Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 25 octobre 2018, n° 17/04918

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 25 oct. 2018, n° 17/04918
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 17/04918
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 9 juillet 2017, N° 17/00641
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2018

(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)

N° RG 17/04918

SA MONCEAU GENERALE ASSURANCE

c/

[…]

Monsieur C D X en qualité d’entrepreneur individuel de L’EIRL D X

Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 10 juillet 2017 par le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX ( RG : 17/00641) suivant déclaration d’appel du 10 août 2017

APPELANTE :

SA MONCEAU GENERALE ASSURANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social1 avenue des Cités Unies de l’Europe – […]

Représentée par Me A B de la SCP B – JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX

Et assistée de Me GONET, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉES :

[…] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 3 RUE DE LA FUSTERIE – […]

Représentée par Me Réjane LIAGRE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur C D X es qualité d’entrepreneur individuel de L’EIRL D X au siège social 3 rue de la Fusterie – […]

Représentée par Me Réjane LIAGRE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 septembre 2018 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Catherine BRISSET, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Michèle ESARTE, présidente,

Catherine BRISSET, conseiller,

Sophie BRIEU, Vice-Président placé,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

M. X exerçait, sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée une activité de bar, hôtel, restaurant sous l’enseigne Hôtel des Salinières à Bordeaux. La SCI des Salinières dont M. X est le gérant, propriétaires des lieux avait consenti un bail commercial à M. X.

Le 2 septembre 2014 un incendie s’est produit dans l’immeuble au cours duquel une personne est décédée, d’autres personnes étant blessées. L’immeuble a fait l’objet d’un arrêté de péril en date du 7 novembre 2014.

Le sinistre a été déclaré auprès de la SA Monceau Générale Assurances qui ouvert deux dossiers, un pour le propriétaire de l’immeuble et un pour l’exploitant, a fait expertiser les lieux et a réservé sa garantie jusqu’au dépôt du rapport d’enquête, l’expert ayant indiqué ne pouvoir déterminer les causes et circonstances du sinistre.

M. Y et la SCI des Salinières ont mandaté un expert puis, en 2015, fait assigner l’assureur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’expertise aux frais avancés de l’assureur au titre de la garantie défense recours. Ils sollicitaient en outre des provisions.

Par ordonnance du 1er juin 2015, confirmée par arrêt de cette cour du 29 juin 2016, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise sur les causes du sinistre et sur l’étendue des préjudices. La consignation était mise à la charge de l’assureur lequel a en outre été condamné au paiement d’une provision de 3 000 euros au profit de la SCI des Salinières et de 8 000 euros au profit de M. X.

La consignation n’a pas été versée et il a été constaté le 1er février 2016 la caducité de la mesure d’expertise.

Par acte d’huissier du 3 avril 2017, la SCI Les Salinières et M. X ont fait assigner la SA Monceau Générale Assurances devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de la voir condamner au paiement d’une provision complémentaire de 100 000 euros.

Par ordonnance du 10 juillet 2017, le juge des référés a condamné la société Monceau Générale Assurances à payer à M. X une provision complémentaire de 30 000 euros, à la SCI Les Salinières une provision complémentaire de 50 000 euros et aux demandeurs la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le premier juge a considéré que l’assureur ne pouvait remettre en question l’obligation qu’elle avait de consigner et qu’ayant fait obstacle à la mesure d’expertise, il ne pouvait se prévaloir de la méconnaissance des causes du sinistre pour échapper à l’obligation d’indemnisation. Le premier juge a en outre retenu que le moyen de nullité opposé par l’assureur n’était pas sérieux et que l’assureur était malvenu à reprocher une fraude sur le montant des dommages alors qu’il avait mis obstacle à la mesure d’expertise. Il a estimé qu’il existait une créance non sérieusement contestable qu’il a chiffrée.

La SA Monceau Générale Assurances (ci-après MGA) a relevé appel de la décision le 10 août 2017.

