle non intentionnelle provenant d’un événement soudain et imprévu, dès lors que M. Z n’avait jamais eu d’hypertension artérielle, n’avait jamais eu de traitement anti hypertensif, n’avait jamais été soumis à aucun examen au niveau cérébral (page 10 du rapport).

Nonobstant la surcharge pondérale de M. Z (IMC à 38), l’expert judiciaire a clairement indiqué que l’événement survenu n’était pas prévisible, M. Z n’ayant eu aucun prodrome particulier (symptôme de début de maladie).

Par ailleurs, dans sa correspondance en date du 27 janvier 2012, le Docteur J K, du centre de cardiologie de la polyclinique de Bordeaux, indique que ce patient ne présentait aucun antécédent auparavant, à part une hyperuricémie, et il n’est pas contesté que cette pathologie ne présentait aucun lien causal avec un accident vasculaire.

La seule véritable contestation concerne le caractère d’extériorité.

Lors d’une IRM de l’encéphale réalisée le 30 janvier 2012, le docteur X n’a pas relevé de signe en faveur d’une malformation artério-veineuse, mais des micro saignements diffus pouvant correspondre à des cavernomes.

Toutefois, lors d’une artériographie des artères cérébrales réalisée le 21 mai 2012, il a indiqué qu’il ne retrouvait aucune anomalie intracrânienne évocatrice d’une malformation artério veineuse, d’une fistule durale, voire même d’un anévrisme; qu’il n’y avait pas d’angiome veineux intracrânien détectable sur ce bilan.

Au terme des différents examens, l’existence d’un cavernome, à savoir une malformation des vaisseaux sanguins du cerveau, ne constitue donc qu’une probabilité, ou une hypothèse, selon les termes utilisés par l’expert judiciaire en conclusion de son rapport (page 11).

Dans un rapport d’expertise en date du 15 avril 2015, réalisé à la demande de M. Z, régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties, le docteur Y souligne à cet égard que «l’étiologie du cavernome n’est pas certaine», et que «les hémorragies cérébrales sur rupture vasculaire lors d’efforts sont fréquentes et ne sont pas toujours en relation avec une malformation vasculaire, anévrisme ou cavernomes».

Par ailleurs, dans des attestations produites en cause d’appel, M. H I et M. D E, témoins du malaise de M. Z, indiquent que celui-ci s’est soudainement plaint d’un très fort mal de tête, alors qu’il chargeait une remorque de foin, et qu’il venait de remettre en place à la main deux bottes qui s’étaient mal positionnées (une botte pesant environ 150 kilos).

Il est donc suffisamment établi que l’accident vasculaire cérébral du 11 novembre 2011 trouve son origine directe et certaine dans un effort physique intense, constituant une contrainte extérieure.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement, et de dire en application de l’article 1134 du code civil que l’accident vasculaire cérébral présenté par M. Z le 11 novembre 2011 constitue bien un accident qui doit donner lieu à prise en charge par l’assureur au titre des garanties figurant aux conditions particulières.

En tant que de besoin, l’assureur sera condamné à mettre en 'uvre ces garanties, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, dans les conditions précisées ci-après au dispositif.

L’appelant pouvait en effet bénéficier de la garantie arrêt de travail, sans période d’attente, conformément aux stipulations des conditions générales et particulières.

L’assureur devra en outre faire procéder à une expertise médicale selon les conditions prévues au contrat afin de déterminer le taux d’incapacité après consolidation et les conditions de prise en charge au titre de la garantie invalidité.

2- Sur la demande de dommages-intérêts:

Le refus de prise en charge opposé par A était injustifié, mais il ne constitue pas pour autant une faute dans l’exécution du contrat d’assurance puisque le litige trouve son origine dans une divergence d’ordre médical non dépourvue de sérieux, quant à l’existence d’une pathologie préexistante, et non dans comportement dilatoire ou de mauvaise foi de l’assureur.

En application de l’article 1147 du Code civil, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. Z de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

3- Sur les demandes accessoires:

Il est équitable d’allouer à M. Z une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de procédure irrépétibles de première instance et d’appel.

Le jugement doit en outre être infirmé en ce qu’il a alloué à la compagnie A centre Atlantique une indemnité de 800 € sur ce même fondement.

Échouant en ses prétentions, la compagnie A centre Atlantique supportera la charge de ses frais irrépétibles ainsi que les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Constate qu’il a été procédé le 28 avril 2016 à la révocation de l’ordonnance de clôture et qu’une nouvelle ordonnance clôturant l’instruction a été rendue à l’audience du 28 avril 2016, avant les plaidoiries,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. Z en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Statuant à nouveau,

Dit que l’accident vasculaire cérébral dont a été victime M. B Z le 11 novembre 2011 constitue un accident qui doit donner lieu à la mise en 'uvre, par la compagnie A Centre Atlantique, des garanties prévues au contrat d’assurance Prévoyance individuelle-capital santé conclu entre les parties le 14 octobre 2011 avec effet au 6 octobre 2011,

Condamne en conséquence la compagnie A Centre Atlantique à prendre en charge la garantie «arrêt de travail», sans période d’attente, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne en outre la compagnie A Centre Atlantique à faire procéder à une expertise médicale sur la personne de M. N Z, selon les conditions prévues au contrat, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, puis sous astreinte de 200 € par jour de retard, afin de déterminer les conditions de prise en charge de la garantie rente invalidité,

Y ajoutant,

Condamne la compagnie A Centre Atlantique à payer à M. B Z la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais de procédure irrépétibles de première instance et d’appel,

Rejette les demandes formées par la compagnie A Centre Atlantique sur ce même fondement, au titre de ses frais de procédure irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne la compagnie A Centre Atlantique aux entiers dépens de première instance et d’appel et autorise la SCP RMC et associés, avocat, à recouvrer directement ce dont elle aurait fait l’avance sans recevoir provision suffisante conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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