Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 janvier 2022, n° 18/03477

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, ch. soc. sect. a, 26 janv. 2022, n° 18/03477
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/03477
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 7 juin 2018, N° F17/00777
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


--------------------------

ARRÊT DU : 26 JANVIER 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 18/03477 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KPQ3

Monsieur B X

c/

SASU SAGE


Nature de la décision : AU FOND


Grosse délivrée le :

à :


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 juin 2018 (R.G. n°F17/00777) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 18 juin 2018,

APPELANT :

Monsieur B X

né le […] à […] demeurant […]

représenté par Me Yann HERRERA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SASU Sage, prise en la personne de son Président Monsieur D E domicilié en c e t t e q u a l i t é a u d i t s i è g e s o c i a l 1 0 , p l a c e d e B e l g i q u e – 9 2 2 5 0 L A GARENNES-COLOMBES


N° SIRET : 313 966 129

représentée par Me Joy DELANNAY substituant Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie Masson, conseiller chargé d’instruire l’affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame O P-Q, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :


- contradictoire


- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur B X, né en 1971, a été engagé par la société API, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 avril 1994 en qualité de programmeur, puis chef de projet.


Au cours de l’année 2009, le contrat de travail de M. X a été transféré à la SAS Sage, au sein de laquelle M. X a occupé les fonctions de manager de proximité puis « quality assurance manager ».


Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de SYNTEC.


Par lettre datée du 2 janvier 2017, M. X a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 janvier suivant ; il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 20 janvier 2017.


Le 16 mai 2017,M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux en contestation de son licenciement et paiement de diverses sommes.


Par jugement prononcé le 8 juin 2018, le conseil de prud’hommes a statué ainsi qu’il suit :


- juge que le licenciement de Monsieur B X a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse ;


- déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts ;


- déboute également les deux parties de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamne M. X aux dépens.

M. X a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 18 juin 2018.
Par dernières conclusions communiquées le 17 septembre 2018 par voie électronique, Monsieur B X demande à la cour de :


Vu l’article 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de la cause,


- infirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que le licenciement de Monsieur B X avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse,

* débouté Monsieur B X de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a condamné aux dépens ;


- condamner la société Sage à verser à M. X la somme de 178.770 euros en réparation du préjudice subi ;


- condamner la société Sage à verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures communiquées le 17 décembre 2018 par voie électronique, la société Sage demande à la cour de :


A titre principal,


- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux ;


- dire que le licenciement pour faute de M. X est justifié ;


En conséquence,


- débouter M. X de l’ensemble de ses demandes.


A titre subsidiaire,


- limiter le quantum des dommages et intérêts sollicités par M. X à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire, soit 27.060 euros bruts,


A titre reconventionnel,


- condamner M. X à verser à la société la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner M. X aux dépens.


Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION


Il est constant en droit que, en vertu de l’article L.1232-1 du code du travail et de l’article L.1235-1 du même code dans sa version applicable au litige, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu’en cas de litige relatif au licenciement, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, étant précisé que l’employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, de sorte que seuls les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent être examinés par le juge pour l’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement ; que le doute qui subsiste profite au salarié.


L’article 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction ici applicable, dispose :

« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.


Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.»


Au visa de ces textes, M. X fait grief au jugement déféré d’avoir retenu que son licenciement avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse. L’appelant soutient que l’employeur ne rapporte pas la preuve du fait, qualifié de faute, visé dans la lettre de licenciement ; il ajoute que son licenciement est intervenu dans un contexte de réduction des effectifs et alors que, bénéficiant d’une ancienneté de plus de 22 ans, il n’a jamais fait l’objet d’un quelconque reproche.


La cour rappelle que la lettre recommandée avec accusé de réception qui notifie le 20 janvier 2017 son licenciement à M. X vise une seule faute, ainsi énoncée :

« Le 05 décembre 2016 à 10h30, vous étiez au téléphone dans une salle de réunion que vous aviez réservée jusqu’à cet horaire.

Monsieur F Y, Directeur Commercial Enterprise Market, avait réservé cette même salle à partir de 10h30 pour une réunion avec le Comité de Direction de la société en webex.

Il vous a donc fait signe pour vous signifier qu’il attendait de pouvoir entrer dans la salle.

A 10h37, alors que vous étiez toujours au téléphone dans la salle, Monsieur Y est entré en silence pour commencer à s’installer dans la mesure où sa réunion avait déjà débuté.

Vous avez immédiatement réagi avec colère, ordonnant à Monsieur Y de sortir de la salle sur un ton particulièrement agressif avant de préciser que vous étiez manager en adoptant un ton menaçant.

Monsieur Y, Directeur Commercial Enterprise Market, vous a répondu qu’il avait une réunion webex d’une importance particulière avec le Comité de Direction du service commerce et Monsieur G H Directeur Général de la société.

Surpris du débordement d’horaires que vous estimiez justifié du fait de votre statut de manager et du ton que vous employiez, Monsieur F Y vous a alors indiqué qu’il était lui-même manager.

Pris de colère, vous vous êtes alors levé et avez agressé physiquement Monsieur Y. Vous l’avez attrapé par la veste et l’avez poussé. Lorsque Monsieur Y a récupéré ses affaires dans la salle pour en sortir, vous avez bloqué la porte pour l’empêcher de sortir, forçant sur la porte pendant plusieurs instants alors que Monsieur Y essayait de sortir de la salle.