Dans ses dernières écritures en date du 22 juin 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société MGA formule les demandes suivantes :

Déclarer La Compagnie MGA recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit

Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle est contraire aux présentes écritures,

À titre principal,

Constater la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée entre les parties rendant irrecevables les demandes formulées par la SCI Les Salinières et l’EIRL Les Salinières Bel Bachir.

À titre subsidiaire,

Dire et juger que les demandes, fins et prétentions formulées par la SCI Les Salinières et l’EIRL Les Salinières Bel Bachir se heurtent à plusieurs contestations sérieuses, et les déclarer irrecevables

Donner acte à la concluante et, autant que de besoin constater la déchéance de garantie prononcée dans le cadre des présentes écritures au titre du sinistre incendie en date du 2 septembre 2014 et débouter Ies intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions tant irrecevables que mal fondées

Condamner la SCI Les Salinières et l’EIRL Les Salinières Bel Bachir, solidairement ou I’un à défaut des autres, à verser à la Compagnie MGA la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions issues de l’article 700 du code de procédure civile

Condamner la SCI Les Salinières et l’EIRL Les Salinières Bel Bachir, solidairement ou l’un à défaut de l’autre, aux entiers dépens de la première instance et d’appel dont distraction au profit de maître A B, membre de la SCP B Joly, auquel il sera accordé le bénéfice du droit de recouvrement direct prévu par l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que le référé provision tel qu’introduit par les intimés se heurte à l’autorité de la chose jugée puisqu’en l’absence de circonstance nouvelle il ne pouvait être statué à nouveau sur une provision après la première ordonnance confirmée par la cour. Elle précise qu’un rapport d’expertise ne peut constituer une circonstance nouvelle que si le juge y trouve des éléments d’appréciation dont il était dépourvu dans le premier litige. Elle soutient que le rapport de M. Z ne constitue pas cette circonstance nouvelle. Subsidiairement, elle estime qu’il existe une contestation sérieuse sur l’obligation à garantie alors que la connaissance des causes du sinistre est bien nécessaire à l’assureur pour se prononcer sur l’étendue de ses obligations. Elle soutient qu’il existe bien une cause de nullité du contrat d’assurance dans la mesure où l’activité n’était pas limitée à l’hôtellerie mais louait des chambres dans le cadre d’hébergements sociaux. Elle invoque une déchéance de garantie à raison d’une fraude sur le montant des dommages et conteste l’étendue de la garantie.

Dans leurs dernières écritures en date du 19 décembre 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, les intimés formulent les demandes suivantes :

Dire bien jugé, mal appelé.

- Débouter la SA MGA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Dire et juger la demande de nullité contractuelle prescrite.

- Dire et juger la SA MGA tenue de garantir le sinistre survenu le 2 septembre 2014.

En conséquence,

- Confirmer purement et simplement l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 10 juillet 2017.

- La condamner au règlement de la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

- La condamner au règlement des entiers frais et dépens sur le fondement des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le chiffrage de leur expert constituait bien la circonstance nouvelle permettant l’allocation d’une provision complémentaire. Ils se prévalent des garantie contractuelles et considèrent qu’elles sont acquises. Ils considèrent qu’il n’existe aucune contestation sérieuse dès lors que l’assureur ne saurait, après avoir fait obstacle à la mesure d’expertise judiciaire, leur opposer son ignorance des causes de l’incendie. Ils ajoutent que l’activité de résidence hôtelière à vocation sociale ne diffère pas de l’activité d’hôtellerie et n’avait pas à être spécialement déclarée alors en outre que la demande en nullité des contrats serait prescrite. Ils estiment que le seul fait que l’assureur affirme que le chiffrage du préjudice a été exagéré ne saurait constituer une fraude cause de déchéance. Ils s’expliquent sur les préjudices.

