Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 8 février 2021, n° 20/02088

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 8 févr. 2021, n° 20/02088
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 20/02088
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 1er juin 2020, N° 2019R01570
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2021

(Rédacteur : Vincent BRAUD, conseiller,)

N° RG 20/02088 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSIU

S.A.S. PICHON

c/

S.A.R.L. CEMBRE

Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 02 juin 2020 par le juge des référés du Tribunal de Commerce de BORDEAUX (RG : 2019R01570) suivant déclaration d’appel du 19 juin 2020

APPELANTE :

S.A.S. PICHON agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social […]

Représentée par Maître Denise BOUDET de la SELARL AB VOCARE, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

S.A.R.L. CEMBRE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social […]

Représentée par Maître Stanislas LAUDET de l’AARPI LAUDET LAVAUD AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Assistée de Maître GAUDELET substituant Maître Isabelle SICOT de la SELARL CLEACH, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 décembre 2020 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Jean-Philippe SERVIE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

La société Pichon est intervenue en qualité de sous-traitante d’une société EMG-EMCO dans la construction d’une centrale de cogénération biomasse pour la réalisation du bobinage des excitatrices des alternateurs suivant une spécification établie par la société EMG-EMCO.

Deux sinistres étant survenus, une expertise a été ordonnée en référé par une décision du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 15 mai 2018.

Au cours des opérations d’expertise, 1'expert judiciaire a indiqué, dans son procès-verbal du 9 octobre 2019, avoir constaté des défauts mettant en cause le sertissage des conducteurs électriques du bobinage et du câble de raccordement réalisé par la société Pichon qui, selon lui ne respecterait pas les règles de l’art.

La société Pichon ne partage pas cet avis et précise, pour la réalisation de cette opération spécifique en sous-traitance, avoir fait l’acquisition d’une sertisseuse auprès de la société Cembre qui lui a également fourni des manchons nécessaires à cette opération.

Compte tenu de ces éléments, par assignation en date du 11 décembre 2019, la société par actions simplifiée Pichon a cité à comparaître la société à responsabilité limitée Cembre devant le juge des référés du tribunal de commerce aux fins de :

Vu les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,

' Dire et juger que le présent appel en cause ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité de la part de la société requérante ;

' Déclarer communes et opposables à la société à responsabilité limitée Cembre les opérations d’expertise confiées à monsieur X selon ordormance du 15 mai 2018 rendue par le président du tribunal de Bordeaux ;

' Réserver les dépens.

Par ordonnance en date du 2 juin 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :

' Débouté la société Pichon de ses demandes ;

' Condamné la société Pichon à payer à la société Cembre la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Laissé les dépens à la charge de la société Pichon.

Pour statuer ainsi qu’il l’a fait, le juge a relevé, que, en l’état du dossier, rien ne permet de considérer que l’expert ait mis en cause une défectuosité du produit vendu par la société Cembre qui puisse justifier que soit appelé aux opérations expertales, désormais suspendues, un simple fournisseur, ce qui, au surplus, retarderait l’expertise.

La société Pichon a interjeté appel total de cette décision par déclaration du 19 juin 2020, et par conclusions du 18 novembre 2020 elle demande à la cour de :

' Réformer l’ordonnance rendue le 2 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’elle a rejeté l’appel en cause de la société Cembre ;

' Faire droit à l’appel en cause de la société Cembre ;

' Dire et juger que le présent appel en cause ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité de la part de la société requérante ;

' Déclarer communes et opposables à la société Cembre les opérations d’expertise confiées à monsieur X selon ordonnance du 15 mai 2018 rendue par le président du tribunal de Bordeaux ;

' Réformer l’ordonnance rendue en ce qu’il a condamné la société Pichon à verser une somme de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

' Rejeter la demande de la société Cembre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Réserver les dépens.

Par conclusions du 26 novembre 2020, la société Cembre demande à la cour de :

' Juger la société Pichon mal fondée en son appel de l’ordonnance rendue le 2 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Bordeaux ;

' Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 2 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Bordeaux ;

' Condamner la société Pichon à payer à la société Cembre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner la société Pichon aux entiers dépens d’instance.