Vous avez finalement laissé Monsieur Y sortir de la salle et n’avez libéré la salle qu’une vingtaine de minutes plus tard.

Plus tard dans la matinée, vous avez échangé par téléphone avec votre manager Monsieur I J, et avez reconnu au cours de cet échange que vous n’aviez pas gardé votre calme.

Ainsi, vous avez non seulement adopté une attitude et des paroles menaçantes et violentes envers un supérieur hiérarchique et membre du Comité de direction de la société, mais de surcroît, vous avez fait preuve de violence physique à son encontre.

Cet acte de violence est inacceptable et absolument intolérable de la part d’un collaborateur de la société et a fortiori d’un manager.

En effet, en vous laissant emporter à la violence par un accès de colère injustifié, vous démontrez votre incapacité à faire preuve de contrôle de soi, qualité pourtant essentielle tant pour assurer vos missions de manager que pour entretenir des relations de travail normales et respectueuses avec l’ensemble de vos interlocuteurs professionnels.

Ce comportement contrevient directement à l’une des obligations les plus fondamentales de tout collaborateur, celle de ne pas mettre en danger les autres travailleurs


Pour étayer ce fait précis, la société Sage produit aux débats le courriel adressé 25 minutes après l’altercation par F Y à M K L, directeur des ressources humaines Europe du Sud, qui relate : « J’ai eu à 10 h 30 une altercation sévère avec un collègue (B X). Je suis rentré dans une salle à 10 h 32 réservée pour moi à 10 h 30 pour le Fast Start Meeting. M. X m’a dit qu’il finissait. J’y suis retourné à 10 h 37 pour poser mon PC car je ne pouvais pas tout tenir à la fois, en faisant silence pour ne pas le gêner. Il m’a dit "tu sors, je finis d’abord, tu sors !«   »Je suis manager !« puis m’a littéralement agressé physiquement pour me sortir de la salle. Je lui ai dit »et alors, moi aussi je suis manager" et qu’il perdait le contrôle et il m’a ce coup-ci empêché de ressortir, en proie à une attitude menaçante. Je juge son comportement inacceptable et sa réaction violente. Il y avait des témoins sur le plateau. Je ne sais pas quelle suite il faut donner à ceci, suis encore sous le coup de l’émotion, là, mais je voulais que tu le saches.»

M. Y a, deux minutes plus tard, adressé également un mail à un supérieur hiérarchique de M. X pour lui demander un entretien le plus rapidement possible.


G H, vice président exécutif de la société pour l’Europe du Sud, également destinataire en copie du message électronique de M. Y, a été témoin auditif de l’incident


-puisqu’une connexion était établie en vue de la réunion pour laquelle M. Y avait réservé la salle- et rapporte ainsi les faits dans un courriel adressé à M. K L une heure après l’altercation : « Nous avons tous (Z, A, Greg, Natalia…) été témoins auditifs de cette attitude que je juge parfaitement inacceptable, B s’étant présenté lui-même (« Je suis B X et je suis manager » a-t-il dit avant de demander à son interlocuteur (F ') de sortir sur un ton autoritaire "alors maintenant tu sors !")»


Il apparaît que M. X lui-même a souhaité relater l’incident à son supérieur hiérarchique, I J, dès 11 h le 5 décembre 2016, ce en admettant qu’il avait perdu son calme puis, à 14 h 32, a présenté ses excuses à M. Y par message électronique en reconnaissant qu’il avait manifesté un comportement « disproportionné ».


Enfin, Yseult de La Villarmois, directrice des ressources humaines, a recueilli l’audition de M. Y qui confirme que M. X a d’emblée paru hors de contrôle, l’a une première fois empoigné par le col et une deuxième fois l’a plaqué contre la porte.


Ces éléments sont suffisants à établir que M. X a agressé verbalement et physiquement un autre salarié de l’entreprise, ce dont plusieurs personnes ont été témoins, en particulier le Directeur général ; est donc inopérant l’argument développé par l’appelant selon lequel l’employeur aurait dû procéder à l’audition des personnes présentes sur le plateau en « open space » sur lequel est située la salle « Sauternes » au sein de laquelle a lieu l’incident, le fait précis et matériellement vérifiable qui fonde le grief à l’appui du licenciement disciplinaire étant établi dans son déroulement et dans sa gravité par l’employeur qui justifie ainsi la réalité de la faute reprochée au salarié, lequel n’entre pas dans le détail du déroulement des faits et ne produit aucun élément qui viendrait contrebattre ceux qui ont été apportés par l’intimée en ce qui concerne ces actes d’agression.


La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. X avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse et a débouté celui-ci de ses demandes ; elle confirmera également les chefs dispositifs accessoires relatifs aux frais irrépétibles et à la charge des dépens de première instance.


Y ajoutant, la cour laissera à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en cause d’appel et condamnera M. X à payer les dépens.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,


Confirme le jugement prononcé le 8 juin 2018 par le conseil de prud’hommes de Bordeaux.


Y ajoutant,


Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Condamne Monsieur B X à payer les dépens.


Signé par Madame O P-Q, présidente, présidente et par A.-Marie Lacour-N, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


A.-Marie Lacour-N O P-Q
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Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 janvier 2022, n° 18/03477