Au visa de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a reçu le 4 avril 2018 un avis de fixation l’audience du 13 septembre 2018 avec annonce de clôture 15 jours avant les débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il y a lieu tout d’abord de rappeler que le litige est circonscrit à la question d’un référé provision sur le fondement des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile. Il ne saurait entrer dans les pouvoirs du juge des référés de trancher des questions relevant du fond. Alors que les parties rappellent exactement que la décision du juge des référés est dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, elles font figurer dans le dispositif de leurs écritures des mentions qui, tout en ne correspondant pas à des prétentions au sens du code de procédure civile, tendent à faire trancher des questions tenant à la validité du contrat qui échappent à l’évidence aux pouvoirs de la cour statuant sur une ordonnance de référé.

Le seul débat est celui de déterminer si les intimés établissent de manière non sérieusement contestable leur droit à une provision complémentaire à celle qui leur a déjà été octroyée et ce dans les conditions de l’article 488 du code de procédure civile et donc s’ils établissent en premier lieu une circonstance nouvelle depuis l’ordonnance du 1er juin 2015 ou plus exactement à raison de l’effet dévolutif de l’arrêt de cette cour du 29 juin 2016.

Il apparaît que si les intimés produisent un rapport de leur expert daté du 21 avril 2017, le caractère nouveau de ce document est quelque peu discutable en tout cas pour l’attribution d’une provision. En effet, dans le cadre du précédent débat, il existait déjà une synthèse du même expert d’assuré laquelle aboutissait à des montants qui ont certes été affinés mais de manière finalement marginale. En effet, la synthèse faisait apparaître une première évaluation des dommages à hauteur de 338 500 euros pour la SCI affinée à 407 999 euros et de 459 539 euros pour l’exploitant affinée à 460 275 euros.

Même à considérer que le rapport Z constituerait néanmoins une circonstance nouvelle, il subsiste de nombreuses difficultés.

Il est certain que l’assureur ne peut se prévaloir de l’absence d’expertise judiciaire puisque c’est sur lui que reposait l’obligation de consignation et que sa carence a été constatée de ce chef. Toutefois, seul le juge du fond pourra tirer les conséquences de cette carence. Il ne pourra le faire qu’après avoir statué sur l’obligation à garantie. Or, l’assureur indique soulever la nullité du contrat à raison d’une absence de déclaration de circonstances de nature à aggraver le risque. Il fait ainsi valoir qu’alors qu’il était déclaré une activité d’hôtellerie, des chambres étaient louées dans le cadre d’hébergements sociaux. Le premier juge a considéré que ceci ne pouvait être considéré comme une contestation sérieuse en l’absence d’accompagnement social. Cependant, une telle question tenant à la nature du risque et à son éventuelle aggravation ne peut relever que du juge du fond et constitue au stade des référés une contestation sérieuse. Si les intimés soutiennent que l’exception de nullité des contrats d’assurance serait désormais prescrite, là encore la question de la prescription ne peut que relever du juge du fond. Seule une prescription très manifestement acquise pourrait conduire à écarter tout caractère sérieux à la contestation. Tel ne peut être le cas en l’espèce puisqu’il est invoqué des causes d’interruption de la prescription.

De l’ensemble de ces constatations, il découle que si le rapport Z peut être envisagé comme une circonstance nouvelle rendant recevable la demande, il n’en demeure pas moins que suite à l’arrêt de cette cour en date du 29 juin 2016, seul le juge du fond pouvait trancher les difficultés nées de la carence de l’assureur qui au stade des référés oppose une contestation dont on ne peut écarter tout caractère sérieux.

Il n’y avait donc pas lieu à provision complémentaire. L’ordonnance sera infirmée et les intimés déboutés de leurs demandes.

Si l’appel est bien fondé, il n’en demeure pas moins qu’une partie de la difficulté provient de

la carence de l’assureur qui n’a pas consigné alors qu’il le devait de sorte qu’il n’apparaît pas inéquitable que chacune des parties conserve à sa charge les frais et dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance et statuant à nouveau,

Déboute la SCI Les Salinières et M. X exerçant sous la forme d’une EIRL de leurs demandes provisionnelles,

Laisse à chacune des parties la charge des frais et dépens par elle exposés.

Le présent arrêt a été signé par Michèle ESARTE, présidente, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Présidente,

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