Au visa de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a fait l’objet le 10 juillet 2020 d’une ordonnance de fixation à bref délai à l’audience du 14 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’appel en cause de la société Cembre :

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La société Pichon sollicite la mise en cause de la société Cembre en vue d’un éventuel recours parce que les conditions de réalisation des sertissages sont mises en cause par l’expert judiciaire, et que l’intimée lui aurait non seulement fourni une sertisseuse et des manchons, mais qu’elle aurait également défini ou participé à l’identification des modalités de sertissage.

La société Cembre s’oppose à sa mise en cause en considération, d’une part, de la tardiveté de son appel en cause, d’autre part, de l’absence de preuve de son implication dans la survenance du sinistre. Elle conteste ainsi que la société Pichon ait utilisé les manchons qu’elle lui avait fournis.

Si la société Pichon a saisi le président du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’ordonnance commune plus de dix-huit mois après le début des opérations d’expertise, elle a assigné sans tarder dans les deux mois qui ont suivi la critique par l’expert du sertissage par elle réalisé. La société Cembre allègue en outre que les constatations techniques destructives auraient déjà été réalisées par l’expert. Mais l’appelante précise à cet égard qu’il n’y a pas eu d’investigation destructrice sur les éléments constitutifs des rotors, notamment sur les pièces fournies par la société Cembre et les prestations de sertissage de la société Pichon.

Les opérations d’expertise sont en cours, si bien que la société Cembre se trouve appelée à la procédure en un temps où elle peut encore discuter les conclusions de l’expert.

Le premier juge a justement relevé que l’expert n’attribuait pas le sinistre à un défaut des manchons utilisés, mais à une mauvaise réalisation du sertissage des conducteurs électriques. L’homme de l’art précise dans sa dernière note du 29 septembre 2020 : « l’utilisation du manchon Cembre ne respecte pas ses spécifications techniques. […] le sertissage de plusieurs conducteurs électriques de sections différentes n’est pas prévu par le constructeur du manchon. L’expert demande à la société Pichon de communiquer les éléments techniques et factuels de nature à démontrer que le sertissage, tel qu’elle l’a réalisé, a obtenu l’agrément du constructeur du manchon, afin de garantir un contact électrique de qualité sur la durée. »

Dans ces circonstances, le recours en garantie envisagé par la société Pichon ne peut se fonder que sur le fait que la société Cembre aurait participé à la détermination des connexions à effectuer et aux modalités de réalisation de celles-ci. L’appelante entend étayer cette affirmation par deux messages électroniques reçus les 16 et 21 octobre 2019 d’un représentant de son fournisseur.

Au demeurant, l’expert judiciaire se réfère expressément aux spécifications techniques émanant de la société Cembre.

Il apparaît dans ces circonstances que la preuve du fait de nature à engager la responsabilité de la société Pichon ou celle de la société Cembre pourrait être établie par la mesure d’instruction en cours, laquelle a notamment pour objet de :

' Examiner et décrire les désordres allégués ;

' Donner son avis sur l’origine, les causes et les conséquences de ces désordres ;

' Rechercher, identifier et décrire les missions ou travaux ou prestations confiés à chaque intervenant en vue de définir les rôles respectifs ;

' Déterminer le ou les auteurs de la conception du mode de fabrication des excitatrices des alternateurs ;

' Donner au tribunal tous éléments lui permettant de déterminer les responsabilités éventuellement encourues.

Aussi bien le technicien commis demande-t-il lui-même à la société Pichon de justifier que la manière de réaliser le sertissage critiqué aurait eu l’aval de la société Cembre.

L’appelante justifie ainsi d’un motif légitime d’étendre à l’intimée la mesure d’expertise en cours.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Une mesure d’instruction ne préjugeant pas du fond, chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu à condamnation sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme l’ordonnance ;

Statuant à nouveau,

Déclare communes et opposables à la société Cembre les opérations d’expertise confiées à monsieur Y X selon ordonnance en date du 15 mai 2018 rendue par le président du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens par elle exposés.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Monsieur Jean-Philippe SERVIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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